120 Dysfonction érectile
Introduction
La dysfonction érectile (DE) est l’incapacité d’obtenir ou de maintenir une érection suffisante pour les rapports sexuels. Sur la base de données extrapolées du rapport de la Massachusetts Aging Male Study, la DE affecte quelque 20 à 30 millions d’Américains, dont la plupart sont âgés de plus de 50 ans. Dans cette étude épidémiologique d’une communauté homogène de la banlieue de Boston, 1709 hommes ont été interrogés, et les résultats ont montré que 52 % des hommes âgés de 40 à 70 ans avaient une DE ; elle était complète chez 10 % de l’échantillon total, modérée chez 25 % et minimale chez 17 %. La prévalence de la DE augmente avec l’âge, mais c’est la DE modérée et complète qui augmente le plus. Les pourcentages de DE étaient considérablement plus élevés chez les hommes exposés à des facteurs de risque, comme les maladies cardiaques, la prise d’agents antihypertenseurs et vasoactifs, l’obésité et le tabagisme.
Physiologie de l’érection
La stimulation sexuelle provoque la libération du neurotransmetteur, l’oxyde nitrique (NO), à partir des terminaisons nerveuses des corps caverneux, ce qui augmente le flux sanguin dans ces structures (figure 120.1). La production de NO induit la relaxation des muscles lisses du corps caverneux. Les structures veineuses sous l’albuginée sont compressées, ce qui inhibe la sortie du sang veineux et produit ainsi l’érection. Dans le pénis, le NO provient des fibres nerveuses nitrergiques et des cellules endothéliales. En stimulant le système de la guanylate cyclase et en augmentant la guanosine monophosphate cyclique (GMPc), le NO cause un efflux de calcium de la cellule musculaire lisse, produisant sa relaxation. La GMPc est dégradée par une enzyme, la phosphodiestérase (PDE). Le type de PDE qui prédomine dans les corps caverneux est de type 5 (PDE5). Les inhibiteurs de la PDE5 (iPDE5), comme le sildénafil, le tadalafil et le vardénafil, prolongent la présence du GMPc et facilitent la relaxation des muscles lisses des corps caverneux.
Étiologie et pathogénie
Les étiologies de la DE sont organiques ou psychogènes, 60 % des patients ayant une DE organique causée par des anomalies vasculaires, musculaires, nerveuses, hormonales ou liées aux muscles lisses (figure 120.2). Moins de 40 % des patients ont une DE d’origine purement psychique. L’étiologie psychique reste controversée. Le stress, l’anxiété et la dépression produisent une suractivité des agonistes α dans le tissu musculaire lisse des corps caverneux, et ce déséquilibre de la stimulation α peut inhiber le relâchement des muscles lisses.
Tableau clinique
Les facteurs de risque
Les facteurs de risque pour la DE incluent les maladies systémiques qui produisent des anomalies vasculaires, entre autres l’hyperlipémie, le diabète, les effets de l’hypertension et un traitement antihypertenseur ainsi que l’athérosclérose.
La DE d’origine nerveuse s’observe en cas de sclérose en plaques, de diabète et de paraplégie, ainsi qu’après une chirurgie pelvienne radicale ou une radiothérapie pour un cancer pelvien, de la prostate, du côlon ou de la vessie.
Des anomalies hormonales et un hypogonadisme sont également des facteurs de risque pour la DE, produisant non seulement des troubles du système nerveux central et un affaiblissement de la libido, mais aussi des changements locaux dans le relâchement des muscles lisses des corps caverneux.
Les causes psychiques sont importantes, et une DE est fréquemment associée à une dépression, même faible. Un traitement de la dépression au moyen d’un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS) renforce encore davantage la DE en réduisant et en retardant la fonction éjaculatoire.
Anamnèse
Un interrogatoire minutieux sur l’état général et la fonction sexuelle est la pierre angulaire de la prise en charge des patients atteints de DE. L’anamnèse doit porter sur les points suivants : âge auquel le syndrome s’est manifesté pour la première fois ainsi que les éventuels changements de style de vie survenus à cette époque, vitesse d’apparition de la dysfonction, présence ou absence d’érection la nuit ou tôt le matin, durant une masturbation ou au cours de rapports avec d’autres partenaires. Les patients doivent aussi être interrogés sur la fonction éjaculatoire. Est-elle suivie de douleur ? Quel est le volume de l’éjaculat ? Un interrogatoire minutieux sur la diminution de la libido peut orienter le diagnostic vers une cause hormonale ou, plus souvent, vers une dépression clinique. Puisque la DE est fortement associée aux symptômes du tractus urinaire bas, des questions doivent également être posées à propos de la miction.
