Appliquer la psychologie positive dans le monde du travail

1 Appliquer la psychologie positive dans le monde du travail



J. Cottraux






Qu’est-ce que la psychologie positive ?


Bien qu’enracinée dans une tradition philosophique et religieuse qui remonte aux penseurs de l’Antiquité, en particulier Aristote, les fondateurs de ce mouvement transversal sont des psychologues contemporains.



Origines de la psychologie positive


Deux auteurs en sont les fondateurs les plus éminents : Martin Seligman (1990, 1995, 2002, 2005) de l’université de Pennsylvanie à Philadelphie, et Christopher Peterson (2006) de l’université du Michigan. Dans la première phase de leur carrière, ils avaient travaillé sur les modèles de la dépression (Peterson et al., 1993). Martin Seligman (1975) a développé un modèle expérimental original de la dépression : « l’impuissance apprise » qui a eu un impact considérable sur une génération de chercheurs et de cliniciens aussi bien en psychologie fondamentale qu’en pharmacologie, ou dans le développement des thérapies comportementales et cognitives. Ces recherches sur le pessimisme se sont inversées en une psychologie de l’optimisme, et du mieux-vivre. Après avoir beaucoup écrit sur l’impuissance apprise et la dépression, Seligman a proposé le modèle de « l’optimisme appris » en 1990. Ce modèle se fonde sur la constatation que les motivations positives sont beaucoup plus fréquentes et importantes que les motivations négatives, car elles ont une valeur de survie et ont été sélectionnées par l’évolution naturelle. En cela il se démarque aussi bien de la psychanalyse et sa recherche obsessionnelle des passions tristes de l’humanité, que du modèle médical et ses classifications des maladies mentales, bien nécessaires, quoique réductrices.


En ce début du vingt-et-unième siècle, les psychologues, psychiatres et médecins généralistes savent mieux traiter les troubles anxieux, les psychoses, la dépression, les toxicomanies. Pourtant cette accumulation de connaissances sur le « négatif » de la condition humaine ne rend pas véritablement compte des forces « positives » qui maintiennent la vie et en font la valeur. Et elle ne permet une psychologie de l’individu « normal » que par défaut : c’est celui qui ne va pas mal selon les critères des classifications psychiatriques comme le DSM-IV (1994) et la CIM-10 (OMS, 1992). Ces classifications ne reflètent pas les faits de nature, mais simplement le consensus des experts. Cette nécessaire réduction est utile, mais il est tout aussi valable de se préoccuper d’une psychologie de ce qui va bien. Sans critiquer indûment ce modèle, qui a fait ses preuves, la psychologie positive propose une conception plus large en inversant la perspective.


En effet, l’épidémiologie ne valide qu’à moitié une vision purement négative de la souffrance psychologique. Bien que près de 18 % de l’humanité présente un trouble psychologique significatif et 48 % un trouble plus ou moins important (Narrow et al., 2002), il n’en reste pas moins que 52 % de la population mondiale n’en souffre pas, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’ait pas des problèmes psychologiques pour s’adapter au quotidien. L’étude de ce qui est propice à l’adaptation et à la prévention des troubles représente une tâche tout aussi importante que la clarification de la psychopathologie. Au premier rang de ces facteurs de protection vient l’optimisme.



Optimisme et émotions positives


L’optimisme (Seligman, 1990, 2005) est un style d’explication des événements et de leurs causes et leurs conséquences, qui se centre constamment sur leurs aspects favorables. L’optimisme, dont le mot fut forgé par Voltaire pour son personnage romanesque de « Candide », est considéré par la psychologie positive comme étant un trait de personnalité. Il consiste en une disposition globale à s’attendre, dans le futur, à plus d’événements heureux que malheureux. Cette disposition entraîne une régulation plus active de sa propre vie, et rend plus résilientes les personnes qui ont, comme le héros de Voltaire, cette disposition.


Il est vraisemblable que la disposition à l’optimisme, et donc à une projection positive dans le futur, représente un avantage pour la survie et reposerait sur des circuits cérébraux sélectionnés par l’évolution de l’espèce humaine. Ainsi, 80 % de personnes seraient optimistes, même en face de données objectives contraires. Ce circuit commence à être exploré par les méthodes d’imagerie cérébrale (IRMf) qui suggèrent que deux régions appartenant au circuit limbique seraient activées lors d’un flux d’émotions positives. Ce sont le cortex cingulaire antérieur rostral, qui fait partie du lobe frontal, et le complexe amygdalien. Ce dernier est relié à l’hippocampe qui gère la mémoire. Ces régions sont en réseau avec le noyau caudé qui alerte le cerveau quand quelque chose de bon se déroule et les régions préfrontales qui planifient l’action (Sharot et al., 2007).


