3. Diagnostic des Troubles Visuo-Practo-Spatiaux (VPS)
Assumer sa différence à l’école reste un exercice de haute voltige.
Un régime particulier suscite la crainte de marginaliser l’enfant.
C’est un faux problème.
Mesurons-nous suffisamment, nous, les adultes, la souffrance d’échouer en permanence, de consommer tant d’énergie pour écrire quelques lignes et de ne plus avoir une attention suffisante pour écouter ce que dit le maître ?
La marginalisation, c’est cela !
(Françoise LAROUSSINIE, Tête en l’air, 2000)
DÉFINITIONS ET TERMINOLOGIE
Ces enfants, grands maladroits (clumsy children des Anglo-Saxons), patauds et mal à l’aise dans les activités sportives ou motrices qui nécessitent précision, rapidité et agilité, s’investissent beaucoup dans les activités verbales et intellectuelles, et « misent tout » sur les activités intellectuelles et la réussite scolaire.
Pourtant, des écueils innombrables jalonnent le parcours de l’enfant dyspraxique. Faire précocement le diagnostic et l’analyse de ces troubles, trouver rapidement comment l’aider à surmonter ses difficultés, constitue l’enjeu de l’évaluation pour cet enfant. Selon que le trouble sera ou non repéré et pris en compte à temps, la scolarité sera possible ou non, leur avenir barré ou non, car ces enfants dyspraxiques n’auront pas le choix: ils ne pourront exercer que des professions d’intellectuels, des professions où les diplômes sont incontournables.
Or, les définitions et les limites de ces pathologies ne font pas toujours l’objet d’un consensus. En effet, contrairement à ce nous avons décrit pour le langage, nous ne disposons pas actuellement d’une modélisation efficiente pour décrire le développement de ces fonctions visuo-practo-spatiales.
« À ce jour, il manque toujours une théorie générale permettant d’expliquer ce que nous percevons, comment nous le percevons et comment nous mettons en relation ce qui est perçu avec les capacités de mouvement dont nous disposons. » (M.A. Grealy, 2002)
Cela alimente différentes conceptions de ces troubles, et, partant, des propositions très hétérogènes en ce qui concerne leur mise en évidence, leurs répercussions et leur prise en charge (Mazeau, 2006). Il faut pourtant, avant de proposer un programme thérapeutique – rééducatif (visant à réduire les symptômes) et/ou palliatif (visant à obtenir la fonction par des moyens détournés) et/ou de réadaptation (aménagement de l’environnement) – chercher d’une part, à décrire les symptômes, d’autre part à prendre en compte, au moins partiellement, les mécanismes en œuvre derrière le symptôme. C’est tout le sens de l’analyse neuropsychologique.
Les dyspraxies de l’enfant ont été décrites dès 1964 par l’équipe d’Ajuriaguerra (Stamback et coll., 1964), à l’hôpital Sainte-Anne. Depuis, de nombreuses équipes ont apporté leur contribution, en particulier par la description ou l’étude des dyspraxies développementales (Cermak, 1985; Hauert, 1993; Koeda et coll., 1997), mais elles n’apparaissent pas sous ce terme dans le dernier DSM-IV (Guelfi et coll., 1996) où il est question de « troubles d’acquisition de la coordination » (cf. également Albaret, 1999), terme qui ne recouvre pas exactement les mêmes symptômes ni les mêmes mécanismes. Nous traiterons ici du diagnostic clinique des TAC et / ou dyspraxies.
DYSPRAXIES
Définition
Nous reprendrons la description princeps (Stamback et coll., 1964) dont nous extrayons cette citation: « Il s’agit d’enfants d’intelligence normale, ayant une relative facilité dans le domaine du langage, mais présentant par ailleurs des difficultés importantes sur le plan moteur et de l’organisation spatiale ».
Sur le plan neuropsychologique, la dyspraxie est un trouble de la planification spatiale et temporelle de l’action intentionnelle et finalisée qui se traduit par une anomalie de la réalisation gestuelle.

Une des significations de ce terme fait référence à la conception de l’organisation d’une action complexe selon un plan déterminé, et renvoie donc aux fonctions exécutives, (→ 286, 306).
