Diététique

8. Diététique



Dès lors le malade est informé de son « nouveau mode alimentaire » déterminé par le choix de l’une ou l’autre technique. Dans les deux cas une nutrition adaptée est le complément indispensable du traitement par dialyse.

S’adressant à des malades chroniques, le soin doit être considéré dans la durée, notamment en matière d’alimentation. Il faut savoir se donner des priorités entre les différents paramètres de leur alimentation afin qu’elle soit vivable à long terme.

Contraintes, frustrations, interdits excessifs appellent la transgression. Il ne faut pas le perdre de vue pour traiter de la nutrition du dialysé, en ayant pour objectif de lui donner des conseils applicables à long terme.


NUTRITION DE L’INSUFFISANT RÉNAL


En fait, les troubles nutritionnels apparaissent avant le stade terminal de l’insuffisance rénale. Leur fréquence et leur sévérité augmentent avec la progression de l’insuffisance rénale. La réduction des apports alimentaires – qui en est la principale cause – concerne, comparativement, davantage les apports énergétiques que les apports protéiques [3, 4].

Les régimes restrictifs en protides, proposés à des fins de néphroprotection, ont été accusés d’obérer l’état nutritionnel des patients [5], ce qui peut être le cas s’ils ne sont pas associés à un suivi régulier, assuré conjointement par un médecin et une diététicienne [6].


ÉPIDÉMIOLOGIE

L’existence de troubles nutritionnels à un stade prédialytique a été récemment confirmée lors de la phase de faisabilité de l’étude nord-américaine : Modification of Diet in Renal Diseases[3] concernant 1 687 patients insuffisants rénaux chroniques dont la filtration glomérulaire moyenne était de 39,7ml/min.

Dans cette étude, la diminution de la filtration glomérulaire (FG) était associée à une réduction de l’apport spontané protéique qui passait de 1,07g/kg/j pour une FG de 70ml/min à 0,80g/kg/j pour une FG de 9ml/min.


Les patients dont la FG est inférieure à 10ml/min avaient un apport protéique inférieur de 20 %, par rapport à ceux dont la FG est supérieure à 50ml/min. Les auteurs concluaient que des signes de malnutrition protéino-calorique peuvent apparaître précocement dans le cours de l’IRC pour devenir évidents, lorsque la FG est inférieure 10ml/min.



MISE EN ÉVIDENCE

De nombreux examens ont été proposés : cliniques, biochimiques, biophysiques, mais le marqueur nutritionnel unique et idéal n’existe pas, c’est le suivi longitudinal de plusieurs marqueurs qui permettra le mieux d’apprécier l’état nutritionnel des patients.

Sur un plan pratique, l’interrogatoire des patients, la mesure régulière de leur poids et des données anthropométriques, l’appréciation de la force musculaire à l’aide d’un dynamomètre, l’estimation du bilan azoté et le dosage des protéines nutritionnelles permettent d’apprécier avec suffisamment de précision l’état nutritionnel [9]. Parmi les protéines nutritionnelles, l’albumine est la plus largement utilisée du fait de la simplicité de son dosage, sa demi-vie d’environ 3 semaines en fait un marqueur médiocre pour apprécier les variations rapides de l’état nutritionnel et en particulier la réponse à une supplémentation protéino-énergétique. On tend donc à lui associer sinon lui préférer la préalbumine dont la demi-vie n’excède pas 2 jours. On ajoutera à ces dosages celui de la CRP qui est certes un marqueur inflammatoire mais qui est négativement corrélée de façon très significative avec les protéines nutritionnelles.

Les examens biophysiques – impédancemétrie bioélectrique ou absorptiométrie biphotonique (DEXA) – sont devenus en quelques années les méthodes de référence. Ils ont montré la précocité, et confirmé la grande fréquence des troubles nutritionnels, dont ils permettent de suivre l’évolution, à condition de les utiliser toujours au même moment par rapport à la séance de dialyse : fin de séance pour l’hémodialyse, «à ventre vide» pour la dialyse péritonéale [10].


MÉCANISMES

Plusieurs facteurs peuvent rendre compte de l’existence des troubles nutritionnels de l’insuffisance rénale chronique :


• Le plus important est évidemment la réduction des apports protéino-énergétiques, qui peut relever de plusieurs mécanismes :


– L’anorexie est associée, on l’a vu, à la progression de l’insuffisance rénale. L’amélioration de l’appétit lorsque les patients sont dialysés suggère la responsabilité de déchets azotés plus ou moins dialysables s’accumulant au cours de l’IRC – ce que confirme l’effet puissamment anorexigène, chez le rat, de l’injection intrapéritonéale d’une fraction isolée de l’urine ou de l’ultrafiltrat plasmatique de patients urémiques, d’un poids moléculaire se situant entre 1 500 et 5 000 daltons [11]. Si une dose insuffisante de dialyse représente la première cause d’anorexie chez les patients dialysés, inversement l’augmentation de la fréquence ou du temps de dialyse entraîne une amélioration des apports protéino-énergétiques et du statut nutritionnel [12].



