Chimiothérapie anticancéreuse

8. Chimiothérapie anticancéreuse



Introduction – Généralités



On dit que la chimiothérapie est :




adjuvante quand elle intervient après le traitement radiochirurgical pour traiter des micrométastases ou compléter une exérèse incomplète ;


néoadjuvante quand elle survient avant le traitement locorégional du cancer. Elle permet alors de traiter des métastases (quasiment toujours présentes au moment du diagnostic) ou de réduire la masse tumorale en préopératoire ;


palliative, quand il semble illusoire d’espérer guérir la maladie. Elle a alors pour objectif d’augmenter significativement la survie, ou au moins de permettre une survie sans que la maladie ne progresse, et éventuellement avec une amélioration de la qualité de la vie.

On peut diviser les médicaments anticancéreux en :





modulateurs de la réponse biologique qui soit :




• affectent les capacités de défense de l’hôte (interleukine-2, interféron-α),


• agissent sur le contrôle hormonal de la tumeur (hormonothérapie),


• constituent les nouvelles thérapies ciblées qui contrôlent l’appareil de signalisation de la cellule (anticorps monoclonaux dirigés contre des récepteurs et bloqueurs des tyrosines kinases).



Sélectivité des médicaments anticancéreux


Les cellules cancéreuses indésirables proviennent directement de l’organisme qui les héberge et lui ressemblent donc fortement. Toute la difficulté réside dans le choix de la molécule active, à laquelle les cellules cancéreuses devront être plus sensibles que les cellules saines. De ce degré de sélectivité dépendra le niveau d’efficacité du produit au regard de ses effets indésirables et toxiques.



















Tableau 8.1 Exemples de protocoles d’associations chimiothérapeutiques dans les cancers.
Cancer du sein FEC 100 Cure toutes les 3 semaines de :
5FU + épirubicine + cyclophosphamide
Perfusion IV
TCH Cure toutes les 3 semaines de :
Docétaxel IV à J1
+ Carboplatine IV à J1
+ Trastuzumab IV à J0 dose de charge puis hebdomadaire
Cancer colorectal FOLFOX Cure toutes les 2 semaines de :
Oxaliplatine IV à J1 + fluoro-uracile IV + leucovorine IV
LV5FU Cure toutes les 2 semaines de :
Leucovorine IV à J1 et J2
+ 5 fluoro-uracile IV (bolus) + perfusion continue à J1 et J2

La toxicité peut aussi être diminuée par l’administration locale des médicaments (administration intra-hépatique dans le traitement de tumeurs hépatiques).

Se sont développées des thérapeutiques dites « ciblées » qui ont une sélectivité d’action plus forte vis-à-vis des cellules cancéreuses. C’est ainsi que des médicaments ciblant le récepteur de l’Epidermal Growth Factor (EGFR) et son activité tyrosine-kinase sont arrivés sur le marché.


Hétérogénéité de la population cellulaire cancéreuse


Toutes les cellules d’une tumeur ne sont pas au même moment dans la même phase du cycle cellulaire, on dit qu’elles ne sont pas synchrones.

Le cycle cellulaire se compose de la succession des phases suivantes :




– la phase G1, (ou G0 pour des cellules quasiment quiescentes) est la plus longue et la plus variable ;


– la phase S suit la phase G1 Elle se caractérise par une activité intense de synthèse d’ADN en préparation à la réplication ;


– la phase G2 permet la constitution de l’appareil mitotique nécessaire à la division, ou mitose, de la cellule (polymérisation des microtubules entre autres) ;


– la mitose ou phase M est l’aboutissement de la succession des phases S et G2.

Certains médicaments sont dits « cycle-dépendants » car ils n’agissent que sur les cellules engagées dans le cycle cellulaire quelle qu’en soit la phase (exemple des agents alkylants).

D’autres produits sont « phase-dépendants », c’est-à-dire actifs pendant une phase précise du cycle (exemple des poisons du fuseau mitotique qui sont actifs en phase M).



Développement de résistances


Des cellules cancéreuses peuvent soit résister à un traitement d’emblée (résistance constitutive), soit acquérir leur résistance en cours de traitement ou lors d’une rechute alors qu’elles étaient initialement sensibles (résistance acquise). Cette acquisition de résistance peut provenir d’une pression de sélection de cellules d’emblée résistantes au sein de la tumeur initiale ou provenir de l’instabilité génétique de la tumeur qui produit des modifications de la cible des anticancéreux.


