15. Anesthésiques Locaux
INTRODUCTION
De nombreuses substances présentent des propriétés anesthésiques locales mais ne sont pas utilisées parce qu’elles ne possèdent pas toutes les qualités d’un bon anesthésique local. Celui-ci doit interrompre spécifiquement et complètement la conduction nerveuse, présenter un effet réversible, avoir un temps de latence court et une durée d’action adéquate (qualités pharmacologiques). De plus il ne doit pas se montrer toxique, allergisant, irritant pour les tissus (qualités d’innocuité). Ses solutions doivent être aqueuses, stables et stérilisables à la chaleur sans altération (qualités pharmaceutiques).
MODES D’ADMINISTRATION DES ANESTHÉSIQUES LOCAUX
Selon l’étendue de la région à anesthésier on pratique diverses administrations (fig. 15.1).
Fig. 15.1 |
Anesthésie terminale ou de surface
La peau n’est pas directement anesthésiable car l’épiderme ne laisse pas pénétrer les anesthésiques locaux qui sont des sels organiques fortement ionisés. La pénétration cutanée est plus facile lorsque l’anesthésique est sous forme de base dissoute dans un milieu gras. La pénétration dans les muqueuses est plus aisée et l’on procède à l’application sur les muqueuses oculaire, trachéale, urétrale, vaginale, dans les cas de prurit, démangeaisons; irritations oculaire, pharyngée, etc.
Anesthésie d’infiltration
On procède à l’anesthésie de la région sous-cutanée en injectant plan par plan l’anesthésique dans les cas d’incision d’abcès, d’excision de kyste. L’injection dans la muqueuse gingivale permet l’avulsion dentaire.
Anesthésie de conduction
L’injection de l’anesthésique local dans les espaces sous-arachnoïdiens, dénommée rachianesthésie, permet d’atteindre la racine des nerfs rachidiens. On place l’aiguille dans le 3e espace intervertébral lombaire, ce qui conduit à l’anesthésie du petit bassin par atteinte des nerfs de la queue de cheval. Pour éviter que la solution d’anesthésique ne diffuse dans le liquide céphalo-rachidien, vers les centres nerveux supérieurs, on utilise une solution d’anesthésique de densité différente de celle du LCR soit hyperbare, le patient étant en position déclive basse, soit hypobare, le patient en position déclive haute. Sont également atteints les troncs du système nerveux autonome, ce qui détermine une bradycardie (plexus cardiaque sympathique), une hypotension, une vasodilatation, une augmentation du péristaltisme intestinal et des coliques (région splanchnique sympathique).
L’anesthésie épidurale utilisée en obstétrique et en urologie, est pratiquée par injection sous l’épine de la 4e vertèbre sacrée dans le hiatus sacro-coccygien, le patient étant assis. Elle touche les nerfs au-dessus de la dure-mère dans l’espace péridural. En moins d’une heure disparaissent les sensations douloureuses, thermiques, tactiles. Le patient a une impression de chaleur, de lourdeur des jambes. Le pouls se ralentit, la pression artérielle s’abaisse.
Infiltration ganglionnaire ou sympathique
Cocaïne
La cocaïne, alcaloïde de l’Erythroxylon coca, a été employée comme anesthésique local dès 1864, en chirurgie oculaire. Son emploi a beaucoup régressé mais elle reste l’anesthésique local de référence en expérimentation.
Action sur la sensibilité
La cocaïne est le type même des anesthésiques locaux. Sa solution à 5% appliquée sur la langue donne une impression d’empâtement de la bouche avec insensibilisation d’une durée de 15 minutes s’installant en 1 minute. La cocaïne a été employée associée au phénol et au menthol (liquide de Bonain) pour anesthésier le tympan dans la paracentèse.
C’est un des anesthésiques locaux les plus puissants mais dangereux dont l’emploi en anesthésie de surface et tronculaire est abandonné. Elle diminue la conductibilité des filets nerveux par un effet de stabilisation de la membrane neuronale.
Action sur le système nerveux central
La cocaïne, administrée par voie intraveineuse ou en prise nasale, est un excitant du système nerveux central: elle désynchronise l’électroencéphalogramme par excitation de la partie mésencéphalique de la formation réticulée. Elle stimule les fonctions psychique, sensorielle, motrice, et diminue la sensation de fatigue. Elle provoque à dose toxique des hallucinations et des convulsions. Elle excite les centres bulbaires respiratoires et vasomoteurs avant de les paralyser. Elle s’oppose au recaptage de la noradrénaline par les neurones noradrénergiques du mésencéphale. Son effet psychodysleptique est recherché par les drogués soumis à une pharmacodépendance psychique.