14. Épreuve d’effort cardiorespiratoire en pneumologie
Souvent prescrite pour le diagnostic ou l’évaluation objective d’une dyspnée, l’épreuve d’effort cardiorespiratoire en pneumologie permet aussi de chiffrer la gravité et de suivre l’évolution d’une pathologie bronchopulmonaire connue. Elle peut être aussi indiquée avant une chirurgie thoracique pour apprécier le retentissement fonctionnel du geste chirurgical. Enfin, elle permet une individualisation du réentraînement à l’effort dont l’efficacité supérieure à celles des classiques programmes standardisés est démontrée.
SPÉCIFICITÉS DE L’ÉPREUVE D’EFFORT CARDIORESPIRATOIRE
La limitation respiratoire à l’effort chez le pulmonaire peut être multifactorielle, mécanique, musculaire, trouble des échanges gazeux et anomalie de la perception de l’effort et/ou du contrôle respiratoire.
Protocole d’effort
Il doit être individualisé en fonction de la limitation pulmonaire objective établie à partir de la courbe débit-volume pré effort. Chez le patient peu ou non dyspnéique et quel que soit le VEMS le protocole sera établi comme cela a été décrit (tableau 6 et encadré 1). Si la dyspnée est plus marquée, la puissance maximale individuelle (PMI) est calculée (équation 56).
Équation 56
En cas de diminution marquée du VEMS (< 1,5 L), la puissance peut aussi être estimée à partir de la VMM théorique du patient selon l’ équation 57.
Équation 57
Ainsi, il est conseillé de n’utiliser l’ équation 19 précédemment proposée que chez le sujet sédentaire sain ou le patient non « pulmonaire ».
Hyperventilation
Elle est constante chez les patients « pulmonaires ». À partir de l’équation de Bohr, il est possible de déterminer la pente de la relation entre le VE et le VO2, qui dépend de 3 facteurs principaux, les substrats énergétiques utilisés (RER), l’espace mort (Vd/Vt) et la régulation du CO2 artériel (PaCO2).
Équation 58
À l’effort sous-maximal, Vd/Vt augmente par la majoration des zones ventilées non perfusées et VCO2 s’accroît rapidement par utilisation préférentielle des glucides et du métabolisme anaérobie. De plus, le travail des muscles respiratoires majore le coût énergétique de l’exercice. Ces patients privilégient la FR pour adapter leur ventilation, mais il est souvent difficile d’affirmer que sa cinétique est anormale. Cependant, une FR supérieure à 20 cycles.min−1 au repos est à priori anormale. Les équivalents respiratoires en O2 et CO2 sont toujours augmentés (> 40). Ces patients arrêtent le plus souvent l’effort à un niveau de 7–10 sur l’EVA.
Hypoxémie d’effort
Définie par une baisse de SaO2 ≥ 4 % ou de PaO2 ≥ 10 mmHg, elle témoigne d’un trouble des échanges gazeux. Le plus souvent, elle impose au patient d’arrêter l’effort spontanément et précocement, souvent avant SV2. Les caractéristiques de l’hypoxémie aident au diagnostic étiologique. Profonde, d’installation brutale et souvent mal tolérée, elle évoque un shunt droit-gauche, HTAP, foramen ovale, où le VE ne parvient pas à compenser la baisse de la PvO2. Elle peut parfois s’observer dans les bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO) avec trouble majeur du rapport ventilation/perfusion. Dans les troubles de diffusion, emphysème pur, pneumopathies interstitielles diffuses, elle est plus progressive, donc mieux tolérée. Modérée et apparaissant en fin d’effort, elle évoque une pathologie débutante.
Hypoventilation alvéolaire
Elle est caractérisée par une baisse de la PaCO2. Une hypoventilation alvéolaire relative comme chez certains athlètes de haut niveau ou des obèses peut aussi se compliquer d’hypoxémie. Elle est remarquablement tolérée chez les sportifs.
Réentraînement à l’effort
La détermination du seuil individuel de dyspnée (figure 21) guide le réentraînement personnalisé.
Bilan d’opérabilité avant chirurgie pulmonaire
L’épreuve d’effort cardiorespiratoire occupe une place centrale dans le bilan d’opérabilité. Ses résultats permettent de préjuger de la capacité fonctionnelle du patient en postopératoire (figure 43).
Figure 43 modifié d’après Bolliger CT, Perruchoud AP, Eur Respir J, 1998. |
DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE D’UNE DYSPNÉE
La dyspnée est une sensation de perception inconfortable de la respiration qui traduit une impression de manque d’air et qui est exprimée de façon très variable par le patient. Ce symptôme fréquent, banal, voire souvent banalisé, n’est pas pathognomonique d’une pathologie pulmonaire. La courbe débit-volume pré-effort (figure 13) permet de préciser le trouble fonctionnel en cause et de chiffrer son degré de gravité. L’exploration à l’effort d’une dyspnée a deux objectifs, diagnostiquer sa cause et les parts respectives bronchopulmonaire, cardiovasculaire et musculaire et évaluer son retentissement. Le diagnostic étiologique de la dyspnée repose plus sur une analyse méthodique des données recueillies à l’effort et un faisceau d’arguments (tableau 15 et figure 44) que sur un signe spécifique. En cas de déconditionnement, la FC qui s’accélère vite à l’effort et diminue le pouls d’oxygène, redescend lentement en récupération. Le retentissement de la dyspnée est évalué par la mesure des gaz du sang.
SV1 : premier seuil ventilatoire ; FC : fréquence cardiaque ; ΔVO2/ΔW : coût énergétique ; courbe DV : courbe débit-volume ; RV : réserve ventilatoire ; FR : fréquence respiratoire ; Vt : volume courant ; SaO2 : saturation en O2 ; PaO2 : pression partielle en O2 dans le sang artériel ; Vd/Vt : rapport espace mort sur volume courant. | ||
Paramètres | Dyspnée « cardiaque » | Dyspnée « pulmonaire » |
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Pic VO2 | Diminué | Diminué |
SV1 | Précoce | Normal ou non atteint |
Pouls O2 | Plateau précoce | Normal |
Réserve FC | Normale ou augmentée | Augmentée |
ΔVO2/ΔW | Diminuée | Normale |
Courbe DV | Normale | Anormale |
RV | Normale | Diminuée |
FR | Augmentée | Excessif |
Évolution Vt | Normale | Anormale |
SaO2 | Stable | Diminué |
Pa02 | Normale | Diminuée |
VD/Vt | Augmenté | Stable |