1. Évaluation Psychométrique
Un Examen de « Débrouillage »
Et pourquoi on m’a renvoyé de l’école, monsieur Hamil? Madame Rosa m’a dit que c’était parce que j’étais trop jeune pour mon âge, puis que j’étais trop vieux pour mon âge et puis que j’avais pas l’âge que j’aurais dû avoir et elle m’a traîné chez le docteur Katz.
(Émile Ajar, La vie devant soi, 1975)
INTRODUCTION : LES RÉTICENCES
Les tests psychométriques ont mauvaise presse, aussi bien dans le public qu’auprès des professionnels. Accusés de réduire l’enfant à un chiffre (celui du trop fameux « QI »), de favoriser un « étiquetage » hâtif et faussement objectif des enfants, de les cataloguer de façon figée en faisant fi des capacités dynamiques d’évolution chez l’enfant, les tests psychométriques ont connu une grande désaffection.
Toutes ces critiques n’ont peut-être été, malheureusement, que trop justifiées par le passé: mis au point d’abord par Binet1, les tests psychométriques devaient bien « mesurer » le niveau d’efficience des enfants ; il s’agissait à l’époque de caractériser « l’intelligence » et de chiffrer son déficit éventuel afin d’orienter les enfants dans des structures spécialisées conçues pour répondre aux besoins des « débiles légers, moyens ou profonds », selon la terminologie d’alors.
N’y voyant que les risques encourus par l’enfant, contestant l’intérêt et même la signification de ces tests, puis à partir des années 1950-1960 largement influencés par les théories psychanalytiques, de nombreux psychologues ont alors refusé de « faire passer des tests », préférant des méthodes d’investigations plus centrées sur le vécu, la problématique personnelle ou familiale, l’évolution de la personnalité de l’enfant (→ 72, 83, 98, 162, 295, 310, 342).
– Pour les uns, l’évaluation « intellectuelle » (ou cognitive) n’a, intrinsèquement, aucun sens: les « performances » dont l’enfant fait preuve à un moment donné sont le reflet de son fonctionnement psychique tout entier, indécomposable, holistique. Considérant que les aspects du fonctionnement cognitif ne peuvent jamais être dissociés du fonctionnement psycho-affectif, toute anomalie développementale conduit à explorer l’inconscient de l’enfant d’où des psychothérapies visant à mettre à jour par différentes approches, – dessins, entretiens, jeux, etc. –, les conflits inconscients non résolus qui « bloquent » les processus mentaux ou interdisent l’accès normal aux savoirs. Dans cette conception, souvent dite psycho-dynamique, l’enfant va « se débloquer » lorsque se dénoueront les fils invisibles qui entravaient sa progression.
– Pour d’autres, l’aversion pour le cognitif tient à la connotation « organique » qu’il véhicule, organicité souvent perçue comme signe de l’irréversible (puisque « neurologique »), heurtant l’expérience courante des thérapeutes qui constatent souvent des évolutions favorables, aussi brusques qu’inattendues: ces dernières ne leur semblent explicables et possibles que dans le cadre d’une évolution psychique, reflétée par le terme « psycho-dynamique ».
Bien évidemment, il s’agit là d’a priori erronés: les anomalies neurologiques (organiques, touchant la structure cérébrale) ne sont ni plus ni moins « fixées » que certains troubles psychiatriques, ni de plus mauvais pronostic que certains troubles envahissants du développement. Au contraire, la plasticité cérébrale, la maturation et l’évolution, l’entraînement et les apprentissages peuvent conduire à des améliorations notables. Enfin, il ne faut pas confondre la persistance de la lésion (ou de l’anomalie structurelle cérébrale) et l’évolution des symptômes reliés à cette lésion (ou à cette anomalie cérébrale), évolution très généralement favorable à la fois sous l’effet de la maturation, du développement, des rééducations et des actions thérapeutiques engagées.
– Pour d’autres enfin, la question se pose différemment: certes, le fonctionnement mental d’un enfant peut être approché, mais ils redoutent que cette évaluation « intellectuelle » (ou cognitive) soit incompatible avec une approche « totale » de la personne, dans ses aspects psycho-relationnels, émotionnels, sa problématique et sa subjectivité. Il s’agirait alors de deux approches distinctes, incommensurables2?
Cette question recouvre aussi la crainte, maintes fois formulée, du « réductionnisme » souvent reproché à la psychologie cognitive: l’intérêt porté aux processus mentaux risquerait de « réduire » l’enfant à la somme des fonctions cognitives examinables.