Dans une seconde acception, ce terme renvoie au résultat de cette planification, à la façon dont elle est mise – ou non – en œuvre, à l’organisation et la coordination effective d’un ensemble d’actions élémentaires. Pour éviter trop de confusions et d’amalgames, on parle plutôt alors de la programmation de la réalisation du geste. Lorsqu’on parle de dyspraxie, c’est généralement à ce niveau (de programmation du geste et/ou de sa réalisation) qu’on se situe.
À cette définition, très opérationnelle en pratique clinique, permettant observations détaillées, évaluations, diagnostics et rééducations, il faut ajouter que le diagnostic de dyspraxie exclut que les incapacités constatées soient en lien avec une méconnaissance (du geste ou de l’outil). En effet, toutes les praxies sont apprises: il s’agit de l’engrammation de sortes de « cartes toutes prêtes », de « forfaits d’actions » qui gèrent l’ensemble des composantes motrices du geste (régulations posturales, mouvement balistique, précision en amplitude, force et configuration manuelle, préforme de la main, etc.) et de coordinations complexes qui se construisent sous l’effet de l’observation, de l’apprentissage et de l’expérimentation.
Il en découle donc, lorsque le diagnostic de dyspraxie est porté, qu’il est inutile de continuer à proposer sans fin les mêmes apprentissages à l’enfant par les techniques habituelles, puisque justement, sa pathologie consiste en ce fait que, malgré la répétition et l’entraînement, il ne peut engrammer la ou les praxie(s) correspondante(s).
Par ailleurs, le diagnostic des dyspraxies exclut que les incapacités constatées puissent être en rapport direct avec des troubles moteurs.
En effet, des troubles moteurs francs (paralysies, troubles du tonus, mouvements anormaux) ou des troubles de la motricité fine (adiadococinésie, anomalies ou incapacité de dissociations des doigts, tremblements, fines dystonies, troubles de la sensibilité profonde ou superficielle, troubles de l’équilibre, dysmétrie ou dyschronométrie, etc.) peuvent naturellement retentir sur la qualité de la réalisation gestuelle. En particulier la présence d’un syndrome cérébelleux, même frustre (et qui fait souvent partie des signes neurologiques « soft » retrouvés chez ces enfants) peut rendre compte de nombreuses maladresses gestuelles, de l’imprécision lors de la réalisation de gestes fins, de lenteur lorsque la précision est réclamée. Enfin, les dysfonctionnements cérébelleux compromettent l’automatisation des apprentissages gestuels.
Un examen neuro-moteur complet et soigneux doit donc normalement précéder toute demande de bilan VPS, surtout s’il s’agit d’un trouble du graphisme (→ 120, 125, 146). En effet, le diagnostic de dyspraxie ne peut être envisagé qu’après élimination des autres causes connues pour être responsables de gestes approximatifs, désorganisés, mal coordonnés, lents et imprécis.
– défaut d’apprentissage ou d’exposition au geste correspondant ou d’entraînement;
– problème de motricité fine: dystonie, dysmétrie, dyschronométrie, tremblement, syndrome cérébelleux cinétique (→ 125) ;
– déficience mentale et/ou problème de compréhension de consigne ;
– trouble des stratégies et fonctions exécutives (cf. « planification » du geste, → 104) ;
– problème praxique et/ou visuo-spatial.
Certaines praxies sont obligatoirement acquises chez l’enfant tout-venant, à un âge donné, dans une culture donnée, car tous les enfants ont de fait été exposés à cet apprentissage: ces gestes servent alors de repères dans le développement de l’enfant normal et sont utilisées dans les « baby-tests »(→p. 2). D’autres praxies au contraire sont « facultatives »: certains savent jouer du piano, d’autres savent faire un nœud de cravate, etc.
