25. Antiarythmiques
Les antiarythmiques sont encore appelés antifibrillants parce qu’ils s’opposent à la fibrillation auriculaire.
Ils sont utilisés dans la prophylaxie des arythmies (après infarctus récent), dans le traitement des arythmies, dans le traitement d’entretien après fibrillation ventriculaire traitée par électrochoc.
RAPPEL PHYSIOLOGIQUE
L’automaticité, l’excitabilité, la période réfractaire, la conduction cardiaque peuvent être impliquées dans les mécanismes physiopathologiques des arythmies.
Rythmicité normale
Le rythme cardiaque est assuré par le fonctionnement du tissu nodal: nœud sinusal de Keith et Flack, nœud auriculo-ventriculaire de Tawara, faisceau de His et cellules de Purkinje (fig. 25.1).
Fig. 25.1 |
L’automaticité est commandée par la dépolarisation rythmique du tissu nodal au niveau du nœud de Keith et Flack. En effet on reconnaît 5 phases dans le potentiel d’action d’une cellule nodale (fig. 25.2):
Fig. 25.2 |
– 60 mV à + 30mV;
– une phase 1 de repolarisation rapide, potentiel de + 30mV à + 10mV;
– une phase 2 de repolarisation lente en plateau avec entrée du calcium, potentiel de + 10mV à + 8mV;
– une phase 3 de repolarisation progressive avec sortie du potassium, potentiel de + 8mV à – 95mV;
– une phase 4 de dépolarisation diastolique lente, potentiel de – 95mV à
– 60 mV.
Le potentiel de – 95mV est dit potentiel de repos. Le potentiel de – 60mV est le potentiel seuil d’excitabilité qui déclenche la réponse propagée.
Le rythme cardiaque est sous la dépendance de la vitesse de dépolarisation et de repolarisation des cellules du foyer rythmique.
Pendant le développement du potentiel d’action la cellule devient inexcitable, c’est la période réfractaire. La période réfractaire totale s’étend entre deux potentiels de repos. On reconnaît la période réfractaire absolue qui s’étend du potentiel de repos au potentiel de demi-repolarisation pendant les phases 0, 1, 2 et 3, la période réfractaire effective qui s’étend du potentiel de repos au potentiel seuil, la période réfractaire relative qui s’étend du potentiel de demirepolarisation au potentiel de repos pendant la phase 3 (fig. 25.3).
Fig. 25.3 |
Une cellule cardiaque excitée qui reçoit une nouvelle stimulation pendant la période réfractaire absolue ne peut être stimulée. Une nouvelle stimulation atteignant la cellule cardiaque pendant la période réfractaire relative, détermine une dépolarisation de moindre intensité. Le phénomène de dépolarisation diastolique ne s’observe que dans les cellules des nœuds sinusal et auriculo-ventriculaire.
Les autres cellules cardiaques ne présentent que 4 phases dans le potentiel d’action: les phases 0, 1, 2 et 3. Lorsque le potentiel a atteint – 95mV la cellule reste au repos (voir fig. 25.2). À ce stade, elle est stimulable.
Les cellules cardiaques suivent le rythme du nœud sinusal et les variations du potentiel d’action sont rythmiques, la dépolarisation gagnant de proche en proche les oreillettes, le nœud de Tawara, le faisceau de His. La propagation de la dépolarisation est suivie de la propagation de la période réfractaire.
À la faveur de certaines altérations, des cellules cardiaques qui ne devraient présenter que des potentiels de repos stables pendant la diastole, se mettent à fonctionner comme les cellules nodales. Elles créent des foyers ectopiques d’automatisme, le potentiel d’action propagé peut atteindre des cellules cardiaques pendant la période réfractaire relative et entraîner des systoles prématurées, des extrasystoles avec rythme bigéminé ou trigéminé ou simplement des tachycardies supraventriculaires ou ventriculaires.
La vitesse de la conduction cardiaque est dépendante de la vitesse de propagation de la dépolarisation et de la période réfractaire. Le raccourcissement de la période réfractaire dans l’oreillette peut amener un trouble de la conduction qui fait appel au mouvement circulaire de Lewis. L’influx revient à la région de départ après la fin de la période réfractaire. La diminution de la vitesse de propagation de l’influx dans une portion du cœur détourne cet influx et peut le faire revenir à son point de départ (phénomène de réentrée). Ce phénomène de réentrée est dû à une hétérogénéité de la conduction à travers les cellules cardiaques. Cette hétérogénéité est responsable des arythmies.
