TECHNIQUES CAPILLAROSCOPIQUES DE RECHERCHE EN MICROCIRCULATION
Pression capillaire
Les capillaires périunguéaux sont parmi les plus larges de l’organisme et leur diamètre autorise le cathétérisme par des micropipettes dont le diamètre distal avoisine le micron. Cela nécessite un capillaroscope à fort grossissement (× 200), un système de fixation du doigt par arrimage de la table unguéale au microscope, et un micromanipulateur tridimensionnel. Quand la micropipette pénètre dans la lumière capillaire, les hématies l’envahissent sous l’effet de la pression sanguine. La micropipette est emplie de sérum physiologique et connectée à un manomètre à eau, celui-ci permet de mesurer la contre-pression qui permet d’équilibrer la pression capillaire. L’équilibre est attesté sous le capillaroscope par la stabilité de l’interface hématies – sérum physiologique (Figure 1).
Le dispositif peut être complété par un système de rétrocontrôle électronique fondé sur la résistivité électrique de la micropipette (« servo-nulling system ») : il devient alors possible de mesurer les variations de la pression capillaire en fonction du temps. C’est ainsi que Mahler a pu démontrer que la pulsatilité de la pression artérielle était encore perceptible à l’étage capillaire, et que la vasomotion (vasomotricité artériolaire spontanée) avait également une influence à ce niveau.
Vélocimétrie capillaire
L’examen des capillaires périunguéaux à fort grossissement (× 200 et plus) permet de visualiser l’aspect granulaire du sang et de son écoulement capillaire, dont la vitesse (vélocité) devient ainsi mesurable.
La mesure de la vélocité capillaire a d’abord été réalisée à partir d’enregistrements vidéo, sur lesquels était incrustée l’image d’un mobile déplaçable parallèlement au capillaire, dont la vitesse était réglable. Seules des mesures ponctuelles étaient ainsi possibles, mais cela a permis de chiffrer la plage physiologique habituelle de vélocité entre -0,05 mm/sec (vitesse légèrement négative dans certaines situations de stase) et 2 mm/sec.
L’utilisation de la vidéodensitométrie, analogique puis numérique, a permis de réaliser des enregistrements prolongés de la vélocité capillaire. L’aspect granulaire de l’écoulement se traduit en effet par des variations de la densité du signal optique en un point donné du capillaire en fonction du temps. Si deux fenêtres de densitométrie sont positionnées en série le long d’un capillaire, le décalage de temps entre les courbes de densitométrie obtenues au niveau de ces deux fenêtres est fonction directe de la vitesse moyenne d’écoulement entre les deux points et de la distance qui les sépare. L’analyse des signaux de corrélation croisée permet de produire la courbe des vélocités tout en vérifiant la qualité de la mesure, et même d’obtenir des mesures simultanées sur plusieurs capillaires voisins, puisqu’elle est réalisée sur un enregistrement qui peut être « rejoué » plusieurs fois. Avec cette technique, Fagrell et son équipe ont réalisé de nombreux travaux d’hémodynamique capillaire physiologique (hyperhémie post-ischémique, variations positionnelles) et pathologique (artériopathie, hypertension, polyglobulie …).
Une limite de ces techniques vélocimétriques est d’être dépendante de la qualité des images. Les mesures sont donc nécessairement effectuées sur des capillaires de morphologie régulière et souvent de grande taille, ce qui pose la question de la représentativité des résultats. Cette limite a été résolue par le couplage récent d’un laser-doppler avec le capillaroscope. Ce dernier sert seulement d’instrument de visée pour choisir le capillaire, dont la qualité d’image n’a plus d’importance, la technique étant même applicable en pleine peau. Par contre, cet appareillage ne permet que des mesures en temps réel et donc monocapillaires.