Analyse neuropsychologique du geste
En ce qui concerne l’organisation gestuelle, plusieurs éléments qualitatifs sont à observer et à prendre en compte (→ 143):
–
la conscience par l’enfant, de ses erreurs (en faveur d’une dyspraxie) ou au contraire, le fait qu’il soit satisfait de sa production (plutôt en faveur d’une déficience mentale) ou ne perçoive pas les différences entre le modèle et sa réalisation (troubles visuels, neuro-visuels, attentionnels ou visuo-spatiaux ?) ;

–
le type de geste demandé et son influence éventuelle sur l’échec ou la réussite de l’enfant (→ 113, 116): geste à valeur linguistique (« chut », « au revoir »), geste « constructif » (puzzles, constructions de cubes, de bois…) ou non, geste impliquant l’utilisation réelle d’outils (brosse à dents, fourchette, gomme, etc.), mime d’actions (faire semblant de jouer de la trompette, de tirer au fusil, d’éplucher une banane), geste « en situation » en présence du matériel ou de l’outil adapté, geste arbitraire sans signification (imitation de postures du corps, des membres ou de configurations manuelles) ;

– les segments corporels sollicités: corps entier, membres supérieurs (geste unilatéral ou bilatéral, gestes ipsi-latéraux ou croisés), doigts, doigts/visage ;
–
l’espace dans lequel le geste doit être produit (→ 117, 118): espace corporel (gestes dits « réflexifs ») 1 ou extra-corporel, espace 3D2 (reproduction de gestes, maniement d’outils, constructions, mimes), espace 2D3 (graphisme, dessins) ;

–
la modalité afférente proposée: ordre verbal (afférence auditivo-verbale), imitation ou copie (afférence visuelle ou visuo-spatiale) et sa présentation (modèle construit séquentiellement, pas à pas devant l’enfant ou, au contraire, présentation globale et simultanée de tous les éléments) ;

–
enfin, l’efférence sollicitée: regard (appariement de photos, par exemple), practo-motrice (exécuter le geste), visuo-practo-motrice (graphisme), verbale (description d’action ou d’utilisation d’outil, dire si « pareil/pas pareil », etc.).

Cette observation permet, devant un trouble du geste, une analyse des conditions qui l’aggravent ou au contraire constituent une aide, voire permet la mise en évidence de dissociations, certains gestes étant très échoués ou impossibles et d’autres étant préservés, certaines afférences étant très « toxiques », d’autres pouvant constituer une aide efficace. Cette analyse qualitative, très descriptive, oriente le diagnostic différentiel au sein des différentes dyspraxies.
Exemples : Voici les résultats au WISC de trois garçons d’excellent niveau verbal, en très grande difficulté scolaire, qui présentent tous une très importante dissociation verbal / performance (supérieure à 45 points) et diagnostiqués tous trois dyspraxiques.
Sub-tests (WISC-III) | Dorick (10 ; 5ans – CM 1) | Dimitri (10 ; 8ans – CM 1) | Dassia (11 ; 2ans – CM 2) | Observations |
---|---|---|---|---|
Information | 19 | 19 | 15 | |
Similitudes | 19 | 15 | 18 | |
Arithmétique | 10 | 18 | 9 | Noter chez Dimitri, l’étonnante préservation des performances en arithmétique (→ 23, 133, 331, 332, 335) |
Vocabulaire | 19 | 19 | 14 | |
Compréhension | 19 | 15 | 16 | |
Complètement d’images(CI) | 7 | 12 | 14 | Noter chez Dorick, la mauvaise performance à CI, ce qui est inhabituel (→ 35, 49) |
Code | 7 | 6 | 3 | Dassia présente une très grande lenteur (code = 3) |
Arrangement d’images | 9 | 9 | 7 | |
Cubes | 2 | 6 | 9 | Noter chez Dorick et Dassia les profils inverses entre AO et cubes |
Assemblage d’objets (AO) | 8 | 5 | 1 |
Dorick semble aidé par la représentation mentale (AO → 40) et parasité par le modèle ou l’afférence visuelle. À mettre en lien avec sa mauvaise performance à CI ? Il faudra investiguer les fonctions neuro-visuelles… Au contraire, Dassia est aidé par le modèle et analyse finement les données perceptives visuelles comme le montre sa bonne performance à CI. Ces deux enfants ne seront certainement pas aidés par les mêmes stratégies thérapeutiques ni pédagogiques. Enfin, en ce qui concerne Dimitri, l’absence de plaintes en mathématiques (qui constitue au contraire la seule matière scolaire où il n’est pas en échec) doit faire douter d’une dyspraxie « visuo-spatiale », peut-être même du diagnostic de dyspraxie et reprendre l’anamnèse, le détail qualitatif des modalités de réponse aux sub-tests échoués…

Formes cliniques
En fonction de la nature du geste, on distingue différentes sortes de dyspraxies (Lussier et Flessas, 2001), qui peuvent être isolées ou diversement associées chez un même enfant.
