6 Interventions psychologiques en entreprise et résolution de problèmes
les méthodes comportementales et cognitives (MCC)
Les méthodes comportementales et cognitives (MCC) qui sont issues des TCC (thérapies comportementales et cognitives) sont utiles dans l’entreprise pour définir les projets, optimiser les ressources humaines, résoudre des problèmes, prévenir les risques et évaluer l’impact des interventions. Les MCC peuvent être employées par le management pour la consultation d’entreprise, le coaching et en médecine du travail. Ce chapitre décrit les quatre étapes qui sont nécessaires pour employer les MCC :
Introduction
L’entreprise est aussi un lieu de vie pour les employés. Des hommes et des femmes travaillent ensemble, doivent coordonner leur action et, si le fait de se sentir bien au travail est un facteur de productivité important [1,2], il n’est pas si facile de mettre en place les conditions pour cela. Comme l’avait déjà montré Elton Mayo en 1929 [3] dans son étude sur les usines Hawthorne de la Western Electric, les facteurs psychologiques et relationnels doivent être pris en compte, sinon le risque de dysfonctionnement, parfois grave, devient majeur.
Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) [4] ont fait la preuve scientifique de leur efficacité thérapeutique [5]. Les méthodes comportementales et cognitives (MCC) qui en sont issues sont également très utiles dans l’entreprise pour définir les projets, pour optimiser les ressources humaines, pour résoudre des problèmes, pour prévenir les risques, et pour évaluer l’impact des interventions.
Les MCC peuvent être employées par le management, pour la consultation d’entreprise, le coaching et en médecine du travail.
Processus
Quatre étapes sont nécessaires pour employer les MCC :
Chacune des quatre étapes est indispensable et les trois premières introduisent la suivante : quand le rapport collaboratif est installé, l’analyse fonctionnelle est menée en collaboration active avec la ou les personnes concernées ; quand l’analyse fonctionnelle est faite, les objectifs sont définis et les méthodes sont appliquées et enfin l’évaluation régulière permet de mesurer l’impact et le cas échéant d’adapter l’analyse fonctionnelle, les objectifs et les méthodes (figure 6.1).
Rapport collaboratif
Un rapport collaboratif [6] existe quand deux ou plusieurs personnes travaillent activement sur un projet ou pour résoudre un problème.
Dans un rapport collaboratif bien installé, les personnes sont centrées sur les objectifs à atteindre plutôt que sur la relation avec autrui (figure 6.2). Les ressources disponibles et les savoir-faire sont alors au service de l’efficacité.
Principes de bases : une communication efficace et les critères de Carl Rogers
Communication efficace
Une communication efficace [7] est au cœur du rapport collaboratif. Une communication est efficace quand les messages émis correspondent le plus possible aux messages reçus et cela nécessite une observation attentive des facteurs en cause dans la relation : souvent, ce qui est dit ne correspond pas exactement à ce que pense l’émetteur, et souvent, ce qui est entendu ne correspond pas à ce qui a été dit par l’interlocuteur.
La première étape est de savoir écouter : « D’écouter ? C’est pourtant ce qu’il y a de mieux pour bien entendre… » écrivait Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais dans le Barbier de Séville [8]. L’écoute se fait à trois niveaux :
La seconde étape est de verbaliser clairement ses idées, avec des composantes non verbales adaptées : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement – Et les mots pour le dire arrivent aisément » (Nicolas Boileau) [9].
Le rapport collaboratif fréquemment s’installe simplement avec une communication efficace.
Critères de Carl Rogers
Carl Rogers, un remarquable psychologue américain, a développé l’approche centrée sur la personne [10], laquelle insiste sur l’empathie comme dimension essentielle pour établir la relation psychothérapique. Cela est à notre avis vrai pour toute relation humaine, y compris dans les milieux professionnels.
Les quatre critères du rapport collaboratif
Le professionnalisme, c’est tout d’abord disposer d’un statut clair, lequel définit la fonction, par exemple, manager, assistante de direction, directeur des ressources humaines.
Techniques d’entretien
Les techniques d’entretiens sont les outils pour établir un bon rapport collaboratif et mettre en place un fonctionnement en équipe. Elles sont nombreuses : entretien motivationnel, questionnement socratique, méthode des quatre R, technique d’affirmation de soi, et elles sont toutes efficaces en fonction des objectifs visés. Nous présenterons brièvement la méthode des 4 R et les techniques d’affirmation de soi. Pour de plus amples renseignements, nous renvoyons le lecteur aux références bibliographiques [6,7].
