6. Équilibre Psychique et Relation au Monde
DÉFINITION ET PRÉVALENCE DES TROUBLES DE LA SANTÉ MENTALE
Au cours des 3 à 4 premiers mois, ce sont l’hyperexcitabilité, les troubles du sommeil, les difficultés alimentaires, les coliques, autrement dit des signes d’apparence banale. Léthargie et pauvreté de l’interaction avec l’entourage peuvent également attirer l’attention, de façon parfois préoccupante.
De 4 mois à 2 ans, les inquiétudes portent surtout sur l’interaction sociale, l’humeur, le prélangage et le début du langage, la communication non verbale et les troubles du sommeil. Pour ne citer que ce dernier trouble, qui concerne un nombre très élevé de consultants, un outil simple et efficace est l’agenda du sommeil [1] tel que celui représenté à la figure 6.1. La composante environnementale est telle dans ce chapitre que le seul fait de faire remplir cet agenda par les parents peut suffire à résoudre grand nombre de ces troubles.
Fig. 6.1 |
De 2 à 4 ans, les plaintes habituelles sont l’agressivité dans la famille ou la collectivité, l’hyperactivité, le retard de langage ou encore les troubles du sommeil. Une symptomatologie psychosomatique peut se développer et prendre le devant de la scène, avec des troubles digestifs, des douleurs abdominales, des céphalées et/ou des douleurs thoraciques.
Progressivement, il faudra tenter de définir un syndrome, sans essayer à tout prix de forcer les faits, à une période où le développement rapide de l’enfant rend la sémiologie fluctuante. Dans ce domaine, le cadre de référence évolue rapidement et reflète l’hétérogénéité des troubles de la santé mentale [2]. Les études épidémiologiques concernant la morbidité psychiatrique de la petite enfance fournissent des chiffres assez variés [2]. On peut cependant retenir un taux de prévalence moyen de la morbidité psychiatrique globale (c’est-à-dire attribuable à l’ensemble des variétés) autour de 12 %, avec une prédominance chez les garçons. Bien que beaucoup de ces pathologies ne s’expriment que tardivement, cette prévalence très élevée explique bien que les troubles du comportement soient au cours de la petite enfance un motif fréquent d’inquiétude des parents. Deux domaines seront décrits individuellement, celui du spectrum des troubles autistiques et celui des troubles déficitaires de l’attention et hyperactivité (TDAH).
TROUBLES DU SPECTRUM AUTISTIQUE
DESCRIPTION
Dans les troubles du spectrum autistique, souvent dénommés troubles envahissants du développement (TED), le DSM-IV-TR [3] inclut trois principaux diagnostics: l’autisme infantile, le syndrome d’asperger et le trouble envahissant du développement non spécifié. Tous ces syndromes, dont les critères diagnostiques sont présentés au tableau 6.1, sont caractérisés par des déficits de la communication et de l’interaction ainsi que par des comportements stéréotypés.
Les énoncés inscrits en gras sont propres à l’enfant présentant un autisme infantile. Pour sa part, l’enfant avec syndrome d’asperger ne présentera pas de retard dans l’acquisition du langage ni dans la sphère cognitive. En revanche, les comportements adaptatifs liés aux interactions sociales seront affectés. |
A. Un total d’au moins 6 items des numéros 1, 2 et 3, avec un minimum de 2 items de 1 et un de 2 et un de 3: 1. Une altération qualitative des interactions sociales comme en témoignent au moins deux des éléments suivants: a. une altération marquée de l’utilisation et de la régulation des comportements non verbaux tels le contact visuel, les expressions faciales, les postures corporelles et les gestes nécessaires aux interactions sociales; b. une incapacité à établir des relations avec les pairs de façon appropriée au niveau du développement; c. ne tente pas de partager ses plaisirs, ses intérêts et ses réussites avec les autres (ex.: ne pointe pas, n’apporte pas d’objets à l’autre, etc.); d. un manque de réciprocité sociale ou émotionnelle. 2. Une altération qualitative de la communication comme en témoigne au moins un des éléments suivants: a. un retard ou une absence du développement du langage parlé (non compensé par un autre mode de communication); b. chez les individus maîtrisant suffisamment le langage, une incapacité marquée à initier ou à maintenir une conversation avec les autres; c. un usage stéréotypé et répétitif du langage; d. une absence de jeu de faire semblant varié et spontané ou de jeu d’imitation sociale appropriés au niveau de développement. 