des substituts de l’os dans les reprises de prothèses totales de hanche

Place des substituts de l’os dans les reprises de prothèses totales de hanche

Bone substitutes and revision total hip arthroplasty

D. Mainard, N. Pauchard, J. Diligent, E. Choufani and L. Galois


Service de chirurgie orthopédique traumatologique et arthroscopique, CHU Nancy, 29, avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, 54000 Nancy

Résumé
Les greffes osseuses, auto- et allogreffes, représentent le matériel de choix de reconstruction des pertes de substances cotyloïdiennes et/ou fémorales lors de reprises de prothèse totale de hanche. Déjà connus en orthopédie et traumatologie, les substituts osseux sont de plus en plus utilisés dans ce type de chirurgie.

Les substituts de l’os utilisés sont essentiellement les céramiques de phosphate de calcium : hydroxyapatite, phosphate tricalcique B, ou produits biphasés mélanges en proportion variable des deux premiers. Ils sont biocompatibles, bioactifs, et sans risque microbiologique. Sous forme de granules ou de blocs de géométrie et de dimension variables, ces dispositifs implantables ont une faible résistance mécanique. Ils peuvent être associés à des greffes osseuses et des armatures de soutien.

Des études ont montré l’intérêt des substituts de l’os associés à des greffes osseuses sur des modèles animaux de reprise acétabulaire avec une bonne intégration tissulaire. Les études cliniques rétrospectives et prospective confortent ces résultats sur le comblement osseux cotyloïdien. Les auteurs insistent sur la nécessité d’une stabilité initiale de la cupule, fixée directement dans un os receveur de qualité ou grâce à une armature de soutien.

Des études animales ont montré des résultats mécaniques favorables à l’association de substituts osseux aux allogreffes pour la reconstruction de perte fémorale. Les études cliniques sont encourageantes sur l’utilisation des phosphates de calcium pour les reprises fémorales de prothèse de hanche. Leur bonne intégration à l’os receveur favoriserait la reconstruction de celui-ci et la stabilité de la tige au fémur.

Les substituts de l’os sont actuellement, à côté des greffes, un moyen supplémentaire de comblement des pertes osseuses lors des reprises de prothèse de hanche. Leurs indications sont à préciser.




Summary

Bone grafts, whether auto- or allografts, are the material of choice for reconstruction of bone loss at the acetablular or femoral level during total hip arthroplasty revision. Bone substitutes, already known in orthopaedics and traumatology, are increasingly used in this type of surgery.

The bone substitutes currently utilised are primarily calcium phosphate ceramics: hydroxyapatite, tricalcium phosphate B, or biphasic mixtures of these two substances in variable proportions. These substitutes are biocompatible, bioactive, and present no microbiological risk. In the form of granules or blocks of various dimensions and shapes, these implantable substitutes have low mechanical resistance and can be associated with bone graft and reinforcement armatures.

Studies have shown the interest of substitutes associated with bone grafts in animal models, with resulting good tissue integration. Retrospective and prospective clinical studies confirm good results in filling acetabular defects. The authors insist on the necessity of the initial stability of the cup, fixed directly in a receiver bone of good quality or using reinforcement armatures.

Animal studies have shown favourable mechanical results when bone substitutes are associated with allografts to reconstruct femoral bone loss. Clinical studies are encouraging on the use of calcium phosphates for femoral revisions in hip arthroplasty. Their good integration to the receiver bone favours reconstruction and stability of the femoral shaft.

In addition to grafts, bone substitutes currently provide an additional means to fill bone defects during total hip revision. Precisions concerning the indications for their use will be useful.



Introduction


Les allogreffes osseuses sont utilisées de longue date et avec beaucoup de succès dans les pertes de substance au cours des reprises de prothèse totale de hanche. Elles restent à cet égard le mode de comblement et de reconstruction de référence, tant au cotyle qu’au fémur, en particulier pour les pertes de substance structurales.

Cependant, depuis quelques années, des substituts de l’os ont été proposés dans de telles indications, au fémur comme au cotyle, avant tout pour des comblements cavitaires mais également pour des pertes de substance cotyloïdiennes structurales sous certaines réserves. Ils peuvent être préconisés seuls ou en complément d’une allogreffe.


Plus généralement, les substituts de l’os sont maintenant largement utilisés en orthopédie et en traumatologie dans des indications très variées avec d’excellents résultats et se posent en véritable alternative à l’autogreffe ou à l’allogreffe [9, 11, 15]. En effet, de nombreux travaux fondamentaux et expérimentaux ont montré l’intérêt des phosphates de calcium, ouvrant ainsi des perspectives nouvelles aux cliniciens en cas de perte de substance osseuse [13].

Nous n’envisagerons pas ici les substituts dérivés d’une structure osseuse, allogreffe ou xénogreffe, mais uniquement ceux issus d’une synthèse chimique, ayant fait l’objet de publications dans l’indication étudiée ici.