Dyspraxies constructives
On qualifie ainsi les actions qui visent à obtenir un assemblage de plusieurs éléments pour constituer un tout. Il s’agit donc essentiellement d’organiser des unités les unes par rapport aux autres (cubes, légos, clipos, puzzles, organisation de traits pour la réalisation de lettres, mais aussi menuiserie, bricolage, couture, etc.).
Ces activités s’inscrivent donc obligatoirement dans l’espace et sont indissociables des fonctions spatiales (→ 117): les diverses pièces doivent être organisées les unes par rapport aux autres, c’est dire qu’il faut analyser et/ou concevoir et/ou reproduire les rapports topologiques entre les parties et percevoir et/ou se représenter et/ou produire les orientations (obliques, haut/bas, droite/gauche). C’est la plus fréquente des dyspraxies et c’est pourquoi on parle souvent de fonctions « practo-spatiales ».
Dyspraxies idéatoires
Ici, les gestes impliqués nécessitent des séquences d’actions élémentaires, qui doivent donc se succéder dans le temps (allumer une bougie, plier une lettre et la mettre dans l’enveloppe, faire de la compote ou de la pâte à crêpe, etc.). Il est important de noter qu’habituellement chaque séquence séparément peut être réalisée par l’enfant, mais c’est leur enchaînement qui est échoué (différence avec un trouble moteur).
L’utilisation d’objets et d’outils (marteau, règle, brosse à dent, etc.) entre aussi dans cette catégorie.
Ces praxies sont impliquées dans de nombreuses activités de la vie quotidienne: petit secrétariat, cuisine, toilette, repas, scolarité, etc.
Dyspraxies idéomotrices
Les mimes d’actions (faire semblant de repasser, d’ouvrir une porte avec une clé, de jouer de la trompette, de dormir, de se coiffer, d’éplucher une banane, etc.) sont échoués. Il peut s’agir aussi de mimes symboliques, à valeur quasi-linguistique: « chut », « au revoir », salut militaire, etc.
Les mimes sont à peine ébauchés, impossibles, irreconnaissables ou aberrants, alors qu’en situation, le geste peut être réussi de façon dite « automatique ». Cette dissociation automatico-volontaire, lorsqu’elle existe, est très caractéristique.
Autres dyspraxies
Les dyspraxies de l’habillage sont fréquentes chez l’enfant. Contrairement aux difficultés uniquement liées à un défaut de structuration spatiale ou de structuration du schéma corporel – l’enfant confond alors les éléments droits et gauches, ou devant/ derrière, ou endroit/envers – les enfants dyspraxiques tournent et retournent le vêtement en tous sens cherchant à quelle partie du corps correspond chaque pièce ou chaque ouverture (col, manches, jambes).
N.-B. Ne seront pas abordées ici, car faisant partie de tout autres tableaux sémiologiques :
– les dyspraxies bucco-faciales et bucco-phonatoires (apraxie de la parole), qui appartiennent au chapitre des troubles du langage, qu’elles soient isolées ou associées à différents tableaux de dysphasies d’expression ;
– les apraxies oculomotrices, bien connues des ophtalmologistes et des orthoptistes, qui sont une variété de troubles oculomoteurs (→ 128).
TROUBLES VISUO-SPATIAUX
Ils sont définis comme résultant d’anomalies des traitements spatiaux, déficits de la perception et/ou de la réalisation de tâches impliquant spécifiquement des notions spatiales. Les troubles visuo-spatiaux peuvent être isolés ou associés à une (des) dyspraxie(s) (→ 129, 138).

D’une façon générale, la « spatialisation » n’est pas une fonction unitaire. Il s’agit de fonctions multi-factorielles complexes, qui maturent lentement, à des rythmes différents et dont l’achèvement est tardif (vers 8ans ?) (Mazeau, 2005) et réclament donc différents tests, complémentaires pour leur évaluation:
– fonctions concernant l’espace extra-corporel: analyse automatique des orientations et des positions relatives des divers éléments de la scène visuelle ;
– fonctions concernant l’espace corporel: connaissance des différentes parties du corps et leurs relations statiques et dynamiques ;

– fonctions concernant l’intersection de l’espace corporel et de l’espace extra-corporel: espace de préhension (manuel, buccal…).
