Anticoagulants et antiagrégants plaquettaires

10. Anticoagulants et antiagrégants plaquettaires







la deuxième étape est la coagulation : le clou plaquettaire étant fragile, il doit être consolidé par la formation d’un caillot de fibrine à partir du fibrinogène. Ce mécanisme fait intervenir de nombreux facteurs de coagulation plasmatiques et participe à la cascade de coagulation (voir figure 10.1, tableau 10.1) ;
































































Tableau 10.1 Principaux facteurs de coagulation

Facteurs Particularité Demi-vie (h) Taux physiologique 1
I Fibrinogène
120 0,5-1g/L
II Prothrombine (lia : thrombine) Vit. K-dépendant 80 40 %
V Proaccélérine
24 10-15 %
VII Proconvertine Vit. K-dépendant 6 5-10 %
VIII Antihémophilique A
12 30-50 %
IX Antihémophilique B Vit. K-dépendant 24 30-50 %
X Facteur Stuart Vit. K-dépendant 48 10-20 %
XI PTA (Plasma Thrombo plastin Antecedent)
60 30 %
XII Facteur Hageman
60
XIII Facteur stabilisant de la fibrine
240 2 %


la troisième étape est la fibrinolyse. Elle empêche l’installation et l’extension du thrombus formé par la coagulation.

Les processus à l’origine de la formation d’une thrombose artérielle ou veineuse sont différents. Une thrombose veineuse expose principalement au risque d’embolie pulmonaire. Côté artériel, la thrombose peut être à l’origine soit d’une occlusion artérielle avec une ischémie suivie d’une nécrose du lit d’aval, soit d’une migration embolique avec ischémie lorsque l’embole occlut une artère à distance.

Les médicaments qui interviennent dans le processus de l’hémostase sont des anticoagulants. Ils visent à traiter ou prévenir la formation de thrombose intra-artérielle ou intraveineuse.

On distingue deux types d’anticoagulants :




– les anticoagulants qui inhibent directement ou indirectement l’activité des facteurs lia et Xa (héparines et antithrombines) ;


– les anticoagulants qui modifient la synthèse des facteurs de coagulation (antivitamines K).

Les antiagrégants plaquettaires ne modifient pas l’activité ou la synthèse des facteurs de coagulation mais agissent sur l’hémostase primaire.




Héparines et antithrombines



Héparines


Les héparines sont des molécules mucopolysaccharidiques d’origine naturelle. L’activité anticoagulante des héparines dépend de la longueur de la chaîne pentasaccharidique. On distingue les héparines non fractionnées (HNF) ou héparine standard, l’héparine de bas poids moléculaire (HBPM) et les héparinoïdes. Les HNF et HBPM diffèrent de par leurs mécanismes d’action, leurs posologies et leurs modalités de surveillance. Les héparinoïdes, dont le seul représentant est le danaparoïde, sont utilisés en cas de contre-indication majeure ou d’intolérance à l’héparine.





DanaparoïDe


Le danaparoïde est un mélange de glycosaminoglycanes sulfatés extraits de la muqueuse intestinale de porc. Ce mélange ne contient pas d’héparine mais agit comme une HBPM avec une forte activité anti-Xa. Il est indiqué principalement dans le traitement prophylactique et curatif de maladies throm- boemboliques veineuses (MTEV) chez les patients atteints de thrombopénie induite par héparine (TIH) ou ayant des antécédents de TIH (Voir « Effets indésirables des héparines «).


