Évaluation Neurologique au Cours des Premières Années de la Vie

2. Évaluation Neurologique au Cours des Premières Années de la Vie




INTÉRÊT D’UN OUTIL STANDARDISÉ


CHOIX MÉTHODOLOGIQUE

Il suffit de feuilleter quelques livres de neurologie pédiatrique pour constater l’extraordinaire diversité du contenu des évaluations neurologiques. À titre d’exemple, dans son livre de neurologie néonatale, Volpe [1] consacre 4 pages à l’évaluation des nerfs crâniens et 12 lignes à celle du tonus et de la posture qui, dit-il, ne lui a jamais apporté grand-chose. L’École française au contraire, fondée sur les travaux d’andré-Thomas et de Saint-Anne Dargassies [2, 3], donne une place importante à l’analyse du tonus musculaire.

Parmi les autres types d’examen neurologique décrits dans la littérature, les uns, tel celui de Prechtl, développent davantage l’analyse des mouvements spontanés [4], d’autres davantage les comportements d’adaptation et d’autorégulation [5, 6] et d’autres encore des aspects spécifiques de la motricité [[7][8] and [9]]. La plupart de ces examens sont limités à la période néonatale ou au mieux à la première année de la vie. Ils obligent donc à changer d’outil dans le cours d’un suivi sur plusieurs années. Ce changement entraîne souvent une discontinuité défavorable dans la recherche du fil conducteur entre période néonatale et devenir à long terme.

Pour éviter cette discontinuité dans la méthodologie, nous proposons un examen neurologique pour la période néonatale, et le même examen applicable jusqu’à 6 ans, fondés sur l’approche française [1014]. Leur intérêt principal est d’aménager l’examen des six premières années dans le même cadre conceptuel et avec la même méthodologie. Il n’y a donc aucune rupture dans l’évaluation neurologique autour du terme et celle du développement neurologique jusqu’à 6 ans, autrement dit entre l’examen de sortie du centre néonatal et celui des consultations ultérieures. Cette méthode semi-quantitative est suffisamment simple pour l’utilisation en routine et permet d’identifier cliniquement la réalité du continuum lésionnel sur un cerveau en voie de développement.


CALCUL DE L’ÂGE CORRIGÉ

L’âge corrigé (AC) sera utilisé jusqu’à 2 ans au minimum pour tous les nouveau-nés d’aG inférieur à 37 semaines : en effet, ceux-ci ne doivent pas être pénalisés pour le temps de maturation intra-utérine qui leur a manqué. On soustraira donc à chaque examen le facteur de correction (χ) déterminé à 40 semaines selon l’équation 40 – AG = χ, comme indiqué à la figure 2.1.








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Fig. 2.1
Calcul de l’âge corrigé (adapté de [15]). Les semaines manquantes (χ) sont soustraites de l’âge chronologique selon l’équation χ = 40 – AG : ce facteur de correction sera appliqué à chaque examen jusqu’à 2 ans.



QUELQUES NOTIONS DE BASE SUR LA MOTRICITÉ


TONUS MUSCULAIRE

Quelques notions de base, développées dans d’autres textes [11, 13], sont ici résumées rapidement. En effet pour explorer le tonus musculaire cliniquement, il faut comprendre le mécanisme de servo-contrôle réglant la longueur musculaire tant au repos ou dans le maintien d’une posture que lors de l’exécution d’un mouvement.

Le tonus musculaire passif est testé par mobilisation lente, dans une situation la plus proche possible du tonus du repos. Les manœuvres de mobilisation passive explorent l’extensibilité musculaire, le sujet lui-même étant passif. Les modifications du tonus passif sont spectaculaires au cours de la maturation, allant de l’hypertonie physiologique du nouveau-né à terme à l’hypotonie physiologique de 9 à 18 mois. L’examinateur doit donc comparer le résultat de chaque manœuvre avec les valeurs normales pour l’âge.

Le stretch réflexe est la réponse anormale observée à l’étirement rapide. Normalement, aucune modification de l’extensibilité n’est observée entre étirement lent et étirement rapide. Cette tolérance à la mobilisation rapide est due au mécanisme de contrôle exercé par le SNC sur la boucle médullaire dite monosynaptique. Si le contrôle supérieur est lésé, l’étirement rapide du muscle entraînera une contraction immédiate du muscle, s’opposant à l’étirement. Deux réponses anormales peuvent être identifiées : l’une brève, dite phasique, dans laquelle la résistance à l’étirement va « lâcher » (séquence résister-lâcher, qui rappelle la fermeture d’un couteau de poche), l’autre plus prolongée, dite tonique, dans laquelle la résistance à l’étirement persiste tout au long de la mobilisation passive rapide, c’est-à-dire que le déplacement segmentaire ne peut être poursuivi que lentement.


CONSTRUCTION PROGRESSIVE DU SYSTÈME SENSORIMOTEUR



Contrôle spinal

Sous le contrôle de la moelle épinière, une motricité dite « endogène » est perceptible dès 8 à 10 SA, et ressentie par la mère sous forme de « mouvements actifs » quelques semaines plus tard. Des activités réflexes vont s’exprimer dès 12 SA sous forme de mouvements respiratoires et de succion-déglutition. Elles marquent le début de la maturation bulbaire.

Les voies sensitives sont présentes dès 22 SA, mais n’atteignent le cerveau hémisphérique qu’autour de 28 SA. Ces voies restent en attente au niveau de la sous-plaque (SP), formation transitoire précédant la constitution de la substance blanche.