Le risque existe, certes, et la vigilance est légitime. Mais on pourrait arguer que toute pratique, toute technique présente des dangers, non en elle-même mais en fonction de l’usage qu’en font certains praticiens: bien entendu, ces risques existent pour la pratique de la neuropsychologie, exactement au même titre que pour la pratique psychothérapeutique, ou celle de la génétique, etc. Comme toute technique, sa pertinence dépend de l’expérience, des compétences et de la personnalité de celui qui la met en œuvre.
Cela ne doit donc pas conduire à se priver d’un outil puissant et efficace pour nous aider à comprendre comment se développent certains enfants qui, en raison de particularités cérébrales précoces (lésions ou dysfonctionnement cérébral précoce), ne disposent pas du même répertoire de compétences (sensorielles, motrices, cognitives, etc.) que les autres.
TESTS
QUELS TESTS CHOISIR ?

En fait, en neuropsychologie, l’intérêt pour « le QI » global, verbal ou performance, est nul (nous conseillons même de ne pas le calculer, pour ne pas risquer de masquer des hétérogénéités signifiantes) et les objectifs que nous poursuivons en utilisant ces tests sont tout autres:
– nous disposons là d’un important éventail de tâches pertinentes et étalonnées, qui couvrent de nombreux domaines du fonctionnement mental: il sera facile de les utiliser pour repérer les points faibles et les points forts de l’enfant, mettre en évidence des dissociations (→ 14) ;
– nous avons besoin, quel que soit le symptôme pour lequel l’enfant consulte, d’avoir une idée de son niveau de développement, de son niveau de « facteur G » indépendamment de son « QI » global. Il nous faut en effet connaître ses capacités dans une tâche de classement, de catégorisation, de logique et ce, dans un domaine cognitif où ne s’exprime pas sa plainte initiale: c’est la condition pour, ensuite, pouvoir interpréter les examens qui seront menés spécifiquement dans le secteur où s’exprime le symptôme.
Exemple :
– L’enfant, qui a 5 ; 6 ans d’âge réel, consulte pour « retard graphique » : comment interpréter le fait qu’il échoue à reproduire un carré (ou un losange, ou tout autre tâche graphique) ? (→ 132, 133, 145)
Une tâche de facteur G lui sera proposée verbalement : devant la plainte graphique, on choisira plusieurs épreuves de facteur G non graphiques, non visuo-spatiales, non praxiques. Si l’enfant se montre en échec de façon cohérente dans ces épreuves, sa performance étant par exemple comparable à celle d’un enfant de 3 ; 6 ans-4 ans, on ne peut alors PAS conclure à une dysgraphie (= trouble graphique spécifique) : les enfants de moins de 4 ans (d’âge « mental ») ne réalisent normalement pas de carré, et ce alors qu’ils ne souffrent d’aucun trouble grapho-moteur ni practo-spatial… Le trouble graphique, peut-être au premier plan des difficultés de ce jeune, doit donc être repensé dans l’ensemble de la problématique liée à son déficit mental.
De même, ce n’est que dans le cas où, lors d’épreuves non verbales de facteur G, cet enfant fait la preuve de performances qui le situent bien dans sa classe d’âge réel (ou plus), que l’on pourra considérer le problème langagier comme spécifique et engager une évaluation en ce sens des différentes composantes langagières.
Si, au contraire, cet enfant raisonne de façon constante comme un enfant de 4 ans dans des tâches non linguistiques bien choisies, alors, on peut légitimement faire l’hypothèse que cet enfant parle comme il raisonne et qu’il ne s’agit pas d’un trouble linguistique spécifique.
En l’absence de cette information, en première intention, il devient impossible d’interpréter les évaluations spécifiques entreprises dans tel ou tel secteur de la cognition, de leur attribuer une signification fiable, de savoir si l’on se situe -ou non – dans le domaine des troubles « spécifiques ».
Du point de vue neuropsychologique, il est particulièrement intéressant de classer les tests psychométriques en deux grandes catégories selon qu’il s’agit de tests multi-tâches ou de tests mono-tâche.
Tests « multi-tâches » (composites)
Ce sont tous les tests qui proposent une série de plusieurs épreuves différentes (appelées « sub-tests »), chaque épreuve justifiant pour elle-même d’une consigne particulière, d’un matériel spécifique, d’un étalonnage propre.
L’existence même de ces tests multi-tâches montre assez bien qu’il n’existe aucune définition de « l’intelligence » ; en revanche, il existe certaines activités qui réclament des capacités variées, qui toutes peuvent être rattachées à telle ou telle facette du concept « intelligence »: abstraction, catégorisation, classifications, stratégie, adaptation à une situation inhabituelle, résolution de problème (au sens large), jugement, etc. Ces tests sont donc constitués comme un assemblage composite d’activités variées, choisies en fonction des différentes compétences qu’elles requièrent.
