complémentaire du press-fit fémoral

Expérience complémentaire du press-fit fémoral

Experience with femoral press-fit in THA revision

J. Puget, C. Dao, A. Nehmé and B. Chaminade


Institut locomoteur, service de chirurgie orthopédique et traumatologique, CHU Rangueil-Toulouse, 1, avenue Jean-Poulhès TSA 50032, 31059 Toulouse cedex 9 puget-j@chu-toulouse.fr

Résumé
Cette contribution supplémentaire au chapitre du press-fit fémoral nous permet de rapporter une expérience maintenant vieille de 30 ans sur l’utilisation d’un système original en son temps et qui, par certains points, le demeure. Ce système est une prothèse fémorale de reconstruction modulaire avec pièce métaphyso-diaphysaire et une tige adaptée à la courbure sagittale du fémur.

Les expériences acquises pendant cette longue période nous ont permis de repousser assez loin les indications de ce type de matériel et de pouvoir l’utiliser de façon constante pour les stades II à IV sans avoir recours dans les situations extrêmes à une prothèse verrouillée.

Nous décrivons les résultats de trois études successives qui nous ont permis de valider nos choix et de progresser dans les indications qui auraient pu apparaître comme inappropriées par rapport à l’utilisation de cette technique. Nous insistons d’ailleurs sur ces indications particulières et leur mise en œuvre.




Summary

This addendum to the femoral press-fit chapter allows us to report thirty years of experience using of a system which was quite original in its time, and of which some aspects are still original. Our system is a modular reconstruction femoral prosthesis with a quadrangular stem which is well adapted to the saggital anatomical curve of the femur.

The experience acquired over a long period led us to enlarge the indications for press-fit, even for very large femoral bone defects (stages III and IV, SOFCOT classification). Even in these cases of significant femoral deficiencies, it is not necessary to use a locked stem.

We present the results of three successive studies which confirm the interest of using this technique, even in case of large femoral defects. We emphasize the special conditions of applying this technique in such difficult cases.



Système PP®


Les séries de reprise de prothèse totale de hanche avec perte de substance osseuse sont difficiles à comparer car chaque reconstruction est particulière et l’on doit s’adapter à chaque reprise. Cependant, certaines règles ou principes généraux applicables se dessinent après quelques années d’expérience.

Tout d’abord, le polymorphisme des destructions osseuses nécessite que l’on adapte à chaque cas la méthode la plus appropriée. Ceci suppose que l’on maîtrise chacune des techniques exposées précédemment. C’est possible dans une grande structure mais peut être plus difficile en pratique professionnelle courante. Cependant, si la grande structure est en charge de formation, peut-être vaut-il mieux adapter une même technique à des cas variés. C’est ce que nous avons essayé de développer dans notre centre universitaire. Cette attitude ne nous fait pas rejeter les autres méthodes mais nous avons depuis de nombreuses années essayé d’améliorer notre concept afin de le rendre le plus performant et le plus fréquemment utilisable.