En cas de DE organique, le développement du syndrome est le plus souvent progressif ; il commence par une perte intermittente des érections, une réduction de la durée et la difficulté de maintenir une érection jusqu’à l’éjaculation. L’anamnèse est la méthode la plus efficace pour identifier les patients qui se plaignent d’éjaculation précoce (EP) et qui peuvent également consulter pour évaluation d’une DE.
Une DE d’origine psychique commence le plus souvent de manière abrupte, déclenchée par des troubles psychologiques comme dépression, anxiété, changements de mode de vie ou problèmes relationnels. Ces hommes ont généralement conservé des érections nocturnes et matinales ainsi que durant une masturbation. Les patients atteints de DE organique ont également une DE psychologique secondaire. Les patients atteints de perte de libido ou d’autres symptômes de déficit androgénique lié à la vieillesse peuvent être identifiés par un profil hormonal.
Examen physique
L’examen physique se concentre sur les caractères sexuels secondaires, la distribution des cheveux et les organes génitaux. La palpation des pouls périphériques, les réflexes neurologiques, comme le réflexe bulbocaverneux, et le tonus du sphincter anal peuvent contribuer à l’identification d’une neuropathie périphérique due à une lésion nerveuse ou au diabète. Des changements dans la taille ou la consistance des testicules peuvent être associés à un hypogonadisme primaire. L’examen physique général, à savoir pression artérielle, réflexes et pouls aux membres inférieurs et champs visuels (recherche d’une tumeur hypophysaire), peut suggérer des causes systémiques sous-jacentes.
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel repose surtout sur un interrogatoire minutieux et des analyses de laboratoire. Pour le choix du traitement approprié, il importe de différencier la dysfonction éjaculatoire et d’autres troubles sexuels non érectiles. De nombreux patients se plaignent d’EP en tant que DE. Comme le traitement de l’EP est un antidépresseur de type ISRS, il faut bien distinguer les deux syndromes. Un déficit en androgènes devrait également être exclu sur la base des antécédents et d’un dosage de la testostérone du matin. Dans les couples confrontés à d’importantes difficultés relationnelles, il faut recommander des entretiens avec un conseiller conjugal.
Démarche diagnostique
Parce que la DE peut être le premier symptôme d’un diabète, d’une hypercholestérolémie, d’une hypertension ou d’une maladie systémique, il importe de rechercher soigneusement chacun de ces troubles. Un profil hormonal doit comprendre un dosage de la testostérone totale sur un échantillon de sang prélevé le matin. Si la testostérone totale est anormale, il faut répéter le dosage de la testostérone totale et faire doser alors la testostérone libre, l’hormone lutéinisante et la prolactine. Les résultats peuvent identifier les patients atteints d’un déficit en androgènes, d’une tumeur pituitaire ou d’une autre cause d’hypogonadisme. La testostérone est généralement faible et la prolactine élevée chez les patients atteints de tumeur hypophysaire ou d’insuffisance rénale chronique sous hémodialyse. Un profil lipidique, un dosage de l’hémoglobine A1C et d’autres analyses médicales générales peuvent être utiles.
Pour les patients nécessitant des examens supplémentaires avant une reconstruction chirurgicale ou un pontage vasculaire, des investigations spécialisées comme un test Doppler des flux sanguins du pénis après injection d’agents vasoactifs, une étude de l’évolution nocturne de la tumescence du pénis et une angiographie pelvienne peuvent être utiles. Les candidats à un pontage vasculaire sont généralement des hommes jeunes ayant une lésion artérielle pelvienne solitaire ou des antécédents de traumatisme du périnée ou du bassin. Le pontage vasculaire chez le patient âgé est rarement couronné de succès, surtout si la DE est associée à une hypercholestérolémie, un diabète, une hypertension ou au tabagisme.
Chez certains patients, des études de l’évolution nocturne de la tumescence pénienne peuvent être utiles pour différencier une origine organique ou psychique de la DE.

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