Il est ensuite prévu d’effectuer des regroupements partiels entre certaines épreuves ou certains types de tâches (les échelles, les indices) en fonction de points communs prédéfinis, afin d’obtenir des sous-scores pour chaque échelle considérée. Enfin, classiquement, il était possible de calculer une note « globale », caractéristique du QI (actuellement, ce sont plutôt des indices, reflet de telle ou telle fonction mentale, qui sont calculés, comme dans le WISC-IV) 3.
Les résultats chiffrés de ces tests, qui se présentent sous forme de notes souvent assorties d’un graphique, peuvent être appréhendés de trois façons:
– d’une part, sous forme de notes standard attribuées pour chacun des sub-test ;
– d’autre part, sous forme de « notes d’échelle » ou « indices » spécifiques ;
– enfin, sous forme de QI, qui, dans certains tests, peut être converti en « âge mental ».
On peut ainsi citer, parmi les tests4 multi-tâches les plus utilisés en France:
–
le K-ABC, qui distingue deux échelles concernant les processus mentaux d’une part et les connaissances d’autre part. Au sein des processus mentaux, les auteurs proposent une classification des sub-tests en trois catégories, selon les types de traitements sollicités: échelle des processus simultanés, échelle des processus séquentiels et échelle non verbale ;

– le MSCA (ou McCarthy) (→ 10–15, 142), qui isole six échelles: verbale, performance perceptive, quantitative, mémoire, motricité et intellectuelle générale ; très apprécié des plus jeunes, il offre une diversité intéressante de tâches étalonnées. C’est un des rares à prendre en compte la dimension « motricité » (ou practo-motrice) de façon réellement consistante (épreuves de coordinations motrices, de précision, de latéralisation, d’imitation de gestes, de graphisme…).
–
les EDEÏ-R proposent des épreuves verbales et non-verbales. À noter, dans la section « non-verbale », deux épreuves de catégorisation (compléter une suite) particulièrement intéressantes car elles sont présentées sous deux formes différentes: images (épreuve dite « classifications ») ou « blocs logiques », épreuve dite « analyse catégorielle » (→ 10) ;

Ces tests proposent des épreuves étalonnées dès 21/2-3 ans.
– la NEMI (Nouvelle échelle métrique d’intelligence): essentiellement verbale et très corrélée au niveau scolaire, relativement rapide à utiliser, elle distingue des épreuves dites « faciles » et « difficiles » pour les sujets déficients mentaux ou pour les non-lecteurs. Elle ne peut pas être utilisée (interprétée) s’il existe un soupçon concernant les compétences linguistiques (chap. 2) et/ou mnésiques (chap. 5).
–
la NEPSY couvre la période 3-12 ans et propose une analyse en cinq domaines (→ 299): attention et fonctions exécutives, langage, sensori-motricité, domaine visuo-spatial et mémoire et apprentissage. De nombreux subtest sont originaux, en particulier pour explorer l’attention (auditive et visuelle) et les fonctions exécutives (planification), donnant enfin aux cliniciens des épreuves normées et étalonnées, y compris pour de très jeunes enfants ; d’autres sont particulièrement intéressants si l’on s’interroge sur une éventuelle dyslexie, tels « processus phonologiques » (→ 302, 314) et « dénomination rapide » ; d’autres encore permettent d’explorer le domaine sensori-moteur et le graphisme: notons, en particulier, une épreuve de copie de figures, très pertinente pour objectiver certains éléments d’une dysgraphie (→ 154, 300, 301) ; enfin signalons une épreuve de mémoire particulièrement intéressante – « mémoire des visages » – qui devient un complément indispensable à tout bilan de mémoire (→ 303).

Ces tests sont donc, par leur construction même, particulièrement précieux, puisqu’ils proposent toute une palette d’activités très variées, qu’ils ne préjugent pas des domaines dans lesquels l’enfant est ou n’est pas en difficulté et qu’ils permettent la mise en évidence d’éventuelles hétérogénéités dans les performances de l’enfant: nous reviendrons sans cesse sur ce point, tout à fait fondamental pour orienter les investigations ultérieures.

Les autres tests permettent, dans un second temps, de répondre aux questions soulevées par les résultats aux épreuves de la WPPSI ou de la WICS, selon l’âge de l’enfant.