Très tôt, dès le tout début des années 1980, nous avons pensé que le «sans ciment» était préférable pour, dans cette chirurgie de révision, obtenir une meilleure reconstruction osseuse. Cette attitude a été fondée sur l’observation simple du caractère scléreux de l’os après l’ablation du ciment. Le nouveau scellement ne peut qu’aggraver la situation, faisant apparaître en plus un liséré toujours inquiétant et conduisant, comme confirmé par la littérature [14, 20, 24], à des reprises précoces très fréquentes. Nous avons donc délibérément appliqué ce principe du press-fit. Mais, comme cela a été signalé fort justement dans le chapitre de Le Béguec, il faut recréer un bon fonctionnement biomécanique de l’extrémité supérieure du fémur avec le nouvel implant, alors que la faillite précédente ne faisait que perturber les bonnes conditions biomécaniques. Un des points d’adaptation, en particulier au polymorphisme, est la modularité [4, 6, 7]. Depuis les années 1990, les prothèses de révision ont bénéficié de ce type de développement [16, 19, 25, 27, 29] avec des modèles parfois fort complexes. Nous sommes toujours restés partisans d’un système simple où les différentes étapes de la mise en place n’étaient pas conditionnées par l’étape chirurgicale suivante, laissant ainsi au chirurgien la possibilité de se concentrer sur le temps en cours et non à travers lui à penser déjà à l’influence du geste du moment sur l’étape suivante. Un ancillaire et un système prothétique simples permettent à l’opérateur de dédier toute son attention à l’abord et à la reconstruction osseuse. Alors qu’il existait déjà des prothèses trochantéro-diaphysaires de tailles variable (Vidal-Goylard), nous avons pu obtenir des prothèses de ce type mais modulaires (système PP®, 1981). Ce matériel comporte une tige de taille variable et, se fixant sur elle, des embases de hauteurs variables dont la dimension n’est choisie qu’après fixation définitive de la tige (figure 1). Nous pensions au départ qu’il était intéressant de pouvoir faire varier l’antéversion pour adapter celle-ci en fonction de cas particuliers. Cette possibilité qui donne une souplesse supplémentaire n’est en fait entre nos mains que rarement utilisée si le positionnement de la tige est conforme aux critères anatomiques. De plus, il existe comme dans toute prothèse actuelle la possibilité d’utiliser des longueurs de col variables.








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Figure 1
a : système modulaire PP® de reprise fémorale d’arthroplastie de hanche; b : embases de taille variable du système PP®.


Le dessin de la tige (figures 1 et 2) doit être adapté au principe du «press-fit», c’est-à-dire plus volumineux en proximal qu’en distal pour à la fois lutter contre l’enfoncement (forces de cisaillement) mais aussi et surtout posséder une résultante des forces de coaptation horizontale (forces de compression), ce qui sollicite l’os au contact et favorise sa reconstruction, analyse validée par l’expérience de 30 ans maintenant. La section de la tige doit pouvoir se bloquer dans le canal médullaire afin de résister aux contraintes en torsion sans déplacement secondaire. La forme la plus simple qui répond à ce cahier des charges est une section carrée ou légèrement rectangulaire. C’est la solution que nous avons adoptée. L’effet de surface participe également à la qualité de la fixation de la tige. Dans le modèle que nous utilisons, le dessin des aspérités qui apporte de la rugosité à la surface de la prothèse favorise le calage lors de l’implantation mais ne gêne pas une éventuelle extraction (figure 2). À l’époque de la création de ce matériel, l’utilisation de l’hydroxyapatite n’était pas aussi généralisée qu’aujourd’hui mais nous n’avons pas jusqu’à ce jour jugé nécessaire de faire recouvrir les tiges de ce revêtement.








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Figure 2
Explant d’une prothèse fémorale de reconstruction du système PP®.


Dès sa création, nous avons opté pour une tige plus longue que les prothèses standards (3 à 5cm suivant les modèles) avec une courbure anatomique sagittale (figure 3) qui nous paraissait s’adapter mieux à la réalité morphologique de la courbure anatomique du fémur qui ne fait que s’accroître avec l’âge. Les partisans des tiges droites, à juste titre, pensent que la courbure de la prothèse n’est pas exactement identique à celle du fémur prothésé. Mais le contact d’une tige droite va créer plus de pics de contrainte qu’une tige courbe même si son rayon est légèrement différent de celui du fémur appareillé. Pour diminuer encore cet effet délétère, les 3cm distaux sont décroissants en sifflet tant en antéropostérieur que transversalement (figure 3). Cet artifice permet à la tige de s’adapter, même à un fémur dont le rayon de courbure est inférieur à celui de la tige et ceci sans excès de contrainte.








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Figure 3
Radiographie de profil illustrant la courbure sagittale de la tige fémorale de reconstruction du système PP®.


