13. Dépression
Introduction : les dépressions
Il est donc important de développer des traitements qui permettent de prévenir les rechutes qui apparaissent même chez les patients correctement traités par une chimiothérapie antidépressive. Deux formes de thérapie ont fait leur preuve dans cette indication : la thérapie cognitive et la thérapie interpersonnelle (voir chapitre 21).
La dépression peut se voir au cours d’états maniaco-dépressifs mineurs ou majeurs (dépression bipolaire) ou bien se traduire seulement par des épisodes dépressifs (dépression unipolaire). La dépression unipolaire correspond à trois grandes catégories :
• la dépression unipolaire majeure qui peut se présenter sous la forme d’un seul épisode dépressif ou de plusieurs épisodes récurrents, avec ou sans symptômes mélancoliques ;
• la dépression dysthymique, qui correspond à deux ans d’évolution d’une symptomatologie incomplète séparée de quelques jours de thymie normale ; certains sujets présentent des épisodes dépressifs majeurs sur un fond dysthymique (double dépression) ;
• enfin, il existe des états dépressifs atypiques uni- ou bipolaires.
La dépressivité, le spleen, la psychasthénie ont décrit diversement un mélange de dépression et d’anxiété qui peut conduire certaines personnes vers une thérapie. Les différents troubles de personnalité peuvent aussi se présenter pour une thérapie cognitive à la suite d’un épisode dépressif.
Clinique de la dépression et cognitions dépressives
À côté de l’humeur triste, de l’anhédonie, de l’inhibition comportementale et des troubles végétatifs, les troubles des fonctions cognitives font partie intégrante du syndrome dépressif et se manifestent dans la pensée dépressive, caractérisée par le pessimisme et le nihilisme. Elles se traduisent par des verbalisations désabusées sur soi-même, dépréciatives sur le monde et désespérées sur le futur. Comme le disait Septime Sévère, quittant Rome et le pouvoir : « J’ai été tout. Et tout n’est rien. »
L’humeur dépressive s’accompagne en général d’une remémoration douloureuse avec une hypermnésie sélective des fautes passées et une scotomisation des actions positives. Certaines fautes anciennes et depuis longtemps oubliées et pardonnées font surface sous la forme d’obsédants remords. Le pessimisme du dépressif efface les moments heureux du passé pour ne projeter devant lui que le déroulement fautif et répétitif d’un avenir sans intérêt. L’inhibition motrice et l’inaction sont justifiées par des rationalisations selon lesquelles agir ou ne pas agir revient au même, puisque dans le passé l’activité n’a entraîné aucun résultat positif. Ainsi, une sélection du négatif aboutit aussi bien à l’hypermnésie des rencontres décevantes, qu’à l’amnésie du bonheur.
On peut retrouver également un déficit de la mémoire. Ce déficit peut expliquer les mauvaises performances intellectuelles du dépressif. Il est fréquent d’observer une réduction de la capacité de fixation, une diminution de la mémoire à court terme et une diminution de la mémoire d’évocation, surtout en cas d’efforts soutenus. Toutes les étapes du traitement de l’information peuvent être altérées chez le dépressif : attention, codage, stockage à long ou à court terme, consolidation de la trace, profondeur de l’élaboration, rapidité et efficacité de l’accès aux souvenirs et de leur rappel.
Thérapie cognitive
C’est une psychothérapie brève de la dépression qui se déroule sur environ vingt séances. En général, on effectue une ou deux séances par semaine ; ainsi, les thérapies cognitives durent de trois à six mois. Elle utilise à la fois des techniques cognitives et des techniques comportementales pour modifier les systèmes de croyance des sujets dépressifs en leur apprenant à différencier les faits de leur appréciation subjective. Le thérapeute a un rôle actif et il met l’accent sur les problèmes concrets et actuels du patient. Il se sert de techniques comportementales et cognitives dont le but est d’apprendre au patient à tester ses distorsions logiques et ses postulats dépressogènes, aussi bien au cours des séances de thérapie que lors d’« épreuves de réalité » dans la vie de tous les jours. C’est une thérapie structurée où thérapeute et patient se mettent d’accord sur un « agenda » de séance qui précise les thèmes sur lesquels va porter chaque séance. Le style de la thérapie est directif et l’accent est mis sur une relation de collaboration.