Tests « mono-tâche »
Nous citerons, parmi les plus utilisés (cf. Tableau 1-I):
Test | Entrée | Compétences sollicitées | Sortie(s) | Observations |
---|---|---|---|---|
Progressives Matrices (PM) | Visuelle | Désignation en choix multiple | – Test de facteur G (→ 1) – Indépendant du niveau scolaire – indépendant des fonctions linguistiques | |
Figure de ReyCopie | Visuelle | Graphique (practo-motrice) | En dehors de tout trouble visuo-practo-spatial, intérêt +++ de comparer la production en copie et celle de mémoire. | |
Figure de ReyMémoire | Idem + MLT visuo-spatiale (→chap. 6) | Graphique (practo-motrice) | ||
Cubes de Kohs | Visuelle | Manipulation (visuo-practospatiale) | – Test de facteur G (→ 1) – Indépendant du niveau scolaire – Indépendant des fonctions linguistiques | |
VOCIM | Auditivo-ver bale | Désignation en choix multiple | – Très dépendant du niveau de langage, – Très dépendant du niveau socio-culturel et du niveau scolaire. | |
EVAC | Auditivo-verbale et visuelle | – Tâches séquentielles versus tâches simultanées (globales) | – désignation – parole | – Très dépendant du niveau de langage, – Très dépendant du niveau socio-culturel et du niveau scolaire. |
– les Progressives Matrices (PMCouleur ou PM). Il s’agit de séries de dessins ou de suites logiques à compléter, proposables dès 4 ans. Une partie du matériel, constitué de dessins géométriques, est très « visuo-spatial » (→ 68) et les réponses sont à choisir en choix multiple (→ 288–290) parmi six propositions ;
– la Figure de Rey. L’enfant doit reproduire une figure géométrique complexe (il existe une version simplifiée pour enfant), d’abord en copie, puis de mémoire. Sont pris en compte la durée de la réalisation graphique, la stratégie employée (de proche en proche, ou réalisation de l’armature principale puis ajout de détails, etc.), et la réalisation même de chaque élément dans deux de ses composantes à savoir la production graphique proprement dite et l’arrangement spatial des éléments entre eux (emplacement relatif des divers segments, orientations des obliques). Il s’agit donc d’une épreuve nécessitant des compétences visuo-practo-spatiales (→ 162, 165), tant lors de la prise d’information que lors de la réalisation graphique (copie) et des compétences en mémoire visuelle à long terme (→ 260, 261) ;
– les Cubes de Kohs. On demande à l’enfant de reproduire des figures géométriques (modèle présenté dans le plan, sur un carton) avec des cubes aux faces diversement colorées. Cette épreuve est considérée comme reflétant le niveau de développement non-verbal, « l’intelligence pratique, à savoir résoudre des problèmes par l’action ». Le matériel (cubes à assembler) est très praxique et très visuo-spatial (obliques, repérage topologique → 31, 32, 69, 133, 134).
– le VOCIM (Vocabulaire en images). Il s’agit d’une épreuve de désignation d’images, utilisable à partir de 3 ans, destinée à évaluer le niveau de vocabulaire connu de l’enfant (→ 93). Ce dernier doit montrer l’image dénommée ou évoquée par l’examinateur parmi quatre (choix multiple, → 288–290). Les gnosies des images (→ 170, 173, 176, 190) doivent être intactes. À noter: un étalonnage un peu ancien.
– l’EVAC (épreuve d’évaluation verbale d’aptitudes cognitives, de J. Flessas et F. Lussier). Il s’agit d’un test récent (2003), centré sur les traitements linguistiques élaborés, d’inspiration neuropsychologique, conçu pour appréhender le « style cognitif » de l’enfant (séquentiel ou simultané).
En effet, un échec peut être la traduction d’un handicap (ou d’un déficit ou d’un dysfonctionnement) méconnu, interférent avec le domaine exploré par le test: l’interprétation en serait alors tout à fait erronée. Ce risque, loin d’être rare ou anecdotique, est au contraire central dans la problématique de l’examen de l’enfant cérébro-lésé et/ ou présentant des dysfonctionnements « développementaux ».
En outre, un échec ou une réussite dans cette épreuve-là ne renseigne en rien sur les capacités de l’enfant dans d’autres domaines, d’autres secteurs qui restent inexplorés: aucune interprétation valable en terme de dissociation ne peut donc être extraite de ces tests puisqu’ils n’utilisent qu’un seul et même paradigme.
