4. Coach
une profession en émergence
On ne peut se défendre de l’impression que les hommes se trompent généralement dans leurs évaluations.
S. Freud, Malaise dans la civilisation [34]
Des rapports du coaching avec la déontologie et l’éthique
« Quand on parle, aujourd’hui, de déontologie, on pense toujours aux devoirs qu’impose à des professionnels l’exercice même de leur métier. Toute profession impose des devoirs à ceux qui l’exercent. Au sens large, toute profession a donc une déontologie. Quand la profession s’organise, elle tend à se donner un statut codifié, ou tout au moins des usages précisant les devoirs de ses membres. (…) Ce sont les professions libérales, tournées, plus que d’autres, vers l’humanisme, qui se préoccupent le plus de codifier leurs règles de déontologie. Leurs organes officiels sont particulièrement soucieux d’en maintenir le niveau moral. »
Encyclopédie Universalis 2003, article Déontologie.
La déontologie régit les règles et devoirs professionnels. En ce sens, elle fonde la nature de la relation client/fournisseur (dans un contrat bi-partite coaché/coach ou dans un contrat tri-partite commanditaire/coaché/coach). En bornant le champ d’action de chacun, elle régule les enjeux relationnels. Aussi, il paraît légitime que le coaché se voit informé explicitement sur les principes déontologiques mobilisés par le coach.
La déontologie n’est pas une libation offerte aux dieux du coaching. Elle pose les règles opérationnelles de la rencontre entre le coaché et le coach. Elle articule les rapports entre confrères et les autres professionnels de l’accompagnement. Delivré considère que la déontologie est certes un beau document à même de rassurer le client mais « plus encore que cela, c’est un guide que chaque professionnel devrait relire avant chaque intervention » [27].
Le coaching, par son caractère immatériel, s’apparente à une prestation de service dans laquelle coach et client sont étroitement associés, parce qu’engagés vers un même but et liés par contrat. Dans ce contexte, l’imbrication et la mutualisation des efforts de l’un et de l’autre rendent difficile l’évaluation attributive des compétences. La déontologie fournit au prestataire et au client une plate-forme commune de travail, garantissant un seuil minimal de qualité. Sur cette plate-forme se dénouent les verrous motivant la demande de coaching.
L’examen de la demande offre au coaché la possibilité d’envisager les modifications nécessaires aux changements de sa situation. Il apporte une impulsion particulière, celle de la réflexivité, dans la lecture des événements que traverse le coaché. Cette déconstruction est rendue possible par l’assurance du respect inconditionnel de la déontologie de la part du coach. Ce dernier travaille le processus et invite le coaché, dans un mouvement réflexif, à questionner le contenu. Ce mouvement réflexif est la condition sine qua non à l’auto-analyse critique du coaché dans sa problématique.
La réussite du coaching réside dans l’engagement solidaire du coach et du coaché. La proxémique entre le coaché et le coach active les affects de la dynamique relationnelle. La déontologie, par les règles qu’elle pose, canalise ces affects aux niveaux éthique et technique. Sur le plan éthique, comme toute profession tournée vers l’homme, l’exigence princeps est avant tout l’exigence Hippocratique « primum non nocere ». Sur le plan technique, la déontologie joue le rôle d’arbitre en délimitant le périmètre d’action avec des règles du jeu précises et acceptables par les deux parties.
La déontologie revêt un caractère pragmatique indéniable. En énonçant des repères à la fois juridiques et éthiques, elle contribue au bon déroulement des rencontres, au respect des protagonistes, et à l’efficacité du coaching. Nous retenons des principales chartes de déontologie ICF et SFCoach, quelque dix principes essentiels. D’autres peuvent compléter cette liste, qui ne se veut pas exhaustive. Notre intention est de définir les contours de la pratique du coaching au travers : du respect de la personne coachée, du niveau de compétence requis du coach, et de sa responsabilité, sa probité, son respect du but assigné avec le coaché, son indépendance professionnelle, et enfin, son engagement dans des actions de recherche et de promotion de la cause du coaching.
• Formuler les règlesDéontologierègles de protection du coaché et du coach (notamment la confidentialité).
• Considérer le bénéficiaire comme un élément d’un tout. Aussi, le coach veille dans ses interventions à envisager les conséquences sur le système d’appartenance du coaché.
• Appréhender le bénéficiaire en tant que sujet singulier. Toutes similitudes avec les expériences du coach ou rapprochements avec des situations de coachés sont exploités avec réserve.
• Si le bénéficiaire relève d’un autre type d’accompagnement que le coaching, alors le coach l’invite à s’orienter vers d’autres professionnels, sans précision nominale (pour ne verser ni dans le conseil, ni dans la thérapie).
• Le coach veille à préserver sa santé mentale en disposant d’une supervision régulière.
• Le coach doit avoir suivi un travail d’introspection et une formation professionnelle de coaching.
• Les fondements théoriques du coach doivent être clairement formulés.
• Les atteintes à la loi française de la part du coaché peuvent conduire le coach à refuser la mise en œuvre du coaching, sa suspension voire son arrêt définitif.
• Le coach laisse toute la latitude délibératoire au coaché. Il questionne le processus décisionnel en mobilisant l’autonomie du coaché.
• Le coach participe aux actions de recherche et de promotion de son métier.
La déontologie ne se cantonne pas à un décalogue de bonnes conduites ; elle permet au coach d’appartenir à un corps professionnel, de s’interroger sur les évolutions du métier, d’en débattre entre pairs. Pour l’heure, le coaching ne s’inscrit pas sous l’égide d’un code déontologique unifié.
La déontologie ne se substitue pas au droit civil ou pénal. Elle instruit une dynamique de confiance, en balisant l’espace de réalisation du coaching. Elle indique ce qui est permis, ce qui ne l’est pas en interrogeant l’éthique de responsabilité du coach et du coaché.
Les valeurs déontologiques qui régulent l’activité professionnelle du coach sont des valeurs instrumentales. Dans les années 1960, Milton Rokeach, professeur de psychologie aux États-Unis, décrit plusieurs catégories de valeurs, notamment des valeurs instrumentales [47]. Ces dernières renvoient à deux modes de conduites : l’un a trait aux valeurs morales (courage, honnêteté, aptitude à l’amour, obéissance, politesse, etc.), l’autre, aux valeurs fondatrices des compétences individuelles (ambition, indépendance, intelligence, imagination, responsabilité, etc). Les valeurs auxquelles adhère le coach définissent le cadre conceptuel de son action et déterminent ses modalités pratiques d’intervention. Aussi, la déontologie n’est pas un simple listing de bonnes intentions. Si elle associe valeurs personnelles et valeurs professionnelles, c’est pour mieux promouvoir des valeurs éthiques universellement partagées, gages du respect des droits inaliénables du coaché.

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