8. Examens radiographiques
Principes généraux
Contraintes techniques
La technique radiographique doit s’adapter aux limites imposées par la petite taille, la fragilité et le métabolisme particulier de ces animaux.
Flou cinétique
La rapidité de la fréquence respiratoire des petits mammifères impose un temps d’exposition très court afin de limiter le flou cinétique lié aux mouvements respiratoires. Ceci implique que l’intensité, donnée par le couple mA/s, ne doit pas être augmentée par la variable temps d’exposition sous peine de manque de netteté. Les appareils de faible puissance, avec foyer large, ne conviennent donc pas. Compte tenu de la faible épaisseur des sujets à radiographier, un générateur de puissance moyenne (150 mA) peut être suffisant. Toutefois, un générateur de 300 mA permet de diminuer d’autant plus le temps d’exposition.
Contraste
La présence de graisse abdominale chez le lapin et le furet permet, comme chez les carnivores domestiques, l’obtention d’un bon contraste. Chez les rongeurs, le tractus digestif occupe une part très importante de l’abdomen, ce qui rend difficile l’examen des autres organes. La minéralisation osseuse est moins importante, ce qui diminue la différence de contraste entre les organes de densité osseuse et ceux de densité tissulaire. Pour pallier cet inconvénient, on utilise des appareils à tension très faible : plus la tension est basse, meilleur est le contraste. Une tension de 20 à 40 kv est idéale. Des cassettes avec écrans lents ou bien un couple film/écran pour mammographie permettent d’obtenir une meilleure définition des organes de petite taille.
Dans le même souci d’amélioration du contraste, on utilise un petit foyer et on diaphragme au maximum. La distance foyer-tube ne doit pas excéder 1 mètre.
L’apparition récente de la radiographie numérique permet l’obtention de clichés d’une très grande qualité de détails, qui peuvent être agrandis et modifiés (luminosité et contraste), permettant ainsi de révéler des lésions difficilement visibles avec un cliché radiographique classique sur ces animaux de petite taille.
Précautions
Si la plupart des petits mammifères tolèrent bien un examen radiographique, il faut néanmoins être prudent devant un animal très stressé ou présentant des symptômes très intenses. Par exemple, le décubitus dorsal imposé à un cobaye dyspnéique pour effectuer une radio selon une incidence ventro-dorsale risque de provoquer un collapsus cardiorespiratoire fatal. Avant de prendre une radio, il est préférable de stabiliser le patient. On peut également utiliser un masque à oxygène pendant la contention pour la radio pour minimiser le stress. Enfin, dans les cas urgents et sévères, on peut toujours obtenir une orientation diagnostique en posant simplement l’animal en position naturelle sur une plaque radio pour un cliché de « dégrossissage ».
Indications et limites
L’examen radiographique présente un grand intérêt pour l’évaluation des problèmes dentaires chez les Lagomorphes et les Rongeurs. Il est également très utile pour apprécier le squelette axial et appendiculaire ainsi que pour visualiser la cavité thoracique. Pour la cavité abdominale, la radiographie permet d’apprécier le contour des organes principaux (foie, estomac, vessie, reins chez la plupart des petits mammifères, ainsi que la rate chez le furet). Elle est très utile pour apprécier l’existence d’un iléus digestif, qu’il soit paralytique (dilatation modérée et étendue des anses intestinales) ou mécanique (dilatation majeure et segmentaire d’une anse intestinale) chez le lapin et les Caviomorphes, fréquemment sujets aux stases digestives. L’utilisation de produits de contraste permet de visualiser les canaux lacrymaux des lapins ou le tractus digestif, notamment en cas de suspicion d’un corps étranger digestif ou d’un méga-œsophage chez le furet. La radiographie ne permet cependant pas de mettre en évidence les petits organes abdominaux (comme les glandes surrénales du furet), ni l’organisation interne des organes, ni de visualiser à coup sûr un corps étranger digestif. Pour ces indications, l’échographie est l’examen de choix. Enfin, le scanner permet de visualiser l’ensemble des structures crâniennes et dentaires, notamment les dents maxillaires des Lagomorphes et des Rongeurs, qui sont souvent difficiles à visualiser intégralement sur un examen radiographique.
Positionnement de l’animal
Pour apprécier radiographiquement un thorax ou un abdomen, on utilise une incidence latéro-latérale et une incidence ventro-dorsale sans rotation. S’il est possible de maintenir un lapin, un cobaye ou un chinchilla dans une position permettant la prise d’un cliché sans sédation, il en est autrement du furet, de l’octodon et des autres rongeurs, chez qui une sédation ou une anesthésie flash à l’isoflurane est souvent indispensable pour obtenir un cliché de qualité.
Les incidences nécessaires lors de radiographies dentaires ne peuvent se faire que sur un animal endormi.