Au contraire, une fois repérés les principaux fonctionnements /dysfonctionnements cognitifs de l’enfant (tests multi-tâches), ces tests « mono-tâche » seront très précieux dans un second temps pour préciser les capacités, les stratégies, les performances de l’enfant dans tel ou tel domaine repéré comme pertinent pour cet enfant-là.
Le choix secondaire d’un test « mono-tâche » dépend donc des éléments fournis par la clinique et par l’interprétation des résultats obtenus préalablement lors de tests composites, « multi-tâches ».
COMMENT CHOISIR UN TEST DE PREMIÈRE INTENTION ?
En ce qui concerne le K-ABC, il apparaît comme un médiocre candidat d’évaluation « de première intention » en particulier en raison de la surreprésentation des épreuves de nature visuo-practo-spatiale (de Barbot et Pecquet, 1994), qui peuvent biaiser l’analyse en terme de dissociations (surtout défavorable aux enfants souffrant de troubles moteurs, dyspraxies, de troubles visuo-spatiaux, d’agnosies visuelles, etc., →chap. 2 et 4).
En revanche, nous le verrons plus loin, plusieurs sub-tests originaux (mouvements de mains, reconnaissance de personnes, reconnaissance de formes (→ 179), personnages et lieux connus, etc.) sont d’un grand secours, dans un second temps, pour tester une hypothèse au décours du bilan neuropsychologique. De même les sub-tests « connaissances » sont très précieux pour juger des acquisitions (en particulier scolaires) d’un enfant par rapport à sa classe d’âge (→ 322, chap. 7).
La NEPSY n’est pas du tout un bon candidat de première intention, car elle ne permet pas de se faire une bonne idée des capacités de l’enfant dans des activités de « facteur G » (→ 1, 134, 305). Par contre, elle est une aide irremplaçables pour le clinicien qui, du fait de la symptomatologie de l’enfant et après passation des échelles de Wechsler, soupçonne un trouble « dys » : syndrome dysexécutif ou THADA, dyslexie, dyspraxie, …

Conclusion
Cela signifie qu’un psychologue ou un neuropsychologue ne saurait en aucune façon examiner un enfant et prétendre essayer d’en comprendre le fonctionnement (et les dysfonctionnements):
– En se passant de l’usage de tests étalonnés. Si des entretiens, informels ou semi-dirigés selon les cas, sont bien sûr indispensables, ils doivent s’accompagner de la passation de tests judicieusement choisis pour permettre d’aboutir à un diagnostic neuropsychologique ;
– En ne s’appuyant que sur la passation d’un seul test: par exemple, en aucun cas, le bilan neuropsychologique ne saurait se réduire aux épreuves de Wechsler. Ces dernières sont indispensables, mais elles ne sont pas suffisantes ;
– En utilisant « le test dont on dispose » (certaines écoles ou certaines structures disposent de très peu de moyens…): certains tests, très anciens, n’ont plus un rationnel ni un étalonnage valide, d’autres, même très récents, ne sont pas appropriés pour répondre à la question que pose cet enfant-là.
Il faut donc disposer de plusieurs tests composites et de différents tests mono-tâche: les échelles de Wechsler, sauf cas tout à fait exceptionnel, seront proposées en première intention, puis les autres tests ou épreuves seront proposés en fonction d’un arbre logique dépendant des symptômes de l’enfant, des plaintes explicites, des questions qui naissent au fur et à mesure que se précise la connaissance de l’enfant.
Donc, en raison de son intérêt particulier comme test de « débrouillage » nous nous proposons maintenant d’analyser en détail les échelles de Wechsler destinées aux enfants.
COMMENT INTERPRÉTER LES RÉSULTATS ?
Il faut distinguer deux fonctions distinctes et complémentaires de l’évaluation psychométrique à l’aide des échelles de Wechsler:
– fonder la différence entre retard psycho-intellectuel (déficience mentale) et trouble cognitif (ou trouble d’apprentissage) spécifique ;
– orienter le bilan neuropsychologique (d’où leur valeur de tests de « débrouillage »).
Au préalable, étant donné l’importance centrale de la notion d’homogénéité ou d’hétérogénéité des résultats obtenus par l’enfant aux différents sub-tests, il convient d’insister sur le niveau auquel ces différences sont significatives.
De minimes hétérogénéités de performances dans les différents sub-tests, chez un même sujet, peuvent ne refléter que des talents plus ou moins développés selon le type de tâche. Du moins, si les différences entre sub-tests ou entre échelles restent comprises dans les limites de la norme. On rappelle que, dans les tests multi-tâches, l’écart-type à la moyenne (100) est de 15 points: en deçà, la différence n’est pas significative.
