Interventions psychologiques en entreprise et résolution de problèmes : les méthodes comportementales et cognitives (MCC)

6 Interventions psychologiques en entreprise et résolution de problèmes


les méthodes comportementales et cognitives (MCC)



C. Cungi








Principes de bases : une communication efficace et les critères de Carl Rogers



Communication efficace


Une communication efficace [7] est au cœur du rapport collaboratif. Une communication est efficace quand les messages émis correspondent le plus possible aux messages reçus et cela nécessite une observation attentive des facteurs en cause dans la relation : souvent, ce qui est dit ne correspond pas exactement à ce que pense l’émetteur, et souvent, ce qui est entendu ne correspond pas à ce qui a été dit par l’interlocuteur.


La première étape est de savoir écouter : « D’écouter ? C’est pourtant ce qu’il y a de mieux pour bien entendre… » écrivait Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais dans le Barbier de Séville [8]. L’écoute se fait à trois niveaux :





Durant cette étape il s’agit également d’encourager le plus possible l’interlocuteur à parler, avec de petits signes non verbaux indiquant que vous écoutez, par exemple regarder, hocher la tête, ceci afin de mettre à l’aise la personne afin qu’elle apporte le maximum de renseignements utiles.


Enfin, il est souvent important de clarifier le message : ai-je bien compris ce qu’a dit mon interlocuteur et a-t-il bien compris ce que j’ai dit. Dans ce cas, le mieux est tout simplement de vérifier par une demande directe.


La seconde étape est de verbaliser clairement ses idées, avec des composantes non verbales adaptées : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement – Et les mots pour le dire arrivent aisément » (Nicolas Boileau) [9].


Le rapport collaboratif fréquemment s’installe simplement avec une communication efficace.



Critères de Carl Rogers


Carl Rogers, un remarquable psychologue américain, a développé l’approche centrée sur la personne [10], laquelle insiste sur l’empathie comme dimension essentielle pour établir la relation psychothérapique. Cela est à notre avis vrai pour toute relation humaine, y compris dans les milieux professionnels.


En suivant ses travaux, nous définissons quatre critères nécessaires pour établir un rapport collaboratif : l’empathie, l’authenticité, la chaleur humaine et le professionnalisme.



Les quatre critères du rapport collaboratif


L’empathie est l’aptitude à bien percevoir la réalité que vit l’interlocuteur, par exemple son état émotionnel (ainsi s’il est irrité, il y a une forte probabilité qu’il ait du mal à écouter), la situation dans laquelle il se trouve (par exemple la quantité de travail qu’il doit assumer), son niveau de compétence par rapport au problème à régler ou au projet à développer. C’est aussi savoir restituer à la personne si cela est utile ce que nous avons compris de sa réalité.


L’authenticité est l’aptitude pour se sentir « confortable » dans les situations relationnelles, mais aussi avec ses propres perceptions, sentiments et pensées, y compris quand il s’agit d’un malaise. « Être à l’aise avec son malaise » est utile, surtout quand l’interlocuteur n’est pas d’accord, agressif ou lui-même en difficulté. Cela se rencontre dans des situations comme recevoir une critique ou faire une critique à autrui ou pour accomplir une mission très désagréable comme annoncer un licenciement.


La chaleur humaine, c’est l’aptitude à trouver l’interlocuteur sympathique, au sens commun du terme, c’est-à-dire agréable. Il vaut mieux en effet trouver ses collaborateurs le plus sympathiques possible pour développer l’envie de travailler ensemble.


Le professionnalisme, c’est tout d’abord disposer d’un statut clair, lequel définit la fonction, par exemple, manager, assistante de direction, directeur des ressources humaines.


C’est aussi disposer de compétences pour occuper le poste. Parmi ces compétences, les aptitudes pour établir un rapport collaboratif, pour animer une équipe, pour désamorcer les conflits, pour donner des directives de manière affirmée, sont essentielles.


De manière générale, plus nous développons de l’empathie, de l’authenticité et de la chaleur humaine, plus il est important d’être professionnel, et plus nous sommes professionnels, plus il est utile d’être empathique, authentique et chaleureux, un « versant renforce l’autre ».



