Antalgiques

12. Antalgiques



Un antalgique est un médicament qui a pour rôle de diminuer la douleur, alors que la définition d’un analgésique est la suppression de la sensibilité à la douleur. Derrière cette différence subtile, le terme antalgique est plus souvent réservé au paracétamol et à l’aspirine, alors que les analgésiques évoquent les morphiniques. Toutefois, cette différence est souvent négligée en pratique courante.

La douleur aiguë est un symptôme, qui a un rôle de « signal d’alarme » pour l’organisme ainsi informé d’une lésion tissulaire. Certaines douleurs qualifiées de chroniques, sont persistantes et ne jouent plus un rôle d’alarme pour l’organisme. Elles ont un fort retentissement psychologique et social pour le patient et sont souvent rebelles aux traitements antalgiques conventionnels.

Sur le plan physiopathologique on distingue trois types de douleurs :




– les douleurs par excès de nociception, souvent aiguës, conséquence d’une lésion tissulaire ;


– les douleurs neuropathiques (ou neurogènes), aiguës ou chroniques, et dues à une dysfonction ou à une lésion nerveuse, au niveau périphérique ou central ;


– les douleurs psychogènes, qui pourraient être dues à un abaissement du seuil de perception de la douleur ou à des troubles psychoaffectifs.


Mécanismes de la douleur







l’infl ux nociceptif est élaboré au niveau de terminaisons nerveuses présentes dans la peau et les viscères, appelées nocicepteurs, avant d’être transmis par les fibres nerveuses périphériques. Il existe plusieurs types de nocicepteurs :




• les mécanorécepteurs, sensibles à la pression et à l’étirement. Ils sont prolongés par des fibres Aδ myélinisées et permettent une conduction rapide et précise du signal,


• les récepteurs polymodaux, sensibles à la chaleur ainsi qu’à des stimuli mécaniques ou chimiques. Ils sont prolongés par des fibres C non myélinisées, dont la conduction est lente et peu précise (douleur diffuse) ;


– l’influx est ensuite modulé au niveau de la corne dorsale de la moelle épinière ;


– enfin le message est intégré au niveau du cerveau pour devenir conscient.

Les antalgiques vont agir à différents niveaux de la transmission du message nociceptif.


Classification des antalgiques





























Tableau 12.1 Classification des antalgiques selon l’OMS.
*À la suite de la procédure européenne de réévaluation du rapport bénéfice/risque de tous les médicaments contenant du dextropropoxyphène, la Commission européenne a demandé en juin 2010 le retrait dans l’Union européenne des autorisations de mise sur le marché de toutes les spécialités contenant du dextropropoxyphène dans un délai maximum de 15 mois.
Palier I II III
Douleur Faible à modérée Modérée/sévère Sévère
Antalgiques centraux Paracétamol
Néfopam (Acupan)
Agonistes partiels
Codéine
Tramadol
Dextropropoxyphène*
Agonistes entiers
Morphine
Fentanyl
Sufentanil, alfentanil,
rémifentanil
Agonistes partiels
Hydromorphone
Oxycodone
Agonistes/antagonistes
Buprénorphine
Nalbuphine
Antalgiques périphériques Aspirine
AINS


Classification de l’OMS


Cette classification repose sur l’intensité de la douleur à traiter, et distingue trois paliers :




– les antalgiques de palier I sont indiqués pour les douleurs d’intensité faible à modérée, et sont des antalgiques non opioïdes ;


– les antalgiques de palier II sont les traitements des douleurs d’intensité modérée à sévère. Ils appartiennent aux opioïdes faibles, utilisés seuls ou en association à des antalgiques de palier I (paracétamol notamment) ;


– enfin les antalgiques de palier III sont les opioïdes forts, indiqués dans les douleurs très sévères. On retrouve dans ce groupe la morphine, principal alcaloïde extrait d’une espèce de pavot, Papaver somniferum. La morphine sert de base à l’élaboration des autres analgésiques opioïdes qui ont des structures très proches.







REMARQUE


On qualifie d’opioïdes les molécules qui se fixent aux récepteurs aux opioïdes ; ce terme englobe donc les substances produites par l’organisme (= substances endogènes) qui agissent sur ces récepteurs. Les termes « opiacé » (qui vient d’opium) ou « morphinique » font quant à eux référence aux molécules synthétisées à partir de la morphine, et non aux molécules endogènes.



Antalgiques centraux et périphériques


Cette classification historique est toujours utilisée dans le langage courant, bien qu’elle semble aujourd’hui peu appropriée. En effet certains antalgiques que l’on croyait agir au niveau périphérique agissent plutôt au niveau central (c’est le cas du paracétamol, dont le mode d’action reste encore mal connu), alors que les opiacés, classiquement qualifiés d’« analgésiques centraux » ont également un effet périphérique, lié à la présence de récepteurs aux opioïdes au niveau périphérique.