Par ailleurs, une différence, même significative, peut être normalement assez répandue dans une population « tout-venant ». Ainsi Grégoire (1992), retrouve une différence de 15 points entre le QI-verbal et le QI de performance (WISC-R, WISC-III) chez plus du quart des enfants tout-venant, et environ 1 enfant sur 10 a plus de 20 points d’écart entre les deux échelles: ces différences doivent donc être interprétées très prudemment, à la lumière d’autres indices, en particulier qualitatifs.
C’est pourquoi il faut être rigoureux et s’en tenir au seuil de significativité adopté pour définir la limite de la pathologie, à savoir 2 écarts-types. À ce seuil en effet, on ne trouve plus que 3 % des enfants tout-venant qui présentent plus de 30 points d’écart entre QI-V et QI-P (dont 1 % a plus de 35 points de différence).
Déficit mental versus trouble cognitif spécifique
En effet, le diagnostic de troubles cognitifs spécifiques, de « dys- », repose d’abord sur l’élimination d’une déficience mentale, ou du moins sur la preuve que la déficience mentale (légère) ne peut rendre compte de l’intensité (la sévérité) des troubles observés dans tel secteur précis des apprentissages.
Deux cas de figures peuvent se présenter à l’issue de la passation des échelles de Wechsler.
Scores globaux grossièrement homogènes (→ 49) et dans la norme (ou supérieurs)
L’enfant a des capacités intellectuelles normales, ou même supérieures. Quels que soient les difficultés scolaires alléguées et le symptôme pour lequel l’enfant consulte, la présence d’un trouble cognitif spécifique est peu probable. Selon le contexte qui a motivé l’évaluation et les signes d’appel, on pourra alors soit être rassurant, soit orienter l’enfant et sa famille vers un entretien et une prise en charge plutôt à visée psychologique.
N.B. Si les scores sont bons, voire excellents mais hétérogènes, les réflexions et conclusions sont alors tout à fait différentes : s’agit-il d’enfants qu’on peut qualifier de « surdoués » ou « à haut potentiel » ? (→ 166)
Scores globaux faibles, en deçà des normes et grossièrement homogènes
C’est la définition classique de la déficience mentale. Mais plusieurs précautions s’imposent avant de conclure, en particulier en ce qui concerne l’interprétation des scores, car plusieurs questions peuvent se poser (→ 10, 44, 45, 47, 59) :
• Déficience structurelle ou pathologie « psycho-dynamique » ?
Une réelle connaissance de l’enfant et de sa famille est nécessaire pour interpréter ces résultats. Avant de conclure que la déficience mentale constitue bien une caractéristique structurelle de l’économie de l’enfant, il faut bien sûr évaluer les conditions dans lesquelles l’évaluation s’est déroulée (participation ou réticence de l’enfant, extrême fatigue, angoisse intense, etc.) et l’éventuelle influence des aspects psycho-dynamiques (sous-stimulation de l’enfant, dépression, conditions socio-affectives précaires, etc.) (→ 44, 45, 46, 98, 99).
• Déficience mentale ou association de pathologies cognitives ?
Dans un contexte neurologique, il faudra surtout redouter un artefact lié à la présence d’une double pathologie cognitive (→ 165, 337). Il n’est pas rare en effet qu’une association de pathologies rende compte d’un échec qui apparaît alors à tort comme « global ». C’est le cas lorsque les compétences linguistiques sont atteintes (dysphasies, →chap. 2) – compromettant l’ensemble des épreuves dites « verbales » -, et que les compétences gnosiques visuelles et/ou practo-spatiales (→chap. 3 et 4) sont également déficitaires, rendant ininterprétables les épreuves dites « performances » globalement échouées (→ 48, 49, 70, 99).

N.-B. Le sub-test « classifications » des EDEÏ, quoique classé dans les épreuves non-verbales, car le matériel est constitué d’images, est cependant très dépendant des compétences linguistiques du sujet : il est donc fréquemment échoué si l’enfant présente une dysphasie.
Le sub-test « regroupement catégoriel » du MSCA est de conception très proche de « l’analyse catégorielle » des EDEÏ. La réussite (absolue ou relative) à cette épreuve des EDEI doit faire remettre en question le diagnostic de déficience mentale et faire envisager la co-occurrence, chez l’enfant, de pathologies cognitives dans différents secteurs.
Il est important de signaler ici que les différentes épreuves dites « de facteur G » ne constituent pas un groupe d’épreuves homogènes, même si on les regroupe en « verbales » versus « non verbales ». D’une part, le « facteur G » est une variable qui imprègne l’ensemble des épreuves proposées, mais à des degrés divers selon les tâches. Les épreuves dites « de facteur G » en sont simplement plus saturées que les autres, et recouvrent essentiellement des compétences de catégorisation, classification, planification (→ 1, 8).