Techniques d’entretien


Les techniques d’entretiens sont les outils pour établir un bon rapport collaboratif et mettre en place un fonctionnement en équipe. Elles sont nombreuses : entretien motivationnel, questionnement socratique, méthode des quatre R, technique d’affirmation de soi, et elles sont toutes efficaces en fonction des objectifs visés. Nous présenterons brièvement la méthode des 4 R et les techniques d’affirmation de soi. Pour de plus amples renseignements, nous renvoyons le lecteur aux références bibliographiques [6,7].



Méthode des 4 R [6]


Dans cette méthode, il s’agit d’entraîner quatre savoir-faire : savoir re-contextualiser, savoir reformuler, savoir résumer, savoir renforcer et ceci dans n’importe quel ordre.




Reformuler


Il existe trois types de reformulation efficaces : la reformulation répétition, la reformulation précision des termes, la reformulation hypothèse.


La plus simple, et probablement la meilleure, est la reformulation répétition dans laquelle nous répétons exactement ce que l’interlocuteur vient de dire, avec ses propres mots. Dans ce cas la personne écoute en « miroir » ce qu’elle vient de dire. La répétition est un instrument très puissant pour que la personne avec qui vous parlez se sente comprise. Il est important de surmonter les réticences habituelles à répéter exactement de peur de la réaction négative de l’interlocuteur : il s’agit d’une crainte fréquente, mais cette réaction n’arrive pratiquement jamais !


La reformulation précision des termes consiste à aider votre interlocuteur à préciser sa pensée. Généralement il vaut mieux commencer par une simple répétition puis poser une question de re-contextualisation. Par exemple : « Je ne vais pas avoir le temps de tout finir ! » « Vous n’allez pas avoir le temps de tout finir [Répétition]. Quel est le travail que vous craignez de ne pas terminer ? » [Précision des termes].


La reformulation hypothèse consiste à partager avec votre interlocuteur une hypothèse concernant ce qu’il vient de vous dire, afin de vérifier s’il est d’accord. Par exemple « Ma collègue ne m’a pas dit bonjour… » « Votre collègue ne vous a pas dit bonjour [Répétition]. Est-ce que cela veut dire qu’elle vous en veut ? » [Hypothèse]. « Non, elle est comme ça… Elle ne dit pas bonjour ni au revoir… Je pense que ce n’est pas dans ses habitudes… » [Votre interlocuteur invalide l’hypothèse]. Dans ce dernier cas, il vaut mieux être au courant de ce pense exactement la personne avant de poursuivre sur une fausse piste.





Techniques d’affirmation de soi


Les techniques d’affirmation de soi ont fait la preuve scientifique de leur efficacité depuis les années 1970 [7]. Le « cahier des charges » de l’affirmation de soi est de pouvoir verbaliser un avis, une demande, une réponse, de savoir engager, poursuivre ou arrêter une conversation, mais également de savoir faire et recevoir les critiques ou les compliments tout en gardant la meilleure relation possible avec l’interlocuteur et en se sentant bien après. Le plan général d’une bonne affirmation de soi comporte sept étapes :









Ce plan s’adapte pour chacune des situations relationnelles. Par exemple, si nous recevons une critique négative, le plan sera :









Toute affirmation de soi se fait avec la règle des « trois Ne pas » : Ne pas expliquer, ne pas se justifier, ne pas dériver. Les « trois Ne pas » sont remplacés par donner l’information utile. Pour plus d’informations concernant l’affirmation de soi, nous renvoyons le lecteur à la bibliographie [7].



Analyse fonctionnelle


Le but de l’analyse fonctionnelle est de conceptualiser un problème de manière à définir des objectifs concrets et évaluables. C’est une étape indispensable et l’efficacité des méthodes qui sont appliquées en dépend considérablement : toutes les situations n’indiquent pas les mêmes méthodes et simplement appliquer des recettes diminue l’efficacité avec le risque d’aggraver un problème ou de ne pas atteindre un objectif. Prendre le temps de bien comprendre n’est jamais du temps perdu, y compris dans les situations urgentes : la précipitation est l’ennemie de l’urgence !


L’analyse fonctionnelle doit être collaborative. Elle est réalisée habituellement plusieurs fois : avec le client qui prend contact, puis avec le prescripteur et enfin avec les personnes qui bénéficient directement des méthodes. Classiquement deux dimensions sont à prendre en compte avant d’établir une synthèse : la synchronie et la diachronie.