Cette progressive construction est dépendante de nombreuses fonctions cognitives: sensorielles (visuelles, labyrinthiques, proprioceptives et kinesthésiques…), motrices, mnésiques et conceptuelles, etc. Il ne faut donc pas la réduire aux seules fonctions verbales (compréhension et/ou expression) du langage afférent à l’espace, au corps, aux relations topologiques, aux orientations, ni aux seules fonctions grapho-practo-spatiales (dessin du bonhomme…).
SYMPTÔMES D’APPEL
CONDITIONS DU SOUPÇON
On peut distinguer divers contextes dans lesquels surgissent les premières inquiétudes quant aux fonctions praxiques ou spatiales (Figure 3-1).
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Fig. 3-1 – Les conditions du diagnostic des troubles visuo-practo-spatiaux (VPS). |
Symptômes isolés
Lorsque les symptômes initiaux sont isolés, ils passent facilement inaperçus dans la première enfance. La maladresse de l’enfant (→ 122) est d’abord interprétée comme une particularité à laquelle on accorde peu d’importance. Son refus des jeux de cubes, légos et clipos, son manque d’intérêt pour les coloriages et les dessins, ses jeux exclusivement tournés vers les récits (histoires, livres, cassettes vidéos, films) et les jeux symboliques, sont compris comme le reflet de sa personnalité, de ses goûts.
Retard psychomoteur global
Lorsque les symptômes initiaux s’inscrivent dans le cadre d’un retard psychomoteur global, ils inquiètent plus tôt. Habituellement, il s’agit d’ailleurs plutôt de TAC que de dyspraxies au sens strict (Mazeau, 2006). Si des tests sont pratiqués précocement (avant 3–4ans), les résultats risquent d’être interprétés dans le cadre d’une immaturité globale, se confondant alors longtemps avec des diagnostics flous tels « retard psychomoteur » ou « retard global » ou « retard intellectuel » (→ 44, 99). En effet, beaucoup des items utilisés dans les baby-tests (→p. 2) pour juger de la normalité de l’évolution de l’enfant sont des items practo-moteurs ou visuo-practo-moteurs: leur échec ou leur retard d’acquisition peut signer soit un « retard global », soit une difficulté spécifique dans le domaine practo-spatial. Seule l’évolution de l’enfant permettra de trancher, en général après 3ans et demi – 4ans (→ 123).
Prématurité, antécédents neurologiques
Lorsque l’enfant est un ancien prématuré (Mellier et coll., 1999; Koeda et coll., 1997 ; Epipage 2004) ou s’il a des antécédents neurologiques (méningite, tumeur cérébrale, traumatisme crânien, etc.), il est alors habituellement suivi régulièrement par des structures spécialisées (consultation hospitalière de neuro-pédiatrie, CAMSP4, etc.). La « maladresse » sera systématiquement explorée et le retard des acquisitions praxiques sera rapidement détecté (→ 122) ; de même l’évolution graphique sera surveillée, et c’est la mise en évidence, au décours de la passation d’une WPPSI, d’une dissociation entre l’échelle verbale (préservée) et l’échec aux épreuves performance, dissociation d’au moins 20 points qui alertera (→ 132). En effet, les dyspraxies sont connues pour être une séquelle habituelle et fréquente de la prématurité, surtout lorsqu’existent des lésions de leucomalacies périventriculaires (Picard et coll., 1985, Leroy-Malherbe V, 2004), que l’enfant souffre ou non de troubles neuro-moteurs associés.
SIGNES D’APPEL
Ils sont de trois ordres, selon que les troubles s’extériorisent sous la forme:
ÉVALUATION VPS AU DÉCOURS D’UN SUIVI NEUROLOGIQUE
SIGNES D’ALERTE
Décalage chronologique des acquisitions praxiques
On peut noter précocement un retard dans certaines des acquisitions gestuelles de la première enfance (→ 140).
Voici les principaux repères chronologiques en ce qui concerne le domaine praxique.
Évolution
C’est pourquoi l’évolution entre deux consultations à 4 ou 6 mois d’intervalle est un élément précieux à ce stade. En effet, en cas de retard simple (de lenteur banale d’évolution, liée aux différences individuelles de développement), le décalage entre le niveau des performances praxiques et celui des performances langagières a tendance à se réduire avec le temps. Au contraire, la relative stagnation des acquisitions praxiques, ou pire, l’accroissement de l’écart entre performances praxiques et performances verbales entre deux consultations est un signe hautement suspect qui doit inciter à un suivi attentif dans ce secteur de la cognition.