Méthode des 4 R [6]
Reformuler
La reformulation hypothèse consiste à partager avec votre interlocuteur une hypothèse concernant ce qu’il vient de vous dire, afin de vérifier s’il est d’accord. Par exemple « Ma collègue ne m’a pas dit bonjour… » « Votre collègue ne vous a pas dit bonjour [Répétition]. Est-ce que cela veut dire qu’elle vous en veut ? » [Hypothèse]. « Non, elle est comme ça… Elle ne dit pas bonjour ni au revoir… Je pense que ce n’est pas dans ses habitudes… » [Votre interlocuteur invalide l’hypothèse]. Dans ce dernier cas, il vaut mieux être au courant de ce pense exactement la personne avant de poursuivre sur une fausse piste.
Techniques d’affirmation de soi
Les techniques d’affirmation de soi ont fait la preuve scientifique de leur efficacité depuis les années 1970 [7]. Le « cahier des charges » de l’affirmation de soi est de pouvoir verbaliser un avis, une demande, une réponse, de savoir engager, poursuivre ou arrêter une conversation, mais également de savoir faire et recevoir les critiques ou les compliments tout en gardant la meilleure relation possible avec l’interlocuteur et en se sentant bien après. Le plan général d’une bonne affirmation de soi comporte sept étapes :
Toute affirmation de soi se fait avec la règle des « trois Ne pas » : Ne pas expliquer, ne pas se justifier, ne pas dériver. Les « trois Ne pas » sont remplacés par donner l’information utile. Pour plus d’informations concernant l’affirmation de soi, nous renvoyons le lecteur à la bibliographie [7].
Analyse fonctionnelle
La synchronie explore « ici et maintenant » de quelle manière les personnes concernées par un projet ou un problème interagissent. La diachronie explore l’histoire du projet ou du problème. Dans le cas de l’entreprise, les méthodes classiques utilisées en psychothérapie, comme la grille SECCA de Cottraux [4], le modèle de Fontaine et Ylieff [11], ou la méthode des cercles de Cungi [12] ont été modifiées de manière à bien conserver la synchronie et la diachronie tout en étant plus adaptées aux objectifs de l’intervention. Un exemple complet d’intervention illustre plus loin l’application de la méthode.
Étapes
Première étape : définition de la commande, la demande et le problème
La ou les demandes, correspondent à ce que demandent effectivement la ou les personnes concernées.
Le problème correspond à ce que nous allons effectivement traiter et ce qui sera mieux défini au fur et à mesure que l’analyse fonctionnelle se développe. Très souvent la commande ne correspond pas aux demandes ni aux problèmes. Par exemple, dans le cadre d’une demande de consultation par une entreprise, la commande peut être portée par la direction des ressources humaines pour un problème de « stress et de souffrance au travail » sous la pression des événements. Dans le meilleur des cas, les demandes explicites des ressources humaines et des employés peuvent être similaires : pour les ressources humaines, ce peut être de mieux comprendre de qui se passe pour mieux prévenir les risques, pour les employés et les syndicats, de fournir les informations et les suggestions utiles. Le problème à traiter découle alors de ces bonnes volontés car la collaboration sera assez facile à mettre en place : la poursuite de l’analyse fonctionnelle aura comme objectifs d’optimiser les ressources pour mieux prévenir le risque et améliorer la performance… Ce cas de figure existe mais souvent les circonstances ne sont pas si idéales. Dans le pire des cas, l’objectif des ressources humaines peut être simplement de « faire quelque chose » afin de ne pas être mises en défaut, celui des salariés peut être d’obtenir des compensations, voire de régler des comptes, et tous les intermédiaires sont possibles. Le problème sera alors d’évaluer la marge de manœuvre pour intervenir et si cela est possible ! Dans ce dernier cas de figure, la commande ne correspond pas aux demandes ni les demandes et la commande au problème.
Deuxième étape : définir le mandat
Deux mandats doivent être précisés : le mandat professionnel et le mandat personnel.
Le mandat personnel correspond à la motivation personnelle et au plaisir de travailler sur le problème ou le projet. Cet engagement personnel est une ressource importante et a été bien défini par Mihaly Csikszentmihalyi [13] dans le Flow : la perception de son enthousiasme pour l’action en cours.
La définition du mandat professionnel indique si nous disposons des compétences nécessaires et si le projet est compatible avec notre statut ; la définition du mandat personnel permet d’évaluer la motivation pour engager le processus. Plus le mandat professionnel est compatible et plus le mandat personnel est élevé, plus les conditions d’intervention sont bonnes.