L’embase se fixe sur la tige une fois que celle-ci a été bloquée dans la région métaphyso-diaphysaire ou simplement diaphysaire dans les cas de grande destruction (au-delà des stades II SOFCOT). Elle peut se fixer à des degrés d’antéversion variables par rapport à la tige. Mais encore une fois, si l’on respecte la position sagittale du plan de la courbure lors de l’implantation, l’antéversion repérée comme physiologique sur la prothèse est celle qu’il convient de choisir. Ce temps est facilité en se repérant par rapport à la position de la jambe lors de l’introduction de la tige. Le plan de la courbure sagittale devant être strictement perpendiculaire à l’axe de la jambe.

La fixation de la pièce métaphysaire ou embase sur la tige s’effectue grâce à une articulation tronconique renforcée par une vis transfixiante qui solidarise les deux pièces, tige et embase. Les pièces métaphysaires ou embases sont percées de larges orifices qui permettent de fixer aisément les éléments ostéo-musculaires fémoraux proximaux qui, s’ils n’ont pas une bonne qualité mécanique pour contenir et fixer la prothèse, n’en conservent pas moins des capacités d’ostéogenèse qui vont participer à la reconstruction de l’extrémité supérieure du fémur. Il ne faut pas attendre une fixation intime de ces éléments avec la partie proximale (embase) de la prothèse mais l’induction d’une véritable régénérescence de l’extrémité supérieure du fémur qui retrouve sa fonction d’ancrage musculaire et son action biomécanique [13], en particulier du hauban externe préservé durant l’abord chirurgical par la trochantérotomie digastrique.

La modularité au début de son introduction en pratique courante a suscité des craintes qui sont apparues dans la littérature : risque de rupture [17], phénomènes de métallose [1, 3, 15, 28], etc. Ces articles négatifs et alarmistes sont aujourd’hui peu nombreux [5] et ces craintes n’ont fort heureusement pas entraîné de suites néfastes majeures [7, 23, 27, 29]. Ceci tient à deux faits : d’une part la qualité de fabrication de ces prothèses modulaires – qualité de l’usinage, respect des côtes, meilleure connaissance des articulations tronconiques [8, 25] – d’autre part le chirurgien considère qu’il s’agit le plus souvent d’une modularité de mise en place et que, lorsque se créent ensuite avec le temps des soudures à froid de type chimique, on ne considère plus la prothèse comme modulaire mais comme un implant monobloc dont on peut être conduit à effectuer un nouveau changement. C’est dire aussi l’importance du matériel ancillaire développé permettant l’exérèse et le rôle du dessin de l’aspect de surface.

Les résultats de ce matériel sont confortés par ceux de la série de P. Le Béguec (cf. chapitre précédent). Ils ne représentent pas l’analyse d’une série continue de presque 30 ans mais sont rapportés par trois études correspondant chacune à des analyses successives de cas dans des périodes différentes. Compte tenu de la grande diversité des cas, ces analyses permettent au cours du temps d’obtenir des données qui, nous semble-t-il, apportent du crédit à la méthode tout en confirmant la facilité d’usage du matériel.


Première étude (1993) et données de la thèse d’Essig [11]


Il s’agissait d’une revue de 111 reprises représentant des cas de stades variés de perte osseuse fémorale (classification SOFCOT) : stade I, 6 %; stade II, 64 %; stade III, 12 %; stade IV, 18 %. Le suivi de ces cas était en moyenne de 50 mois. L’âge moyen des patients 65 ans. Les extrêmes de 35 à 94 ans avec une nette prédominance féminine (64 %). L’étiologie initiale de mise en place d’une PTH était pour plus de la moitié des cas une coxarthrose ou une maladie luxante de hanche. La cause de reprise était variable, le descellement aseptique représentait plus de la moitié des cas (50 %). Le descellement septique correspondait à 35 % des cas de la série.

Sur le plan technique, l’abord chirurgical comprenait une trochantérotomie digastrique dans 85 % des révisions.

