16. Item 117 – Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des antiphospholipides
◗ Diagnostiquer un lupus érythémateux disséminé et un syndrome des antiphospholipides.
• Le lupus érythémateux systémique (LES) est très hétérogène dans sa présentation clinique.
• Les manifestations dermatologiques sont d’une grande aide diagnostique, certaines font partie des critères diagnostiques internationaux.
• Les signes cutanés « spécifiques » sont presque toujours déclenchés ou aggravés par l’exposition solaire.
• Les variantes de lupus discoïde (le plus souvent) et de lupus cutané subaigu (dans la moitié des cas) peuvent rester isolées ou pauci-symptomatiques sans évoluer vers un LES.
• Les signes cutanés « spécifiques » sont en règle très sensibles aux antipaludéens de synthèse et à la photoprotection.
• Les signes cutanés vasculaires (en particulier livedo, purpura, ulcère) sont souvent associés à un syndrome des antiphospholipides.
• Les atteintes rénales sévères et les manifestations neurologiques dominent le pronostic.
• La présence d’anticorps anti-ADN natif est l’élément clé du diagnostic biologique.
• Le traitement doit être adapté à la gravité de la maladie.
Prototype des maladies auto-immunes non spécifiques d’organe, le lupus érythémateux disséminé ou LES (voir lupus érythémateux systémique)lupus Lupusérythémateux systémique (LES)érythémateux systémique (LES) est une connectivite fréquente et d’expression clinique très variable, caractérisée par la production d’anticorps antinucléaires et particulièrement d’anticorps anti-ADN natif. Il peut être associé à la présence d’un anticorps antiphospholipides (APL) et à son corollaire clinique, le syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL) caractérisé par des thromboses récidivantes.
Le LES survient dans 85 % des cas chez la femme, généralement en période d’activité génitale.
La prévalence (15 à 50 cas pour 100 000) est plus élevée chez les sujets noirs.
Pathogénie
Le LES résulte d’interactions probables entre des gènes de susceptibilité et des facteurs d’environnement.
Cette interaction a pour conséquence une réponse immune anormale comportant une hyperréactivité lymphocytaire T et B, qui n’est pas réprimée par les circuits habituels d’immunorégulation, et la production d’anticorps en particulier d’anticorps antinucléaires et d’anticorps anti-ADN.
Prédisposition génétique :
• fréquence accrue de la maladie chez les jumeaux monozygotes ;
• atteinte d’un membre de la famille dans 10 % des cas.
Plusieurs gènes sont probablement impliqués. Les quelques marqueurs mis en évidence ont peu d’intérêt pratique à l’exception de déficits en fraction du complément (C4 essentiellement).
La cause du LES reste inconnue mais divers facteurs favorisent sa survenue et son évolution :
• l’exposition aux ultraviolets, surtout B (280-320 nm) ;
• des médicaments peuvent déclencher un véritable lupus ou induire une maladie apparentée au lupus mais avec des différences cliniques et immunologiques ;
• la prise d’œstrogènes, la grossesse.
L’appartenance au sexe féminin est un facteur de susceptibilité : la prévalence chez les femmes en âge de procréer est 7 à 9 fois supérieure à la prévalence chez les hommes (sex-ratio : 3 femmes pour 1 homme au cours des périodes pré- et post-ménopausiques).
La description d’une forme typique est impossible. Les principales manifestations seront décrites en indiquant leur fréquence. Les atteintes viscérales, qui peuvent toutes révéler la maladie, s’associent lors des poussées à des signes généraux : fièvre, asthénie, amaigrissement.
I. Atteinte cutanée
De nombreuses manifestations dermatologiques sont observées au cours du lupus érythémateux. Elles sont schématiquement classées en trois groupes : les lésions lupiques (histologie évocatrice de lupus), les lésions vasculaires et les autres manifestations.
A. Lésions cutanées spécifiques (tableau 16.I)
Les lésions lupiques principalement observées au cours du LES sont des lésions de lupus érythémateux aigu. Les lésions de lupus subaigu ou chronique sont plus rares. Ces différents types de lupus cutané peuvent être associés chez un même malade. Ils diffèrent par leur aspect clinique, histologique et leur évolution.
Type de lupus | Signes cliniques |
---|---|
Lupus érythémateux aigu | Érythème en vespertilio, en « loup » Lésions érosives muqueuses |
Lupus érythémateux subaigu | Lésions annulaires disséminées Lésions psoriasiformes disséminées Photosensibilité |
Lupus érythémateux discoïde | Lésions érythémato-squameuses Évolution atrophiante, dyschromique, cicatricielle |
1. Lupus érythémateux aigu
Les lésions du lupus érythémateux aigu sont caractérisées par un aspect érythémateux, plus ou moins œdémateux ou squameux, plus rarement papuleux (Fig. 16.1 and Fig. 16.2).
Fig. 16.1 |
Fig. 16.2 |
Dans la forme localisée, l’atteinte est située principalement sur les joues et le nez, en vespertilio ou en loup, respectant relativement les sillons nasogéniens et les paupières, s’étendant souvent sur le front, le cou, dans la zone du décolleté avec une bordure émiettée.
Dans la forme diffuse, les lésions prédominent sur les zones photoexposées réalisant une éruption morbilliforme, papuleuse, eczématiforme ou bulleuse. Sur le dos des mains, les lésions lupiques atteignent surtout les zones interarticulaires.