Antithrombines











































Tableau 10.2 Les différentes héparines et antithrombines et leurs mécanismes d’action.
Classe DCI Nom commercial Mécanisme d’action 1
Héparines et groupe de l’héparine
HNF Héparine calcique Héparine sodique Calciparine (SC) Héparine sodique (IV) Activation de l’antithrombine et inhibition des facteurs lia et Xa
HBPM Énoxaparine Daltéparine Nadroparine Tinzaparine Lovenox (SC) Fragmine (SC) Fraxiparine (SC) Innohep (SC) Activation de l’antithrombine et inhibition du facteur Xa (essentiellement) et du facteur lia (partiellement)
Héparinoïdes Danaparoïde Orgaran (SC) Activation de l’antithrombine et inhibition du facteur Xa (essentiellement) et du facteur lia (partiellement)
Pentasaccharides Fondaparinux Arixtra (SC) Activation de l’antithrombine et inhibition sélective du facteur Xa
Antithrombines Bivalirudine Désirudine Lépirudine Dabigatran Angiox (IV) Revasc (SC) Refludan (IV) Pradaxa (PO) Inhibition du facteur lia
Inhibiteur facteur Xa Rivaroxaban Xarelto (PO) Inhibition sélective du facteur Xa






















































































Tableau 10.3 Mode d’administration et indications des héparines et antithrombines.
MTEV : maladie thromboembolique veineuse ; TIH : thrombopénie induite par l’héparine ; PTH : prothèse totale de hanche ; PTG : prothèse totale de genou.
Molécules Traitement préventif des MTEV Traitement curatif

Risque modéré Risque élevé

Posologie Indication – Durée Posologie Indication – Durée
Héparine calcique

150 Ul/kg/j en 2 à 3 inj. SC Patients alités avec pathologie aiguë pendant 7 à 10j avec relais AVK entre 1er et 3e j
Héparine sodique


Phase aiguë de l’infarctus du myocarde et l’angor instable Bolus de 20 Ui/kg en ivd puis 20 ui/ kg/h en IV pendant 7 à 10 j avec relais AVK entre 1er et 3e j Objectif INR 1,5 à 3 fois le témoin
Énoxaparine Lovenox 2 000 Ul/j (SC) Chirurgie générale < 10 j 4 000 Ul/j (SC) PTH-PTG : 4 à 5 semaines après l’intervention Patients alités : 6 à 14 j mtev : 100 UI/kg x 2/j pendant 10 j, délai d’équilibration par AVK inclus Thrombose artérielle : 100 UI/kg x 2/j pendant 2 à 8 j
Daltéparine Fragmine 2 500 Ul/j (SC) Chirurgie générale < 10 j 5 000 Ul/j (SC) PTH-PTG : 35 j après
l’intervention
Patients alités : 12 à 14 j
mtev : 100 UI/kg x 2/j pendant 10 j, délai d’équilibration par AVK inclus Thrombose artérielle : 120 UI/kg x 2/j pendant 6 j
Nadroparine Fraxiparine 2 850 Ul/j (SC) Chirurgie générale < 10 j

MTEV : 85 UI/kg X 2/j pendant 10 j, délai d’équilibration par AVK inclus Thrombose artérielle : 85 UI/kg x 2/j pendant 6 j
Tinzaparine Innohep 2 500 Ul/j (SC) Chirurgie générale < 10 j 3 500–4 500 Ul/j (SC) Chirurgie cancérologique ou PTH-PTG MTEV : 175 UI/kg/j pendant 10 j, délai d’équilibration par AVK inclus
Fondaparinux Arixtra
2,5mg/j (SC) PTG-PTH : 5 à 9 j après l’intervention Patients alités : 6 à 14 j MTEV et embolie pulmonaire aiguë : 7,5mg/j pendant 5 j, relais AVK dès le 1er jour
Thrombose artérielle : 2,5mg en 1 inj./j/kg pendant 8 j
Danaparoïde Orgaran

750 Ul 3 fois/j pendant 7 j (SC) Traitement prophylactique chez les patients avec des antécédents de TIH ou en cas de survenue de TIH Manifestations thromboemboliques chez les patients atteints de TIH : bolus IVD de 2 500 UI puis perfusion continue 150–200 UI/h pendant 7 j Relais AVK dès que possible
Bivalirudine Angiox



Intervention coronaire percutanée : bolus
de 0,75mg/kg en IVD puis 1,75mg/kg/h durant la durée de l’intervention
Désirudine Revasc

15mg 2 fois/j (lV) 5 à 15min avant l’intervention puis 2 inj./j pendant 9 à 12j PTH-PTG : 1re inj.
Lépirudine
Refl udan