Une série d’études déjà anciennes a affirmé que l’optimisme était à 80 % héréditaire. Mais en reprenant ces études avec une meilleure méthodologie, les travaux récents ont montré que l’héritabilité des traits psychologiques étudiés par la psychologie positive se situe entre 30 et 50 %. En particulier la résilience qui témoigne à la fois de l’optimisme et de la capacité comportementale à rebondir face à l’adversité n’est héritable qu’à 43 %. De même, la variabilité des émotions positives est influencée à 40 % par la génétique (Snyder et Lopez, 2005). Il y a donc une prédisposition, mais elle ne va se réaliser pleinement qu’en fonction de l’interaction avec l’environnement.


Deux dimensions psychologiques sont fortement corrélées à l’optimisme :




La résilience a été particulièrement bien étudiée en France par Cyrulnik (1999) à la suite des travaux pionniers de Garmezy (1983) qui le premier avaient mis en évidence le fait que certains enfants étaient, quoi qu’il leur arrive, invulnérables. Les composantes du fonctionnement psychologique qui sont attachées à la résilience sont présentées dans le tableau 1.1.


Tableau 1.1 Les caractéristiques psychologiques de la résilience

































1. Persistance
2. Endurance
3. Orientation sur des buts
4. Orientation saine vers le succès
5. Motivation à l’accomplissement de soi
6. Aspiration à l’éducation
7. Croyance dans le futur
8. Sens de l’anticipation
9. Sens de la vie
10. Sens de la cohérence

Deux études ont montré des effets positifs du trait psychologique d’optimisme, mesuré par une échelle de disposition à l’optimisme, l’une sur la longévité (Giltay et al., 2004) et l’autre sur le risque dépressif (Giltay et al., 2006). Un travail destiné à développer, soutenir ou entretenir ce trait pourrait avoir une valeur préventive. La psychologie positive a, de ce fait, trouvé des applications en psychothérapie, en particulier dans le traitement de la dépression et de sa prévention par des interventions précoces sous la forme de cliniques de l’optimisme (Seligman, 1990). Il s’agit de développer des forces, en particulier le courage, les compétences relationnelles, la pensée logique, la conscience de ses motivations, l’optimisme, la sincérité, la persévérance, le réalisme, la capacité à prendre du plaisir, la capacité à relativiser les ennuis, l’esprit centré vers le futur et la capacité à donner du sens à la vie. Les méthodes de thérapie comportementale et cognitive (TCC) sont donc utilisées dans le but d’accroître les forces du caractère chez des personnes qui ne présentent pas de « maladie mentale mais sont à risque ». Seligman et al. (1995) ont réalisé un travail expérimental qui a montré, à deux ans de suivi, que des enfants à risque de dépression présentaient moins d’états dépressifs, s’ils avaient eu un programme de développement de l’optimisme, qu’un groupe de comparaison non traité.


L’ efficacité personnelle perçue , ou sentiment d’efficacité personnelle, a été présentée par Albert Bandura (1977) comme processus central qui explique les comportements positifs pour le sujet agissant, l’autocontrôle et l’autorégulation, la créativité, la motivation au changement et les effets des diverses formes de psychothérapie. Ainsi, l’autodétermination et l’anticipation d’un renforcement lointain sont de puissants régulateurs pour l’action. Il s’agit donc d’un effet des attentes positives. Le sentiment d’efficacité personnelle correspond aux jugements sur la capacité à organiser et à réaliser des ensembles d’actions destinées à obtenir des résultats. Ces attitudes positives constituent un mécanisme central de la gestion de soi. Elles permettent de choisir les activités, les environnements, le montant des efforts, leur persistance, les pensées positives et les réactions émotionnelles adaptées aux obstacles. Les attentes peuvent se situer à deux niveaux fonctionnels :




Des études psychométriques ont montré l’importance d’une efficacité personnelle élevée pour la réussite universitaire, la création d’idées nouvelles et la gestion de projets novateurs de recherche qui demandent un long investissement de temps et des efforts soutenus (Bandura, 2007). De même, c’est une variable centrale dans la thérapie motivationnelle destinée au traitement des addictions (Miller et Rollnick, 2006).


Albert Bandura avait souligné que l’efficacité personnelle perçue était spécifique à un domaine donné et devait être évaluée par rapport aux comportements qui se déroulent effectivement dans ce domaine. Si l’on prend par exemple le domaine professionnel, on peut demander à un sujet d’évaluer les différentes étapes d’une tâche donnée en fonction de son sentiment d’efficacité personnelle : le tableau 1.2 représente une échelle d’évaluation utilisable à cet effet dans tous les domaines, et en particulier celui de l’exécution d’une tâche ou d’un projet donné.


