Chapitre 5 Rhinoplastie d’augmentation
dorsum et racine du nez
Quant à la racine, elle présente une légère dépression qui la différencie de la glabelle et du dorsum, souvent plus saillants.
Le dorsum et la racine sont deux zones distinctes du fait de leur configuration anatomique différente aussi bien au niveau du squelette qu’au niveau des parties molles. Les greffes cartilagineuses placées à cet endroit présentent quelques points communs.
Dans le tiers supérieur de la pyramide nasale (figure 5-1), le profil osseux est concave et cette concavité paraît plus prononcée lorsque la glabelle est saillante ou la bosse osseuse haute et hypertrophique. Les tissus de recouvrement présentent à ce niveau une laxité plus importante et leur épaisseur est en moyenne de 7 à 7,5 mm ; cette épaisseur diminue progressivement latéralement, où la peau tend à devenir aussi fine que la peau palpébrale, et vers le bas, où elle n’est plus que de 2 à 3 mm au niveau du rhinion.
Au niveau du tiers moyen de l’arête, la couverture cutanée est tendue sur la charpente ostéocartilagineuse, surtout lorsqu’une bosse importante existe, ce qui explique l’épaisseur réduite à ce niveau. Le profil ostéocartilagineux de l’arête nasale présente une convexité qui varie avec l’importance de la bosse, mais il persiste une légère convexité du squelette sous-jacent lorsque l’arête est rectiligne.
Ces différentes considérations doivent être présentes à l’esprit lorsqu’une bosse doit être réséquée ou quand une augmentation est envisagée.
GREFFES DE LA RACINE DU NEZ
L’angle nasofrontal effectue la transition entre l’étage frontal et la pyramide nasale. L’importance de la dépression nasofrontale doit être appréciée en fonction des saillies sus- et sous-jacentes : glabelle et bosse nasale osseuse. La glabelle étant peu modifiable, les rectifications porteront sur la racine et l’arête nasale, consistant en une réduction ou une augmentation. Par ailleurs, il faut considérer la racine du nez comme le prolongement du dorsum, c’est-à-dire une structure saillante qui crée une séparation nette entre les deux yeux.
Indications
L’utilisation de greffes cartilagineuses au niveau de la racine est indiquée lorsque l’on désire équilibrer une racine creuse avec une base du nez hypertrophiée qui nécessiterait une réduction trop importante voire impossible (voir figure 5-4). Il en est de même lorsqu’une bosse nasale importante est surmontée par une racine creuse ; dans ce cas, une augmentation de la racine permet une résection moindre de la bosse.


5.4 Ce patient présentait, après une rhinoplastie, un nez déséquilibré dans ses sous-unités, mais aussi un déséquilibre nez/maxillaire inférieur. De profil (A), la racine et le dorsum trop creusés contrastaient avec la projection augmentée de la pointe. Il existait une dépression alaire marquée séparant le lobule de l’aile du nez épatée. Sur les vues de face (C), et en vue inférieure (H), la distance interdômes était augmentée, le dôme droit étant plus saillant. Les ailes du nez épatées étaient collabées avec un grand axe de l’orifice narinaire proche de l’horizontale. Au niveau de l’étage inférieur, il existait une rétrognathie avec rétrogénie. Les résultats sont montrés après 20 mois. La chirurgie des maxillaires fut exécutée par J.-F. Tulasne (Paris).
L’objectif essentiel était dans ce cas de rééquilibrer le nez et le profil.
Le matériau de choix au niveau de la racine du nez est un cartilage souple et mince (figure 5-2A, B). Les fragments de crus latérale réséqués conviennent particulièrement, ce cartilage fin se galbant plus facilement sur la racine osseuse avec moins de risque de défauts visibles. Une saillie cartilagineuse (figure 5-3) peut être observée latéralement en raison de l’amincissement de la peau ; il est indiqué d’écraser très légèrement les bords du cartilage à l’aide d’un porte-aiguille.

5.2 Mise en place de greffes cartilagineuses sur la racine et le dorsum à l’aide d’une pince plate présentant une fente, ce qui permet de fixer la greffe à l’aide d’une aiguille à travers la peau.

