Chapitre 8 Indications des implants et des greffes osseuses à visée implantaire
Il est établi que la durée de vie des implants ostéo-intégrés, mis en place dans des conditions favorables, avoisine une période de 20 ans [1]. L’indication la plus représentative à longtemps été appliquée pour la rétention des prothèses amovibles dans les édentements totaux maxillaires et mandibulaires [2]. Il ne subsiste plus aucun doute aujourd’hui quant à l’amélioration de l’efficacité masticatoire et de la qualité de vie des patients, dès lors que deux implants mandibulaires stabilisent une prothèse complète amovible [3]. L’édentement unitaire est également une des indications la plus fréquente pour éviter d’endommager les dents voisines par la réalisation d’une prothèse fixée classique [4, 5].
Une meilleure compréhension du processus d’ostéo-intégration [6], de la cicatrisation tissulaire périimplantaire [7], des principes biomécaniques [8], des états de surfaces et de leurs influences sur l’ostéo-intégration [9] concourt depuis l’avènement des implants à diversifier les indications.
Les chapitres précédents ont précisé les bases générales d’une indication implantaire fondée sur [10] :
Principales indications des implants
Édentement total
Stabilisation des prothèses amovibles
La stabilisation par implant(s) d’une prothèse amovible est décidée quand :
Plusieurs conceptions de traitements sont possibles pour stabiliser une prothèse amovible.
Stabilisation d’une prothèse amovible mandibulaire par deux attachements sphériques vissés sur deux implants
Les attachements sphériques représentent l’alternative la plus simple et la moins onéreuse pour stabiliser une prothèse amovible mandibulaire (figures 1 à 6).
Deux implants sont placés en zone parasymphysaire, le plus souvent en région canine. Il est admis que la distance interimplants influe sur la rétention de la prothèse, un intervalle prévisible moyen de 23 mm entre les deux implants apporte les résultats les plus performants [14].
Le volume osseux disponible suppose une insertion parallèle des deux implants. Une angulation des implants supérieure à 10 degrés provoque une difficulté d’insertion de la prothèse et une usure prématurée des parties femelles [15].
La mise en charge immédiate est une option de traitement avec un pronostic très favorable sur le plan de la stabilité de la reconstruction et du confort instantanément ressenti par le patient [15].
Stabilisation d’une prothèse amovible par une barre de conjonction
Deux à cinq implants situés le plus souvent en région antérieure maxillaire ou mandibulaire assurent la connexion d’une barre de conjonction et contribuent à la rétention complémentaire d’une prothèse amovible [16].
Stabilisation d’une prothèse amovible par une double barre d’ancrage
Les barres d’ancrage sont des barres coulées, fraisées, de forme rectangulaire et vissées sur quatre ou cinq implants répondant à l’infrastructure de la reconstruction. La suprastructure est incorporée dans l’intrados prothétique.
Les doubles barres procurent un ancrage rigide pour la prothèse amovible [23]. La rétention, la sustentation et la stabilisation sont assurées par le système implantaire [24].
Les doubles barres sont indiquées chez les patients rejetant l’idée d’un recouvrement palatin par la prothèse, mais aussi à la mandibule oú elles représentent une alternative aux barres de conjonction par l’impressionnante stabilité et le confort prothétique qu’elles apportent (figures 19 à 21).
Prothèses fixées sur implants
Prothèses télescopiques sur implants
La solidarisation de cinq piliers supra-implantaires par une infrastructure transvissée sur les piliers rend possible la réalisation d’une prothèse télescopique scellée sur l’infrastructure et assure le même taux de succès que les prothèses sur barre de conjonction [25] (figures 22 à 25).
Prothèse fixée implantoportée
Efficacité masticatoire : la fonction masticatoire est complètement rétablie et, bien que les études comparatives soient peu nombreuses entre tous les types de prothèses complètes sur implants en raison d’une méthodologie difficile à mettre en œuvre, un avantage significatif sur l’efficacité masticatoire est constaté en faveur des prothèses fixées implantoportées [28].
Satisfaction des patients sur le résultat esthétique : différentes techniques de simulations sur modèles d’étude ou à partir d’une prothèse provisoire aboutissent à un résultat esthétique satisfaisant [29].