3. Un caractère restreint, répétitif et stéréotypé des comportements, des intérêts et des activités, comme en témoigne au moins un des éléments suivants: a. une préoccupation circonscrite à un ou plusieurs centres d’intérêts stéréotypés et restreints, soit anormal dans son intensité, soit dans son orientation; b. une adhérence rigide à des routines ou rituels spécifiques et non fonctionnels; c. des maniérismes moteurs répétitifs et stéréotypés (ex.: battre des mains); d. une préoccupation persistante pour certaines parties d’objets. B. Un retard ou caractère anormal du fonctionnement, débutant avant l’âge de 3 ans, dans au moins un des domaines suivants: 1. interactions sociales; 2. langage nécessaire à la communication sociale; 3. jeu imaginatif ou symbolique. C. Le trouble n’est pas mieux défini par le syndrome de Rett ou le trouble désintégratif de l’enfance. |
Dans l’autisme infantile et le TEDNS, l’atteinte des fonctions cognitives est variable ; la plupart des enfants sont testables, avec des profils irréguliers. Le QI est touché à des degrés divers chez deux tiers des enfants. Le QI verbal est particulièrement prédictif de l’avenir. Les causes de l’autisme et des TED demeurent inconnues. La contribution génétique est suggérée notamment par des études chez les jumeaux. Les pathologies associées sont nombreuses. Les mécanismes physiopathologiques demeurent pour leur part inconnus. Cependant plusieurs arguments plaident en faveur d’une pathologie cérébrale [4]: plus de 50 % des enfants atteints présentent des signes neurologiques (l’épilepsie n’est pas rare) et/ou des anomalies non spécifiques de l’imagerie cérébrale.
Selon les critères proposés dans le DSM-IV, deux syndromes sont considérés comme des entités particulières. L’un est le syndrome de Rett, caractérisé par un intervalle plus ou moins libre des 6 premiers mois, suivi d’un ralentissement de la croissance crânienne accompagné d’une perte de fonction au niveau des mains avec émergence des stéréotypies sur la ligne médiane, de troubles moteurs majeurs. Ce syndrome a été décrit presque exclusivement chez les filles. La mise en évidence récente d’une mutation liée à l’X dans le gène MECP2 est d’un intérêt considérable et aboutit à l’identification de formes plus modérées du syndrome [5]. L’autre, le trouble désintégratif de l’enfance, se caractérise essentiellement par un développement normal jusqu’à 2 ans, suivi d’une régression de toutes les fonctions cérébrales évoluant vers un tableau autistique.
DÉMARCHE CLINIQUE
En raison des lacunes dans nos connaissances, des interprétations fallacieuses de ces troubles sont parfois encore proposée. Tous retardés ? Non. Une forme de dysphasie ? Non. Un trouble émotionnel lié à des parents pathogènes ? Non. Ce qui compte à l’heure actuelle, c’est un diagnostic le plus précoce possible (18 mois à 3 ans) pour une prise en charge éducative, axée à la fois sur la modification des comportements et la modulation sensorielle visant l’amélioration des capacités de communication. La démarche présentée à la figure 6.2 se doit d’être la plus précoce possible ; c’est par là que passent le sauvetage de la famille et l’amélioration des perspectives de vie pour l’enfant.
Fig. 6.2 |
Pendant les premières années de la vie, quelques outils de dépistage d’utilisation simple sont essentiels pour orienter les observations, tels que le Checklist for Autism in Toddlers (CHAT) à 18 mois [6], présenté au tableau 6.2. Lorsque les items A5 et A7 du CHAT, d’une part, et les items B2, B3 et B4, d’autre part, obtiennent une réponse positive, ils indiquent que l’enfant est capable de manifester son intérêt, de marquer par le regard une attention conjointe à celle de l’adulte et de faire semblant. Au contraire, si ces mêmes items n’obtiennent pas de réponse, l’observation doit être poursuivie. Une échelle adaptée à l’âge de 2 ans, la Modified Checklist for Autism in Toddlers (M-CHAT) [7], présentée au tableau 6.3, est alors appliquée. Contrairement au CHAT, utilisé à 18 mois, ce questionnaire repose entièrement sur le parent comme source d’information. Un dépistage est considéré comme positif sur l’échec à deux des items les plus discriminants ou encore à n’importe quelle combinaison de trois items. Ces outils ont démontré leur valeur de dépistage de l’autisme [2]: ils peuvent être utilisés rapidement dans le bureau du pédiatre et susciter une consultation psychiatrique si nécessaire: les items en caractères gras dans les tableaux 6.2 et 6.3 sont les plus discriminants.
Les 5 items en caractères gras sont les plus discriminants. |
Section A – En demandant aux parents: « Est-ce que votre enfant» 2. S’intéresse aux autres enfants ?
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