La synchronie explore « ici et maintenant » de quelle manière les personnes concernées par un projet ou un problème interagissent. La diachronie explore l’histoire du projet ou du problème. Dans le cas de l’entreprise, les méthodes classiques utilisées en psychothérapie, comme la grille SECCA de Cottraux [4], le modèle de Fontaine et Ylieff [11], ou la méthode des cercles de Cungi [12] ont été modifiées de manière à bien conserver la synchronie et la diachronie tout en étant plus adaptées aux objectifs de l’intervention. Un exemple complet d’intervention illustre plus loin l’application de la méthode.



Étapes



Première étape : définition de la commande, la demande et le problème


La commande correspond aux motifs de l’intervention : quelles sont les raisons qui justifient l’intervention, dans quelles circonstances et qui a pris contact. Il s’agit du « bon de commande ».


La ou les demandes, correspondent à ce que demandent effectivement la ou les personnes concernées.


Le problème correspond à ce que nous allons effectivement traiter et ce qui sera mieux défini au fur et à mesure que l’analyse fonctionnelle se développe. Très souvent la commande ne correspond pas aux demandes ni aux problèmes. Par exemple, dans le cadre d’une demande de consultation par une entreprise, la commande peut être portée par la direction des ressources humaines pour un problème de « stress et de souffrance au travail » sous la pression des événements. Dans le meilleur des cas, les demandes explicites des ressources humaines et des employés peuvent être similaires : pour les ressources humaines, ce peut être de mieux comprendre de qui se passe pour mieux prévenir les risques, pour les employés et les syndicats, de fournir les informations et les suggestions utiles. Le problème à traiter découle alors de ces bonnes volontés car la collaboration sera assez facile à mettre en place : la poursuite de l’analyse fonctionnelle aura comme objectifs d’optimiser les ressources pour mieux prévenir le risque et améliorer la performance… Ce cas de figure existe mais souvent les circonstances ne sont pas si idéales. Dans le pire des cas, l’objectif des ressources humaines peut être simplement de « faire quelque chose » afin de ne pas être mises en défaut, celui des salariés peut être d’obtenir des compensations, voire de régler des comptes, et tous les intermédiaires sont possibles. Le problème sera alors d’évaluer la marge de manœuvre pour intervenir et si cela est possible ! Dans ce dernier cas de figure, la commande ne correspond pas aux demandes ni les demandes et la commande au problème.



Deuxième étape : définir le mandat


Après l’application de la méthode commande, demande, problème, il est possible de définir clairement les mandats et, en fonction des mandats, de décider si nous poursuivons la résolution de problèmes ou si nous ne nous engageons pas plus loin.


Deux mandats doivent être précisés : le mandat professionnel et le mandat personnel.


Le mandat professionnel comporte d’une part les tâches liées au statut et d’autre part ce que la personne décide de prendre en charge même si ce n’est pas obligatoire dans le statut.


Par exemple le mandat professionnel d’un manager est d’animer une équipe au travail, ce qui fait partie de ses obligations mais il peut aussi décider d’animer une session d’entraînement à la communication, ce qui n’est pas dans ses obligations habituelles. Il s’engage dans ce cas à être professionnel par rapport à la session de communication, autrement dit à avoir les compétences et à mettre en place les bonnes conditions pour cela.


Le mandat personnel correspond à la motivation personnelle et au plaisir de travailler sur le problème ou le projet. Cet engagement personnel est une ressource importante et a été bien défini par Mihaly Csikszentmihalyi [13] dans le Flow : la perception de son enthousiasme pour l’action en cours.


La définition du mandat professionnel indique si nous disposons des compétences nécessaires et si le projet est compatible avec notre statut ; la définition du mandat personnel permet d’évaluer la motivation pour engager le processus. Plus le mandat professionnel est compatible et plus le mandat personnel est élevé, plus les conditions d’intervention sont bonnes.


À ce stade, il est possible de décider de ne pas aller plus loin : si le problème ne correspond pas au mandat professionnel, si je n’ai pas la compétence nécessaire… Ou tout simplement si l’envie ou la motivation ne sont pas assez importantes.


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May 29, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Interventions psychologiques en entreprise et résolution de problèmes : les méthodes comportementales et cognitives (MCC)

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