19. Antidépresseurs
INTRODUCTION
Les antidépresseurs augmentent le taux des neuro-amines centrales, noradrénaline, dopamine, sérotonine dans la fente synaptique.
THYMOANALEPTIQUES
La recherche des analogues structuraux de la chlorpromazine a conduit à l’individualisation du groupe des amines tricycliques dont le chef de file est l’imipramine.
Imipramine. Tofranil
Dérivé de l’iminodibenzyle, l’imipramine avait été d’abord considérée comme un neurosédatif. La clinique, a montré qu’il s’agissait d’un stimulant plutôt que d’un dépresseur.
Action sur le système nerveux central
L’imipramine possède un spectre d’activité voisin de celui de la chlorpromazine sans catatonie ni hypothermie: elle réduit l’activité motrice spontanée et s’oppose aux réactions de fuite ou d’attaque provoquées par stimulation de l’amygdale. Elle inhibe la réaction d’arrêt induite par stimulation sensorielle ou mésencéphalique. Elle entraîne, à l’électroencéphalogramme, l’apparition d’ondes lentes de voltage élevé.
Elle prolonge la narcose barbiturique, potentialise les effets de l’amphétamine sur le système nerveux central: excitation, stéréotypie, toxicité de groupe, autostimulation, facilitation des réflexes conditionnés. Elle accroît l’excitation et l’agressivité provoquée chez la souris par la Dopa.
Elle s’oppose aux convulsions provoquées par le pentétrazol et l’électrochoc mais non aux convulsions strychniques ou nicotiniques. Elle antagonise les effets centraux de la réserpine, ptose palpébrale et hypothermie, et les effets périphériques: bradycardie, diarrhée. Administrée après réserpine, elle rend celle-ci excitante.
Anticholinergique central, l’imipramine antagonise les effets de la trémorine et de l’oxotrémorine (tremblements) et les effets de l’ésérine, de l’arécoline, de la nicotine objectivés par la réaction d’éveil à l’électroencéphalogramme. Elle est antalgique.
Les différences de l’imipramine avec la chlorpromazine portent sur l’absence de catatonie et d’hypothermie, sur l’opposition aux convulsivants et à la réserpine.
Action sur le système nerveux autonome
L’imipramine est un sympathomimétique, mais son action est complexe: elle accroît les effets de l’adrénaline, de la noradrénaline et de l’excitation des nerfs sympathiques mais elle s’oppose aux effets périphériques des sympathomimétiques indirects (éphédrine et amphétamine) tout en prolongeant leur effet central. À dose forte, elle se révèle sympatholytique alpha.
En traitement de longue durée, l’imipramine détermine de l’hypotension et l’absence d’éjaculation par inhibition des centres sympathiques.
L’imipramine est parasympatholytique, entraînant mydriase et atonie intestinale. Elle est également antihistaminique et légèrement analgésique.
Action sur le système cardio-vasculaire
À faible dose l’imipramine élève la pression artérielle mais à forte dose elle l’abaisse en induisant une tachycardie et une augmentation du débit cardiaque. À dose toxique, on observe une chute de la pression artérielle, une diminution du débit cardiaque, une dépression du myocarde, des troubles du rythme; la mort survient par arrêt cardiaque.
L’imipramine agit sur la conduction cardiaque, comme antifibrillant à dose faible, mais elle détermine un bloc auriculo-ventriculaire à dose toxique.
Mécanismes d’action
Les mécanismes de l’action de l’imipramine portent sur les systèmes adrénergique, cholinergique, sérotoninergique et sur l’activité des hydroxylases hépatiques.
L’imipramine s’oppose au recaptage de la noradrénaline par les transporteurs glycoprotéiques transmembranaires, au niveau de la membrane axonale, ce qui entraîne: 1) un accroissement de noradrénaline à la jonction postsynaptique et l’exaltation des effets de la stimulation adrénergique; 2) un accroissement de la destruction de la noradrénaline avec apparition de normétadrénaline par action accrue de la catéchol-O-méthyl transférase extraaxonale; 3) au niveau central, un effet d’éveil par augmentation du taux de catécholamines cérébrales libres; 4) au niveau périphérique, une sensibilisation aux catécholamines par la déplétion de ces dernières.
Sur le système cholinergique, l’imipramine se révèle un parasympatholytique central antagonisant ésérine et arécoline.
Sur le système sérotoninergique, l’imipramine inhibe le recaptage de la sérotonine dans le cerveau, surtout au niveau de l’hypothalamus. Elle augmente la teneur en sérotonine de l’amygdale.
L’imipramine empêche l’action des hydroxylases des microsomes hépatiques sur les barbituriques, l’éphédrine et l’amphétamine. De ce fait sont prolongés la narcose barbiturique, d’une part, les effets centraux des deux amines sympathiques, d’autre part.
Pharmacocinétique et effets latéraux
L’imipramine, bien absorbée per os, se lie aux globulines mais quitte rapidement la circulation (période biologique sanguine de quelques minutes). Elle se répartit dans le foie, le rein, le cœur, le système limbique du cerveau. Elle subit plusieurs dégradations: déméthylation qui conduit à la désipramine, métabolite actif dont la demi-vie sanguine varie de 12 à 50 heures; perte de la chaîne latérale; formation de N-oxyde; hydroxylation en 8 sur le noyau suivie de glycuroconjugaison. Les métabolites sont éliminés par l’urine.
Par son action parasympatholytique, l’imipramine donne de la sécheresse des muqueuses et une légère paralysie de l’accommodation. Elle détermine également des vertiges, des états ébrieux, de la boulimie avec gain de poids et des aménorrhées. Chez les malades âgés, en mauvais état cardio-vasculaire et aux antécédents éthyliques, l’imipramine peut entraîner des tremblements, de l’hyperréflectivité, des crises épileptiformes, des épisodes confuso-oniriques avec hallucinations visuelles qui expliquent les tentatives de suicide, des accidents cardiaques, avec troubles du rythme et coma. Dans l’intoxication aiguë, due à une tentative de suicide, le sujet présente un coma avec dépression respiratoire, crises convulsives, chute du débit cardiaque et bloc de la conduction auriculo-ventriculaire.
L’association accidentelle de l’imipramine avec un inhibiteur de la monoaminoxydase donne des troubles toxiques: hypotension, hyperthermie, délires, rigidité musculaire, coma convulsif transitoire ou mortel. Il ne faut jamais utiliser l’imipramine en association avec un inhibiteur de la mono-aminoxydase. Il faut laisser un intervalle de deux semaines au moins si l’on veut remplacer un médicament inhibiteur de la mono-aminoxydase par l’imipramine.
Indications thérapeutiques
L’imipramine est administrée aux doses de 0,075-0,100g/j pendant plusieurs jours à plusieurs mois dans les dépressions endogènes, mélancoliques, préséniles et dans les dépressions organiques et les algies rebelles.
Dérivés de l’iminodibenzyle
– La clomipramine, Anafranil, est le dérivé chloré de l’imipramine. Plus active que l’imipramine, elle est utilisée aux doses orales de 0,05-0,15g/j ou en injection intraveineuse goutte à goutte (75mg). La surveillance médicopsychologique est de rigueur à cause des risques de suicide.
– La trimipramine, Surmontil, associe le cycle de l’imipramine à la chaîne latérale de la lévomépromazine. Elle est utilisée dans les mêmes affections que les autres amines tricycliques aux doses orales journalières de 0,06-0,10g (tableau 19.I).
R1 | R2 | |
---|---|---|
Clomipramine | Cl | |
Trimipramine | H |