État d’affliction

165 État d’affliction





Étiologie et pathogénie


Le risque de conséquences pathologiques d’un état d’affliction est augmenté par des facteurs liés à la perte elle-même et par des facteurs liés à la psychologie de la personne en deuil. Un décès soudain, imprévu et prématuré est plus susceptible d’être associé à des résultats défavorables. Si ces pertes surviennent dans des conditions horrifiantes, par exemple en cas de mort violente, de décès lors d’une catastrophe ou d’accident, la personne endeuillée peut souffrir de symptômes post-traumatiques qui interfèrent avec l’état d’affliction. Certaines pertes sont plus difficiles à supporter ; la perte d’un conjoint ou d’un enfant, ou la perte d’un parent durant l’enfance ou l’adolescence, est un événement majeur, souvent très traumatisant. Des pertes multiples, un suicide ou un décès lié à un assassinat amplifient encore le chagrin. Le passage par un moment critique ou un stress concomitant comme un accident, une maladie, une séparation de la famille, des difficultés relationnelles, le chômage, ou les conséquences d’un traumatisme peuvent être si graves que la personne endeuillée est complètement accaparée par sa survie psychologique et peut ne plus avoir l’énergie nécessaire pour supporter le processus de deuil.


Certains individus peuvent sombrer plus facilement dans un état d’affliction pathologique. Un manque perçu de soutien social aggrave les conséquences. Des antécédents de troubles psychiatriques ou de comportement suicidaire doivent alerter le clinicien et l’inciter à suivre de près les difficultés du processus de deuil. La nature de la relation qui est perdue peut également contribuer à la pathologie de l’état d’affliction. En cas de relation ambivalente ou dépendante, la perte peut être encore plus problématique. Si la relation était ambivalente, éprouver une satisfaction à la mort d’une personne qui, par ailleurs, est aimée peut provoquer une forte culpabilité. Dans une relation de dépendance, la perte du partenaire peut susciter un tel désir soudain et inhabituel d’indépendance et d’autonomie que ces personnes, en revanche, peuvent établir rapidement de nouvelles relations similaires avant de compléter un processus de deuil.



Tableau clinique


Un état d’affliction normal peut se manifester de multiples façons. Les premières réactions à la mort comprennent souvent un sentiment d’incrédulité choquée et d’apathie. La personne endeuillée se livre à des comportements de recherche de l’être aimé qu’elle a perdu, notamment en imaginant le voir, entendre sa voix ou sentir qu’il la touche (figure 165.1). Ces expériences hallucinatoires peuvent durer des semaines ou parfois des mois et ne sont pas considérées comme pathologiques. Après le choc initial, une période d’angoisse et d’émotivité intenses s’ensuit. Toutes les émotions imaginables, avec des fluctuations rapides, peuvent être ressenties. Plusieurs des symptômes neurovégétatifs de dépression, comme le manque d’énergie, la perte d’appétit avec amaigrissement et l’insomnie, peuvent durer pendant des mois. La dernière phase de l’état d’affliction comprend une réorganisation de la vie psychologique qui peut prendre des années. Bien que la plupart des personnes endeuillées aspirent à l’oubli et à un retour à la normale, certaines pertes conduisent à des changements psychologiques qui durent une vie entière.



En général, les experts s’accordent pour reconnaître ces diverses phases dans l’évolution de l’état d’affliction, mais les différences individuelles sont si importantes que les limites normales du chagrin peuvent être difficiles à définir. La durée ne peut être spécifiée ou prévue pour aucun individu, et des expériences atténuées à l’un ou l’autre des stades ou une progression non linéaire à travers ces phases ne signifient pas nécessairement que cela relève de la pathologie. Les modèles des stades fournissent des grandes lignes qui ne tiennent pas compte des variables liées aux différences psychologiques, aux antécédents personnels ou au contexte culturel. La plupart des gens cherchent à éviter la douleur et vont tenter de supprimer les expressions du chagrin. Ce qui émerge est un compromis entre cette suppression et l’affliction sous-jacente. Ces expressions partielles de la profondeur de la peine peuvent être perçues non seulement comme indésirables, mais aussi en tant que soudaines et inattendues.


Les réactions suscitées à l’occasion d’anniversaires peuvent réveiller les phases antérieures de l’affliction, et elles peuvent avoir lieu non seulement à l’anniversaire de la perte, mais aussi lors de fêtes importantes ou d’autres rappels du décès. Quand une personne endeuillée atteint l’âge auquel un parent est décédé, souvent, une pause dans le chagrin a lieu. Pour la personne elle-même, ces réactions de type anniversaire peuvent être inconscientes ; elle connaît seulement les symptômes sans comprendre leur contexte.


Des changements biologiques peuvent accompagner l’état d’affliction. Des données probantes suggèrent que de nombreux changements physiologiques se produisent, notamment des troubles de l’immunité ainsi qu’une augmentation de l’activité corticosurrénalienne, de la sécrétion de prolactine et de l’hormone de croissance. La signification clinique de ces changements n’est pas claire. Les études sur le risque relatif de morbidité diagnostiquée après un chagrin n’ont pas été concluantes. Plusieurs études ont démontré une augmentation du risque relatif de mortalité chez les conjoints en deuil, mais le risque absolu reste faible.

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May 20, 2017 | Posted by in Uncategorized | Comments Off on État d’affliction

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