fémorales de PTH par tiges cimentées

Reprises fémorales de PTH par tiges cimentées

Cemented stem total hip prosthesis revision

D. Chauveaux1


1Service d’orthopédie-traumatologie, CHU Pellegrin, Place Amélie Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex; Université Victor Segalen Bordeaux 2

Résumé
Dans les reprises de PTH, l’utilisation du ciment garde tout son intérêt malgré l’incontestable développement des tiges fémorales non cimentées verrouillées. En effet, le composite ciment-prothèse réalisé permet de s’adapter à toutes les formes de fémur, notamment au niveau du canal médullaire très remanié en cas de descellement, et permet une réhabilitation immédiate, argument fondamental pour des interventions pratiquées chez des sujets en général plus âgés et plus fragiles que ceux bénéficiant d’une prothèse de première intention.

L’utilisation des tiges fémorales cimentées doit toutefois obéir aux mêmes impératifs que ceux des prothèses de première intention, à savoir la réalisation d’une cimentation de qualité. Celle-ci dépend des caractéristiques de l’os environnant. Pour l’obtenir, l’emploi du ciment ne doit pas être univoque et doit reposer sur l’appréciation de l’état osseux fémoral et des éventuelles pertes de substance osseuse, en préopératoire, mais aussi en peropératoire après l’ablation de la tige primaire.

De nombreuses méthodes pourront être utilisées en conséquence : reprise sans reconstruction osseuse, avec reconstruction osseuse par greffes corticales ou morcelées, avec renfort métallique, avec refixation dans le manchon de ciment initial, ou accompagnée de l’utilisation d’allogreffes massives.




Summary

In hip revision surgery, the decision to use acrylic bone cement is still interesting in spite of the increasing use of uncemented locked femoral stems. The prosthesis cement composite allows implantation regardless of the shape of the endocortical canal which may have been weakened due to loosening. Post-operatively, immediate physical rehabilitation is possible, which is more important for these generally older and more frail patients than for those operated for primary total hip arthroplasty.

The quality of cementation in revision stem must be the same as for primary THA. The cemented fixation depends on the characteristics of the femoral bone.

The cementing technique must be correlated with pre-operative analysis of the femoral bone stock status, and definitive and per-operative evaluation of bone defects after primary stem removal.

Several methods can then be used for cementiong a femoral implant : without bone graft, with strut graft or morselized bone reconstruction, with the cement-in-cement technique, or with massive allogenic bone grafts.


Les reprises de prothèses totales de hanche restent un enjeu majeur en orthopédie-traumatologie. Leur nombre, variant suivant les registres nationaux ou les publications, représente environ 15 % de celui des prothèses de première intention [25, 28, 36, 40] mais est amené à être multiplié par deux dans 15 ans [24] en raison du développement prévu de la demande pour les arthroplasties primaires et malgré les progrès de celles-ci [18].

Au niveau fémoral, la fixation cimentée, longtemps seule employée et utilisée de façon univoque et qui représentait plus des deux tiers des cas il y a 10 ans [32], a vu son utilisation se restreindre aux profits des tiges non cimentées verrouillées.

Son utilisation reste toutefois large car permettant de s’adapter à toutes les situations avec efficacité dans la mesure où la réalisation d’une fixation satisfaisante de l’implant peut être assurée. Celle-ci repose sur l’obtention «d’une bonne cimentation» réalisée par le respect d’impératifs techniques et la présence d’un état pariétal osseux adapté présent ou obtenu à l’aide de greffes corticales ou spongieuses morcelées [5].

Elle reste incontournable dans les cas extrêmes des reprises nécessitant l’utilisation d’allogreffes massives.

Le problème de la reprise par tige fémorale cimentée est donc celui du choix de la technique permettant une cimentation satisfaisante.


Principes de bonne cimentation



Rappel


Pour les prothèses de première intention, ils reposent sur l’emploi d’une technique de cimentation dite de 3e génération associant :


• nettoyage osseux soigneux avec élimination de tous les débris au lavage pulsé;


• préparation soigneuse du ciment, idéalement sous vide, avec respect impératif des instructions du fabricant et respect des quatre phases de polymérisation qui diffèrent selon les ciments;


• implantation rétrograde sous pression au pistolet avec obturation diaphysaire.

