3. État mental et fonctions supérieures
L’état mental
Données de base
L’état mental
Il se réfère à l’humeur et aux pensées du patient.
Des anomalies peuvent refléter :
■ une maladie neurologique telle qu’une maladie du lobe frontal ou une démence ;
■ une maladie psychiatrique pouvant provoquer des symptômes neurologiques (par exemple, anxiété à l’origine d’attaques de panique) ;
■ une maladie psychiatrique secondaire à une affection neurologique (par exemple, dépression après un accident vasculaire cérébral).
L’examen de l’état mental s’efforce de distinguer :
■ un déficit neurologique focal ;
■ un déficit neurologique diffus ;
■ une maladie psychiatrique primitive telle que dépression, anxiété ou hystérie se présentant sous la forme de symptômes somatiques ;
■ une maladie psychiatrique secondaire ou associée à une maladie neurologique.
L’étendue de l’évaluation de l’état mental dépendra du patient et de son problème. Chez nombre de patients, une évaluation simple sera suffisante. Cependant, il est légitime d’envisager la nécessité d’une évaluation plus poussée chez tous les patients.
Les modalités d’un examen psychiatrique approfondi ne seront pas traitées ici.
Ce qu’il faut faire et ce que vous trouvez
Présentation et comportement
Observez le patient en même temps que vous recueillez l’histoire. Voici quelques questions que vous pouvez vous poser concernant sa présentation et son comportement.
■ Le patient semble t-il déprimé ? Sourcils froncés, faciès immobile, traits du visage tombants, voix lente, monotone (voir « Syndrome parkinsonien », chapitre 24).
■ Le patient semble-t-il anxieux ? Remuant, instable.
■ Le comportement est-il approprié ?
• Excessivement familier et désinhibé ou agressif : penser à un syndrome frontal.
• Peu réactif avec peu de réponses émotionnelles : indifférence.
■ L’humeur du patient change-t-elle rapidement ? Il rit ou pleure facilement : labilité émotionnelle.
■ L’attitude du patient est-elle adaptée à ses symptômes et à son handicap ? Expression du visage non en rapport avec l’importance du handicap (« belle indifférence1») : penser à l’hystérie.
L’humeur
Interrogez le patient sur son humeur.
■ « Quel est votre état d’esprit en ce moment ? »
■ « Comment décririez-vous votre humeur ? »
Si vous pensez que le patient est peut-être déprimé, demandez :
■ « Êtes-vous toujours capable de vous réjouir ? »
■ « Espérez-vous quelque chose de l’avenir ? »
Les déprimés disent qu’ils ont du mal à se réjouir et qu’ils n’espèrent pas grand-chose de l’avenir.
Les schizophrènes semblent avoir une vacuité de l’humeur –affect émoussé– ou avoir une humeur inappropriée, souriant lorsque vous vous attendez à ce qu’ils soient tristes –affect incongru.
Dans la manie, les patients sont euphoriques.
Symptômes végétatifs
Demandez au patient s’il existe des symptômes végétatifs :
■ perte ou gain de poids ;
■ troubles du sommeil (éveil précoce ou endormissement difficile) ;
■ appétit ;
■ constipation ;
■ libido.
Chercher des symptômes d’anxiété :
■ palpitations ;
■ transpiration ;
■ hyperventilation (picotements des doigts, des orteils et péribuccal, bouche sèche, sensations vertigineuses et souvent sentiment d’oppression).
Délire
Un délire est une conviction irrationnelle solidement établie, non accessible au raisonnement, sans rapport avec les croyances conventionnelles liées à la culture et à la société dans laquelle vit le patient.
Des idées délirantes peuvent apparaître lors du recueil de l’histoire, mais ne doivent pas être recherchées par un questionnement direct. Elles peuvent être classées d’après leur formule (par exemple, délire de persécution, de grandeur, hypochondriaque) et leur contenu.
Des idées délirantes sont observées dans les états confusionnels et dans les psychoses.
Hallucinations et illusions
Quand un patient se plaint de quelque chose qu’il a vu, entendu, ou perçu dans le domaine cutané ou olfactif, vous devez déterminer s’il s’agit d’une illusion ou d’une hallucination.
Une illusion est une interprétation erronée d’un stimulus externe, particulièrement fréquente chez les patients ayant une altération de la conscience. Par exemple, un patient confus peut voir le poing d’un géant frappant à la fenêtre alors qu’il s’agit en fait d’un arbre agité par le vent.
Une hallucination est une perception sans objet ne pouvant être distinguée de la perception d’un stimulus externe réel.
