13. Item 114 – Allergies cutanéo-muqueuses chez l’enfant et l’adulte : dermatite (ou eczéma) atopique
◗ Diagnostiquer une dermatite atopique chez l’enfant et chez l’adulte.
◗ Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
• La prévalence de la dermatite atopique est en augmentation constante en Europe.
• La DA est un des composants de la « maladie atopique » avec la conjonctivite allergique, la rhinite allergique et l’asthme.
• Le prurit est un symptôme clé de la DA : il en entretient les lésions.
• La sécheresse cutanée (xérose) est également un élément majeur de la DA.
• Entre 15 et 30 % des patients ont des mutations hétérozygotes « perte de fonction » pour le gène de la filaggrine, protéine synthétisée par les kératinocytes des couches supérieures de l’épiderme, qui participe à l’hydratation cutanée (facteur naturel d’hydratation). Les mutations bi-alléliques du gène de la filaggrine entraînent une absence totale d’expression qui cause l’ichtyose vulgaire.
• La topographie caractéristique des lésions de DA varie avec l’âge :
– convexités chez le nourrisson ;
– plis de flexion des membres chez l’enfant plus âgé et l’adulte.
• Toute aggravation brutale des lésions cutanées de DA doit faire évoquer une infection à staphylocoque ou à herpès virus.
• Les dermocorticoïdes sont le traitement de référence de la DA.
Le texte officiel est la conférence de consensus :Prise en charge de la dermatite atopique de l’enfant, 2004. Texte court des recommandations (http://sfdermato.com).
La dermatite atopique (DA), ou eczéma atopique, est une dermatose inflammatoire chronique et prurigineuse survenant chez des sujets génétiquement prédisposés et favorisée par des facteurs d’environnement.
Définition
L’atopie est une prédisposition personnelle et/ou familiale d’origine génétique à produire des anticorps d’isotype IgE lors de l’exposition à des allergènes environnementaux (acariens, poils ou salive d’animaux, pollens, aliments…).
Différents organes cibles peuvent être simultanément ou successivement atteints chez un individu ou dans une famille : DA (peau), asthme (bronches), rhinite (ou rhinoconjonctivite) allergique (muqueuses ORL et ophtalmologique), allergie alimentaire (muqueuse digestive).
L’eczéma atopique est différent des autres formes d’eczéma, en particulier de l’eczéma de contact, qui peut survenir en dehors de tout terrain atopique par sensibilisation à un allergène en contact avec la peau.
Physiopathologie
La DA correspond au développement d’une réponse immunitaire qui résulte de l’interaction entre :
• des facteurs environnementaux et inflammatoires ;
• un terrain génétique prédisposant lié en particulier à des anomalies de la barrière cutanée.
Facteurs génétiques
• Cinquante à soixante-dix pour cent des patients atteints de DA ont un parent au premier degré atteint d’une DA, d’un asthme ou d’une rhinite allergique.
• Maladie polygénique, avec des anomalies génétiques de la barrière cutanée : composant majeur de la prédisposition. Quinze à trente pour cent des patients ont des mutations hétérozygotes « perte de fonction » du gène de la filaggrine, identiques à celles qui causent l’ichtyose vulgaire à l’état homozygote. Le fait que tous les patients atteints d’ichtyose vulgaire n’aient pas de DA montre qu’il s’agit d’un facteur nécessaire mais non suffisant pour développer la maladie. Cette même prédisposition génétique existe chez les patients atteints d’asthme allergique qui ont eu de l’eczéma, ce qui souligne le rôle de la peau dans la sensibilisation aux allergènes.
Facteurs immunologiques
• Réaction d’hypersensibilité retardée qui met en jeu les lymphocytes T et les cellules présentatrices d’antigènes.
• Libération de cytokines dans la peau, par les lymphocytes activés, qui est responsable des lésions d’eczéma.
• Éventuels allergènes environnementaux qui sont potentiellement responsables mais non connus.
• La DA n’est pas liée à une allergie alimentaire, mais peut rarement s’y associer, notamment chez le nourrisson. L’allergie alimentaire aux protéines du lait de vache, la plus fréquente chez le nourrisson, aggrave rarement la DA.
Anomalies de la barrière épidermique
Épidémiologie/facteurs environnementaux
Elle se rencontre chez 10 à 20 % des enfants dans les pays industrialisés à niveau socioéconomique élevé où il existe un doublement de sa prévalence en une vingtaine d’années.
Elle est à l’origine de la « théorie hygiéniste » qui propose que la diminution de l’exposition aux agents infectieux (liée à l’amélioration des conditions d’hygiène et de santé dans ces pays) soit responsable de modifications de la régulation du système immunitaire inné, en déviant les réponses immunitaires dans le sens de l’allergie. Par ailleurs les agressions de la peau et les habitudes de lavage plus prononcées depuis la fin du siècle dernier pourraient favoriser la révélation de la maladie.