Cette cimentation s’effectue suivant deux conceptions opposées conditionnant le choix de l’implant utilisé, la théorie anglo-saxonne prônant une couche régulière de ciment homogène de 2 à 3mm d’épaisseur autour d’une tige sous-dimensionnée en conséquence, et dont les critères radiologiques d’appréciation sont bien codifiés par Barrack (tableau 1) et celle du «French Paradox» défendant l’utilisation d’une prothèse la plus remplissante possible, le ciment jouant un rôle d’adaptateur de volume [27]. Elles nécessitent, toutes les deux, une paroi osseuse de qualité pouvant supporter l’hyperpression de l’introduction du composite au ciment sans effraction laissant échapper le ciment, ce qui est loin d’être le cas dans la plupart des reprises fémorales.
















Tableau 1 Classification radiologique de la bonne cimentation selon Barrack
Grade A Cavité médullaire entièrement remplie de ciment, interface os ciment sans liseré radio-transparent
Grade B Liseré radio-transparent à l’interface os ciment intéressant moins de 50 % de la surface
Grade C Liseré radio-transparent à l’interface os ciment intéressant entre 50 et 99 % de la surface, ou présence d’un manteau de ciment incomplet (tige non recouverte à un endroit)
Grade D Liseré radio-transparent à l’interface os ciment intéressant 100 % de la surface, ou extrémité de la tige non recouverte de ciment


Cas particulier des reprises



Motifs des reprises


Plusieurs causes de reprise peuvent être notées conditionnant l’état pariétal osseux.

Le descellement, cas le plus habituellement rencontré où les corticales sont fragilisées, parfois même jusqu’à la perforation ou jusqu’à un état pellucide du fait de l’ostéolyse ou des déplacements de la tige fémorale, ce qui exige une évaluation rigoureuse de la qualité osseuse préopératoire [33].

Le changement de prothèse en raison d’un mauvais positionnement des implants (luxation récidivante), ou d’une rupture de matériel où la prothèse cimentée ou non cimentée n’est pas descellée et où il y a peu de remaniement osseux initial. L’état local ne pourra être apprécié qu’après ablation définitive de l’implant dont l’extraction peut être difficile avec risques de dégât osseux. Dans certains cas, la prothèse peut être extraite de son manchon de ciment bien fixé à l’os et celui-ci pourra être conservé avec nouvelle réimplantation à l’intérieur (cement in cement technique) [10].

Les fractures sur fémur porteur de prothèse totale de hanche et les prothèses infectées, que ce soit à l’occasion d’un changement en un temps ou deux temps, posent de façon extrême les possibilités d’obtention d’une fixation primitive suffisante.

Dans tous les cas, la qualité de fixation sera diminuée par rapport à celle d’une implantation primaire par diminution des possibilités d’interdigitation ciment-os, du fait de la restriction du stock spongieux suite à l’implantation précédente et au degré de sclérose osseuse pariétale réactionnelle : le choix de la technique sera remis en question jusqu’à l’appréciation définitive peropératoire de l’état osseux, après ablation complète de la prothèse et du ciment éventuel [6].


Appréciation de l’état osseux


Il commence en peropératoire par l’étude radiologique simple du fémur de face et de profil éventuellement complété par des coupes de scanner. De nombreuses classifications radiologiques ont été décrites, elles permettent d’évaluer l’importance, le siège, l’étendue des pertes de substance osseuse (figure 1).








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Figure 1.
Descellement avec ostéolyse et atteinte pariétale majeure.


La classification du symposium de la SOFCOT 1999 complétant celle de 1988 [32] nous semble la plus reproductible, notamment par rapport à celles de Paprovsky et de l’AAOS et ses notions de défect cavitaire et segmentaire (tableau 2) [9, 22, 29, 35].





















Tableau 2 Classification des pertes de substance osseuse fémorale (symposium SOFCOT 1999)
Stade 0 absence de lésion
Stade I corticales amincies mais correctes avec lyses du Merckel plus ou moins importantes
Stade II corticale latérale très amincie, corticale médiale amincie mais correcte
Stade III corticale latérale très amincie, corticale médiale en partie détruite sous le petit trochanter
Stade IV fémur pellucide ou disparu
Les lésions complémentaires par suffixe.
Critères complémentaires :
T0 : trochanter intact
T1 : trochanter fracturé consolidé
T2 : trochanter fracturé ou en pseudo-arthrose
D : extension vers la diaphyse
F : existence d’une fracture
V : présence d’un varus diaphysaire supérieur à cinq degrés.