AFFIRMER LE DIAGNOSTIC
Le diagnostic ne peut guère être affirmé avant 4 ou 5ans et repose sur une démarche en trois temps.
Analyse des résultats aux épreuves de Wechsler
Les tests WPPSI ou WISC, selon l’âge de l’enfant, doivent être proposés pour objectiver une dissociation « raisonnement verbal (préservé)/ performance (ou indice de raisonnement perceptif) chuté » d’au moins 20 points, avec échec électif dans les épreuves réclamant des compétences visuo-practo-spatiales (→ 133–143), en particulier les cubes (→ 16, 31, 32, 134) et l’assemblage d’objet dans le WISC-III, les matrices dans la dernière version, WISC-IV (→ 34).
Le « diagnostic » de dyspraxie sur la seule constatation de meilleures performances verbales que non-verbales est, malheureusement, encore trop fréquent (→ 12, 161, 307): il s’agit d’une facilité coupable qui doit être combattue car elle conduit à faire des propositions inadaptées à ces enfants victimes d’erreurs par négligence.
Si cette première approche psychométrique ne peut en aucun cas constituer à elle seule le diagnostic, elle permet pourtant de faire des hypothèses qu’il faudra confirmer (ou infirmer) par la passation des tests étalonnés qui évaluent spécifiquement le secteur practo-spatial.
Élimination des diagnostics concurrents
En effet, plusieurs pathologies sont susceptibles de donner des tableaux voisins ou des résultats approchants (→ 146–150) aux épreuves précédentes, en particulier la présence d’éventuels troubles moteurs (→ 106, 142, 300).
En ce qui concerne l’évaluation motrice précise et les gestes fins, on peut noter les épreuves de Laurence Vaivre-Douret: « développement fonctionnel moteur de 0 à 48 mois » et « l’évaluation gnosopraxique distale » (ECPA). Les épreuves du Purdue-Pegboard (ECPA) explorent la motricité fine (précision et rapidité digitale), de même que les sub-tests dits « précision visuo-motrice » dans la NEPSY (→ 300) ou « rapidité visuo-motrice » dans le DTVP26 (nouvelle version revue et complétée du Frostig).
Analyse qualitative des erreurs
Mettre à jour les conceptions de l’enfant, les stratégies qu’il tente de mettre en œuvre pour résoudre certaines tâches spatiales ou pour effectuer certains gestes (→ 107–111, 143, 154), quel type de gestes, d’afférence ou efférence aggravent l’échec ou au contraire lui permettent de réussir, tous ces éléments donnent des renseignements irremplaçables pour comprendre de quels « outils », de quelles compétences, de quels savoirs, l’enfant dispose ou non.
CAS PARTICULIERS
Deux cas particuliers sont particulièrement fréquents dans ce contexte:
– la dyspraxie visuo-spatiale de l’ancien prématuré ;
– la découverte, chez un enfant suivi pour une dysphasie connue, d’une dyspraxie (ou d’un retard graphique).
Dyspraxie visuo-spatiale de l’ancien prématuré
Un ancien prématuré est généralement l’objet d’une surveillance particulière (avec ou sans trouble neuro-moteur), et ce, d’autant plus que la prématurité était importante (< 32 semaines) et/ou le poids de naissance faible (< 1 500 g), car on connaît la grande fréquence des troubles d’apprentissage dans cette population (Mellier et coll., 1999) (→ 121).
La découverte de la dyspraxie est le fait soit d’un suivi systématique au décours duquel on met en évidence le « retard » de certaines acquisitions praxiques, soit d’explorations neuropsychologiques motivées par une dysgraphie importante, souvent notée dès l’école maternelle ou par un échec scolaire global en cours de scolarité primaire (→ 336).
En effet, il s’agit souvent d’enfants qui présentent l’association de trois lignées de symptômes: des troubles du regard, une anomalie des traitement spatiaux et une dysgraphie importante.
Troubles oculomoteurs et troubles du regard
Ces troubles se traduisent par des anomalies d’organisation et de calibrage des saccades (→ 317–319) qui peuvent retentir sur la qualité de la lecture et sur la capacité d’accès à la forme orthographique du mot (→ 325).