Tableau 1.2 Mesure de l’efficacité personnelle

image

Néanmoins, à l’inverse de Bandura, d’autres auteurs considèrent qu’il s’agit d’un trait de personnalité que l’on peut mesurer globalement, et indépendamment d’une action déterminée dans un contexte précis. Ainsi, une échelle générale d’efficacité personnelle de seulement dix items a été construite et étudiée dans vingt-cinq pays. Une étude conduite par Wu (2009) a montré sa structure unifactorielle. Cette échelle serait corrélée à l’optimisme, la perception des défis, l’anticipation adaptative et la régulation de soi. Le lecteur trouvera une version française révisée de cette échelle à la fin de ce chapitre (annexe 1.3). Un score élevé prédirait donc à la fois l’optimisme et une action plus persistante devant les défis que présente le travail.



Bien-être et quête du bonheur


Il existe deux types de bien-être selon les travaux de la psychologie positive : le bien-être subjectif ou hédoniste et le bien-être psychologique ou eudémoniste.


Le bien-être subjectif ou hédoniste selon Diener (2005) consiste en la recherche du plaisir et des sensations plaisantes dans la vie : c’est donc un bien-être « émotionnel » qui déguste la vie bon moment, après bon moment. Il est mesuré par une échelle simple : l’échelle de Diener qui est corrélée avec les mesures d’émotion positive (traduction in Cottraux, 2007).


Le bien-être eudémoniste (Aristote, 2004) ou psychologique (Ryff et Singer, 1996) est la recherche d’une vie qui ait du sens, tendue vers la réalisation de soi et qui suit la lointaine étoile des valeurs. Cette quête peut procurer un bien-être « psychologique ». C’est le sens du devoir accompli par référence aux valeurs collectives, alors que le bien-être hédoniste se centre plus sur soi que sur les autres. Il est mesuré par l’échelle de Ryff que l’on trouvera à la fin du chapitre 10 (annexe 10.1). Alternativement, on peut utiliser l’échelle globale de Cantril que l’on trouvera en fin de ce chapitre (annexe 1.2).



Créativité


La créativité peut se définir comme une action individuelle ou collective innovatrice par laquelle un domaine de la culture est transformé. Un domaine peut être facilement circonscrit et évalué, mais l’innovation est plus délicate à établir. L’innovation est un objet ou une pratique qui enrichit la vie individuelle ou collective. La créativité est souvent considérée comme une vertu, ou un trait de personnalité qui représente une valeur positive pour la société. Mais il est plus fructueux d’envisager la créativité comme une dimension fondamentale de la psychologie humaine qui part de l’inventivité pour aboutir à des réalisations concrètes et laisse un héritage tangible. Pas de créativité sans produit concret.


À côté de la créativité exceptionnelle, il existe une créativité quotidienne. La créativité n’est pas seulement le génie, ni même le talent ou la manifestation d’un don. C’est aussi la capacité de trouver des solutions originales aux questions que l’on se pose et d’appliquer ses talents à une réalisation concrète. Il est possible d’envisager différents types de personnes créatives dans le monde du travail.


La créativité technique peut se révéler soit exceptionnelle soit quotidienne. Sous une forme encore plus quotidienne, la créativité artisanale permet de trouver des solutions quotidiennes aux problèmes pratiques et mécaniques. La créativité peut, aussi, se manifester dans la vie de tous les jours sous la forme d’une compétence sociale et de comportements. Les relations au travail bénéficient de l’intelligence sociale de chacun mais aussi de leaders charismatiques positifs capables de résoudre les conflits et d’entraîner les autres vers le meilleur.


Deux problèmes cruciaux ont été abordés par la psychologie positive : la mesure de la créativité, et la mesure du produit créé. On trouvera une revue des travaux et des échelles originales dans l’ouvrage À chacun sa créativité (Cottraux, 2010). Un troisième problème est celui du processus créatif. La psychologie positive s’est intéressée à l’état de flux créatif, qui se fonde sur un ensemble de traits psychologiques : la capacité de soutenir une attention dirigée et trois traits de personnalité : curiosité, persistance et une faible centration sur soi, qui sont reliés à une forme particulière de personnalité : la personnalité autotélique (auto  =  soi, telos = finalité). Il s’agit d’une personnalité qui agit en fonction de ses propres buts et non pas pour un bénéfice qui viendrait de l’extérieur.


