Chapitre 3 État de santé du patient
Généralités
Mettre en œuvre les précautions destinées à éviter un accident opératoire ou une complication postopératoire [1]
L’évaluation de l’état de santé du patient prend en considération de façon objective le risque et les suites opératoires. L’état de santé du patient est l’élément majeur du risque opératoire. C’est une exploration inévitable qui permet de :
Prise en charge des personnes âgées
Les maladies sous-jacentes (souvent polypathologies) chez la personne âgée amplifient le risque opératoire [3]. L’anamnèse n’écarte aucun détail du discours du patient et chaque trouble dépisté doit être confirmé par le médecin traitant [4].
Une évaluation attentive évite :
Formulaire d’évaluation médical
Le formulaire médical peut se présenter sous la forme d’un questionnaire qui recherche :
Classification ASA
Le tableau 1 détaille le contenu de la classification élaborée par la Société américaine d’anesthésiologie. Il définit l’aptitude thérapeutique en fonction de la gravité de la pathologie [6, 7]. Cette classification qui n’est pas un classement des risques [8] permet néanmoins de fixer les standards de prévention d’un accident opératoire.
Attitude thérapeutique | |
---|---|
ASA I | Patient n’ayant pas d’autre affection que celle nécessitant l’acte chirurgical |
ASA II | Patient ayant une perturbation modérée d’une grande fonction en relation avec l’indication opératoire ou une autre affection |
ASA III | Patient ayant une perturbation sévère d’une grande fonction en relation avec l’acte opératoire ou une autre affection |
ASA IV | Patient courant un risque vital du fait de l’atteinte d’une grande fonction |
ASA V | Patient moribond |
ASA VI | État de mort clinique |
Examens complémentaires
En cas d’anesthésie locale, les référentiels d’évaluation élaborés par la Haute Autorité de santé (HAS) soulignent que les tests de dépistage d’affection asymptomatique ou les examens de routine réalisés de façon systématique chez des patients sains sont toujours prescrits avec une fréquence excessive et ne sont pas recommandés parce qu’ils n’influent que rarement sur la stratégie chirurgicale [9].
Estimation du risque opératoire
Risque hémorragique
L’évaluation du risque hémorragique repose essentiellement sur l’interrogatoire et l’observation clinique (tableaux 2 et 3). Les examens biologiques pour explorer l’hémostase sont interdépendants de l’examen clinique. En aucun cas, un examen biologique de routine est systématique [10].
Épistaxis fréquentes, ménorragies abondantes, ecchymoses récurrentes, hématomes | |
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Hémorragies après : | Blessures cutanées superficielles Traumatisme Accouchement Interventions chirurgicales |
Saignements buccaux : | Gingivorragies en l’absence de la maladie parodontale Après avulsion dentaire Post-traumatique |
Examens biologiques Dosage de l’INR | Actes en pratique libérale | Actes en milieu hospitalier |
INR ≤ 1 | Risque thrombotique Intervention différée | Risque thrombotique Intervention différée |
1 ≤ INR ≤ 3 | Avulsions Implant unitaire | Avulsions multiples ou complexes Chirurgie parodontale Implants multiples |
INR ≥ 3 | Tout acte pris en charge en milieu hospitalier |
Anti-agrégants plaquettaires
Parmi les anti-agrégants plaquettaires, les premières places sont occupées par l’acide acétylsalicylique (Aspirine®) et le clopidogrel (Plavix®) souvent prescrits en association (stent coronaire) et, en cas de contre-indication à l’Aspirine®, la ticlopidine (Ticlid®) (tableau 5). Aucun test biologique fiable ne permet de surveiller l’efficacité des anti-agrégants plaquettaires [17], le temps de saignement reste imparfait.
Anti-agrégant | Posologie |
Patient sous acide acétylsalicylique | À faible dose ou à dose modérée : 75 à 325 mg/j |
Patient sous clopidogrel | 75 mg/j |
* Ne pas interrompre le traitement.
Tous les anti-agrégants plaquettaires sont susceptibles de causer des complications hémorragiques péri- et/ou postopératoires [18]. Cependant, les données actuelles indiquent que les risques sont moins importants dans notre exercice à maintenir les anti-agrégants plaquettaires qu’à les substituer ou les arrêter. Le risque thrombotique lié à l’arrêt des anti-agrégants plaquettaires est supérieur au risque hémorragique peu conséquent et facilement gérable en chirurgie orale [19].
Contrôle du saignement en pratique de ville chez les patients traités par anticoagulants ou anti-agrégants plaquettaires
Figure 1 a et b Avulsions de 32 et 42, supports de bridge chez un patient sous clopidogrel et acide acétylsalicylique.
Figure 2 a à c Préparation et mise en place dans les alvéoles d’extraction d’un agent hémostatique résorbable à base de collagène.