5.3 Saillie latérale d’un fragment de cartilage septal placé au niveau de la racine du nez et lié à un modelage insuffisant de la greffe.
L’aponévrose temporale profonde peut être utilisée en plusieurs couches pour remplir une racine creusée avec moins de risque de visibilité.
Technique
Un décollement modéré est effectué au niveau de la racine du nez, suivi d’un léger râpage afin de supprimer les parties molles adhérant encore au périoste. Un ou plusieurs fragments sont introduits à l’aide d’une pince sans griffes ; ces fragments peuvent être superposés, le fragment le plus profond étant placé en position horizontale de façon à chevaucher la racine.
Lorsque la peau est très fine et s’il existe une indication de greffe sur l’arête, il est préférable que la greffe s’étende de la racine au dorsum sans discontinuité (voir figure 5-2) et de creuser la racine, en particulier si une greffe osseuse est envisagée.
GREFFES AU NIVEAU DE L’ARÊTE NASALE
Le but d’une greffe cartilagineuse placée sur l’arête nasale est d’obtenir une arête qui se continue de façon harmonieuse avec la racine par deux lignes courbes et légèrement divergentes, qui s’étendent des lignes supra-orbitaires aux deux points qui définissent les dômes et qui sont toujours séparés d’au moins 5 mm. La largeur de l’arête et celle de la racine doivent donc guider dans la détermination de la largeur de la greffe (figure 5-5).
Cartilage septal
Le cartilage septal constitue le matériau de choix sur l’arête nasale du fait de sa consistance, de sa forme plate et des possibilités de le modeler par incisions ou écrasement. Son épaisseur varie d’un patient à l’autre. Si on désire une greffe plus épaisse, le bord inférieur du septum convient parfaitement. Il est donc important, lors du prélèvement septal, de préserver l’intégrité de ce bord.
Cartilage auriculaire
Lorsqu’il n’est pas possible de prélever du cartilage septal, du fait d’une chirurgie septale antérieure, le cartilage de la conque peut être disponible en quantité notable, et il est possible de le prélever des deux côtés. Il s’agit d’un cartilage de très bonne qualité, fibroélastique, plus ou moins épais et qui présente des surfaces convexes avec des saillies angulaires (figure 5-6B).

5.6 A, B. La conque peut être prélevée en totalité ou partiellement. C. Le pôle supérieur de la conque convient parfaitement pour une greffe de la pointe du nez infra-apicale.
Le prélèvement des deux conques permet de corriger des ensellures importantes par des assemblages en superposition.
Abord rétro-auriculaire
La peau et le plan sus-périchondral sont infiltrés. L’incision cutanée est suivie d’une séparation de la peau avec des ciseaux mousses sur la surface postérieure de la conque destinée à être prélevée. Le périchondre postérieur est laissé attaché au cartilage ; c’est utile lorsque la greffe doit être incisée ou suturée, car le cartilage de conque déchire facilement.
La ligne d’incision cartilagineuse est déterminée à l’aide de trois aiguilles transfixiant le cartilage en regard du bord externe de la conque. Le décollement antérieur est ensuite effectué très facilement dans le plan sous-périchondral, et la résection du fragment souhaité est réalisée au bistouri.
Le prélèvement peut intéresser la conque tout entière (figure 5-6A, B)
On peut ne prélever que le pôle supérieur ou inférieur de la conque si la greffe est destinée à être placée au niveau du lobule (figure 5-6C ).
Abord préauriculaire
L’abord préauriculaire peut être utilisé lorsqu’il existe un récessus en arrière du relief de l’anthélix qui cachera la cicatrice.
Indications du cartilage auriculaire
Le cartilage de conque est un cartilage souple qui présente des surfaces convexes et concaves ; cette convexité peut convenir pour une greffe au niveau de la pointe (figure 5-6C) ou des parois alaires. Au niveau de l’arête nasale, on peut utiliser la partie externe de la conque à condition de supprimer les irrégularités et déformations. Cela peut être effectué par des incisons cartilagineuses très superficielles en quadrillage sur la face concave, suivies d’un écrasement qui doit être léger afin de préserver la cohésion du cartilage (figure 5-7A, B).

5.7 Les surfaces irrégulières du cartilage auriculaire (A) peuvent être aplanies par des incisions superficielles suivies d’un léger écrasement (B).
Le cartilage de conque est plus volontiers utilisé en cas de peau épaisse.
Il peut également être utilisé au niveau du lobule et des parois alaires, dans le but de renforcer ou de reconstruire des crus latérales.