– Des facteurs socio-économiques ou psychologiques peuvent également rendre compte d’un apport alimentaire insuffisant ou inadapté. Ces facteurs sont particulièrement importants chez les sujets âgés.

Par ailleurs les problèmes dentaires et neurosensoriels (goût et odorat en particulier), fréquents chez les sujets âgés, ou les traitements médicamenteux, pas toujours justifiés, peuvent également interférer avec la prise des différents nutriments [14].


• La réduction des apports protéino-énergétiques ne résume pas la totalité des mécanismes responsables de la malnutrition de l’IRC. L’altération du métabolisme des différents nutriments peut également y contribuer :


– résistance à l’action de l’insuline pour le métabolisme glucidique;


– anomalies de répartition des différentes fractions des lipoprotéines; hypertriglycéridémie en rapport essentiellement avec une moindre activité des différentes lipases pour le métabolisme lipidique;


– diminution de l’anabolisme protéique en réponse à la perfusion d’acides aminés liée à la résistance à l’action de l’insuline et des facteurs de croissance [15].

L’acidose métabolique devra être impérativement corrigée du fait de son action protéolytique majeure [16]; il en est de même pour l’hyperparathyroïdie, également facteur d’hypercatabolisme.


• Quoique l’anémie ne joue pas un rôle direct sur l’état nutritionnel, sa correction par l’érythropoïétine s’accompagne d’une amélioration de l’anorexie, associée à un meilleur équilibre des peptides régulateurs de l’appétit, leptine et neuropeptide Y en particulier [17].


CONSEILS THÉRAPEUTIQUES

La recherche systématique de troubles nutritionnels favorise un diagnostic plus précoce et une correction plus facile. En effet l’existence d’anomalies cliniques et biologiques traduit un état de dénutrition déjà très évolué. Cette recherche systématique implique un interrogatoire périodique du patient, qui ne se limitera pas à la seule enquête alimentaire, mais s’intéressera aussi aux problèmes environnementaux, socio-économiques, psychologiques ou autres rencontrés par celui-ci.




CONCLUSIONS

L’anorexie est fréquente et précoce au cours de l’IRC, son implication est évidente dans le statut nutritionnel des patients mais aussi dans leur qualité de vie et leur devenir en dialyse [20]. Le traitement se propose de corriger les principaux facteurs responsables de l’anorexie : rétention des déchets azotés et inflammation en particulier. Ces orientations thérapeutiques ne doivent toutefois pas faire oublier que l’optimisation de l’environnement psychosocial des patients, en particulier des plus âgés, joue un rôle déterminant dans l’amélioration de la prise alimentaire.


NUTRITION DE L’HÉMODIALYSÉ


LA DÉNUTRITION

Les patients hémodialysés présentent fréquemment une malnutrition protéino-calorique qui peut avoir différentes origines : apport alimentaire insuffisant, facteurs socio-économiques, effets secondaires de médicaments, dialyse inadéquate, perte de nutriments dans le dialysat….

Les critères de la dénutrition débutante :


– perte de poids, fonte musculaire: 5 % du poids corporel en 1 mois ou 10 % en 6 mois;


– albuminémie basse (30 à 35g/L malnutrition modérée, < 30g/L malnutrition grave);


– « Protéin Catabolic Rate » bas (PCR < 1g/l taux de catabolisme protidique);


– CRP < 5g/L;


– transthyrétine basse ou pré-albumine (< 300mg/L).


En effet une PCR faible révèle une sous-nutrition le plus souvent induite par une sous-dialyse (Kt/V bas). L’amélioration du Kt/V fait augmenter la PCR. Les dialysés avec un taux d’albumine abaissé et une CRP normale ont un faible apport en protéines. Assurer une ration protidique journalière satisfaisante est le premier objectif de la nutrition.


L’APPORT EN PROTIDES

Il est de 1g à 1,1g de protides/kg/jour afin de couvrir le besoin de l’organisme et les pertes en acides aminés durant les séances. Les protides d’origine animale sont à favoriser de par leur meilleure valeur biologique et leur apport équilibré et suffisant en acides aminés essentiels (viandes rouges et blanches, poissons, œufs, fromages, lait, laitages).

L’apport énergétique est de 35 Kcal/kg/jour afin d’éviter le catabolisme protidique. Il est nécessaire d’encourager les patients à augmenter leur activité physique pour favoriser l’augmentation de leur apport en calories.

Jun 22, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Diététique

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