Mécanisme d’action et effets pharmacologiques



Analgésiques opioïdes



MÉCANISME D’ACTION


Pour atténuer le message douloureux, l’organisme synthétise différents peptides : les endorphines, les enképhalines et les dynorphines. Ces peptides se fixent sur des récepteurs couplés à la protéine G appelés récepteurs aux opioïdes.

Ces récepteurs sont présents au niveau périphérique et central, et on les retrouve en forte concentration au niveau de la corne dorsale de la moelle épinière.

Il existe trois grands sous-types de récepteurs aux opioïdes : les récepteurs μ (mu), les récepteurs δ (delta) et les récepteurs К (kappa). Ils diffèrent par la nature de leurs agonistes endogènes et sont à l’origine d’effets biologiques différents.

Les analgésiques opioïdes vont jouer le rôle d’agonistes pour ces récepteurs, ce qui va entraîner une modification de la transmission et de l’influx nociceptif, à l’origine de l’effet antalgique.


EFFETS PHARMACOLOGIQUES






analgésie : c’est le principal effet des morphiniques en thérapeutique ; il est dû en grande partie à leur effet agoniste sur les récepteurs mu ;


dépression respiratoire : également due à l’effet agoniste sur les récepteurs mu, c’est un effet indésirable redouté des morphiniques ; cet effet secondaire n’a pas de conséquence clinique aux doses thérapeutiques ;


tolérance : lors d’administrations répétées, on observe une diminution de l’efficacité, qui nécessite d’augmenter les doses pour obtenir un effet comparable à l’effet initial ;


dépendance : elle se définit par l’apparition d’un syndrome de sevrage à l’arrêt du traitement ou en présence d’un antagoniste ; cet effet secondaire n’a pas de conséquence clinique aux doses thérapeutiques ;



sédation ;


euphorie, dysphorie, hallucinations ;


– effets digestifs :




constipation, due à une diminution de la motilité intestinale liée à la présence de récepteurs aux opioïdes en concentration importante au niveau intestinal. Les opiacés ne sont plus employés dans cette indication mais un analogue structural, le lopéramide (Imodium) est un antidiarrhéique couramment utilisé,


nausées et vomissements ;


effet antitussif : particulièrement marqué pour la codéine. Toutefois son usage est de moins en moins fréquent dans cette indication à cause d’un risque de détournement à des fins illicites.


MÉDICAMENTS ET INDICATIONS


La grande majorité des opioïdes sont utilisés comme antalgiques.

Les liaisons des opiacés aux différents types de récepteurs expliquent leurs indications. La morphine est un puissant agoniste des récepteurs μ, elle a donc un effet analgésique fort (palier III) mais va également induire une dépression respiratoire ainsi que des phénomènes de tolérance et dépendance. Le fentanyl, très utilisé en thérapeutique, ainsi que ses dérivés, ont des propriétés semblables mais diffèrent par leur puissance antalgique. Le fentanyl est environ 100 fois, et le sufentanil 500 fois plus puissant que la morphine.

La buprénorphine est un agoniste partiel des récepteurs μ et antagoniste des récepteurs К. Pour cette raison, on la qualifie parfois d’agoniste/antagoniste. Elle est utilisée comme antalgique (Temgésic) mais aussi dans le traitement de substitution aux opiacés (Subutex).

La nalbuphine est un autre agoniste/antagoniste, mais agoniste pour les récepteurs К et antagoniste pour les récepteurs μ. Ce profil permet théoriquement d’obtenir un effet analgésique sans effet dépresseur respiratoire. Toutefois, même s’il est moins fréquent qu’avec la morphine, l’effet dépresseur respiratoire de la nalbuphine est réel, notamment à forte dose.

D’autres indications existent :




– anesthésie essentiellement pour le sufentanil et le rémifentanil. L’alfentanil est réservé à l’anesthésie ;


– toux pour la codéine ;


– traitement de substitution aux opiacés pour la méthadone et la buprénorphine.



Aspirine et anti-inflammatoires non stéroïdiens


L’aspirine et certains AINS tels que l’ibuprofène sont couramment utilisés comme antalgiques de palier I. Outre leurs propriétés antalgiques, ces médicaments sont antipyrétiques et anti-inflammatoires à dose plus élevée. Voir chapitre 12 «Anti-inflammatoires ».


Néfopam


Le néfopam (Acupan) est un antalgique non opioïde d’action centrale, réservé au traitement des douleurs aiguës. Il est administré par voie IV ou IM (l’administration per os sur un sucre est hors AMM). Ses principaux effets indésirables sont des effets anticholinergiques (bouche sèche, tachycardie, rétention urinaire).

May 20, 2017 | Posted by in Uncategorized | Comments Off on Antalgiques

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