TIH après confi rmation du diagnostic,
0,4mg/kg en bolus IVD, puis
0,15mg/kg en IV pendant 2 à 10 j
Dabigatran
Pradaxa


220mg/j en 1 prise
après l’intervention
puis pendant 10 j en
cas de PTG ou 28-35 j
en cas de PTH (PO)
Prévention MTEV en cas
de PTH-PTG
Rivaroxaban
Xarelto


10mg/j en une prise.
La dose initiale :
6 à 10h après
l’intervention puis
pendant 28-35 j en cas
de PTH ou 15 j en cas
de PTG (PO)
Prévention MTEV en cas
de PTH-PTG

Dans cette classe médicamenteuse, le dabigatran étexilate (Pradaxa) a des propriétés pharmacocinétiques particulières. Il s’agit d’un précurseur thérapeutique qui, après administration par voie orale, est converti en sa substance active, le dabigatran. Le dabigatran est un inhibiteur direct, compétitif et réversible de la thrombine. Le dabigatran étexilate est un traitement de première intention indiqué en prévention primaire chez les patients pour lesquels l’administration d’un anticoagulant oral est prolongée au-delà de la sortie de l’hôpital (après notamment pose d’une prothèse de hanche). Il représente une alternative à la prescription d’un anticoagulant oral tel que les antivitamines K. Le dabigatran est faiblement lié aux protéines plasmatiques et n’est pas métabolisé par le cytochrome P450. Par conséquent, il n’est pas concerné par les interactions médicamenteuses liées à ce système enzymatique.

En revanche, le dabigatran est le substrat des protéines de transport « glycoprotéine P « ou P-gp et à ce titre des interactions médicamenteuses peuvent survenir avec les inhibiteurs et les inducteurs de la P-gp (tableau 10.4).





































































Tableau 10.4 Interactions médicamenteuses.
HNF : héparine non fractionnée ; HBPM : héparines de bas poids moléculaire ; AVK : antivitamine K ; AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien ; P-gp : glycoprotéine P.
Anticoagulants Médicaments associés Effets Mécanisme
HNF
HBPM
Danaparoïde
Fondaparinux
Lépirudine
Désirudine
Sels de potassium
Diurétiques
hyperkaliémants
Inhibiteurs de l’enzyme
de conversion
Hyperkaliémie Potentialisation de l’effet
hyperkaliémiant des
héparines
Médicaments agissant
sur l’hémostase
(AVK, antithrombines,
antiagrégants
plaquettaires, etc.)
Augmentation du risque
hémorragique
Potentialisation de
l’effet anticoagulant des
héparines
Bivalirudine Bivalirudine Médicaments agissant
sur l’hémostase
(AVK, antithrombines,
antiagrégants
plaquettaires, etc.)
Augmentation du risque
hémorragique
Potentialisation de l’effet
anticoagulant de la
bivalirudine
Rivaroxaban Inducteurs du CYP3A4
(rifampicine, phénytoïne,
carbamazépine, etc.)
Diminution de l’effet
anticoagulant (diminution
de la concentration
plasmatique du
rivaroxaban)
Augmentation du
métabolisme hépatique
du rivaroxaban
Inhibiteur du CYP3A4 et
de la P-gp (antifongiques
azolés)
Augmentation du risque
hémorragique par
surdosage (augmentation
concentration plasmatique
du rivaroxaban)
Diminution du
métabolisme hépatique
du rivaroxaban
HBPM Augmentation du risque
hémorragique
Effet cumulatif sur
l’activité anti-Xa
Dabigatran Inducteur de la P-gp (rifampicine, millepertuis) Diminution de l’effet anticoagulant Diminution de l’exposition au dabigatran
Inhibiteurs de la P-gp (vérapamil, amidarone, clarithromycine, etc.) Augmentation l’exposition au dabigatran
AVK AINS Augmentation du risque hémorragique Potentialisation de l’effet AVK par augmentation de la fraction libre
Héparines, antiagrégants plaquettaires Augmentation du risque hémorragique Augmentation de l’hypocoagulabilité
Inhibiteurs enzymatiques : antifongiques azolés, macrolides, cimétidine, etc. Potentialisation de l’effet des AVK
Risque accru d’hémorragie
Diminution du métabolisme hépatique
Inducteurs enzymatiques : rifampicine, phénobarbital, carbamazépine, etc. Diminution de l’effet des AVK
Risque d’inefficacité thérapeutique des AVK
Augmentation du métabolisme hépatique
Clopidogrel Inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole, ésoméprazole), fluoxétine, antifongiques azolés, cimétidine, carbamazépine Diminution de l’effet du clopidogrel Inhibition CYP2C19. Diminution du taux du métabolite actif du clopidogrel