Contrôle supraspinal

Le contrôle moteur supraspinal peut être décrit schématiquement en deux systèmes :


le système sous-corticospinal comprend les noyaux du tectum, de la formation réticulée et des noyaux vestibulaires ; il est connecté au cervelet. Il est donc issu du tronc cérébral et peut être qualifié grossièrement de système inférieur (ou encore extrapyramidal) ;


le système corticospinal comprend le cortex hémisphérique, la substance blanche hémisphérique et les noyaux gris centraux. On peut le qualifier grossièrement de système supérieur (ou encore pyramidal).


Les deux systèmes, tels que représentés à la figure 2.3, ont chacun une spécificité fonctionnelle :


– le système sous-corticospinal, mésencéphalique (archaïque dans l’évolution), a pour rôle essentiel la fonction antigravitaire, c’est-à-dire le tonus postural de l’axe corporel ; la quadriflexion des membres et les réflexes primaires sont aussi sous sa dépendance ;


– le système corticospinal (formation plus récente témoignant de l’encéphalisation progressive du contrôle moteur) apporte, par le jeu des influences inhibitrices ou excitatrices sur le motoneurone, sa contribution au contrôle du tonus postural. Il modère les attitudes posturales en hyperextension. À côté de cette fonction posturale, il permet le relâchement du tonus passif des membres : il a un rôle prédominant dans la motricité, en particulier dans l’exécution des mouvements indépendants des doigts ainsi que dans la précision et la vitesse de manipulation.








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Fig. 2.3
Maturation de la fonction motrice centrale. A. Maturation précoce et ascendante du système inférieur. B. Maturation plus tardive, plus prolongée et descendante du système supérieur.


À côté des conséquences de la prise de pouvoir du système supérieur sur le tonus musculaire, la disparition des réflexes primaires au cours des premiers mois a la même signification. En effet, les réflexes primaires sont la marque d’un fonctionnement sous-corticospinal ; leur présence est physiologique au cours des premiers mois de la vie, indiquant l’absence de dépression du SNC et un tronc cérébral intact. Après les premiers mois, lorsque le fonctionnement cérébral passe normalement sous le contrôle des structures hémisphériques supérieures, la présence persistante de ces mêmes réflexes devient pathologique.



Identification clinique du niveau lésionnel

Les anomalies du tonus d’origine centrale dépendent donc du niveau lésionnel :


– l’hypertonie (limitation de l’étirement pour l’âge) et la spasticité (réponse anormale vitesse-dépendante à l’étirement) expriment une lésion du système supérieur. À ces troubles du tonus s’ajoutent hyper-réflectivité et clonus ;


– la dystonie désigne des anomalies de la posture ou du mouvement résultant de cocontractions des antagonistes : c’est également un signe d’atteinte du système supérieur, système qui normalement régule l’inhibition réciproque des agonistes et antagonistes. Il n’est donc pas surprenant que spasticité et dystonie soient souvent associées en cas de lésion du système de contrôle supérieur ou pyramidal ;


– la rigidité est une résistance permanente aux déplacements lents : elle fait partie des lésions extrapyramidales, autrement dit du système de contrôle sous-cortical ;


– l’hypotonie est une tolérance excessive à la mobilisation lente, de mécanismes très divers, centraux ou périphériques.



UNE MÊME MÉTHODE, DEUX INSTRUMENTS SELON L’ÂGE

Deux examens sont proposés :


– examen neurologique à terme (Amiel-Tison) : ENTAT, applicable soit à la période néonatale chez un nouveau-né à terme, soit entre 38 et 42 semaines chez un ancien prématuré [1012] ;


– évaluation neurologique de la naissance à 6 ans (Amiel-Tison et Gosselin) : EN 0-6 [13, 14].

Ces deux examens suivent la même structure, incluant une revue des principaux événements de la période périnatale et des problèmes de santé, les aspects neurosensoriels, les paramètres de croissance et la morphologie craniofaciale. Pour leur part, les aspects neuromoteurs réfèrent au tonus musculaire, à l’activité motrice spontanée, aux réflexes et réactions posturales ainsi qu’aux anomalies qualitatives et à leur impact sur la fonction.

Les deux outils partagent le même système de cotation, défini selon une échelle ordinale en trois niveaux :


– 0 : réponse typique pour l’âge ;


– 1 : réponse modérément déviante pour l’âge ;


– 2 : réponse franchement déviante pour l’âge.

La cote X sera utilisée lorsque le caractère normal ou anormal de la réponse est incertain pour l’âge.



COMPARAISON DES CONTENUS

Une grande majorité des composantes est commune aux deux instruments (tableau 2.1). Dans certains cas (par exemple, tonus passif de l’axe), la réponse normale recherchée est toujours la même quel que soit l’âge de l’enfant examiné. Dans d’autres cas, particulièrement en lien avec le tonus passif des extrémités, les réponses normales changent dans les deux premières années de vie pour tenir compte de l’effet de la maturation. Parallèlement, quelques composantes seront spécifiques à l’un ou l’autre des deux examens. Elles correspondent à des capacités de l’enfant qui ne sont exprimées qu’à certains moments précis du développement. Ainsi, le tonus actif testé par l’épreuve du tiré-assis et de la manœuvre inverse ne sera recherché qu’à la période du terme alors que les réactions de protection ou la spasticité ne seront recherchées que dans les examens suivants.

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May 31, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Évaluation Neurologique au Cours des Premières Années de la Vie

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