des allogreffes massives dans les reconstructions fémorales

Utilisation des allogreffes massives dans les reconstructions fémorales

Structural proximal allografts in THA revisions

J.-P. Courpied and L. Vastel


Hôpital Cochin, Pavillon Ollier, 75674 Paris cedex 14

Résumé
Les pertes de substance osseuse importantes au niveau de l’extrémité supérieure du fémur à partir du stade II de Vives peuvent mettre le chirurgien dans des situations de reconstruction difficiles. Nous avons privilégié l’utilisation des allogreffes cryoconservées de fémur pour pallier ces défects. Nous rapportons notre expérience en particulier en démembrant quelques situations cliniques qui nous font choisir tantôt du manchonnage complet de fémur, tantôt des baguettes fémorales apposées sur l’os hôte. Cette technique utilise pour la fixation prothétique une cimentation dans l’allogreffe et au-delà. Les résultats à moyen terme montrent une excellente intégration de ces allogreffes quand elles sont entourées de l’os receveur, ce qui permet d’obtenir des reconstructions globales du fémur qui se pérennisent dans le temps. Ces reconstructions et cette intégration rendent compte du respect du fonctionnement global du fémur qui retrouve, par ce type de montage, la possibilité d’assumer les contraintes mécaniques physiologiques permettant de retrouver une fonction honorable.




Summary

Important bone loss in the proximal femur (greater than Vives stage II) leads to difficult reconstruction situations in patients requiring hip revision arthroplasty. In these cases, the authors use massive structural freeze-dried allografts. They report their experience and discuss different clinical situations treated by various technical solutions: either complete proximal femur allograft or femoral sticks as onlay graft. Cement is used to secure the stem to the allograft and to the host femur. The results with significant follow-up are encouraging, with good fusion of these grafts to the host femur. This type of reconstruction provides good duration over time. These reconstructions respect the biomechanical function of the femur and are able to withstand the strains of normal life, especially in walking.



Introduction


La perte osseuse résultant des descellements itératifs et des ostéolyses granulomateuses constitue le problème majeur de la restauration de la charpente prothétique lors des reprises complexes de prothèse totale de hanche. Le but de la chirurgie de reconstruction est de recréer ce capital osseux perdu soit par la favorisation de l’ossification naturelle, soit par l’apport de tissu osseux sous forme de greffe osseuse. Les sources d’autogreffes sont assez limitées et les prélèvements sont cause de morbidité, c’est pourquoi l’allogreffe est devenue la greffe osseuse habituelle dans les reprises de prothèse. Lorsque la solidité osseuse fémorale est compromise sur une grande étendue, il est apparu logique d’utiliser des greffes cortico-spongieuses massives qui, en créant avec la tige prothétique une structure composite résistante, donnent à la reconstruction une solidité initiale satisfaisante à laquelle succédera une jonction biologique entre greffe et os receveur, assurant la pérennité du système.


Réalisation pratique


Les allogreffes massives sont utilisées dans les pertes de substances fémorales étendues correspondant aux stades SOFCOT 2, 3 et surtout 4. Dans la classification de D’Antonio (AAOS), il s’agit essentiellement des stades II et III. Dans tous ces cas, la métaphyse et la diaphyse supérieure sont très altérées et on peut distinguer deux situations.


• Soit le fémur reste relativement continu sans défaut osseux segmentaire majeur, il s’agit de fémurs très élargis parfois ballonisés mais dont la corticale est continue et relativement solide (stades SOFCOT 2 et 3). Deux techniques sont alors possibles : le comblement spongieux selon la technique d’Exeter, que nous ne détaillerons pas dans ce chapitre, ou l’utilisation d’une allogreffe massive encastrée.


• Soit le fémur résiduel est discontinu, avec des altérations segmentaires majeures, l’extrémité supérieure du fémur est pellucide, fracturée ou encore désaxée avec des corticales très fragiles (stades SOFCOT 3 et 4). Le support osseux est trop altéré pour permettre un ancrage proximal satisfaisant. La prothèse devra donc aller chercher son ancrage plus bas dans la diaphyse avec une tige longue. Cette tige longue sera manchonnée par une allogreffe massive (technique dite du fémur ouvert en bivalve).