Figure 4 a à c Compression du site opératoire à l’aide de compresses imprégnées d’acide tranexamique.
Conclusion
Si l’acte à réaliser est répertorié à haut risque hémorragique (greffes osseuses …) après avis pluridisciplinaire, une prise en charge hospitalière est indiquée pour rééquilibrer l’hémostase avant tout acte chirurgical.
Enfin, certaines molécules prescrites en post-médication présentent une interaction avec les anticoagulants [21] :
Ces molécules sont donc contre-indiquées en prémédication ou en prescription postopératoire [22].
Risque infectieux
La mise en place d’implant(s) nécessite souvent des actes chirurgicaux préparatoires ou effectués pendant la pose d’implant(s) (greffe osseuse, comblement alvéolaire, régénération osseuse guidée). Pour les implants et les techniques chirurgicales connexes considérés comme des actes invasifs, le risque infectieux existe (tableau 6). Une stricte appréciation de l’état général du patient, ainsi que le suivi des recommandations dans l’utilisation prophylactique des antibiotiques et la conformité des conditions d’hygiène liées à l’acte opératoire réduisent la fréquence des contaminations bactériennes.
Risque endogène | Risque iatrogène | Risque exogène |
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État général du patient Flore personnelle Âge | Défaut de maîtrise des actes chirurgicaux | Contamination exogène Hygiène Asepsie |
Risques infectieux endogènes
Il n’est pas recommandé de faire un dépistage systématique recherchant des bactéries ou une présence virale à distance du site opératoire. De même, les prélèvements microbiologiques pour les parodontites ne sont pas justifiés lorsque l’existence d’une infection n’est pas démontrée. Il convient d’appliquer les précautions standard à tout acte invasif [23].
Antibiothérapie et risques infectieux
L’indication d’une antibiothérapie en préopératoire suit les recommandations reposant sur un accord professionnel [24] pour prévenir une infection locale, générale ou induite par le geste thérapeutique (par exemple, allongement du temps opératoire et exposition du site …) (tableaux 7 et 8).
Patient sans facteur de risque : sujet considéré comme sain | Patient à risque infectieux local ou général : risque A | Patient à risque infectieux à distance : risque B |
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Certaines cardiopathies ne présentent aucun risque d’endocardite infectieuse et englobent les situations cliniques suivantes : | Immunodépression : Pathologie non contrôlée : Dénutrition : | Cardiopathie à risque d’endocardite infectieuse : Implants et greffes osseuses contre-indiqués de principe faute de données en France, à la différence des recommandations européennes et de l’American Heart Association |
Acte chirurgical et manifestations pathologiques | Attitude thérapeutique |
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Mise en place d’implant(s) Comblement alvéolaire Greffe osseuse Chirurgie osseuse | Antibiothérapie prophylactique |
Avulsion dentaire | Antibiothérapie non justifiée chez le sujet sain Antibiotique prophylactique chez le sujet à risque A |
Abcès Gingivite ulcéronécrotique Parodontite agressive ou réfractaire Péricoronarite Cellulite Ostéite Stomatite bactérienne Infection des glandes salivaires | Antibiothérapie curative au préalable à tout acte pré-implantaire ou implantaire |
Parodontite chronique | Antibiothérapie non justifiée en première intention chez le sujet sain Antibiothérapie prophylactique chez le sujet à risque A |
En implantologie ou en chirurgie pré-implantaire, le risque infectieux est principalement local. Le traitement préliminaire de tout foyer infectieux voisin de l’intervention est impératif pour écarter une contamination du site chirurgical (figure 14).
Remarque : la mise en place immédiate d’implant(s) après avulsion dentaire est de pratique courante et donne des succès comparables aux résultats obtenus avec la mise en place d’implant(s) en technique différée [26]. Les indications de cette procédure sont largement décrites [27]. Cependant, l’intérêt d’un traitement antibiotique est peu relaté, alors même que quelques complications graves (ostéomyélites …) sont rapportées chez un patient considéré comme sain et auquel a été posé un implant immédiat [28].
Prescription des antibiotiques
Pour le praticien, il convient de distinguer une antibiothérapie prophylactique identique à celle prescrite pour la prévention de l’endocardite infectieuse, de l’antibiothérapie curative nécessaire à traiter une infection du site devant être reconstruit par un geste chirurgical à visée implantaire (tableaux 9 et 10). Le choix de l’antibiothérapie est probabiliste car il se fait en fonction de la flore bactérienne la plus habituelle qui induit une infection [29]. Plus la vascularisation du site traité est importante, plus la contamination bactérienne est active et le dosage antibiotique doit être adapté au temps d’exposition du site traité.