Le flux est ressenti au cours de « l’expérience optimale » qui correspond à la créativité quotidienne. Une expérience particulière est vécue, par laquelle une personne ressent à la fois le dépassement de soi et une sensation de maîtrise et de joie (Csiksentmihalyi, 2006 ; Snyder et Lopez, 2007). Ce flux se situe entre l’angoisse liée au sentiment d’incapacité de réaliser une tâche et l’ennui qui résulte d’une tâche trop simple et monotone. Trois processus caractérisent l’expérience optimale : une l’attention portée à son maximum, la concentration sur l’instant présent et l’action créative. Les travaux effectués ont obtenu un descriptif exact du processus créatif par un système d’échantillonnage en temps réel des expériences vécues.



Modèle des forces du caractère


La force morale est depuis longtemps prônée par les religions et les philosophies sous le nom de vertu et celle-ci s’exprime dans des actions qui peuvent être pro-sociales : le monde de l’entreprise n’échappe donc pas à l’analyse des vices et des vertus de ses acteurs et de ses produits. Ainsi, telle ou telle marque met en avant ses valeurs pour construire son image dans les médias et nous adresser le message qu’elles sont meilleures que celles de la concurrence.


Mais qu’en est-il sur le plan scientifique de la notion de « valeur » et est-il possible de l’appliquer au quotidien dans la psychologie du travail ?


Tout d’abord, clarifions quelques définitions. Les valeurs sont les buts que nous estimons préférables à d’autres. Les vertus sont des actions que nous jugeons être en accord avec nos valeurs. Les forces du caractère représentent la mise en action permanente des vertus. Elles correspondent donc à un système de croyances positives qui va réguler nos comportements, nos pensées et nos émotions.



Les forces du caractère : le modèle psychométrique de Peterson


Une nouvelle conception scientifique des traits positifs de la personnalité est apparue lorsque la psychologie positive s’est intéressée aux forces du caractère. On peut les définir comme des traits positifs (des vertus) qui émanent de la personnalité. Ce qui différencie les forces du caractère de la simple énumération des vertus réside en ce qu’elles ont été étudiées de manière cohérente par les méthodes scientifiques de la psychométrie chez un nombre important de sujets. En 2000, un institut des valeurs en action (VIA) a été créé pour étudier les forces du caractère et en produire une classification et une mesure. Son directeur en est Christopher Peterson et il a pour but d’aider à l’éducation, mais aussi de définir et de promouvoir le fonctionnement optimal des individus. Ce programme peut donc intéresser non seulement les philosophes, mais aussi les psychologues et les psychiatres qui s’occupent du développement de l’enfant et de la personnalité, et, aussi, ceux qui s’intéressent au développement personnel et à la créativité. Il peut aussi concerner la psychologie du travail afin de faciliter l’adaptation des personnes et de leurs forces du caractère à une tâche ou à un emploi. En effet, il est plus facile de capitaliser sur un trait psychologique qui existe déjà que de le développer laborieusement.


Christopher Peterson (2006) a développé un questionnaire des valeurs en action pour mesurer les forces du caractère. Il en a proposé une définition opérationnelle, dont les dix descripteurs principaux sont représentés dans le tableau 1.3.


Tableau 1.3 Les forces de caractère selon le modèle de Peterson

































1. Les forces du caractère sont des traits psychologiques : elles sont donc stables et se traduisent par des comportements
2. Elles produisent des conséquences positivées : le bien-être, la satisfaction ou le bonheur
3. Elles sont souhaitées par les parents à leurs nouveau-nés pour plus tard
4. Elles déclenchent un sentiment d’élévation, le respect et l’envie, mais pas la jalousie. En effet les autres ne sentent pas diminués par leur manifestation
5. La culture valorise ces forces sous la forme d’institutions dédiées à leur promotion
6. Elles donnent lieu à des modèles exemplaires dont il faut suivre la voie, des personnages de légende, des paraboles, des maximes, et des récits historiques pour les enfants, ou les adultes
7. Elles sont souvent manifestées, à leur meilleur niveau, par de jeunes prodiges dont on vante les mérites
8. Elles sont valorisées dans toutes les cultures, les religions, les philosophies ou les morales
9. Des personnes en sont totalement ou partiellement dépourvues
10. Les forces positives du caractère ont des tendances opposées qui sont les forces négatives

La construction du questionnaire a été précédée d’enquêtes sur les valeurs et les vertus dans différents pays et différentes civilisations, y compris des civilisations qui ont une tradition surtout orale comme les Masaï d’Afrique, ou les Inuits du Groenland.