Médicaments anticancéreux : modes d’action



Anticancéreux cytotoxiques (vue générale : figure 8.1)



ACTION EN «AMONT » DU MATÉRIEL GÉNÉTIQUE : ANTIMÉTABOLITES


Ce sont :




– soit des analogues structuraux ou faux substrats des bases puriques (adénine, guanine) ou pyrimidiques (thymine, cytosine, uracile) qui vont s’incorporer dans l’ADN et l’ARN à la place de ces bases, et bloquer la transcription de l’ADN et donc de la cellule ;


– soit des inhibiteurs de la synthèse de l’acide folinique, indispensable à la synthèse des purines.

Le tableau 8.2 mentionne tous les médicaments appartenant à ce groupe.































































Tableau 8.2 Médicaments cytotoxiques dits « antimétabolites ».
Dénomination commune internationale Nom de spécialité
Antipyrimidiques
Fluoro-uracile (5-FU) Fluorouracile
Capécitabine Xéloda
Gemcitabine Gemcitabine, Gemzar
Tegafur-uracile UFT
Cytarabine Aracytine, Cytarabine, Depocyte
Azacitidine Vidaza
Antipuriques
Mercaptopurine Purinéthol
Azathioprime Imurel
Fludarabine Fludara
Cladribine Leustatine, Litak
Clofarabine Evoltra
Nélarabine Atriance
Pentostatine Nipent
Antifoliques
Méthotrexate Méthotrexate, Ledertrexate
Pémétrexed Alimta
Autres
Hydroxyurée (hydroxycarbamide) Hydréa


ACTION DIRECTE SUR L’ADN OU LES ENZYMES ASSOCIÉES




Médicamentsalkylants(tableau8.3)


Ils remplacent un proton par un groupement alkyle. Extrêmement réactifs, ils peuvent produire des lésions covalentes, c’est-à-dire stables, entre les brins d’ADN, ce qui a pour effet d’entraver les processus de réplication et de transcription



























Tableau 8.3 Médicaments cytotoxiques dits « alkylants ».
Dénomination commune internationale Nom de spécialité
Moutardes à l’azote
Busulphan
Melphalan
Chlorméthine
Chlorambucil
Cyclophosphamide
Ifosfamide
Busilvex
Alkéran
Caryolysine
Chloraminophène
Endoxan
Holoxan
Dérivés du platine
Cisplatine
Carboplatine
Oxaliplatine
Cisplatine, Cisplatyl
Carboplatine
Eloxatine, Oxaliplatine
Nitrosourées
Lomustine
Carmustine
Fotémustine
Streptozotocine
Belustine
Bicnu, Gliadel
Muphoran
Zanosar
Autres
Mitomycine C
Dacarbazine
Estramustine
Altrétamine
Busulphan
Procarbazine
Témozolomide
Thiotépa
Pipobroman
Trabectédine
Amétycine
Déticène
Estracyt
Hexastat
Myléran
Natulan
Témodal
Thiotepa
Vercyte
Yondélis


Médicaments intercalants


Les médicaments intercalants (tableau 8.4) se placent dans les sillons de l’ADN et bloquent sa réplication et sa transcription. Les deux chefs de file de cette famille sont l’adriamycine et la daunorubicine qui ont donné naissance au groupe des anthracyclines.

















Tableau 8.4 Médicaments intercalants.
Dénomination commune internationale Nom de spécialité
Anthracyclines
Doxorubicine
Idarubicine
Daunorubicine
Épirubicine
Pirarubicine
Adriblastine
Zavedos
Cérubidine, Daunoxome
Farmorubicine
Théprubicine
Anthracènediones
Mitoxantrone Novantrone



lnhibiteursdestopo-isomérases(tableau 8.5)


Les topo-isomérases sont des enzymes clés dans les processus de réplication. Elles permettent de couper les brins d’ADN pour les dérouler (ADN-gyrases ou topo-isomérases II) et d’induire des coupures bicaténaires pour séparer les chromosomes avant la mitose (topo-isomérases I). Le produit le plus utilisé est l’irinotécan.

















Tableau 8.5 Inhibiteurs des topo-isomérases.
Dénomination commune internationale Nom de spécialité
Inhibiteurs de la topo-isomérase I
Irinotécan
Topotécan
Campto
Hycamptin
Inhibiteurs de la topo-isomérase II (épipodophyllotoxines)
Étoposide Vépéside


Poisonsdufuseaumitotique


Les poisons du fuseau mitotique (tableau 8.6) agissent de manière directe sur les molécules de tubuline indispensables à la constitution du fuseau mitotique et à la migration polaire des chromosomes pendant la mitose. On dispose de deux familles qui sont d’origine naturelle :

















Tableau 8.6 Poisons du fuseau mitotique.
Dénomination commune internationale Nom de spécialité
Alcaloïdes de la pervenche
Vinblastine
Vindésine
Vinorelbine
Vincristine
Velbé
Eldisine
Navelbine, Vinorelbine
Oncovin, Vincristine
Alcaloïdes de l’if (taxanes)
Paclitaxel
Docétaxel
Taxol
Taxotère




– les alcaloïdes de la pervenche (Vinca rosea) : vinblastine, vindésine, etc. ;


– les alcaloïdes de l’if (Taxus baccata) ou « taxanes » : paclitaxel, docétaxel.


