11. Aorte thoracique
L’échocardiographie transœsophagienne (ETO) est devenue une technique complémentaire de l’ETT difficilement contournable dans les pathologies aortiques telles que: dissection, hématome, anévrisme ou athérome de l’aorte thoracique.
Cependant, malgré les progrès importants de la technique écho-Doppler, la diversité des étiologies et la complexité des lésions aortiques laissent parfois volontiers perplexe l’échocardiographiste.
Pièges de dissection aortique
La dissection aortique est une urgence médico-chirurgicale qui nécessite un diagnostic précis, le plus précocement possible.
L’échocardiographie transœsophagienne constitue une méthode diagnostique très performante, de première intention, facilement réalisable au lit du malade. Elle explore la quasi-totalité de l’aorte thoracique. Cependant, elle requiert un échographiste expérimenté et, en cas de doute, le recours à une autre technique d’imagerie. En pratique cardiologique, l’ETO est toujours précédée d’une ETT qui peut déjà suspecter le diagnostic.
Les limites et les pièges de l’ETO concernent :
– l’identification de la dissection aortique;
– le diagnostic topographique précis de dissection;
– la détection de ses complications.
Devant la gravité clinique de la dissection aortique, dans un contexte d’urgence en particulier, une bonne connaissance de ces pièges est donc indispensable.
Pièges diagnostiques de dissection
Ces pièges sont dus :
– à la spécificité imparfaite des signes échographiques de dissection;
– à la distinction parfois difficile entre vrai et faux chenal;
– à la visualisation imprécise de la porte d’entrée de dissection.
➝ Spécificité des signes échographiques
Le diagnostic échographique de la dissection aortique repose sur la visualisation du voile intimal mobile, flottant entre le vrai et le faux chenal (figures 11.1 et 11.2).
Fig. 11.1 |
Fig. 11.2 |
L’identification de ce voile intimal dit flap est pathognomonique du diagnostic de dissection mais il faut se méfier des pièges diagnostiques par excès (faux positifs) ou par défaut (faux négatifs).
• Faux positifs de dissection aortique
Les faux positifs de dissection aortique (tableau 11.1) sont dominés par :
– des artefacts dits linéaires siégeant dans la lumière aortique et simulant un flap intimal (figure 11.3);
Fig. 11.3 |
– des réverbérations intra-aortiques des parois aortiques épaisses ou d’un anneau aortique calcifié pouvant être faussement interprétées comme un aspect de dissection.
• Les réverbérations ultrasonores dues aux parois aortiques épaissies, à l’anneau aortique calcifié ou à une structure extra-cardiaque médiastinale (hématome, abcès, tumeur, graisse) • La maladie annulo-ectasiante de l’aorte avec les sigmoïdes aortiques anormalement longues pouvant être confondues avec un voile intimal • Un anévrisme de l’aorte thoracique descendante avec thrombus mural simulant un faux chenal thrombosé • Un faux anévrisme aortique pouvant donner un aspect de pseudo-dissection localisée • Une rupture isthmique • Un abcès du manchon aortique • Une plaque athéromateuse décollée dite « flottante » au sein de la lumière aortique • Un thrombus intra-aortique en « bâton de cloche » parfois flottant • Un épanchement pleural • Une superposition vasculaire (tronc veineux innominé, veine hemiazygos) • Un sinus transvers de Theile • Le canal rachidien |
Les artefacts linéaires siégeant principalement sur l’aorte ascendante sont fréquemment observés en ETO monoplan. L’utilisation de l’ETO multiplan a réduit leur incidence mais elle n’a pas résolu le problème; les images artefactuelles étant souvent retrouvées dans les différents plans. Les artefacts linéaires proviennent de reflexions ultrasonores multiples sur les parois de l’oreillette gauche en particulier. Ils surviennent en présence d’une aorte large, de diamètre supérieur à celui de l’oreillette gauche, à une distance de la sonde ultrasonore égale au double du diamètre auriculaire (figure 11.4). En fait, un diamètre aortique > 50mm et un rapport oreillette gauche / aorte ≤ 0,6 sont d’excellents facteurs prédictifs de création d’artefacts.
Fig. 11.4 |
Trois principaux type d’artefacts ont été décrits traduisant la réflexion ultrasonore provenant soit de la paroi postérieure de l’oreillette gauche (type A), soit de la paroi postérieure de l’artère pulmonaire droite (type C), soit de l’interaction entre les deux (type B). Les artefacts linéaires de type A, dus à la réflexion de l’interface aorte/oreillette gauche, sont les plus fréquents. Ils peuvent être facilement identifiés par leur aspect échographique particulier en s’aidant notamment du mode TM (tableau 11.2), ce qui permet d’éviter un diagnostic erroné de dissection aortique.
• Le déplacement de l’artefact parallèle à celui de la paroi postérieure de l’aorte • La distance entre la paroi postérieure de l’aorte ascendante et l’artefact identique à la distance entre la sonde et la paroi postérieure de l’aorte • L’absence d’oscillations amples de l’artefact (à l’opposé d’un flap de dissection très mobile, avec expansion du vrai chenal en systole) • L’absence de porte d’entrée de dissection retrouvée (pas de phénomène d’aliasing en Doppler couleur pouvant traduire l’existence d’une porte d’entrée) • L’absence d’aspect de double chenal avec des flux de vitesses différentes en Doppler pulsé et couleur (vélocités identiques de part et d’autre de l’artefact) • L’éventuelle poursuite de l’artefact au-delà des parois aortiques |
Les images artefactuelles peuvent également se rencontrer au niveau de l’aorte thoracique descendante. Leur interprétation est généralement plus aisée. Il s’agit surtout des images en miroir de l’aorte thoracique descendante pouvant se voir au cours de l’ETO en cas d’aorte tortueuse en particulier. Elles sont probablement liées à des réflexions multiples entre l’aorte et l’espace pleuro-pulmonaire adjacent produisant une image dédoublée de la lumière aortique avec présence de flux Doppler dans la vrai lumière et dans l’image en miroir (voirfigure 11.3). D’autres causes de pseudodédoublement de l’aorte doivent être connues : plaque athéromateuse flottante, abcès du manchon aortique, graisse péri-aortique, ou exceptionnelle tumeur aortique (voirtableau 11.1).