implants

Les implants

Implants

J. Puget1 (email: puget.j@chu.toulouse.fr), B. Chaminade1 and A. Torres2


1Institut locomoteur, service de chirurgie orthopédique et traumatologique, CHU Rangueil-Toulouse, 1, avenue Jean-Poulhès, TSA 50032, 31059 Toulouse cedex 9

2Hôpital de Gijon, Espagne

Résumé
Après le diagnostic de faillite mécanique d’une prothèse totale de hanche et la décision de révision chirurgicale acceptée par le patient, il est nécessaire de réaliser un bilan préopératoire. Il doit s’attacher à dresser un véritable état des lieux permettant de prévoir le plus précisément possible cet acte opératoire. Le bilan anesthésique doit bien sûr prendre en compte l’état médical général du patient et surtout ses comorbidités, ce qui peut conduire à modifier ou à adapter la prise en charge chirurgicale. Une discussion multidisciplinaire pourra être orientée sous l’angle bénéfice/risque impliquant même le patient ou son entourage.

Le suivi radiologique standard régulier d’une arthroplastie reste l’examen de référence qui objective le diagnostic étiologique de la faillite mécanique mais aussi étudie les implants : leur position anatomique, leur stabilité surtout si l’on possède des clichés successifs, l’usure au niveau du couple de frottement, leur éventuelle rupture, leur identification. À ce titre, le compte rendu opératoire initial est un document complémentaire essentiel pour les reprises unipolaires ou partielles si l’on veut utiliser les possibilités de la modularité apportée par certains types d’implants.

L’ensemble de ces données permet également d’évaluer le type d’exérèse, plus ou moins facile, des implants, ce qui représente un temps important et difficile dans la séquence chirurgicale. C’est le plus souvent la tige qui est à l’origine de ces difficultés.

À la fin de ce bilan préopératoire sur l’état des lieux spécifique lié aux implants, position et difficulté d’exérèse, on pourra définir des objectifs chirurgicaux en intégrant les données de l’état osseux. La tactique mise en œuvre dépendra de l’utilisation et du choix des moyens techniques que nous déclinons dans le chapitre suivant.




Abstract

After diagnosis of mechanical failure of a hip prosthesis, the anaesthesiologist’s check-up and patient agreement for hip revision, a pre-operative evaluation must be carried out. The objective is a thorough analysis of the situation so as to determine the most appropriate surgery.

To plan the operation, it is necessary to study several implant parameters. Simple standard X-rays are generally sufficient. Pantography is mostly used to quantify length disparity of lower limbs due to implants. However, an analysis of regular sequential radiographs, if available, is the most accurate means of establishing hip prosthesis status: positioning compared with the normal anatomy, implant migration, wear from friction components, breakage, types and models of implants, etc. The operative report from the original surgery can be especially useful. In particular situations, fluoroscopy, arthrography, nuclear imaging, tomography or magnetic resonance imaging can occasionally be useful.

On the basis of the above data, it should be possible to determine the difficulty of removing the implants (one or both, or even a part of them when we can use the modularity available with certain implants).

At the end of this evaluation, we should have determined the main operative problems and be ready to define a revision strategy using the technical means listed in the next chapter.


Après l’évaluation anesthésique déjà évoquée, le bilan préopératoire se nourrit de la démarche diagnostique et des éléments d’examens cliniques ou complémentaires qui ont conduit à porter l’indication du changement de la prothèse. Il convient d’ordonner ces éléments et de les utiliser pour, face à chaque situation, trouver les moyens d’obtenir un résultat dont l’objectif est assez univoque : diminution, voire disparition des phénomènes douloureux et amélioration fonctionnelle.

Le bilan préopératoire standard est assez simple, il comprend :


• l’examen clinique à la recherche des signes fonctionnels à corriger : douleur, boiterie, diminution des performances fonctionnelles mais il nécessite de plus l’examen du retentissement des modifications de la hanche sur la marche et sur l’équilibre du bassin que nous avons développé dans la démarche diagnostique (cf. Partie II);


• un bilan d’imagerie que l’on doit utiliser dans le but de définir une stratégie chirurgicale après avoir analysé les implants, leur défaillance, la difficulté de leur exérèse. L’étude de la perte osseuse et les défauts architecturaux ont été rapportés au chapitre précédent.

Cette étude de la situation doit être effectuée de façon systématique afin de mieux cerner les choix stratégiques retenus à partir des moyens à notre disposition. Cette phase est fondamentale, plus elle sera critique et attentive au détail, plus elle simplifiera le temps chirurgical. Ceci ne doit pas conduire à une attitude figée mais à des choix de solutions envisagées qui, pour certains, ne pourront être effectués de façon définitive qu’au temps chirurgical. Cependant, leur évocation en préopératoire a le mérite de prévoir les situations alternatives. Celles-ci, si elles ont été réfléchies, n’apparaîtront au moment de la chirurgie que comme un choix préparé et discuté dont l’application pourra être décidée «en direct». Elles ne constitueront pas alors une «surprise» ou une situation «d’urgence», imprévue, forcément moins attendue et donc moins efficace.