Substituts de l’os


Il existe actuellement près d’une centaine de substituts de l’os d’origine non osseuse disponible sur le marché français, répartis en différentes familles dominées par les céramiques de phosphate de calcium [14]. Ce sont d’ailleurs ces dernières qui ont fait principalement l’objet d’une utilisation dans l’indication qui nous intéresse ici. Il peut s’agir d’hydroxyapatite, de phosphate tricalcique B ou de produits biphasés mélangés en proportion variable d’hydroxyapatite et de phosphate tricalcique B. Elles peuvent se présenter sous forme de granules ou sous différentes formes géométriques (cubes, cylindres, disques, blocs de dimensions variables, etc.).

La biocompatibilité des phosphates de calcium est bien établie de longue date in vitro et in vivo. Il n’y a aucune réaction immunologique ou toxique, aucune réaction à corps étranger, aucun risque microbiologique à craindre. Leur intérêt réside dans leur composition chimique similaire à celle de la phase minérale des tissus calcifiés, en particulier de l’os, c’est-à-dire l’apatite biologique, apatite carbonatée non stœchiométrique. La famille des phosphates de calcium comprend de nombreux membres qui diffèrent par leur formule chimique et leur rapport calcium sur phosphate (Ca/P).

Les phosphates de calcium ont une propriété fondamentale : la bio-activité (par opposition aux céramiques bio-inertes comme l’alumine). La bio-activité caractérise les possibilités d’échange entre les cellules, les tissus, les fluides biologiques environnants et la céramique proprement dite. D’une manière générale, les propriétés des céramiques de phosphate de calcium, et en particulier la bio-activité, sont directement liées à leurs caractéristiques chimiques et physicochimiques. L’hydroxyapatite de formule Ca10 (PO4)6 (OH)2 est chimiquement le phosphate de calcium le plus proche de la phase cristalline de l’os. Cependant, le rapport calcium sur phosphate de 1,67 est inférieur à celui de l’os. L’HA est très peu soluble dans les matériaux biologiques, son taux de dégradation est très bas et nécessite en général plusieurs années.

Le phosphate tricalcique βTCP, de formule Ca3 (PO4)2 a un rapport Ca/P de 1,5. Il est beaucoup plus soluble et dégradable que l’HA in vivo. Néanmoins, sa dégradation nécessite, en fonction des localisations et de la forme utilisée, de quelques mois à 2 à 3 ans. Lorsque les phosphates de calcium ne sont pas parfaitement purs, leurs propriétés de bio-activité et de bio-intégration peuvent être considérablement modifiées.

Les produits biphasés voient leur capacité de dégradation varier en fonction du rapport entre les deux phosphates de calcium. Ainsi, selon l’application souhaitée, on peut choisir un substitut avec un rapport HA/TCP particulier (biodégradation plus ou moins rapide). Les produits disponibles sont composés le plus souvent de 60 à 65 % d’HA pour 40 à 35 % de PTC, mais certains comportent 80 % d’HA ou de TCP [14]. D’une manière générale, la biodégradation d’un phosphate de calcium varie selon la nature de celui-ci, sa porosité, la taille de ses pores et sa forme.

Les phosphates de calcium communément disponibles sur le marché comportent une double porosité (sauf pour les granules) : une microporosité (< 10μm) et une macroporosité (>100μm), siège des phénomènes cellulaires et de la repousse osseuse. Micro- et macroporosité jouent un rôle biologique différent. La microporosité qui correspond aux interstices entre les réseaux cristallins constitutifs de la céramique est le lieu des phénomènes chimiques. Cependant, elle pourrait également favoriser l’ancrage cellulaire. La macroporosité est celui des phénomènes biologiques et cellulaires. En effet, ces macropores autorisent l’envahissement cellulaire, vasculaire et osseux, et constituent le support de l’ostéo-conduction. La pénétration cellulaire se fait dans les heures qui suivent l’implantation. Un diamètre de pore minimal de 100μm est nécessaire pour favoriser la pénétration cellulaire [10] mais l’interconnexion entre les macropores est également nécessaire à l’envahissement cellulaires, des néovaisseaux et pour la circulation microfluidique. Le lien avec l’os environnant et néoformé se fait directement au niveau ultrastructural sans interposition fibreuse.

Un des grands inconvénients des céramiques de phosphate de calcium est leur fragilité et leur faible résistance mécanique puisqu’elle est de l’ordre de 10 à 15 MPa pour les céramiques commercialisées dépendant de la porosité et de la taille des pores. Bien évidemment, les céramiques denses sont plus résistantes à la contrainte en compression (jusqu’à 100MPa) mais restent fragiles. C’est la raison pour laquelle ces phosphates de calcium ne peuvent pas être utilisés en zone de contrainte sans ostéosynthèse complémentaire, lorsque le volume de la perte de substance le justifie. Les phénomènes de calcification et de repousse osseuse dans la céramique sont à l’origine d’une amélioration de la résistance mécanique dans les semaines qui suivent l’implantation mais qui ne sont pas suffisantes pour assurer les contraintes biomécaniques d’un os porteur [26].