Les lésions muqueuses du lupus aigu sont érosives, principalement buccales (fig. 16.3).
Fig. 16.3 |
Le diagnostic différentiel se pose avec :
• la rosacée (item 232) ;
• la dermatite séborrhéique (item 232) ;
• la dermatomyosite qui prédomine au visage, sur les paupières supérieures, de couleur lilacée avec un œdème généralement plus important et aux mains, sur les zones articulaires.
Les formes disséminées peuvent faire évoquer un eczéma ou une éruption virale.
2. Lupus érythémateux cutané subaigu
Des lésions de lupus cutané subaigu sont observées dans 7 à 21 % des LES, notamment en présence d’anticorps anti-Ro/SSA.
Les lésions sont érythémateuses, maculeuses ou papuleuses évoluant :
• soit vers des lésions annulaires à contours polycycliques avec une bordure érythémato-squameuse ;
Elles prédominent sur les zones photoexposées de la moitié supérieure du corps.
Elles peuvent être induites par certains médicaments (thiazidiques, inhibiteurs calciques).
Le diagnostic différentiel peut être :
3. Lupus érythémateux discoïde
Les lésions cutanées de type lupus érythémateux discoïde sont observées dans 15 à 25 % des LES.
Elles sont le plus souvent isolées, sans aucune manifestation viscérale. En l’absence d’anomalies biologiques franches, la probabilité que des lésions de lupus érythémateux discoïde annoncent la survenue d’un LES est très faible.
Il s’agit de plaques bien limitées associant trois lésions élémentaires :
• érythème, surtout net en bordure, parcouru de fines télangiectasies ;
• squames folliculaires ;
Les lésions souvent multiples et symétriques prédominent au visage, prenant parfois une disposition en aile de papillon.
L’atteinte des oreilles et du cuir chevelu est possible (fig. 16.6).
Fig. 16.6 |
4. Autres aspects
D’autres aspects sont plus rarement observés au cours du LES :
• le lupus tumidus se manifeste par des lésions érythémateuses, infiltrées, non squameuses ;
• le lupus à type d’engelures des extrémités ;
• la panniculite lupique débutant par des nodules et laissant une atrophie cicatricielle sur les bras et les cuisses.
a. Aspects histopathologiques
Les lésions sont épidermiques et dermiques : hyperkératose, atrophie épidermique, dégénérescence des kératinocytes basaux, épaississement de la membrane basale, œdème et infiltrat lymphocytaire dermique.
Les lésions sont plus marquées dans les formes discoïdes, parfois minimes dans les autres variantes.
L’étude en immunofluorescence directe d’une lésion lupique met en évidence des dépôts granuleux (par opposition aux dépôts linéaires des dermatoses bulleuses auto-immunes) d’immunoglobulines (lgG, A ou M) et/ou de complément (C1q, C3) à la jonction dermo-épidermique dans 90 % des cas de lupus aigu et chronique et dans 60 % des cas de lupus subaigu.
Ces dépôts sont présents en peau saine dans 30 % des cas de LES.
b. Aspects évolutifs
Les lésions de lupus érythémateux aigu ont une évolution parallèle à celle des poussées systémiques, disparaissant sans cicatrice. Les lésions de lupus cutané subaigu peuvent laisser des macules hypo- ou achromiques séquellaires.
B. Lésions cutanées vasculaires
1. Phénomène de Raynaud (item 327)
Un phénomène de Raynaud est présent chez 15 à 45 % des malades.
Il peut précéder de longue date l’apparition du LES.
Il ne justifie que rarement un traitement spécifique.
L’apparition d’une nécrose digitale doit faire suspecter une thrombose ou une vasculite associée.
2. Livedo
Le livedo est significativement associé à la présence d’anticorps antiphospholipides, à l’atteinte cardiaque et aux manifestations vasculaires ischémiques cérébrales.
Il est diffus, à mailles fines non fermées, formant des cercles incomplets (livedo racemosa ou ramifié), localisé sur les membres et le tronc.
La biopsie cutanée est d’intérêt limité.
3. Purpura (item 330)
Le purpura peut témoigner d’une vasculite ou de lésions thrombotiques : plus les lésions sont nécrotiques, plus le risque de thrombose est important (justifiant la recherche d’anticorps antiphospholipides).
4. Ulcères de jambe (item 137)
Les ulcères de jambe, présents chez environ 3 % des malades, sont rarement secondaires à une atteinte des troncs profonds (Doppler artériel et veineux).
Il s’agit le plus souvent d’ulcères superficiels par vasculite ou plus souvent thrombose cutanée (anticorps antiphospholipides).
5. Vasculite urticarienne
Les lésions d’urticaire, notées dans 4 à 13 % des cas, correspondent histologiquement à une vasculite leucocytoclasique des vaisseaux superficiels dermiques et sont généralement associées à une baisse du complément.
6. Autres lésions vasculaires
On peut aussi observer un érythème palmaire, des télangiectasies periunguéales et des hémorragies en flammèches sous-unguéales.
Des aspects d’engelure sont parfois observés : lupus engelure.
II. Atteintes viscérales
A. Manifestations rhumatologiques
Souvent inaugurales, elles sont presque constantes et au premier plan, qu’il s’agisse d’arthromyalgies ou plus souvent d’arthrites vraies (75 %). Ces arthrites évoluent sur un mode variable :