Radiographies abdominales et thoraciques
La contention pour effectuer une radio de profil sur un animal vigile est ici illustrée sur un lapin. L’opérateur soulève le lapin d’une main par le rachis et le pose de profil sur la plaque en maintenant les postérieurs de l’autre main (figure 8.1). L’aide maintient de sa main gauche (placée à la base du cou) la tête de l’animal en extension vers sa gauche, et de sa main droite les membres antérieurs étendus vers sa droite de manière à dégager au maximum le champ pulmonaire (figure 8.2). L’opérateur lâche la prise du rachis tout en maintenant l’animal en extension par ses postérieurs, recouvre les mains et les avant-bras à l’aide de gants de protection en plomb et place ses propres mains sous un autre gant de plomb (figure 8.3).
Pour effectuer une radio de face en incidence ventro-dorsale, l’opérateur prend l’animal par les lombes et le pose sur le dos sur la plaque radio (figure 8.4). L’aide prend un membre antérieur dans chaque main et les fait glisser de chaque côté de la tête de façon à maintenir le rachis cervical et thoracique le plus droit possible tout en se protégeant des morsures (figure 8.4). L’opérateur lâche alors le maintien lombaire pour poser un gant protecteur sur les mains de l’aide et prendre un postérieur dans chaque main protégée sous un gant de plomb (figure 8.5).
Le protocole pour effectuer des radios de face et de profil est le même chez le furet, à ceci près que l’animal est en général légèrement endormi grâce à un masque à isoflurane.
Les rongeurs de petite taille sont endormis et maintenus dans les positions nécessaires aux clichés avec des bandes adhésives (figures 8.6 et 8.7).
Radiographies dentaires
L’animal doit être préalablement anesthésié pour être placé dans les positions précises nécessaires à une interprétation correcte des clichés. Ces positions sont particulièrement importantes à respecter pour le lapin et pour les rongeurs, chez qui tout ou partie de dents ont une croissance continue, permettant une éruption a retro des racines.
Profil (incidence latéro-latérale)
Le critère pour s’assurer qu’une radio est bien prise de profil est la superposition des bulles tympaniques. Par ailleurs, on souhaite empêcher que le bout du museau de l’animal endormi vienne se poser sur la plaque radio, car cette position crée un plan oblique par rapport au faisceau, ce qui entraîne une distorsion d’image. On obtient une position adéquate en plaçant un lien derrière les incisives supérieures et en maintenant la tête en extension (figure 8.8).
Trois quarts (latéral-oblique)
Une légère rotation du crâne permet de dégager le bord d’une mandibule afin de visualiser les racines des dents jugales mandibulaires. Des clichés droite et gauche sont successivement réalisés (figure 8.9).
Incidence bouche ouverte
Cette position, tête inclinée et bouche ouverte, permet de faire passer le faisceau de rayons au niveau des dents maxillaires (figure 8.10).
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Figure 8.10 |
Incidences dorso-ventrale et rostrale
L’animal est placé :
▪ en décubitus ventral, la tête allongée en extension vers l’avant, pour l’incidence dorso-ventrale;
▪ en décubitus dorsal, l’arrière du crâne calé par un sac, pour l’incidence rostrale (figure 8.11).
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Figure 8.11 |
Interprétation des clichés
La lecture des clichés suit les règles habituelles : appréciation de la dimension, de la forme, de la position, des contours et de la densité des organes. L’interprétation prend en compte les variations anatomiques particulières à chaque espèce.
Le lapin
Squelette axial
L’examen du squelette ne doit pas être négligé quel que soit le motif de la radiographie, certaines découvertes fortuites peuvent en effet être significatives. Le squelette du lapin est plus fin et moins dense radiologiquement que celui des carnivores domestiques. La formule vertébrale du lapin est C7 T12–13 L7 S4 C15–16.
Des modifications dégénératives des vertèbres (spondyloses) ou des déformations (syphoses, lordoses) sont parfois observées. Ces atteintes vertébrales sont responsables d’une douleur chronique (souvent di fficilement objectivable chez le lapin), qui peut contribuer à une diminution de la mobilité du tractus gastro-intestinal.
Une colonne vertébrale lésée (figure 8.12) entraîne également une rigidité anormale du rachis et réduit la capacité de flexion de l’animal pour se retourner afin de se nettoyer et d’avaler ses cæcotrophes.
Thorax
Thorax normal
Comparée à la cavité abdominale, la cavité thoracique paraît particulièrement petite (figure 8.13).
En vue latérale (figure 8.14a), le champ pulmonaire crânio-ventral n’est, en général, pas visible. La limite crâniale du cœur est toujours floue dans cette espèce, en raison notamment de la persistance du thymus chez le lapin adulte qui augmente la densité médiastinale crâniale. Le champ pulmonaire postérieur permet une meilleure observation du parenchyme pulmonaire ; l’aorte et la veine cave caudale sont visibles. Les vaisseaux pulmonaires sont difficiles à discerner sous cette incidence.
En vue ventro-dorsale (figure 8.14b), le cœur occupe entièrement le tiers crânial de la cavité thoracique.
La radiographie thoracique permet d’observer des pneumonies chroniques, souvent non décelables cliniquement chez le lapin.