Antiprotéines


La L-asparaginase (Kidrolase) est une enzyme injectable d’origine bactérienne, qui hydrolyse l’asparagine sanguine et provoque une carence en asparagine au niveau des cellules leucémiques.

Le bortézomib est un inhibiteur réversible et très sélectif du protéasome, impliqué dans la dégradation des protéines. Cette inhibition conduit à un arrêt du cycle cellulaire et à une mort cellulaire, encore appelée apoptose.


Modulateurs de la réponse biologique



IMMUNOMODULATEURS ET MODULATEURS HORMONAUX































































Tableau 8.7 Modulateurs de la réponse biologique (immunomodulateurs et modulateurs hormonaux).
Dénomination commune internationale Nom de spécialité
Modulateurs de la réponse de l’hôte
BCG-thérapie
lnterleukine-2 (IL-2)
Interféron-a (lFN-α)
Immucyst
Proleukin
Roféron A
Antagonistes hormonaux et inhibiteurs de l’aromatase
Dirigés « contre » les œstrogènes
Antagonistes du récepteur des œstrogènes
Fulvestrant
Tamoxifène
Torémifène
Faslodex
Nolvadex
Farestons
Inhibiteurs de l’aromatase (enzyme de synthèse des œstrogènes) 0
Anastrozole
Exemestane
Létrozole
Arimidex
Aromastine
Fémara
Dirigés « contre » la testostérone
Antagoniste de la Gn-RH
Dégarélix Firmagon
Antagonistes de la testostérone
Bicalutamide
Cyprotérone
Flutamide
Nilutamide
Casodex
Androcur
Prostadirex
Anandron
Agonistes hormonaux
Agonistes de la LH-RH
Buséréline
Goséréline
Leuproréline
Triptoréline
Supréfact
Zoladex
Enantone
Décapeptyl
Œstrogènes
Diéthylstilbestrol Distilbène
Progestatifs
Médroxyprogestérone
Mégéstrol
Dépo-Prodasone, Farlutal
Mégace
Analogues de la somatostatine
Lanréotide
Octréotide
Somatuline
Sandostatine

















Tableau 8.9 Inhibiteurs de kinases.
Dénomination commune internationale Nom de spécialité
Inhibiteurs des tyrosine-kinases (cible entre parenthèses)
Dasatinib (Bcr-Abl)
Imatinib (Bcr-Abl)
Nilotinib (Bcr-Abl)
Erlotinib (HER1)
Géfitinib (HER1)
Lapatinib (HER1/HER2)
Sorafénib (multikinases)
Sunitinib (multikinases)
Sprycel
Glivec
Tasigna
Tarcéva
Iressa
Tyverb
Nexavar
Sutent
Inhibiteur de la protéine-kinase mTOR
Évérolimus
Temsirolimus
Afinitor
Torisel

Les axes hormonaux sont particulièrement ciblés dans le cadre du traitement des cancers hormonodépendants de la prostate et du sein.

Les antiœstrogènes (tamoxifène) sont prescrits dans le cancer du sein lorsque le tissu tumoral est riche en récepteurs aux œstrogènes. Les dérivés de la progestérone sont utilisés dans le cancer du sein métastatique pour leurs effets antiprolifératifs.

Les antagonistes de la testostérone sont indiqués dans le cancer de la prostate simple ou métastasé.



THÉRAPEUTIQUES CIBLÉES


























Dénomination commune internationale Nom de spécialité
Anticorps monoclonaux dirigés contre les lymphocytes (cible entre parenthèses)
Rituximab (CD20, lymphocytes B)
Alemtuzumab (CD52, lymphocytes B et T)
Catumaxomab (CD3, lymphocytes B)
Ibritumomab (CD2, lymphocytes B)
Mabthera
Mabcampath
Removab
Zévalin
Anticorps monoclonaux dirigés contre les récepteurs her (cible entre parenthèses)
Cétuximab (EGFR, HER1)
Panitumumab (EGFR, HER1)
Trastuzumab (HER2)
Erbitux
Vectibix
Herceptin
Anticorps monoclonal dirigé contre le VEGF
Bévacizumab (VEGF) Avastin
HER = Human Estrogen Receptor, VEGF = Vascular Endothelial Growth Factor ou facteur de croissance vasculaire endothélial.


May 20, 2017 | Posted by in Uncategorized | Comments Off on Chimiothérapie anticancéreuse

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