Techniques cognitives
Le thérapeute met à jour progressivement les contenus dépressogènes des Monologue intérieurmonologues intérieurs en questionnant le patient, lors de moments de fortes émotions. Les thérapeutes utilisent des moments de forte émotion ou réinstaurent ces moments pour avoir accès aux schémas cognitifs et aider le patient à modifier la conception négative du monde et de lui-même qui en résulte. Il peut aussi utiliser le jeu de rôle reproduisant les situations génératrices de sentiments dépressifs. Il peut aussi demander au patient de tenir à jour des fiches qui, en cas de sentiments dépressifs, permettent de noter les circonstances où sont apparues les émotions négatives, et les pensées automatiques qui les ont accompagnées, par exemple « je ne vaux rien, il faut me suicider ». Petit à petit vont apparaître des thèmes récurrents qui s’organisent sous forme de postulats, discutés avec le patient au cours des séances. De nombreuses techniques de modification des postulats existent. Il faut surtout en retenir l’esprit qui est de ne pas confronter le patient à son « erreur », mais par un jeu subtil et progressif de questions et de réponses de lui faire prendre conscience du caractère dysfonctionnel, illogique et déficitaire des principes cachés qui régissent son comportement (« dialogue socratique »). Puis le thérapeute développera la capacité d’effectuer des raisonnements alternatifs par rapport à ces postulats. Le but est de permettre au patient submergé par l’affect dépressif et dominé par des pensées irrationnelles de remplacer ses distorsions logiques par des réponses plus en rapport avec la réalité. Cela sera fait en séance et hors séances avec un système de fiches qui sont réétudiées avec le thérapeute.
Techniques comportementales
Dès le début de la thérapie, le patient reçoit également un programme d’activités destiné à augmenter le nombre de situations où il peut prendre du plaisir ou montrer son efficacité. Des tâches spécifiques destinées à lui permettre de tester, par des « épreuves de réalité », l’inanité de ses postulats défaitistes sont prescrites à la fin de chaque séance. Le jeu de rôle et d’autres techniques comportementales peuvent être utilisés pour préparer le patient à affronter la réalité.
Déroulement de la thérapie cognitive
Nous présenterons ici le plan général du traitement dont le détail se trouve dans l’ouvrage de Blackburn et Cottraux (2008).
Déroulement typique d’une séance
Chaque séance est structurée et commence par l’établissement d’un agenda de séance. Il est important en effet, aussi bien pour le thérapeute que pour le patient, d’organiser le temps.
Le thérapeute résume très fréquemment les points importants qui apparaissent au cours de l’entretien : « Si j’ai bien compris, nous avons vu que… »
À la fin de chaque séance, le thérapeute effectue un feedback : il demande au patient de résumer ce qu’il a compris de la séance et le compare à ce qu’il a retenu lui-même. Les deux protagonistes se mettent d’accord sur le contenu de la séance écoulée ; certains points qui n’ont pu être traités sont laissés en agenda pour les séances suivantes. Enfin, le thérapeute demande au patient si quelque chose lui a déplu dans la séance, de façon à mettre à jour les pensées négatives concernant la thérapie et également de corriger des erreurs éventuelles de sa part.
Le thérapeute et le patient se mettent d’accord sur des tâches concrètes à réaliser dans le but de développer des expériences de plaisir et de maîtrise, et de tester ainsi les pensées dépressives en les confrontant à la réalité.
Déroulement chronologique habituel d’une thérapie
Séances 1 à 4
Les premières séances consistent à repérer les émotions et les affects, en utilisant le jeu de rôle ou lorsque l’émotion apparaît en cours de récit par le patient. Ces sondages cognitifs permettent d’isoler les monologues intérieurs et les images dépressogènes. Le thérapeute met en évidence les liens entre la pensée, l’émotion et les comportements dépressifs. Un bref manuel expliquant les relations entre pensées, émotions et comportements, ainsi que les principes de la thérapie cognitive, peut être remis au patient. Il présente les fiches d’auto-enregistrement (fiche à trois colonnes de Beck : enregistrant situation, émotion, pensée automatique) que le patient va remplir en dehors des séances, selon le modèle représenté dans le tableau suivant.
Le thérapeute fera avec le patient de nombreux exemples en séance avant de proposer cette fiche comme tâche « à domicile ».
Jour : | Heure : | |
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Situation | Émotions | Pensées automatiques |
Décrire : 1 – L’événement précis produisant l’émotion déplaisante | 1 – Préciser : triste, agressif(ve), anxieux(se), etc. | 1 – Écrire la pensée automatique qui a précédé, suivi ou accompagné l’émotion |
2 – Le fil d’idées, de pensées, de souvenirs ou la rêverie, qui produisent l’émotion déplaisante | 2 – Évaluer l’intensité de l’émotion de 0 à 8 | 2 – Évaluer votre niveau de croyance dans la pensée automatique de 0 à 8 |
… | … | … |

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