Endométriose

14. Endométriose

M. Lachowsky





Un peu d’histoire


L’endométriose est une maladie du mal-être et du malaise, celui des patientes mais aussi des médecins. Souffrance du passé, douleur du présent, elle affecte les femmes dans leur vie quotidienne comme dans leurs projets. Cette maladie nouvelle serait pour certains liée au monde moderne, alors qu’on en retrouve trace dans des écrits médicaux dès 1690 – trace certes un peu perdue puisque les historiens de la médecine l’ont longtemps oubliée. En font foi l’Encyclopédie d’histoire de la médecine publiée à New York en 1985, ou le travail de Cambridge, qui se veut très complet, sur l’histoire de la santé humaine, datant de 1997, qui ne la mentionnent même pas.




Aux pires stades, cette maladie affecte totalement le bien-être de la malade, son esprit en est complètement brisé et de plus elle vit toujours dans la crainte d’une aggravation, notamment celle des douleurs ou de convulsions.

Outre leurs étonnantes descriptions macroscopiques, nos détectives du XVIIIe siècle, comme les nomme l’historien américain qui a fait cette recherche, Vincent J. Knapp (1999), ont été frappés par le caractère intense de la douleur, comparé aux douleurs de l’enfantement, décrite comme insupportable, oppressante, convulsive, atroce et tortueuse, associée à des céphalées, nausées, insomnie et tachycardie – qui ne s’appelait encore que pouls rapide. Si l’un d’eux dit que cette douleur récurrente ou permanente ne pouvait qu’aboutir à l’hystérie, un autre compatit :



Qui ne serait nerveux et hystérique dans le triste état d’angoisse qu’amène cette maladie ? Les femmes sont torturées de douleurs, et doivent en plus faire face à la myriade des autres symptômes.

Triomphe du regard et de l’écoute clinique de ces chercheurs d’un autre temps, qui, n’ayant pas nos ressources scientifiques, ne pouvaient découper en tranches que la maladie et non la malade.



Douleurs et infertilité


De nombreuses études ont été publiées, essentiellement anglosaxonnes, sur le profil psychologique et les événements de vie des femmes souffrant de douleurs pelviennes chroniques, avec et sans endométriose prouvée. Ce qui est assez étonnant, c’est qu’il y a peu de différence entre l’anxiété et la fragilité de ces deux groupes de patientes et encore moins de corrélation entre taille des lésions et intensité de la douleur. De plus, il est bien connu que chercher une endométriose équivaut presque à la trouver !

J. Belaïsch et J.-P. Allard (2003) ont retrouvé au cours de leurs travaux quelques aspects communs chez des femmes porteuses d’endométriose : un niveau socioéconomique sensiblement plus élevé, des familles moins nombreuses, avec des premières grossesses tardives ; mais l’endométriose a bien sûr aussi des explications logiques (plus de cycles et de menstruations, infertilité, et peut-être alors une plus grande difficulté d’ajustement à cette parentalité tardive). Cette constatation nous avait aussi frappées, moins cependant que la fréquence non négligeable d’événements de vie particulièrement traumatisants vécus par un grand nombre de ces patientes. En effet, et nous y reviendrons, elles nous révèlent souvent un passé moralement douloureux, qui a précédé ou accompagné les douleurs physiques.

Au présent, s’y ajoute souvent une autre douleur, celle de l’infertilité, qui est aussi un mode de découverte de l’endométriose. Aujourd’hui encore, la dysménorrhée n’évoque pas systématiquement cette affection, ou plutôt il paraît impensable de proposer une cœlioscopie, car l’échographie n’est pas toujours productive, à toute adolescente se plaignant de règles douloureuses. D’autant plus que celles-ci ont souvent recours à l’automédication, surtout si la lignée familiale a toujours considéré cet état comme normal, comme une « fatalité du fait féminin ». Pour en revenir aux médications, il faut bien avouer que les traitements de l’endométriose sont en euxmêmes une source de stress et de mal-être. La pseudoménopause, non seulement induite mais aussi recherchée, toute réversible qu’elle soit, n’est pas facile à tolérer. Traitements médicaux ou chirurgicaux, il convient d’en exposer avantages et inconvénients à la patiente, et ce n’est pas toujours si simple ni si tranché. Il faudra parfois combiner les deux, il lui faudra donc s’armer de patience, alors qu’elle a justement le sentiment d’être depuis longtemps dans une attente qui frise la non-reconnaissance de ses problèmes. Il convient d’être aussi clair que possible et, pour cela, de prendre du temps ; cette recommandation peut paraître aussi banale qu’évidente, mais elle est importante car le dialogue est semé d’embûches : affligée d’une maladie « bizarre », à peine compréhensible, mais responsable de tant de maux, notre patiente est parfois sidérée devant des choix thérapeutiques qui lui semblent aller de Charybde en Scylla. Elle est touchée dans sa féminité, sa sexualité, sa fertilité ; en ce sens, que faire si les thérapeutiques ne réparent que certaines manifestations, ou pire, en créent d’autres ?

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Apr 27, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Endométriose

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