Altérations de la rythmicité normale
Les modifications de la rythmicité proviennent d’altérations anatomiques, d’ischémies myocardiques, d’actions médicamenteuses.
On distingue deux classes d’arythmies: les arythmies actives, les arythmies par trouble de conduction.
Les arythmies actives résultent de décharges de foyers ectopiques: extrasystoles, tachycardie supraventriculaire, tachycardie ventriculaire. Elles peuvent être causées par une hypoxie locale, l’étirement, une intoxication aux digitaliques ou aux catécholamines.
Les arythmies par troubles de la conduction comprennent le flutter, la fibrillation auriculaire, l’arythmie ventriculaire, la fibrillation ventriculaire.
Le flutter est une tachycardie auriculaire. Les oreillettes battent de façon synchrone à une fréquence de 200 à 300 par minute alors que les ventricules ne battent qu’à une fréquence de 120 à 140 par minute. Un ou deux battements auriculaires ne sont pas suivis de battements ventriculaires.
La fibrillation auriculaire est caractérisée par des contractions désordonnées des fibres auriculaires qui battent à la fréquence de 450 par minute et n’ont aucune efficacité propulsive sur le sang contenu dans les oreillettes. Celles-ci sont en diastole fonctionnelle.
La fibrillation auriculaire entraîne l’arythmie ventriculaire.
La fibrillation ventriculaire est caractérisée par des contractions désordonnées des cellules myocardiques. Elle est rapidement fatale. La fibrillation ventriculaire est interrompue par des secousses électriques (5 à 6 chocs de 1/10 de seconde avec une intensité de 2 ampères à un intervalle de 1/5 de seconde). Après une fibrillation ventriculaire accidentelle, au cours d’une opération chirurgicale, par exemple, le patient est traité par des antiarythmiques.
PRINCIPAUX ANTIARYTHMIQUES
De nombreuses substances sont capables de prévenir la fibrillation induite expérimentalement chez l’animal: anesthésiques locaux, antihistaminiques, spartéine, quinine, quinidine, bêtabloquants, sels de magnésium et de calcium.
Parmi ces substances quelques-unes ont été retenues pour leur effet thérapeutique antiarythmisant.
Fondée sur le mécanisme d’action des antiarythmiques: stabilisation de la membrane cellulaire, variation de la durée du potentiel d’action et de la période réfractaire, action sur le tonus sympathique, la classification de Vaughan-Williams prévaut.
Elle distingue les antiarythmiques de classe I, II, III et IV.
– La classe I a été fractionnée en sous-classe I A: quinidine, disopyramide, procaïnamide; sous-classe I B: phénytoïne, lidocaïne, mexilétine; sous classe I C: cibenzoline, flécaïnide, propafénone.
– La classe II est constituée des bêtabloquants préconisés comme antiarythmiques.
– La classe III comprend un bêtabloquant, le sotalol et l’amiodarone.
– La classe IV réunit les antagonistes calciques: vérapamil et diltiazem.
Classe I
Sous-classe I A : allongement de l’espace QT
Quinidine
La quinidine est l’isomère droit de la quinine. Elle est tenue comme médicament essentiel par l’OMS. Elle est représentative de la classe I A des antiarythmisants.
– Action sur le système nerveux central. La quinidine stimule puis déprime les centres nerveux. Elle est faiblement analgésique et antipyrétique.
– Action sur le système nerveux autonome. La quinidine est parasympatholytique et faiblement adrénolytique alpha.
– Action sur le système cardio-vasculaire. La quinidine a un effet chronotrope et inotrope négatif. Elle allonge la période réfractaire, diminue la fréquence des stimulations anormales des oreillettes.
Elle a un effet dromotrope négatif. Elle ralentit la conduction cardiaque, arrête les stimulations anormales des oreillettes au niveau du nœud de Tawara. Elle favorise la création de nouveaux foyers rythmiques, de nouveaux blocs, de nouvelles arythmies.