C’est dire tout l’intérêt de cette phase du bilan préopératoire.


Bilan d’imagerie


Il repose sur des clichés simples :



• un cliché de face centré sur la hanche montrant l’intégralité de la PTH avec, s’il existe, la vision complète du bouchon de ciment (figure 2a);








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Figure 2
a. Hanche de face. b. Hanche de profil.



• un cliché de profil de la hanche prothésée avec la vision de la tige entière et du cotyle (figure 2b).

À ces clichés de base peuvent être ajoutés des trois quarts (Judet). Pour notre part, nous utilisons aussi une télémétrie (figure 3) de face afin de contrôler les interlignes articulaires du membre inférieur, les axes et l’attitude du bassin en charge. Nous rappelons que ce cliché comporte plusieurs pièges. S’il existe un flessum difficilement réductible ou induit par la douleur, le patient n’arrive pas à maintenir une position en extension. Cette flexion entraîne un raccourcissement automatique du membre inférieur qui n’est que fonctionnel. Il n’est pas géométrique. Il ne nécessite donc pas de correction lorsqu’on aura redonné la mobilité à la hanche. Si on ne respectait pas ces données, on obtiendrait un allongement non voulu du membre prothésé. Cette analyse doit aussi intégrer le genou s’il existe un flessum.








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Figure 3
Orthopantomogramme.


Il faut donc confronter ces informations à l’examen clinique et avoir grande confiance dans le manipulateur radio qui est le seul à savoir si le patient avait bien sa hanche et son genou en extension, le pied étant en appui complet sur le sol. Ces principes de bonne pratique donnent toute sa valeur à cet examen.

Dans certains cas où l’on suspecte une mobilité cotyloïdienne que la radiographie ne permet pas de visualiser de façon certaine, un examen dynamique sous scopie peut confirmer le descellement en faisant apparaître cette mobilité. Ailleurs, une tomodensitométrie, une scintigraphie, une imagerie par résonance magnétique ou même une arthroscopie peuvent être contributives pour des situations particulières (cf. Partie II : Hanche douloureuse).


Caractéristiques de l’imagerie de la prothèse


Cette analyse est d’importance car elle permet de décrire une position de la prothèse et donc de définir ce que l’on doit améliorer ou corriger à partir des clichés obtenus.

On peut résumer les objectifs de l’analyse iconographique :


• recherche du diagnostic étiologique de la faillite mécanique;


• positionnement des implants par rapport aux données anatomiques;


• analyse de la stabilité des différents implants;


• détermination du couple de frottement initial et de son degré d’usure éventuel;


• confirmation du diamètre de la tête;


• identification du type d’implants à confirmer par le compte rendu opératoire initial si possible.

Ces informations vont également être utilisées pour analyser les conditions d’exérèse des implants. Cette étape est également importante car le degré de difficulté de l’exérèse induit des choix techniques différents.


Positionnement



Cotyle


Au niveau du bassin, on sera attentif à l’état du cotyle son descellement, l’usure du couple de frottement (figure 4). Mais la radiographie du bassin de face permet surtout de comparer la position relative des centres de rotation des deux hanches. Grâce à différentes techniques géométriques, on peut déterminer l’importance de l’ascension et de la médialisation du cotyle à réviser. Perrier et Gouin [34] (figure 5) ont proposé une classification simple et reproductible à partir des U radiologiques, des pieds des articulations sacro-iliaques et de la ligne de Kölher. Si on peut bénéficier de clichés successifs ou initiaux, on notera l’évolution du positionnement et de l’orientation de la cupule.








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Figure 4
Descellement du cotyle et usure du couple de frottement sur une cupule verticale.









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Figure 5
Technique de Perrier et Gouin pour mesurer le déplacement de la cupule en cranial et en médial.



Fémur


Sur le cliché du bassin de face et sur ceux de la hanche de face et de profil on étudie les positions relatives de la tige fémorale et du fémur : l’enfoncement par rapport aux repères habituels (calcar, sommet du grand trochanter, cintre cervico-obturateur) et le défaut de centrage (le plus souvent en varus sur la face ou contre la corticale antérieure sur le profil). Le cliché de profil permet de visualiser une augmentation fréquente de courbure sagittale du fémur [2, 3] ainsi qu’un élargissement du diamètre diaphysaire. On note également l’état du grand trochanter plus ou moins lysé (figure 6) mais surtout son ascension dans le cas d’un abord initial par trochantérotomie avec présence ou non d’une pseudarthrose probable ou certaine (figure 7). Les modifications de rapport entre la prothèse et l’os aboutissent le plus souvent à un raccourcissement clinique qui doit être en cohérence avec la migration des implants. C’est un bon élément de contrôle que l’on utilisera lors de la planification.








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Figure 6
Lyse du grand trochanter.









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Figure 7
Pseudartrose du grand trochanter.