Les hallucinations peuvent être élémentaires – flashs lumineux, détonation, sifflets – ou complexes– vision de personnes, de visages, audition de voix ou de musique. Les hallucinations élémentaires sont habituellement organiques.
Les hallucinations peuvent être décrites en fonction du type de la sensation :
■ odorat : olfactives ■ goût : gustatives | habituellement organiques | |
■ vue : visuelles ■ tact : somesthésiques ■ audition : auditives. | souvent psychiatriques |
Avant d’aller plus loin, décrivez vos constatations, par exemple : « Un homme âgé, négligé, qui répond aux questions lentement mais de façon appropriée et paraît déprimé. »
Ce que cela signifie
Il existe une hiérarchie dans les diagnostics psychiatriques, allant d’un niveau élevé à un niveau inférieur. Le diagnostic retenu doit être celui du niveau le plus élevé. Par exemple, un patient ayant de l’anxiété (bas niveau) et des symptômes psychotiques (niveau élevé) doit être considéré comme psychotique (tableau 3.1).
Niveau le plus élevé | |
---|---|
Psychoses organiques | |
Psychoses fonctionnelles | Schizophrénie Dépression psychotique Bipolaire (maniacodépressive) |
Névroses | Dépression États d’anxiété Réaction hystérique Phobies Névrose obsessionnelle |
Troubles de la personnalité | |
Niveau le plus bas |
Psychoses organiques
Une psychose organique est un déficit neurologique produisant une altération de l’état mental comportant une altération de la conscience dont le degré est fluctuant, des troubles de la mémoire, des hallucinations visuelles, olfactives, somatiques et gustatives, et des troubles sphinctériens.
Testez les fonctions supérieures à la recherche de signes de localisation.
■ état confusionnel aigu. Causes habituelles : médicaments (notamment sédatifs, antidépresseurs, antipsychotiques), troubles métaboliques (notamment hypoglycémie), sevrage alcoolique, épilepsie (post-ictal ou crises du lobe temporal) ;
■ syndromes dysmnésiques : trouble prédominant de la mémoire à court terme, par exemple psychose de Korsakoff (déficit en thiamine) ;
■ démence. Causes habituelles : voir plus bas (après l’évaluation des fonctions supérieures).
Psychoses fonctionnelles
■ Schizophrénie : conscience claire, affectivité émoussée ou inadaptée, pensée concrète (voir plus bas), idées délirantes, hallucinations auditives, habituellement des voix pouvant parler au patient ou parler de lui. Peut se sentir sous contrôle. Peut adopter des postures étranges et les conserver (catatonie).
■ Dépression psychotique : conscience claire, baisse de l’affectivité, négligence de sa personne, lenteur, idées délirantes (habituellement d’autodépréciation) ou hallucinations. Il existe habituellement des symptômes végétatifs : éveil précoce, perte de poids, réduction de l’appétit, perte de la libido, constipation. N.B. Important chevauchement avec la dépression névrotique.
■ Psychose bipolaire : épisodes de dépression comme plus haut, mais aussi épisodes maniaques –élévation de l’humeur, idées délirantes de grandeur, précipitation du langage et de la pensée.
Névroses
■ Dépression : baisse de l’humeur, perte d’énergie – survenant après un événement identifiable (par exemple un deuil). Symptômes végétatifs moins marqués.
■ Réaction hystérique : production ou aggravation inconsciente d’une incapacité associée à une réaction inappropriée à l’incapacité. Il peut exister un bénéfice secondaire. Souvent, l’incapacité n’est pas conforme à un déficit neurologique correspondant aux données de l’anatomie.
■ Phobies : peur irrationnelle de quelque chose – allant des espaces ouverts aux araignées.
■ États obsessionnels : une pensée s’introduit de façon répétée dans la conscience du patient, l’obligeant souvent à agir (compulsions) – par exemple, l’idée d’être contaminé contraint le patient à se laver les mains de façon répétée. Le patient peut développer des rituels.
Troubles de la personnalité
Il s’agit de formes extrêmes de personnalités normales, persistant pendant toute l’existence.
Par exemple :
■ manque de capacité à développer des relations sociales, comportement agressif et irresponsable = personnalité psychopathique ;
■ personnalité histrionique, fausse, immature =personnalité hystérique.
Fonctions supérieures
Données de base
Le terme « fonctions supérieures » est utilisé pour désigner la pensée, la mémoire, la compréhension, la perception et l’intelligence (fonctions cognitives).