Planification préopératoire (figure 1)


Dans tous les cas, un projet opératoire doit être établi préalablement à l’intervention, précis, réalisé à l’aide de calques du fémur altéré et de l’allogreffe que l’on modèle «sur le papier». C’est un projet en trois dimensions et il faut donc travailler aussi sur les clichés de profil. On doit disposer de radiographies de l’allogreffe qu’on projette d’utiliser afin de pouvoir faire un dessin complet de la tige prothétique insérée dans la greffe, elle-même encastrée dans la métaphyse du fémur receveur ou juxtaposée à la diaphyse saine. Dans le cas d’un fémur discontinu ou une longue tige est nécessaire, il faut bien entendu que soient alignés les canaux médullaires de la greffe et du fémur, ce qui peut obliger à une ostéotomie d’une portion de corticale restante.








B9782842999384000207/f20-01-9782842999384.jpg is missing
Figure 1.
Schéma de la planification opératoire.


La prévision de la longueur globale du fémur reconstruit est très importante et il faut faire intervenir la différence de longueur des membres avant l’intervention et la position prévisible du cotyle après reconstruction. On peut alors connaître la distance qui séparera le centre de la tête prothétique ou l’embase du col prothétique d’un repère osseux quelconque choisi en raison de la facilité à le retrouver pendant l’opération (petit trochanter, irrégularité de la diaphyse, perforation corticale ou fracture, etc.).


Voie d’abord et exposition des lésions


L’abord chirurgical de la hanche doit s’efforcer d’être le plus atraumatique possible en préservant au maximum les muscles périarticulaires. Les voies d’abord dans ces reprises doivent donner une vision suffisamment large des lésions pour pouvoir reconstruire correctement. L’articulation est abordée par voie transtrochantérienne, le volet trochantérien externe pouvant être prolongé vers le bas pour s’adapter aux destructions fémorales ou pour faciliter l’accès à la diaphyse, et faciliter la réinsertion trochantérienne. Les altérations osseuses, le granulome et la fibrose, parfois très importants, peuvent amener à disséquer assez loin en avant en gardant à l’esprit le risque pour le nerf crural et les vaisseaux fémoraux. De même, en arrière, le nerf sciatique peut être parfois très près du trochanter, pris dans des adhérences cicatricielles. Il est préférable de la localiser et au moins de la palper pour s’assurer de sa mobilité avant parfois de rallonger sensiblement le membre opéré.

Les prélèvements à visées bactériologiques peropératoires doivent être systématiques, tant il est souvent difficile d’être certain du caractère aseptique de l’évolution préalable.

L’ablation de l’implant fémoral est souvent plus complexe que celle du cotyle. En cas de tige cimentée, la difficulté réside dans l’extraction complète du ciment sans créer de fausse route ni de fracture diaphysaire. Cette extraction se fait à l’aide de ciseaux à frapper et d’outils rotatifs (fraise) ou à ultrasons. Certaines tiges non cimentées se retirent facilement en cas de faillite de la fixation. Il est des cas où il vaut mieux, de principe, ouvrir le fémur en une hémi-valve externe lorsqu’une tige cimentée est de grande longueur, ou lorsqu’une tige sans ciment n’est pas extractible aisément.

Il faut, à ce stade précoce de l’opération, relever les repères osseux décidés dans le projet préopératoire, notamment pour le contrôle de la longueur.

Le bilan des lésions osseuses doit, à ce stade, être refait afin de vérifier la faisabilité éventuelle de la technique choisie. Il est souvent préférable, même lorsqu’on a choisi de réaliser un comblement spongieux ou une greffe encastrée, de disposer au sein du bloc d’une prothèse longue tige. Elle permet d’adapter la technique à des lésions plus étendues que leur aspect radiologique préopératoire, ou de faire face à une complication imprévue (fausse route, fracture, etc.).

Apr 2, 2020 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on des allogreffes massives dans les reconstructions fémorales

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access