5.8 Après deux rhinoplasties, cette patiente présentait plusieurs défauts liés à des résections excessives au niveau du dorsum et des ailes du nez. Sur le profil (D), on pouvait discerner une arête en retrait avec encoche sus-apicale, pointe ronde sans définition, dépressions alaires bilatérales, columelle et ailes rétractées surtout à gauche. De face (A), on pouvait noter une dépression le long de la face latérale gauche du dorsum et un collapsus du tiers moyen avec dépression marquée à droite. Sur la vue inférieure (F), apparaissait une asymétrie avec déviation de la pointe et une encoche narinaire gauche. Les tissus de recouvrement, en particulier au niveau de la pointe, étaient cicatriciels, sans souplesse à la palpation. La rhinoscopie montrait une perforation septale.
Correction (C)
Greffons en dés enroulés dans un fascia
Le greffon en dé enroulé dans un fascia (diced cartilage fascia [DCF]) (figure 5-9) est un type particulier de greffes cartilagineuses qui, quelle que soit leur provenance (septum, conque, côte), sont coupées en petits dés ou cubes d’environ 0,5 à 1 mm de côté. Une cohésion est donnée à ces mini-greffes en les entourant d’une enveloppe de fascia prélevé habituellement au niveau du fascia temporal profond, c’est-à-dire de l’aponévrose du muscle temporal, plus rarement du fascia lata (technique initialement décrite par O. Erol et modifiée par R.K. Daniel). Cela consiste à tasser dans une seringue à tuberculine les petits morceaux de cartilage préalablement découpés, à appuyer sur le piston de la seringue pour bien les compacter, puis à couper l’embout de la seringue. Le fascia temporal profond est prélevé après incision verticale sus-auriculaire dans le cuir chevelu temporopariétal. Il est enroulé autour de la seringue et suturé le long de la seringue avec un fil résorbable (Vicryl® Rapide 4/0 ou PDS 6/0), puis son extrémité inférieure est suturée, formant une gaine étanche. Deux points de Vicryl® Rapide sont noués à la zone distale du greffon, afin de ressortir à travers la peau pour stabiliser l’extrémité distale du DCF. La seringue est introduite dans l’extrémité inférieure du décollement dorsal et le piston est poussé. Le tout est introduit au niveau de la zone à greffer, la seringue étant progressivement retirée à mesure que le fascia se remplit pour donner la forme et la projection désirées. La greffe est enfin modelée et la partie proximale du fascia est refermée. Des sutures proximales soit transcutanées, soit aux cartilages adjacents peuvent être faites pour stabiliser le DCF.

5.9 Séquence des temps opératoires pour la préparation de la greffe (fascia temporel profond). A. Aponévrose temporale. B. Prélèvement septal et auriculaire. C. Préparation de « dés » cartilagineux de 1 mm. D. Mise en place du cartilage dans la seringue autour de laquelle le fragment d’aponévrose temporale a été suturé. E. Le cartilage est tassé et l’extrémité céphalique du tube aponévrotique est suturée. F. La seringue est introduite dans la loge de la greffe et, en poussant le piston, le tube aponévrotique se remplit et se retire de la seringue. Il sera ensuite obturé à son extrémité distale.
Ce type de greffe peut encore être modelé dans les 15 jours suivant sa mise en place, ce qui permet une certaine plasticité de ce greffon et une adaptabilité de la forme finale. En revanche, tout appui extérieur intempestif est prohibé dans le mois suivant l’intervention. Le DCF semble ne pas du tout se résorber dans le temps, à la différence des greffes cartilagineuses trop écrasées, ou des greffes en dés entourées dans du Surgicel®.
Nos indications électives de ce procédé sont les augmentations du dorsum, qu’elles soient primaires ou secondaires, en cas de greffon septal insuffisant ou ne présentant pas des conditions favorables, mais surtout lorsque le sous-sol de la greffe est asymétrique ou irrégulier. Les DCF sont essentiellement utilisés en onlay sur le dorsum, mais peuvent aussi être positionnés sur la pointe, sur les parois latérales, au niveau de la columelle. Les greffes en dés coupés en petits morceaux permettent également de lisser les bords de certains greffons en monobloc, par exemple les bords de greffons costaux utilisés pour une augmentation importante du dorsum. Elles permettent aussi d’atténuer les aspérités de certains greffons en plusieurs couches. Ils sont injectés avec la même seringue de 1 ml dont l’embout a été coupé.


5.10 Patiente de 43 ans avec peau fine ayant eu 2 ans auparavant une rhinoplastie de réduction pour nez trop projeté avec bosse, pointe proéminente et pincée. Il existait une gêne respiratoire avec collapsus narinaire en inspiration. À l’examen clinique avec et sans Xylocaïne naphazolinée®, on ne retrouvait presque pas de septum, les cornets étaient normaux respiration sans amélioration par les vasoconstricteurs – et le test de Cottle était faiblement positif. De face (D), la pointe était pincée, irrégulière, avec des bosses, déviée vers la gauche. Les orifices narinaires nettement visibles avec un creux sus-alaire marqué des deux côtés étaient le témoin d’une possible malposition alaire céphalique préalable. La vue basale (F), mettait en évidence la déviation de la pointe, la rupture de continuité de l’alaire droit avec pincement de la pointe. Le profil (A), montrait la persistance d’une hyperprojection avec des crus intermédiaires longues, une marche d’escalier à la jonction ostéocartilagineuse, ainsi qu’une rétraction alaire par probable résection excessive des crus latérales.

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Full access? Get Clinical Tree

