5. Détérioration neurologique à la phase aiguë de l’accident vasculaire cérébral
Bien que les symptômes de l’AVC soient classiquement maximaux d’emblée et que les patients récupèrent peu à peu, au cours des jours, des semaines et des mois, l’état des patients peut aussi se détériorer. Certains ont qualifié le phénomène de progression de l’AVC, évolution de l’AVC, détérioration de l’AVC et fluctuation des symptômes. Il n’y a pas de terminologie validée. Le phénomène obéit à plusieurs causes et demeure imparfaitement compris. Ce chapitre évoque l’évaluation des causes potentielles et les approches thérapeutiques de chaque cause.
Causes probables
(1) Augmentation de taille de l’AVC (exemple: sténose artérielle ou occlusion avec une aggravation du défaut de perfusion).
(2) Chute de la pression de perfusion.
(3) Récurrence d’AVC (peu commun).
(4) Œdème cérébral et effet de masse.
(5) Transformation hémorragique.
(6) Perturbation métabolique (diminution de la saturation en O2, diminution du débit cardiaque, augmentation de la glycémie, diminution de la natrémie, fièvre, traitement sédatif, etc.).
(7) Crise d’épilepsie, confusion postcritique.
(8) Symptômes fluctuants sans raison valable (à cause de l’inflammation?).
(9) Patient non coopérant (somnolent, médicaments).
Évaluation initiale des patients avec une détérioration neurologique
• Évaluer les voies aériennes, la respiration, l’hémodynamique, les signes vitaux, les examens de laboratoire. Le patient est-il hypotendu ou hypoxique?
• Parler au patient et l’examiner. Si le patient est somnolent, est-ce parce qu’il est 3 h du matin ou à cause d’un effet de masse? Quel est le mode d’évolution des symptômes: aggravation globale ou aggravation localisée?
• Obtenir immédiatement un scanner cérébral sans injection de produit de contraste (pour rechercher une hémorragie, un nouvel AVC, un œdème, etc.).
• Passer en revue les traitements (antihypertenseurs, sédatifs).
• Observer le patient et rechercher auprès des infirmières des petits signes de convulsions qui seraient passés inaperçus.
• Envisager un angioscanner pour obtenir des images artérielles ou une IRM pour obtenir des images artérielles, rechercher un nouvel AVC, une extension de l’AVC, un œdème; un écho-Doppler transcrânien ou un EEG pour diagnostiquer des convulsions infracliniques.
Extension de l’AVC
Elle survient lorsqu’il y a une sténose ou une occlusion artérielle et des changements hémodynamiques, quelle qu’en soit la raison. Il n’y a pas d’études supportant le bénéfice de l’anticoagulation pour prévenir les séquelles d’une aggravation d’origine hémodynamique, quoique de nombreux cliniciens franchissent le pas et recourent à une anticoagulation par héparine. Toutefois, la meilleure option est probablement de traiter précocement la sténose ou l’occlusion sous-jacentes.
L’approche doit être la prévention plutôt que le traitement après l’aggravation. La clé est une imagerie précoce pour détecter une sténose ou une occlusion d’une grosse artère, par écho-Doppler transcrânien, angioscanner ou IRM afin d’identifier très tôt les patients à haut risque. Les patients avec un déficit mineur, mais avec un écho-Doppler transcrânien ou une angio-IRM anormaux, sont à plus haut risque d’aggravation. Une imagerie de perfusion peut identifier des zones tissulaires à risque. Même sans étude de perfusion par IRM ou scanner, la mise en évidence d’une petite lésion en séquence pondérée sur une IRM ou un déficit neurologique relativement mineur en présence d’une importante occlusion d’artère sur une imagerie artérielle indiquent un fort risque d’aggravation.
Pour de tels patients, il faut envisager une intervention précoce telle qu’une thrombolyse intraveineuse malgré un score NIHSS bas, une thérapie intra-artérielle, une endartériectomie carotidienne ou la mise en place d’un stent carotidien.
Chute de la pression de perfusion
Parce que les mécanismes d’autorégulation sont inhibés par l’ischémie cérébrale, chaque diminution de la pression sanguine réduit le flux sanguin dans les régions de pénombre, aggravant potentiellement, de ce fait, le déficit clinique. Ceci est vrai aussi bien pour les AVC corticaux que pour les AVC sous-corticaux. Ces derniers bénéficient d’une collatéralité particulièrement faible et sont donc à haut risque de détérioration en cas d’hypoperfusion. De façon empirique, il est préconisé que la pression artérielle moyenne (PAM) soit conservée à son niveau pré-AVC (dans les recommandations: au minimum 130 mmHg pour les patients hypertendus et 110 mmHg pour les patients normotendus) dans les premières 24 h; si la PAM descend sous ce niveau et que l’état du patient se détériore, elle doit être augmentée par remplissage vasculaire et éventuellement par un vasopresseur.
Il convient de ne pas oublier le positionnement de la tête. Le simple fait d’allonger le patient à plat ou avec une surélévation de la tête qui ne dépasse pas 15° peut augmenter la perfusion cérébrale.
Récurrence d’AVC
Malheureusement, certains patients sont exposés à avoir des AVC récurrents. Parmi les patients avec une fibrillation auriculaire, le risque d’AVC récurrent est estimé à 5–8 % dans les deux premières semaines [5,6,21]*. Il n’existe pas de données montrant qu’une anticoagulation immédiate ou précoce est utile, même dans la prise en charge de la fibrillation auriculaire, car l’anticoagulation peut engendrer des complications hémorragiques (voir «Transformation hémorragique» plus loin). Cependant, la fréquence des récurrences d’AVC peut être sous-estimée si la détérioration clinique est considérée seule. Une étude rapporte qu’un AVC récurrent était détecté par IRM chez 34 % des patients dans la première semaine, tandis que seuls 2% des AVC récurrents étaient notés sur l’observation clinique [22]. De plus, certains patients peuvent être à haut risque de ré-embolisation, particulièrement ceux qui présentent une sténose mitrale ou un thrombus auriculaire gauche. C’est pourquoi notre recommandation pour les patients ayant une fibrillation auriculaire est l’anticoagulation jusqu’à ce que soit déterminé, par une imagerie cérébrale répétée, que l’infarctus est petit, ou, s’il est important, qu’aucune transformation hémorragique ou qu’aucun œdème ne se développe. Ceci implique généralement une attente de 48–96 h après l’AVC.
Dans une étude sur une large population, l’athérosclérose d’une grosse artère était associée à un fort taux de risque d’AVC récurrent (tableau 5.1 et figure 5.1) [23]. Ceci soutient les recommandations de réaliser une revascularisation carotidienne (endartériectomie ou stent) plutôt précoce que tardive (voir « Sténose carotidienne », chapitre 6).
Mécanisme | Récurrence à 1 semaine | Récurrence à 1 mois | Récurrence à 3 mois |
---|---|---|---|
Athérosclérose d’une grosse artère | 4,0 % (0,2–7,8) | 12,6 % (5,9–19,3) | 19,2 % (11,2–27,2) |
Cardiœmbolique | 2,5 % (0,1–4,9) | 4,6 % (1,3–7,9) | 11,9 % (6,4–17,4) |
AVC d’un petit vaisseau | 0 % | 2,0 % (0–4,2) | 3,4 % (0,5–6,3) |
Indéterminé | 2,3 % (0,5–4,1) | 6,5 % (3,4–9,6) | 9,3 % (5,6–13,0) |

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