Corrélations anatomocliniques
L’eczéma atopique se traduit par une atteinte épidermique prédominante avec afflux de lymphocytes T (exocytose) et un œdème intercellulaire (spongiose) réalisant des vésicules microscopiques.
I. Diagnostic positif
Le diagnostic de la DA est clinique (+++). Aucun examen complémentaire n’est nécessaire.
La DA (comme tout eczéma) est une dermatose vésiculeuse. Les vésicules sont en fait exceptionnellement visibles macroscopiquement. Leur rupture à la surface de la peau est responsable du caractère suintant et croûteux des lésions.
Dans un second temps, le grattage chronique est responsable d’un épaississement de l’épiderme (lichénification).
Les critères diagnostiques les plus utilisés (Williams) sont :
• le prurit (critère obligatoire) ;
• et au moins trois des critères suivants :
– début avant deux ans,
– antécédents de lésions des convexités,
– antécédents personnels d’asthme ou de rhinite allergique,
– peau sèche généralisée,
– lésions d’eczéma des plis.
A. Nourrisson et jeune enfant (jusqu’à deux ans)
La DA apparaît habituellement dans la première année de vie, en général vers 3 mois, parfois plus tôt.
Le pruritPrurit est souvent important et responsable de troubles du sommeil.
Le grattage n’est pas toujours évident chez le tout petit et se manifeste par des mouvements équivalents (frottement des joues contre les draps et les vêtements, agitation et trémoussement au déshabillage).
1. Aspect des lésions
L’aspect des lésions est variable selon le moment de l’examen : la DA évolue par poussées sur un fond de sécheresse cutanée permanent. Dans les formes sévères de la maladie, l’évolution peut être continue.
Les lésions sont aiguës, mal limitées, érythémateuses, suintantes puis croûteuses.
Les formes mineures et chroniques, en dehors des poussées aiguës, sont peu inflammatoires et responsables d’une rugosité cutanée (sécheresse ou xérose) des convexités.
2. Topographie des lésions
Elles atteignent de façon symétrique les zones convexes du visage (avec un respect assez net de la région médio-faciale) et des membres (Fig. 13.1 and Fig. 13.2).
Fig. 13.1 |
Fig. 13.2 |
L’atteinte du tronc et des plis est possible dans les formes étendues.
Sous les couches le siège est habituellement épargné.
B. Chez l’enfant de plus de deux ans
Les lésions sont plus souvent localisées :
• aux plis (coudes, creux poplités, cou et fissures sous-auriculaires très fréquentes) (fig. 13.3) ;
Fig. 13.3 |
• dans certaines zones « bastion » (mains et poignets, chevilles, mamelons) où elles persistent de façon chronique et parfois isolée.
Le caractère chronique des lésions et du grattage est responsable de la lichénification et des excoriations.
Des poussées saisonnières se produisent avec le plus souvent une aggravation en automne et hiver ; et une amélioration a lieu durant la période estivale.
Au visage, des lésions hypopigmentées, parfois rosées, finement squameuses sont fréquemment observées en particulier l’été : « eczématides » ou « dartres achromiantes » (pityriasis alba). Elles peuvent être plus diffuses, siégeant là où la DA est la plus active. Elles régressent toujours et sont souvent attribuées à tort aux dermocorticoïdes.
La xérose cutanée est quasi constante, plus marquée en hiver.
C. Chez l’adolescent et l’adulte
La DA persiste chez le grand enfant surtout dans les formes modérées à sévères, et s’aggrave à l’adolescence.
Elle garde en général le même aspect que chez l’enfant de plus de 2 ans.
Les autres formes possibles sont :
• un tableau de prurigo (papules prurigineuses excoriées), prédominant aux membres ;
• ou une érythrodermie.
Un début tardif à l’âge adulte est possible mais rare et doit faire éliminer une autre dermatose prurigineuse ; il requiert souvent un avis spécialisé (gale, eczéma de contact, lymphome cutané T…).
D. Arguments diagnostiques
Ce sont notamment les antécédents d’atopie chez un parent au premier degré.
Chez le grand enfant, il existe parfois des antécédents personnels d’allergie alimentaire, d’asthme ou de rhinoconjonctivite allergique.
II. Diagnostic différentiel
A. Chez le nourrisson
Il faut éliminer d’autres dermatoses parfois « eczématiformes » : dermatite séborrhéïque (ou psoriasis du nourrisson), galeGale.
Le diagnostic est clinique ; une biopsie cutanée n’est en pratique jamais nécessaire.