Modifications pathologiques
Parmi les modifications pathologiques les plus fréquemment rencontrées dans le champ thoracique, on observe une cardiomégalie (figures 8.15 et 16), évoquant une cardiopathie, un œdème pulmonaire, un épanchement pleural ou une opacité pulmonaire (figure 8.17), une masse thoracique anormale en région médiastinale (figure 8.18a et b) évoquant un lymphome ou une néoplasie du thymus. Des lésions de bronchopneumonie ou d’abcès disséminés (figure 8.19) peuvent également être mis en évidence, ainsi que, plus rarement, des métastases pulmonaires (figure 8.20) liées à un carcinome mammaire ou utérin.
Abdomen
Abdomen normal
La radiographie permet d’identifier le foie, les reins, l’estomac, le cæcum et la vessie. La rate normale est trop petite pour être visible (figures 8.21a et b).
L’estomac, assez volumineux, dépasse légèrement de la dernière côte. Il contient un mélange hétérogène de gaz, de poils et de nourriture. La présence de poils est normale et ne correspond pas à un corps étranger.
Le foie est visible en région antérieure de l’abdomen ; sa limite ventrale n’est pas toujours parfaitement distincte sur une vue latérale.
L’organe le plus volumineux de la cavité abdominale est le cæcum, rempli d’un mélange de gaz et d’une matière digestive amorphe qui lui donne un aspect cotonneux. Sa dilatation gazeuse peut masquer d’autres organes abdominaux. Son volume est physiologiquement diminué pendant la phase matinale lorsque le contenu cæcal se vide dans le côlon (excrétion des cæcotrophes). Le rein gauche est visible en région L3–L5 ; le rein droit est situé en T13–L1. Ils sont enfouis dans un coussin graisseux péritonéal dont il est utile d’apprécier l’épaisseur : sa disparition témoigne d’un amaigrissement installé depuis long-temps, car cette couche de réserve est la dernière à disparaître. À l’inverse, cette couche de graisse peut atteindre une épaisseur impressionnante chez un lapin obèse et elle ne doit pas être confondue avec un ascite (figure 8.22).
La vessie normale peut apparaître opaque. En effet, la calcémie chez le lapin varie en fonction de l’apport en calcium dans la ration alimentaire et l’urine (voie d’excrétion principale) est souvent physiologiquement riche en précipités de carbonate de calcium.
L’utérus sain n’est jamais visible ; il est situé entre la vessie et le côlon, zone qui apparaît normalement grise en raison de la graisse accumulée dans le ligament large. Toute visualisation de cet organe témoigne d’une affection.
Modifications pathologiques
L’examen de la cavité abdominale permet de mettre en évidence des modifications du tractus digestif, telles les dilatations évoquant des iléus ou des obstructions.
Les iléus, d’apparition progressive, sont consécutifs à une diminution de la motricité digestive. Ils se manifestent par une dilatation aérique des organes concernés. Un iléus gastrique se caractérise par une augmentation modérée du volume de l’estomac ainsi que par la présence d’un halo de gaz autour du contenu stomacal déshydraté (figure 8.23). Ce phénomène peut aussi concerner le cæcum (figure 8.24a et b) ou les deux organes en même temps. L’obstruction de l’estomac (figure 8.25a et b), d’apparition brutale, est reconnaissable radiologiquement à un estomac de volume très augmenté, rempli de liquide avec une bulle de gaz visible au centre.
Arrêt du transit chez un lapin : différentes entités radiographiques.
Il est important de différencier cliniquement et radiologiquement ces deux syndromes, car l’obstruction est une urgence chirurgicale.
Une masse visible dans l’abdomen caudal (figure 8.26), au-dessus de la vessie et repoussant le côlon, est souvent le signe d’une atteinte utérine, les carcinomes étant les affections les plus fréquentes.
Une vessie opaque (figure 8.27) peut signifier une calciurie physiologique mais également être le signe de la présence d’une boue vésicale pâteuse. Cette affection, au pronostic réservé, est associée à une anurie et à une anorexie. La clinique et la palpation de la vessie, douloureuse dans ce cas, permettent une orientation diagnostique. Un des signes radiographiques permettant d’orienter le diagnostic vers une calciurie simple est l’homogénéité de l’opacité et la conservation de la forme arrondie de la vessie, lorsque les cristaux de calcium sont en suspension et donc susceptibles d’être facilement éliminés par la vidange urinaire. Lorsqu’il se forme une boue calcique d’évacuation problématique, celle-ci est en général visible dans la partie ventrale de l’organe, où elle a sédimenté et présente une forme plus géométrique (figure 8.28). Les calculs urinaires se reconnaissent à leur forme arrondie bien déterminée (figure 8.29). Des calculs rénaux peuvent être observés. Ils restent souvent asymptomatiques et sont des découvertes fortuites. (figure 8.30a et b). Ces calculs sont souvent des découvertes tardives, car ils semblent bien tolérés par le lapin avant que n’apparaissent les symptômes d’une insuffisance rénale. Lors d’insuffisance rénale, il est également possible d’observer une nette diminution de la taille des reins.

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