Origines religieuses des valeurs et des vertus


Peterson, de manière explicite, se réfère à L’Éthique à Nicomaque d’Aristote (2004) et au Petit traité des grandes vertus d’André Comte-Sponville (1995). Mais il se fonde aussi sur la tradition judéo-chrétienne, musulmane et bouddhiste pour établir une liste de vertus. Un chapitre de ce livre développe les valeurs et vertus de l’Islam dans leur relation au travail (voir chapitre 4, page 67), et un autre, les valeurs du bouddhisme à travers la pratique de la méditation (voir chapitre 7, page 135).


Rappelons brièvement les valeurs du judaïsme. Les principales vertus qui découlent des tables de la loi et de leurs dix commandements dictés par Dieu à Moïse sont la modération, la justice, l’obéissance à la loi, la confiance en Dieu (la foi) et l’amour de la vie. Le Talmud y ajoutera la science et la recherche de la vérité par la discussion.


Quand au christianisme, les trois vertus théologales, promues par Saint-Thomas d’Aquin, sont la foi, l’espérance et la charité. Mais on peut aussi y ajouter la justice puisque le Christ est injustement accusé et condamné. Les valeurs spirituelles sont supérieures au pouvoir temporel. Lorsque Pilate dit au Christ qu’il a le pouvoir de le gracier, le Christ lui répond : « Tu n’as que le pouvoir qui t’est concédé d’en haut ». Autrement dit le scénario de ta vie est écrit par un Autre auquel tu dois te soumettre, ce qui en arabe se traduirait par : Inc’h Allah. Cet exemple montre la parenté des trois grandes religions monothéistes sur un point central : la justice et la loi viennent d’en haut. Alors que la modernité démocratique fait provenir la loi et la justice d’un contrat social écrit ici-bas.


Les vingt-quatre forces du caractère qui ont été finalement retenues représentent des chemins vers des vertus, qui sont au nombre de six : sagesse et savoir, courage, humanité, justice, modération et transcendance ; que l’on peut résumer par un acronyme SCHJMT. Ce sont celles qui sont le plus souvent prônées, de manière explicite, par les différentes morales, les philosophies, les traditions sociales, ou les religions. Le tableau 1.4 représente les six vertus et les vingt-quatre forces du caractère.


Tableau 1.4 Six vertus et vingt-quatre forces du caractère selon le modèle de Peterson























































































I. Sagesse et savoir
1. Curiosité et intérêt pour le monde
2. Amour d’apprendre
3. Jugement, sens critique, ouverture d’esprit
4. Ingéniosité, originalité, intelligence pratique
5. Clairvoyance, recul, mise en perspective
II. Courage
6. Valeur et bravoure
7. Persévérance, assiduité, diligence
8. Intégrité, authenticité, sincérité
9. Enthousiasme
III. Humanité et amour
10. Amour et attachement
11. Gentillesse et générosité
12. Intelligence sociale
IV. Justice
13. Esprit d’équipe ; sens du devoir ; loyauté
14. Équité, impartialité
15. Sens du commandement : leadership
V. Modération
16. Pardon
17. Humilité et modestie
18. Prudence, discrétion, précaution
19. Maîtrise de soi ; autorégulation
VI. Transcendance
20. Appréciation de la beauté et de l’excellence
21. Gratitude
22. Espérance, optimisme et orientation vers le futur
23. Joie et humour
24. Spiritualité ; recherche du sens de la vie ; foi ; religiosité

Une analyse attentive de l’échelle de Peterson montre que les valeurs et vertus examinées, bien qu’issues en partie des religions sont devenues des valeurs laïques. Ainsi la vertu de transcendance ne se résume pas à la religiosité. Elle inclut la spiritualité qui peut d’ailleurs être une valeur appartenant à des personnes agnostiques, et aussi l’appréciation de la beauté, l’optimisme et la recherche du sens de la vie.


L’échelle de la signature des forces du caractère se présente sous plusieurs versions ; l’une, longue, proposée sur Internet, a été remplie par environ 350 000 personnes de deux cents nations. Une étude portant sur cinquante-quatre pays, de l’Azerbaïdjan au Zimbabwe a montré la stabilité des résultats : les forces les plus reconnues étaient : la gentillesse, l’équité, l’authenticité, la gratitude et l’ouverture d’esprit. Les moins reconnues : la prudence, la modestie et la régulation de soi.


Il existe aussi une version abrégée qui correspond à vingt-quatre questions qui composent une « échelle brève de la signature des forces du caractère. »


Only gold members can continue reading. Log In or Register to continue

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

May 29, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Appliquer la psychologie positive dans le monde du travail

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access