L’étude des complications retrouvait cinq fractures peropératoires lors de l’extraction de la tige ou de l’implantation du nouvel implant, de même qu’une plaie vasculaire résolutive. Dans cinq cas, on relevait une luxation postopératoire dont quatre ont été précoces, le problème ayant été résolu par le port d’un corset 4 semaines en moyenne. Dans cette série qui représente le début de l’expérience des grosses destructions, sept cas ont été réopérés, cinq pour la tige, deux pour la cupule avec chaque fois un résultat satisfaisant lors de cette nouvelle reprise. Au recul, nous avons constaté une amélioration des scores fonctionnels entre la phase préopératoire et la révision clinique.

Sur le plan clinique, le score fonctionnel de Postel et Merle d’Aubigné (PMA) moyen est passé de 10 points en préopératoire à 14,3 points au recul. Pour 63 % des patients, le score PMA au recul était supérieur à 14 points, ce qui correspond à un bon ou un très bon résultat.

L’étude radiologique a concerné un total de 34 cas. La fixation de l’implant a été considérée stable optimale et stable suboptimale selon les critères de Engh [10] dans 70 % des cas.

Les résultats sur la fixation peuvent être ainsi résumés comme suit. Ils montrent bien tout l’avantage de cette technique associée au matériel du système PP® :


• 85 % des tiges ont un enfoncement inférieur à 3mm. Les enfoncements plus importants ont été clairement ceux pour lesquels le principe du «press-fit» n’a pas été correctement appliqué avec un mauvais ancrage primaire au niveau de la tige l’opérateur ayant recherché plus un appui sur la collerette qu’un blocage de la tige dans le fût diaphysaire;


• 95 % sont stables en rotation;


• 85 % ont une stabilité frontale;


• 80 % présentent une reconstruction radiologique;


• 70 % montrent une bonne consolidation trochantérienne.

Globalement, et compte tenu du type de malade, on retrouve 25 % de très bons résultats, 45 % de bons, 10 % de moyens, 20 % de non améliorés ou parfois aggravés.

Nous avons mis en évidence dans cette série une reconstruction osseuse diaphysaire autour de l’implant en titane même en l’absence de surface ostéo-inductrice. En effet, les mesures moyennes d’épaisseur et d’index cortical, à 6cm sous la collerette d’appui, ont montré une variation statistiquement significative entre la phase préopératoire et la révision radiologique (p < 0,01).

En zone métaphysaire, la reconstruction osseuse – c’est-à-dire l’augmentation du volume du massif trochantérien avec remodelage osseux trabéculaire autour de l’embase prothétique – a été constaté dans 45 % des cas de la série.

Cette analyse a donc démontré la possibilité à moyen terme d’une reconstruction osseuse (figure 4) ou tout au moins une réparation des lésions osseuses métaphysaires et diaphysaires autour d’un implant non cimenté modulaire, mis en place selon une technique chirurgicale stricte épargnant la vascularisation locale grâce, notamment, à la réalisation de trochantérotomie digastrique. La récupération fonctionnelle témoigne probablement de la qualité de cette reconstruction périprothétique.








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Figure 4
Reconstruction osseuse radiologique fémorale à 9 ans d’une reprise de prothèse totale de hanche descellée par implant modulaire du système PP®.


Les résultats sur la reconstruction et sur sa qualité montraient l’importance de quelques points qui ont une incidence sur la mise en place de l’implant.


• La fixation de la tige s’effectue dans une zone assez proximale de 5 à 6cm. Lorsque, pour des raisons techniques, ceci n’est pas respecté, elle peut se mobiliser. Soit par un enfoncement limité par le dessin de la partie proximale de la tige qui comprend une petite collerette, soit une tendance au varus, ou encore une mobilisation en rotation. Ces défauts, outre l’aspect radiologique, apparaissent également sur le plan fonctionnel avec des phénomènes douloureux, une boiterie, un raccourcissement. Les défauts de fixation de la tige correspondent tous à des insuffisances techniques. La revue des cas de cette série nous a fait progresser dans l’application stricte des principes du press-fit.

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Apr 2, 2020 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on complémentaire du press-fit fémoral

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