12. Infections gynécologiques basses
J.-M. Bohbot
Les réponses à ces questions ne sont malheureusement pas toujours très simples, et de nos précautions oratoires peuvent naître des situations conflictuelles au sein des couples, mais aussi dans la relation patiente-soignant. Bien entendu, la grande majorité des infections génitales féminines sont bénignes – du moins sur le plan médical -, mais leur répétition est source d’anxiété et a un impact très délétère sur la qualité de vie de la patiente. Plus graves, à la fois d’un point de vue médical et d’un point de vue psychologique, sont ces infections sournoises, quasi occultes, dont l’expression clinique se réduit au minimum : infections à Chlamydia ou à papillomavirus (HPV). Si l’on ajoute la dimension sexuellement transmissible de ces infections, on comprend mieux la détresse exprimée (ou non) par les patientes. Il ne s’agit pas ici d’énumérer la liste des infections gynécologiques de manière exhaustive, mais de voir comment certaines d’entre elles, plus emblématiques que d’autres, retentissent sur la qualité de vie des femmes. Très subjectivement, j’ai choisi la mycose génitale, la vaginose bactérienne et l’herpès génital.
Mycose vulvlovaginale
Quoi de plus banal, au sens médical du terme, que la vulvovaginite mycosique ? Soixante-quinze pour cent des femmes connaîtront au moins un épisode de mycose au cours de leur vie. Diagnostic clinique aisé, traitement rapide et efficace, la vulvovaginite mycosique ne pose aucun problème particulier dans sa forme aiguë et isolée. Cependant, cette infection pourrait être un « excellent » prétexte pour expliquer aux patientes les mécanismes de déclenchement de la majorité des infections gynécologiques. Dégagé des conceptions archaïques de la mycose contractée en piscine, sur la plage, à partir d’un « foyer » digestif (même si le terme « foyer » est une référence exacte à la symptomatologie vulvaire brûlante) ou à la suite d’une prise de contraceptif oral, le médecin peut saisir l’occasion pour brosser un descriptif rapide de l’écosystème vaginal et des conséquences de son déséquilibre. Cette information, même courte, peut permettre de balayer un certain nombre d’idées reçues, colportées de femme en femme, de génération en génération voire par certains médias.
En premier lieu, il est important de redéfinir le terme de mycose. En effet, dans le langage des femmes, le mot « mycose » est galvaudé et devenu synonyme de prurit, de brûlures ou d’inconfort vulvovaginal. Même si la candidose génitale est largement impliquée dans ces symptômes, elle n’est pas la seule étiologie en cause. Donner cette information à nos patientes, c’est justifier un éventuel recours à la biologie en cas de récidive afin de confirmer notre diagnostic et d’expliquer en quoi l’automédication systématique par ovules antifongiques devant tout épisode d’inflammation vulvaire peut être inefficace voire dangereuse.
Le manque d’information est un des griefs essentiels de nos patientes vis-à-vis des consultations. Dans une enquête menée par Louis Harris Médical en 2001 auprès de 2 000 femmes sur les irritations génitales et les mycoses, elles soulignent en majorité un manque d’information sur la cause de leurs troubles, les conséquences ultérieures sur leur propre santé et celle de leur partenaire. Trente pour cent des femmes interrogées déclarent que l’information obtenue auprès de leur pharmacien pallie les carences de la consultation médicale, tant sur les causes de leur problème que sur les mécanismes d’action des produits prescrits. Pourtant, en matière de mycose génitale, l’explication du traitement n’est pas très « time-consuming », comme disent les Anglo-Saxons ! En particulier, les femmes s’étonnent que leur gynécologue ne les prévienne pas que les ovules ou crèmes antimycosiques (qu’elles jugent par ailleurs très efficaces) risquent d’exacerber la symptomatologie en début de traitement. Elles regrettent que le gynécologue n’ait souvent pas pris soin de leur conseiller un produit de toilette apaisant et qu’elles soient contraintes de gérer seule l’inconfort de début de traitement. Pour certaines d’entre elles, cette absence d’information sur les effets secondaires transitoires des antimycosiques les a amenées à interrompre le traitement ou à ne plus l’utiliser lors de récidives.
Comme on le constate, même la prise en charge de la mycose aiguë isolée peut être améliorée par une écoute plus attentive des interrogations des patientes. Mais la situation est sans commune mesure avec celle rencontrée au cours des mycoses récidivantes. Cinq pour cent des femmes sont atteintes de vulvovaginites mycosiques récidivantes (VVMR), soit plus de 6 épisodes par an. Pour ces femmes, une constatation s’impose (toujours d’après l’enquête Louis Harris) : le dialogue gynécologue-patiente s’estompe proportionnellement à la fréquence des récidives mycosiques… Si une partie des femmes atteintes de VVMR considèrent ces récidives comme une fatalité, une réalité liée à leur féminité, voire comme un rite de passage pour accéder à celle-ci, la plupart des patientes vivent très mal ces récidives et le manque d’explication logique à leur déclenchement.
Les enquêtes de qualité de vie en témoignent. Les mycoses récidivantes ont un impact sur la santé des patientes, sur leur vie sociale et sur leur propre image :
– 33 % des femmes se sentent « malades » en permanence, même si les récidives sont espacées ;
– 50 % redoutent la douleur de la crise ;
– 79 % rapportent une répercussion négative sur la vie sexuelle : crainte de déclencher une crise, crainte de la douleur, crainte de contaminer leur partenaire, baisse de la satisfaction sexuelle, etc. ;
Les conséquences sur « l’image de soi » de ces patientes sont encore plus étonnantes, alors que, médicalement, il s’agit d’infections bénignes :
– 24 % ont honte de cette maladie ;
– 32 % se sentent moins physiquement attirantes ;