D’un point de vue réglementaire, les substituts osseux sont considérés comme des dispositifs implantables de classe III. Ils sont inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) et sont donc pris en charge par la Sécurité sociale. Cependant, ce remboursement est soumis à des conditions générales mais également plus spécifiques à l’indication évoquée ici. Ils doivent être employés en comblement osseux pour le renforcement d’une perte de substance osseuse d’origine traumatique ou orthopédique ou dans la perspective d’une reconstitution du stock osseux. De façon plus spécifique, pour la reprise d’une prothèse totale de hanche, la limite de remboursement est fixée à 663,15 euros (à titre d’exemple un implant osseux géométrique de plus de 15cc est remboursé à hauteur de 243,92 euros). L’association d’une allogreffe et d’un substitut osseux est possible dans la limite de 3 247,16 euros, sur justificatif apporté par la facture et les étiquettes attestant du nombre d’unités implantées.

Les céramiques de phosphates de calcium sont d’excellents biomatériaux sous réserve d’adapter les conditions d’utilisation à leurs propriétés. Les conditions d’implantation les plus favorables sont constituées par un environnement bien vascularisé, un contact osseux intime et l’absence de micromobilité qui pourrait conduire à une encapsulation fibreuse.

D’autres substituts de l’os comme le sulfate de calcium ou le corail ont été utilisés dans les reprises de prothèses totales de hanche mais de façon plus limitée [26]. Plus récemment, des substituts injectables ont pu également être proposés pour combler des pertes de substance cotyloïdiennes ou fémorales mais pour l’instant on ne peut considérer leur emploi comme véritablement validé. Ainsi, les ciments phosphocalciques qui durcissent in situ peuvent combler des pertes de substance cavitaires mais ne sauraient prétendre à stabiliser un implant. D’autres, sous forme d’hydrogels de nanoparticules d’hydroxyapatite, ne durcissent pas mais peuvent compléter une reconstruction et combler des espaces vides; ils ont une bio-activité particulière qui devrait faciliter la repousse osseuse.

Quels qu’ils soient, les substituts osseux synthétiques ont l’avantage par rapport aux allogreffes d’éviter tout risque infectieux et microbiologique.

Enfin, il est difficile de ne pas évoquer les «morphogenic proteins» (BMPs) dont les applications en chirurgie traumatologique et orthopédique sont extrêmement intéressantes et prometteuses. Ce facteur de croissance pourrait être utilisé avec ou sans allogreffe ou substitut osseux. À cet égard, le travail expérimental d’Hoshino est très séduisant [12]. Hoshino a montré que de la BMP, associée à un phosphate tricalcique et à un copolymère résorbable, permettait la consolidation d’une lésion osseuse expérimentale tant fémorale que cotyloïdienne chez des chiens bénéficiant d’une arthroplastie totale de hanche simulant une révision. Cette consolidation est acquise en 12 semaines, ce qui n’est le cas dans le groupe témoin sans BMP.


Reconstruction et comblement cotyloïdiens


Matsuda a été le premier à évoquer l’intérêt des substituts osseux pour la restauration osseuse du cotyle [17]. Il a fait appel aux bioverres pour reconstruire de larges pertes de substance en zone portante chez 24 chiens avec d’excellents résultats radiographiques, histologiques et mécaniques. D’autres auteurs comme Arts ont également confirmé chez l’animal l’intérêt des substituts de l’os pour les reconstructions cotyloïdiennes [2]. Vingt chèvres ont bénéficié d’une arthroplastie totale cimentée de hanche après création d’une lésion osseuse cotyloïdienne correspondant à un stade 3 de la classification de l’AAOS. Le comblement s’est effectué pour la moitié d’entre elles par de l’allogreffe seule et pour l’autre moitié par l’allogreffe mélangée à part égale avec un phosphate de calcium biphasé sous forme de granules comprenant 80 % de phosphate tricalcique. Cette étude n’a montré aucune instabilité dans les deux groupes. La pénétration du ciment était identique. Il n’a pas été mis en évidence d’usure à troisième corps du polyéthylène liée à une migration des granules de phosphate de calcium. Enfin, le score histologique au terme des 15 semaines postopératoires n’a pas montré de différence entre les deux groupes. L’impaction n’a pas eu d’influence sur le comportement du phosphate de calcium. Une interface plus ou moins importante est toujours présente entre le ciment et le matériel de comblement quel qu’il soit sans que cela se traduise par une instabilité macroscopique de l’implant. Ce même auteur avait démontré par une étude in vitro que la stabilité mécanique d’une cupule, reconstruite par un mélange d’allogreffe et de phosphate de calcium biphasé en proportion égale ou que le phosphate de calcium représentant 75 % du mélange, était supérieure à celle obtenue par de l’allogreffe seule [1].

Only gold members can continue reading. Log In or Register to continue

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Apr 2, 2020 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on des substituts de l’os dans les reprises de prothèses totales de hanche

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access