Choix de la technique de cimentation


La nécessité d’une fixation cimentée satisfaisante va conditionner le choix de la technique de reprise. Le principe d’une tige de reprise cimentée et ses modalités se feront sur cette appréciation radiologique préopératoire, en voyant si la qualité corticale permet l’implantation sans greffe ou s’il faut envisager un renforcement cortical local par greffe endo- ou extramédullaire par barrette osseuse tibiale, ou une reconstruction globale par impaction spongieuse intramédullaire (méthode d’Exeter) qui a l’avantage de permettre une chirurgie de désescalade par utilisation d’une prothèse à queue courte [34].

Le respect de tous les préceptes d’une cimentation de 3e génération, incontournable en chirurgie primaire, ne peut pas être le plus souvent réalisé dans les reprises, notamment en ce qui concerne l’obturation diaphysaire, l’extrémité des tiges longues pouvant dépasser le sablier endo-médullaire. Eisler a montré les limites de cette technique dans les reprises [11].


Choix de l’implant


Il doit répondre à plusieurs critères.


Longueur de l’implant


Dans les cas de réimplantation simple, la tige doit avoir une longueur suffisante pour ponter la partie la plus basse de la fragilisation osseuse. Elle correspond à l’extrémité de la perte de substance osseuse, soit due à l’ostéolyse ou au descellement, soit à la limite de la fémorotomie ou de la fenêtre nécessaire à l’extraction. Estimée radiologiquement en préopératoire, elle ne sera définitivement appréciée qu’après l’ablation complète de l’implant [37]. La hauteur de sécurité couramment admise est de 5cm. Repten conseille un dépassement d’une longueur égale à une fois le diamètre du fût fémoral. Dans ce cas, la tige devra être la plus remplissante possible du fait, dans les reprises, de l’absence le plus souvent de spongieux permettant l’interdigitation du ciment [2]. L’absence d’une tige assez longue obligera à envisager le recours à la méthode d’Exeter ou à se tourner vers une prothèse de reprise non cimentée.


État de surface


Un état de surface lisse voire poli est de rigueur. La forme et la dimension de l’implant dépendent de la méthode de cimentation choisie et de la longueur de tige nécessaire avec l’importance paradoxale de la fixation distale et du remplissage métaphysaire dans les prothèses à longue tige.


Choix du ciment


Les ciments sont classés suivant leur consistance lors des stades initiaux de la polymérisation en trois catégories : haute, basse, moyenne viscosité [23] qui conditionnent également la durée respective des quatre phases de la polymérisation : phases de mélange, de repos, de travail et de durcissement. Celles-ci modifient les conditions d’utilisation. Dans le cas d’une reprise, les critères de choix sont représentés par :


• une consistance à la phase de travail, au moment de l’implantation, pas trop fluide pour éviter les effractions face à cet os, souvent siège de micro-fissures, et prévenir la délamination face à cet os souvent saignant;


• une sûreté et une facilité de manipulation au moment de l’implantation et avant la phase de durcissement où la prothèse ne doit plus être bougée, assez longue permettant une implantation douce et la vérification de toute issue de ciment;


• l’utilisation de ciment aux antibiotiques qui a fait la preuve de son efficacité dans les implantations primaires pour la prévention des infections doit être utilisée. Il faut se souvenir que ne doivent être utilisées, dans le cadre de la fixation des prothèses, que des préparations du commerce, garantes de la conservation de leurs propriétés mécaniques, mais que malheureusement en France, elles ne sont pas toutes disponibles. Dans le cadre des reprises en deux temps, une entretoise «à la carte» peut être confectionnée avec l’ajout d’un antibiotique adapté et non dénaturé par la chaleur de la polymérisation [6].

Un ciment de haute viscosité avec antibiotique est habituellement le mieux adapté.


Techniques opératoires



Installation du patient et voie d’abord


Elle doit tenir compte de :


• la voie d’abord antérieurement pratiquée, avec excision cicatricielle éventuelle, et en prévenant tout risque de nécrose cutanée secondaire;


• la technique de réimplantation choisie en prenant surtout en considération la voie d’abord osseuse nécessaire à l’extraction de la tige, voire du ciment, prévue sur la planification (ablation endomédullaire pure, trochantérotomie ou voie élargie);

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Apr 2, 2020 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on fémorales de PTH par tiges cimentées

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