Mais on constate souvent, chez un même enfant, des performances très contrastées aux différentes épreuves de facteur G. Il est donc fondamental de ne pas se baser sur un seul test. Avant de conclure à une déficience mentale, le clinicien doit rechercher avec opiniâtreté, une épreuve de facteur G que l’enfant pourrait réussir. D’une façon générale, la réussite à une épreuve de facteur G, quelle qu’elle soit, doit faire réfuter le diagnostic de déficience mentale et faire envisager la co-occurrence de plusieurs «dys-».
Ces cas de pathologies cognitives associées soulèvent deux observations.
– La première concerne la constatation que certains enfants peuvent développer des capacités conceptuelles et raisonnementales de bon niveau alors même qu’ils ont présenté d’emblée, dans leur développement, des troubles massifs à la fois sur le plan linguistique, moteur et perceptif visuel. Ainsi, ces fonctions « d’intelligence générale » semblent pouvoir se développer de façon relativement indépendante des autres modules (linguistiques, mnésiques, gnosiques, practo-moteurs).
Traditionnellement, on pense que seules les fonctions motrices et sensorielles sont d’emblée présentes chez le bébé alors que les fonctions « élaborées », telles la logique, le raisonnement, la conceptualisation, l’abstraction sont comprises comme résultant d’une lente construction par étapes successives (voir les travaux de Jean Piaget): l’expérience sensori-motrice préparerait l’émergence des conceptions pré-opératoires (elles-mêmes encore fortement sous l’influence du perceptif et de l’expérientiel) qui serviraient ensuite de socle à l’élaboration progressive de la pensée hypothético-déductive.
À la lumière de la neuropsychologie, on peut envisager un autre scénario du développement des fonctions de conceptualisation et raisonnement: les fonctions logiques, tout comme les fonctions motrices et sensorielles, pré-existeraient (sous une forme très immature, comme toutes les autres fonctions cognitives). Ainsi, le bébé semble d’emblée capable de catégoriser ou de mettre en lien des événements reliés par une notion de causalité, etc. (Lecuyer, 2004). Mais leur expression serait initialement masquée par l’immaturité des fonctions attentionnelles et exécutives (essentiellement les fonctions pré-frontales, →chap. 6): « se développer, c’est aussi et souvent inhiber une structure concurrente » (Houdé, 1995).
Jean Piaget avait constaté la résolution tardive par les enfants, vers la fin de la première année, du problème « A-non-B ». On rappelle qu’il s’agit de rechercher un objet caché devant l’enfant, d’abord en A, puis très visiblement transporté en B : jusque vers 12 mois, si la recherche est différée (en général, de quelques secondes), le bébé continue à rechercher l’objet en A. Selon l’interprétation piagétienne, cette erreur « A-non-B » traduirait le fait que l’enfant n’a pas encore acquis « véritablement » la permanence de l’objet.
Or, on a pu mettre en évidence (Baillargeon et coll. 1985, 2004), dans certaines conditions expérimentales, en particulier en remplaçant la réponse motrice par une réponse oculomotrice, la capacité précoce des bébés, dès 4-5 mois, à faire preuve d’une conception « forte » de la permanence de l’objet. Comment alors comprendre l’erreur A-non-B chez des enfants nettement plus âgés (Houdé, 1995) ? En fait, il pourrait s’agir non pas d’une difficulté à accéder à la permanence de l’objet, mais d’une incapacité à gérer le fait que la réponse doit être différée : cette condition entrave leur possibilité d’inhiber la réponse antérieurement apprise (et antérieurement valide). Leur incapacité, dans les conditions habituelles, à résoudre ces problèmes est alors attribuée à l’immaturité du système de contrôle exécutif, qui ne leur permet pas d’inhiber les routines antérieurement acquises. Cette analyse est également développée (et appuyée par les résultats de protocoles expérimentaux solides) pour d’autres biais de raisonnement, chez l’enfant, chez l’adulte et chez des sujets porteurs de lésions frontales.
Ces travaux étayent l’hypothèse de la présence précoce de certaines fonctions intellectuelles et logiques, fonctions qui ne pourraient pas s’exprimer du fait de l’immaturité des fonctions d’inhibition et des fonctions exécutives (→chap. 6).
– La seconde observation, qui découle de la précédente, concerne le concept même de « déficience mentale », puisque ce dernier ne peut pas être réduit à la constatation d’un QI-global faible.