Amoxiciline | 2 g | En première intention |
Clindamycine | 600 mg | En cas d’allergie aux bêtalactamines |
Pristinamycine | 1 g |
L’antibioprophylaxie ainsi prescrite est efficace par sa concentration tissulaire présente au moment du trait d’incision et durant tout le temps opératoire [30].
Remarque : en deuxième intention, l’association d’un inhibiteur des bêtalactamases (acide clavulanique), qui a peu d’effet antibactérien, avec une bêtalactamine (amoxicilline) permet de traiter des infections qui secrètent des bêtalactamases (bactéries Gram négatif). Les cibles bactériennes sont : Streptococcus, bactéries anaérobies, S. aureus, K. pneumoniae, E. coli [31]. En revanche, une association spiramycine-métronidazole est, dans notre spécialité, prescrite en première intention, car elle a le même effet thérapeutique que l’amoxicilline [32].
L’antibiothérapie curative est donc indiquée dans les infections aiguës du sujet sain ou dans les infections aiguë ou chronique du sujet à risque A dans le but d’éradiquer toute colonisation bactérienne préalablement à une greffe osseuse ou à la pose des implants.
Risques infectieux iatrogènes
De nombreuses infections du site opératoire lors de chirurgie à visée implantaire sont rapportées avec comme point de départ un acte iatrogène [33, 34]. En outre, des études rétrospectives commencent à démontrer un large succès de séries d’implants mises en place sans antibiothérapie [35], ce qui laisse supposer que l’acte iatrogène est bien au centre du risque infectieux.
La prévention d’une infection commence dès la période préopératoire (tableau 11). La présence de bactéries pathogènes cutanées ou dans l’oropharynx n’est pas considérable mais leur multiplication est toujours possible. Une barbe non entretenue est un exemple d’un éventuel inoculum bactérien. La maîtrise de l’acte opératoire par le chirurgien et son expérience quant à la fermeture d’un site greffé constituent un préliminaire à la prévention d’une infection.
Conseil d’antisepsie préopératoire | Brossage des dents Bain de bouche (chlorexidine, povidone iodée …) Dépilation, rasage (en particulier dans les greffes osseuses et lors de l’utilisation de matériel d’ostéosynthèse) |
Préparation préopératoire du patient | Si une anesthésie générale est programmée, une douche antiseptique doit être pratiquée la veille et dans les heures précédant l’intervention DANS TOUS LES CAS : – désinfection cutanée et buccale préparatoire à l’intervention avec de la biguanide ou de la povidone iodée en respectant leurs contre-indications respectives |
La plupart des risques infectieux iatrogènes précités sont liés a l’insuffisance de formation du praticien avec un risque plus important pour les assistants en formation qui doivent en prendre conscience et se fixer les limites mises en exergue par le bilan préopératoire (figures 15 à 19).
Figure 15 Exposition de nombreuses spires implantaires, liée au diamètre surdimensionné des implants, ayant pour conséquence une inflammation et une infection des tissus mous et durs.
Figure 16 Patient adressé pour une fistule en regard de l’apex de 23, 3 mois après une pose d’implants.
Risques infectieux exogènes
Un rapport de la Haute Autorité de santé sur les conditions de sécurité permettant d’écarter un risque infectieux exogène en implantologie et techniques connexes a été publié récemment [36]. Ce rapport mentionne le faible nombre de publications sur le sujet et émet, comme pour tout acte de chirurgie générale [37], des recommandations décrites dans le tableau 12. Il s’agit de précautions permettant de réduire préalablement à l’intervention le risque infectieux en prévenant une contamination trop souvent sous-estimée. Ce tableau reprend uniquement la méthodologie préopératoire conduite dans le cadre d’un bilan à visée implantaire.
Acte à réaliser dans une salle de soins adaptée | Extraction(s) avec comblement alvéolaire par substitut à l’os autogène Mise en place d’un ou plusieurs implants Deuxième temps chirurgical à la mise en place d’implants Régénération osseuse guidée |
Acte à réaliser dans une salle de soins spécifique ou dans un bloc opératoire | Régénération osseuse guidée avec os autogène en espaceur ou avec manipulation de plaquettes riches en fibrine Greffe osseuse autogène Comblement sous-sinusien par fenêtre latérale Comblement sous-sinusien par voie crestale Cas complexe où implants et greffes osseuses sont programmés Distraction alvéolaire Latéralisation du nerf alvéolaire inférieur |
Principe ergonomique d’une salle de soins spécifique ou d’un bloc opératoire | Mobilier restreint pour réduire la flore exogène Limitation du nombre d’intervenants Maîtrise de l’asepsie par chaque intervenant |
Environnement d’une salle spécifique ou d’un bloc opératoire | Herméticité des portes Bonne ventilation de la salle Matériel mobile et sol désinfectés entre deux interventions |