Rôle de la prothèse provisoire : nécessaire pour que le patient édenté retrouve une vie sociale (cf. chapitre 2), la prothèse provisoire évalue l’esthétique, la phonétique et la fonction masticatoire en maintenant la dimension verticale d’occlusion. Cette prothèse, indispensable à réaliser avant le début du traitement, sert de référence jusqu’à la reconstruction définitive. Elle est assimilée à un outil de communication entre les différents acteurs : chirurgien, praticien réalisant l’acte prothétique, technicien de laboratoire et patient [30].
Prothèse complexe : le nombre d’implants (dix à douze au maxillaire et huit à dix à la mandibule) rend le traitement plus complexe. La répartition des implants doit faciliter l’hygiène, la maintenance et la préservation des tissus mous péri-implantaires. Pour des implants de diamètre standard (4 mm), un espace de 7 mm de centre à centre est requis entre deux implants. Idéalement, les sites implantaires à choisir pour la fiabilité du traitement sont les emplacements des incisives centrales des canines des deuxièmes prémolaires et des premières molaires (figures 26 à 29).
Édentement unitaire
Une revue actuelle de la littérature démontre que l’introduction de la thérapeutique implantaire appliquée au remplacement de la dent unitaire est associée à une évolution des pratiques en chirurgie dentaire : il en résulte une diminution des bridges de trois éléments ainsi que des couronnes sur dent unitaire et une augmentation des patients adressés pour des réhabilitations implantoportées [31]. L’approche thérapeutique pluridisciplinaire (ouverture des espaces par le biais de traitements orthodontiques, réaménagement des tissus mous, etc.) a été déterminante pour solutionner le défi esthétique [32].
Les épisodes traumatiques, les anomalies du développement, les fractures radiculaires ou coronaires basses, les échecs de traitements conservateurs, les actes iatrogènes sont les indications principales de l’implant unitaire.
Cette option est validée par quelques auteurs avec comme impératifs :
C’est une indication à appliquer avec beaucoup de prudence et de réserve et lorsque toutes les autres options sont écartées lors de l’établissement du plan de traitement. En effet, l’essentiel des forces occlusales est transmis à l’implant en raison de la différence d’adaptation entre un implant ostéo-intégré et une dent avec son ligament qui admet un degré de mobilité et une tolérance pour répartir les contraintes [34].
Édentement unitaire et impératifs fonctionnels et esthétiques
La position de l’implant dans un espace défini par la longueur de la crête édentée mésiodistale, le diamètre vestibulolingual et la hauteur interarcade reste le facteur principal du maintien des tissus environnants pour aboutir à un résultat acceptable [35].
Espace mésiodistal
Pour un implant de diamètre standard (4 mm), 1 mm d’os mésial et distal minimum doit le séparer des dents voisines, le réseau de fibres desmodontales de chaque dent a une épaisseur de 0,25 mm. Pour protéger les structures voisines (dents naturelles ou couronnes implantoportées), 7 mm d’espace dans le sens mésiodistal sont généralement requis pour valider l’indication d’un implant unitaire. Cette précaution a permis de réduire les complications à long terme des dents adjacentes aux reconstructions implantoportées [36] (figures 30 à 33).
Espace vestibulolingual
Un minimum de 1 mm d’os spongieux doit entourer l’implant pour préserver les parois corticales vestibulaire et linguale. Le diamètre vestibulolingual requis pour mettre en place un implant de 4 mm est donc de 6 à 7 mm. L’interception de la résorption postextractionelle aide au maintien du volume osseux vestibulolingual [37] (figures 34 à 36).
Espace interarcade
Selon le cas clinique, l’espace interarcade est spécifique. Préalablement à la pose de l’implant, l’espace prothétique est évalué en tenant compte de la hauteur moyenne d’un pilier supraimplantaire [38] et de l’épaisseur de la couronne. Les modèles d’étude et les cires de diagnostic trouvent toute leur justification, notamment pour le remplacement d’une dent antérieure. Ils simulent la morphologie de la future prothèse et orientent sur le choix du pilier et de la coiffe prothétique (coiffe en alumine ou coiffe céramométallique) pour parfaire la fonction et l’esthétique (figures 37 à 40).