La lecture reste syllabée-hésitante, lente, fatigante (→ 323), tandis que se dévoile peu à peu une dysorthographie lexicale (orthographe « d’usage », → 318) et que se confirment des difficultés en arithmétique (troubles du dénombrement, → 331).
Le diagnostic est suspecté devant:
– un strabisme neurologique (précoce, le plus souvent alternant) ;
Un bilan orthoptique doit être demandé, à la fois pour préciser le trouble du regard (qualité des poursuites, précision du calibrage des saccades, organisation de l’exploration d’une scène visuelle, …) et pour juger de l’intérêt d’une thérapeutique (rééducation orthoptique).
Troubles visuo-spatiaux importants
Il s’agit d’anomalies des traitements automatiques des données spatiales: lorsque nous regardons une scène visuelle, les relations spatiales entre les divers éléments de la scène sont normalement traitées automatiquement, via la « voie dorsale » (voie occipito-pariétale) dans laquelle les lobes pariétaux jouent un rôle fondamental (→ 168).
Ces troubles peuvent être accompagnés de difficulté à la perception des obliques (→ 117) et d’un échec à toutes les épreuves de topologie et/ou repérage dans l’espace (échec à l’épreuve des points et des barres (Benton et coll., 1975; Picard et coll., 1985), à la reproduction de dessins géométriques dans un repères de points comme dans le sub-test « relations spatiales » du Frostig (Frostig, 1961), Figure de Rey7 ou équivalent, etc. (→ 138).
Ces troubles sont à l’origine de dyscalculies spatiales (→ 331, 332, 335), d’échecs sévères en géométrie et chaque fois que la tâche est très infiltrée de facteurs spatiaux (géographie, interprétation de schémas et tableaux, etc.).
Dysphasie accompagnée d’une dyspraxie
C’est en général le trouble du langage qui, au premier plan de la pathologie, provoque la consultation (→chap. 2). Secondairement, deux situations peuvent conduire à suspecter la présence d’une dyspraxie associée:
– soit les épreuves psychométriques ne mettent pas en évidence la dissociation verbal-performance au profit de l’échelle performance comme on s’y attendrait (→ 10, 67) ; pourtant, il y a souvent préservation d’un score correct au sub-test « complètement d’images » (→ 35). L’enfant obtient donc des scores médiocres dans les deux échelles, pouvant, à tort, faire évoquer une déficience mentale (→ 11) ;
Exemple : il s’agit d’un jeune garçon de 8ans et demi, diagnostiqué d’abord « retard sévère de parole/langage » à 5ans, puis « dysphasique » à 7ans et enfin « déficient mental » à 9ans. On imagine sans peine le désarroi des parents… En effet, un WISC est pratiqué à 8ans 11 mois, à l’occasion d’une demande d’admission en classe spécialisée, qui montre des résultats « homogènes bas », avec un QI-V = 68 et un QI-P = 72. De fait, tous les scores sont faibles (compris entre 3 et 6–7) sauf le sub-test complètement d’images ou l’enfant obtient la note de… 14 ! Cet élément oblige à reprendre l’ensemble du bilan neuropsychologique, ce qui aboutira à la mise en évidence chez l’enfant de l’association d’une dysphasie et d’une dyspraxie : ce diagnostic va influer sur l’orientation de l’enfant (en CLIS « langage » et non en CLIS « troubles mentaux ») et sur les propositions thérapeutiques et les adaptations pédagogiques préconisées.
– soit une dysgraphie rebelle et persistante se manifeste au décours de la scolarisation (→ 99, 165) Elle est souvent initialement négligée, car elle ce sont les difficultés d’accès au langage écrit qui occupent alors le devant de la scène. Cependant, la maladresse graphique s’ajoute aux troubles spécifiquement dysphasiques et aggrave les difficultés à l’écrit.
Différents types de dysgraphies peuvent coexister avec une dysphasie: discrets troubles de motricité fine (→ 146), dyspraxie « pure » ou dyspraxie visuo-spatiale (→Tableau 3-IV).
Au total, lorsque le diagnostic de dyspraxie émerge au décours d’un suivi neurologique ou neuropsychologique antérieur, les circonstances du diagnostic peuvent être schématisées ainsi:

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