Inhibiteur spécifique du facteur Xa










Remarque


La place du dabigatran et du rivaroxaban dans la prévention primaire de la maladie thromboembolique reste à déterminer compte tenu de leur efficacité et de leur tolérance modeste par rapport au traitement de référence (enoxaparine). De ce fait, leur prescription est encore marginale. Cependant, plusieurs études de phase II et III sont en cours pour examiner l’effet antithrombotique de ces médicaments en prévention secondaire et en élargir le spectre des indications notamment en remplacement des antivitamines K.



Effets indésirables



Accidents Hémorragiques


Les accidents hémorragiques liés à l’héparinothérapie surviennent dans 5 % des cas. Ils sont favorisés par les surdosages, l’âge avancé, les actes invasifs.

En cas d’incident hémorragique modéré, il suffit de suspendre transitoirement le traitement et de le reprendre à dose plus faible.

En cas d’incident hémorragique grave, le sulfate de protamine par voie intraveineuse lente permet de neutraliser instantanément le traitement.


Thrombopénies Induites Par Héparine (Tih)


Il s’agit d’une complication rare (0,5 à 1 %) mais grave.

On distingue deux types de TIH :




– TIH type I : elle apparaît entre le 2e et le 5e jour de traitement avec une thrombopénie bénigne autour de 100 000G/L ;


– TIH type II : il s’agit d’une baisse des plaquettes de 50 % de la valeur de base ou d’une thrombopénie < 100 000G/L. Cette thrombopénie apparaît plus tardivement (9-10e jour de traitement) et peut survenir même au cours des traitements à dose préventive.

Il s’agit d’une aggravation de la maladie thromboembolique ou d’accidents d’ischémie artérielle aiguë. La TIH impose l’arrêt immédiat de l’héparine et l’utilisation d’autres moyens thérapeutiques : danaparoïde ou lépirudine.

Dans 95 % des cas, cette thrombopénie résulte d’une immunisation contre la membrane des plaquettes. Il est obligatoire de surveiller la numération des plaquettes au minimum 2 fois par semaine pendant 21 jours.

Le diagnostic de TIH peut être aidé en réalisant un test d’agrégation plaquettaire en présence d’héparine. Le test est dit positif lorsque les plaquettes d’un sujet témoin agrègent en présence du plasma du patient et d’héparine. Ces tests ne sont pas réalisés en urgence. Le meilleur moyen diagnostique de thrombopénie à l’héparine est de constater la remontée du chiffre des plaquettes dans les 5 jours suivant l’arrêt du traitement.


Surveillance biologique


Voir Fiche pharmacologie « Héparines et antithrombines», page 127.


Contre-indications – Précautions d’emploi


Voir Fiche pharmacologie « Héparines et antithrombines », page 127.


Principales interactions médicamenteuses


Elles sont indiquées dans le tableau 10.4.


Antivitamines K




















Tableau 10.5 Les différentes AVK et leur mode d’action.
Classe DCI Nom commercial Mécanisme d’action
Antivitamines K de demi-vie courte Acénocoumarol Simtrom Minisintrom Analogues structuraux de la vitamine K Inhibition de la synthèse des facteurs II, VII, IX et X
Antivitamines K de demi-vie longue Warfarine Fluindione Coumadine Préviscan

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May 20, 2017 | Posted by in Uncategorized | Comments Off on Anticoagulants et antiagrégants plaquettaires

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