Ce diagnostic suppose donc que l’on ait proposé différentes épreuves de facteur G, requérant des compétences dans divers secteurs de la cognition, et que l’on ait éliminé la possibilité d’une co-occurrence de troubles (cf. ci-dessus).
• Déficience mentale ou trouble des fonctions attentionnelles et exécutives ?
Enfin, un syndrome dys-exécutif (syndrome « frontal », →chap. 6) peut aussi mimer une déficience intellectuelle, en suscitant des échecs dans pratiquement tous les sub-tests. (→ 47, 263, 336).
Là, c’est la tonalité particulière des échecs (analyse qualitative) qui doit alerter l’examinateur (→ 288–293):
Au total, la déficience mentale est alors définie comme l’incapacité d’accéder aux opérations logiques (raisonnement déductif, suites logiques, catégorisation), du moins à un niveau correspondant à l’âge réel de l’enfant, ce qui, dans nombre de cas, ne peut être simplement assimilé à un QI-total.
Valeur d’orientation des dissociations pour le bilan neuropsychologique
– soit, pour le WISC-III, d’une dissociation entre les deux échelles, dite dissociation inter-échelle ;
– soit, pour le WISC-IV, de dissociation entre indices ;
– soit de dissociations à l’intérieur de chacune des échelles (ou de chacun des indices), avec des résultats très contrastés selon les sub-tests, se traduisant par « des pics et des creux » particulièrement marqués. On parle alors de dissociation intra-échelle ou inter sub-tests (→ 14).
Dissociations « verbal-performance » du WISC-III
Ce sont certainement les plus connues et celles qui sont encore le plus souvent prises en compte. En effet, la réunion de différentes épreuves en deux groupes répond à une logique évidente, les consignes, les tâches et les réponses étant construites selon un modèle d’aptitudes différenciées, verbal versus non-verbal. Dans l’échelle verbale, les consignes et les réponses requièrent des compétences linguistiques ; l’enfant doit écouter, comprendre et « dire » ; dans l’échelle de performance, l’enfant doit observer et « faire » ; on a même quelquefois parlé d’intelligence « pratique » à propos de cette échelle. La distinction entre ces deux sortes d’aptitudes (verbales versus « pratiques ») a été validée par des recherches ultérieures (Grégoire, 1990-1991) qui ont montré (analyse factorielle hiérarchique) la cohérence interne propre à chacune des deux échelles.
Mais il faut rappeler les indispensables précautions à prendre: les notes d’échelles (verbal-performance) n’ont de signification que s’il n’existe pas d’hétérogénéité notable intra-échelle (→ 8, 10, 15). Faute de quoi, cela conduirait à « gommer », à lisser des dissociations inter-échelles très significatives, révélatrices de troubles cognitifs spécifiques.
Ces précautions étant prises et le calcul des notes d’échelles étant valide, il faut aussi se garder de conclusions hâtives, telles que: effondrement du QI-V signifie « dysphasie », ou dissociation aux dépens du QI-P signifie « dyspraxie ».

Ces dissociations d’échelle (comme les dissociations d’indices) ne sont que des indicateurs qui doivent orienter les hypothèses diagnostiques.
En effet, certains des sub-tests de l’échelle verbale sont très infiltrés des facteurs visuo-spatiaux caractéristiques de l’échelle performance (par exemple: sub-test arithmétique, → 23, 112, 132, 328, 331, 332), alors que d’autres sub-tests inclus dans l’échelle performance sont saturés de facteurs linguistiques censés caractériser l’échelle verbale (par exemple: code, arrangement d’images, → 36, 37, 39, 66).
Dissociations inter-indices (WISC-IV)
La dernière édition des échelles de Wechsler, la WISC-IV publiée en 2004, a subi de profonds remaniements. Non seulement l’étalonnage a été actualisé, mais des subtests nouveaux sont proposés, d’anciens ont été modifiés, d’autres sont devenus facultatifs.

– ces notes d’indices n’ont de signification que si existe, au sein du domaine considéré, une certaine homogénéité ;
– ces regroupements ne doivent en effet masquer ni les éventuelles dissociations significatives pour un diagnostic neuropsychologique, ni la signification du score obtenu par l’enfant à chaque sub-test. Tout comme pour les notes d’échelles de l’ancien WISC-III, ces scores, ces notes d’indices, ces QI partiels ne peuvent jamais constituer un diagnostic: ils sont que des éléments d’orientation du bilan.
Dissociations intra-échelles ou dissociations inter sub-tests


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