Stabilité


Les clichés radiographiques standard permettent également d’étudier la fixation osseuse des pièces prothétiques au niveau de l’interface prothèse/os ou os/ciment. Deux éléments mettent en évidence la mauvaise fixation ou le descellement : d’une part, la migration des implants dont la lecture est facilitée par la comparaison de clichés successifs; d’autre part la présence d’un liseré total ou partiel classiquement authentifié lorsqu’il atteint 2 mm. Le descellement est ainsi selon Harris [17] : possible, probable, certain, etc. (figure 8).








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Figure 8
Cliché de face. 1. Cotyle (stade III SOFCOT) : ascension de la cupule. a. lyse en zone III, b. usure du polyéthylène. 2. Fémur (stade III SOFCOT) : c. enfoncement de la tige, d. fracture du ciment, e. amincissement des corticales, f. remodelage fracturaire à l’extrémité de la tige valgisée.


Un autre signe en faveur du descellement est la présence d’un granulome cortical (figure 9) qui constitue une faiblesse du fémur avec risque de fracture peropératoire ou de fausse route.








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Figure 9
Granulome cortical avec fracture.


Cotyle : Au niveau du cotyle, le liséré peut être total ou partiel et il est noté en fonction des trois zones classiques de Charnley et De Lee [12] : zone I (toit), zone II (arrière-fond) et zone III (région obturatrice). La cupule peut présenter une migration pelvienne avec ou sans présence de ciment intrapelvien. Cette migration pelvienne est appréciée par rapport à la tangente aux U radiologiques de Callot et à la ligne ilio-ischiatique de Kolher [31]. Lorsque la migration pelvienne est importante, les rapports avec les vaisseaux iliaques et fémoraux pouvant nécessiter une voie endo-pelvienne doivent être analysés par une TDM avec produit de contraste [35] ou par une artériographie (figure 10). Le résultat de cette imagerie spécialisée peut faire envisager un abord endo-pelvien lors de la révision prothétique. Une encoche sur le col fait évoquer le diagnostic de conflit surtout s’il existe un métal-back et une orientation approximative de la cupule (métallose).








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Figure 10
a, b. Protrusion d’un anneau d’Eichler. Artériographie de contrôle avec signe de compression vasculaire.


Fémur : Au niveau du fémur, le liseré débute souvent en zone métaphysaire (grand trochanter, calcar) mais atteint rapidement toute la tige. Il est particulièrement visible sur les clichés de profil. Lorsque la fixation de la tige est assurée par du ciment, il faut rechercher des signes de fracture du ciment le plus souvent proche de l’extrémité distale, ce qui conduit à une migration de la prothèse qui se décentre et s’enfonce (figures 8 et 11). L’analyse du descellement se fait selon les zones de Gruen [16]. L’importance et la localisation de ce descellement participent à définir la stratégie de reprise et en particulier l’abord osseux. Un élément important pour le choix de l’implant fémoral est la recherche d’un fémur courbe (figures 8 et 11) sur la radiographie de profil [23]. Lorsque la tige est cimentée, le bouchon de ciment doit également être bien analysé. Malgré le descellement de la prothèse, cette portion reste souvent fixée et son ablation est toujours difficile, surtout s’il se prolonge de plusieurs centimètres au-delà de l’extrémité de la tige et si de plus celle-ci est décentrée favorisant les fausses routes lors d’un abord endo-médullaire. Pour les prothèses non scellées, la présence d’un «piédestal» en bout de tige doit faire penser à une tige bloquée au moins en distalité incapable de s’enfoncer avec l’existence de lisérés périprothétiques qui signifient son descellement proximal (figure 11).








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Figure 11
a, b, c. Varisation induisant un fémur courbe avec un piédestal aggravant la courbure. Corrigé par ostéotomie.


L’existence d’ossifications hétérotopiques abondantes pourra faire discuter une irradiation postopératoire [33] ou un traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens. Certains, dans ces cas, privilégient les implants cimentés et évitent les ostéotomies ou les trochantérotomies (pseudarthroses) [18] (figure 12).








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Figure 12
Ossification périarticulaire sur pseudarthrose trochantérienne.



Usure


L’usure du couple de frottement doit être évalué. On en connaît quelques valeurs témoins, en particulier pour le couple métal/polyéthylène. Il semble que l’usure linéaire, en utilisation normale, soit de l’ordre de 0,1 à 0,2mm par an, ceci pour le polyéthylène normal. Les radiographies standard sont suffisantes pour calculer l’usure linéaire du polyéthylène selon la méthode manuelle de Livermore et al. [25]. Le polyéthylène réticulé qui correspond aujourd’hui à la dernière génération de polyéthylène paraît devoir s’user moins rapidement. Seuls l’expérience et le temps permettront de confirmer (figure 4).

Il est noté cependant de grandes variations d’usure où de nombreux facteurs jouent un rôle en fonction des patients :
Apr 2, 2020 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on implants

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