Position du col de l’implant par rapport au collet des dents collatérales
La position du col de l’implant de 2 à 3 mm en dessous du collet des dents adjacentes favorise la création d’un profil d’émergence esthétique et le maintien des tissus environnant l’implant [39] (figures 41 à 43).
Espaces nécessaires à la pose d’un implant
Figure 32 a et b Site implantaire au centre de la crête : 7 mm en mésiodistal (MD) ont été utiles pour la mise en place d’un implant de 3,5 mm.
Figure 34 Agénésie de la 35 : avulsion programmée de la molaire lactéale puis mise en place d’un implant.
Figure 36 L’implant est entouré d’os spongieux et se situe à distance des corticales vestibulaire et linguale.
■ Position corono-apicale de l’implant :
Implant unitaire, applications cliniques dans le cadre d’une démarche à finalité esthétique
Les impératifs esthétiques sont prioritaires, notamment en région antérieure et ce, quelle que soit la complexité du cas clinique. Pour la population concernée par l’absence d’une dent antérieure, l’impact d’un résultat harmonieux est considérable, ce qui rend l’axe de travail encore plus complexe pour une équipe multidisciplinaire unissant souvent l’orthodontiste, le praticien réalisant l’acte chirurgical et prothétique, et le technicien de laboratoire. Ce défi esthétique relevé crédibilise la réponse implantaire devant un édentement unitaire en secteur antérieur (figures 44 à 56).
Cas Clinique 3 : Anomalies du Développement : Agénésie des Incisives Latérales [42]
Le plan de traitement inclut principalement les étapes suivantes :
Figure 53 a et b Traitement orthodontique pour fermer le diastème interincisif et redresser la convergence radiculaire.
Figure 55 a à c Les piliers supraimplantaires sont vissés, les contrôles radiologiques indiquent que les espaces dents naturelles/implants sont respectés.
Édentement unitaire en région prémolaire
Les résultats les plus probants obtenus par de nombreuses équipes avec une prothèse implantoportée en région prémolaire sont obtenus quand l’étude pré-implantaire prend en compte les impératifs fonctionnels et esthétiques précités ainsi 5ue les recommandations suivantes [43] (figures 57 à 59) :
Édentement unitaire en région molaire
La molaire est une dent stratégique à remplacer pour intercepter les dérèglements occasionnés par son absence. La thérapeutique implantaire doit être mise en œuvre immédiatement après la perte de la dent pour obtenir une position idéale de l’implant [44]. De nombreux auteurs ont publié des résultats satisfaisants quant au remplacement d’une molaire par un implant [45, 46]. Pour autant, l’espace laissé libre par une molaire (12 mm) peut, selon la position de l’implant, engendrer des porte-à-faux lors de la reconstruction prothétique avec des complications telles que fractures de vis, dévisage des reconstructions et fractures de cols des implants [47, 48]. Pour minimiser les complications et lorsque l’espace disponible le permet, le choix d’un implant de large diamètre ou de deux implants est préférable à un implant de diamètre standard pour remplacer une molaire [49, 50] (figures 60 à 71).
Cas Clinique 5 : Remplacement D’une Molaire Mandibulaire Par Deux Implants
Les conditions anatomiques et biomécaniques définissent le plan de traitement.
Figure 60 a et b L’espace mésiodistal et le diamètre vestibulolingual permettent la mise en place de deux implants.
Cas Clinique 6 : Remplacement D’une Molaire Mandibulaire Par un Implant
Figure 67 Le pilier supra-implantaire en or sur ce cas clinique est entouré par un tissu péri-implantaire épais avec une reconstruction des papilles. Il n’existe aucune différence concernant la cicatrisation des tissus mous que le pilier soit en titane ou en or [51].
Édentements partiels
Le bilan préchirurgical se révèle aussi indispensable que précédemment car la présence de dents voisines des implants complique la thérapeutique en raison de leur situation sur l’arcade, l’orientation des racines et la nécessité de maintenir un environnement parodontal sain [52]. Plusieurs paramètres esthétiques et fonctionnels modifient le plan de traitement final pour déboucher sur un compromis prothétique qui tient compte [53] :