Anatomo- et Physiopathologie

17. Anatomo- et Physiopathologie

M. Bouvard*, G. Reboul**, O. Bonnefoy*** and A. Lippa***



Les douleurs pubiennes du sportif demeurent un challenge difficile pour le praticien, notamment sur le plan diagnostique [123 and 4]. La pubalgie du sportif reste une pathologie empreinte de méconnaissance, d’idées floues et dont l’existence demeure encore contestée par certains. Les terminologies européennes « pubalgie » et anglosaxonne long standing groin pain ne regroupent pas les mêmes entités diagnostiques. Même si le « paysage nosologique » s’éclaircit dans la littérature scientifique, l’utilisation du terme pubalgie demeure encore trop souvent le « fourre-tout » dont Brunet parlait il y a 25 ans. Pourquoi le consensus est-il si difficile à apparaître [5] dans cette pathologie, fréquente, source de nombreux travaux publiés chaque année ? L’incidence de la pubalgie n’a, pour autant, reculé dans aucun des continents, notamment dans les sports collectifs professionnels.

Dans un travail antérieur [6], nous proposions de définir sous le terme de pubalgie une seule maladie s’exprimant par un syndrome douloureux fréquemment récurrent du carrefour pubien, lié à l’effort sportif, touchant essentiellement le couple os – tendon et regroupant de façon isolée ou combinée quatre formes cliniques:


– l’ostéoarthropathie pubienne ;


– les tendinopathies de l’insertion des grands droits (rectus abd.) ;


– les tendinopathies du corps et de l’insertion des adducteurs ;


– enfin, les souffrances du canal inguinal qui par rapport aux autres formes se caractérisent par leur résistance plus importante au traitement médical.

Ces deux dernières formes peuvent se compliquer d’une souffrance nerveuse périphérique de type syndrome canalaire [3, 7].

Cette conception « uniciste » de la pubalgie du sportif [3, 6, 7] tient à deux arguments principaux :


– le premier est que les atteintes de ces quatre secteurs du carrefour pubien répondent aux mêmes mécanismes physiopathologiques ;


– le second est la fréquence non négligeable des formes associant l’atteinte concomitante de plusieurs de ces secteurs [6], fournissant un panel varié de lésions anatomopathologiques (tableau 1).



































Tableau 1 Fréquence des formes associées retrouvées dans la littérature [6]

Volpi 1992 Syme 1999 LeGall 1993 Arezki 1991 Ghébotni 1996 Gibbon 1999
N 48 124 214 70 22 47
Type d’étude Clinique Clinique Clinique Clinique IRM IRM
Fréquence (%) 25 35 40 85 14 15


PHYSIOPATHOLOGIE


Contexte anatomique

Les difficultés rencontrées dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique des pubalgies s’expliquent par l’implication dans le tableau clinique de structures anatomiques nombreuses et complexes [123 and 4, 7] : une articulation (la symphyse pubienne), 18 muscles (le droit et les obliques et transverses abdominaux, les adducteurs et le gracile) et autant d’insertions, deux canaux inguinaux et six nerfs (ilio-inguinal, iliohypogastrique, obturateur).


Facteurs extrinsèques

Le facteur extrinsèque le plus souvent cité dans la littérature est le surmenage mécanique du carrefour pubien par excès d’activité physique [8910 and 11]. Il est vrai que les calendriers sont d’autant plus chargés que le niveau de performance s’élève. L’étude de la charge de travail interne du sportif venant consulter pour une pubalgie est importante, notamment si des changements récents quantitatifs (changement de catégories d’âge ou de performance) ou qualitatifs (changement de club, d’entraîneur, de surface) sont identifiables.

Si tous les membres d’une équipe soumis au même environnement ne sont pas touchés, on peut raisonnablement postuler que cette surcharge s’exprimera d’autant plus facilement qu’il existe chez certains joueurs des facteurs intrinsèques non identifiés et non traités.

Les sports concernés par une importante prévalence de pubalgie se caractérisent par des tacles, des coups de pieds, de rapides accélérations et freinages et des changements brutaux de direction [4, 5, 7, 8, 12, 13]. En football, une charge supplémentaire incombe aux adducteurs, fortement impliqués dans la conduite de la balle et le contrôle des tirs de l’intérieur du pied. C’est aussi pour cette raison que cette pathologie touche plus fréquemment les buteurs au rugby [9].


Facteurs intrinsèques


Plan frontal

Il existe encore des défenseurs de la conception suivant laquelle la pubalgie s’explique par des adducteurs puissants et rétractés et des abdominaux faibles [10, 11]. Le déséquilibre selon ces auteurs se situe uniquement dans le plan frontal et incite à étudier l’équilibre entre la force des adducteurs et celle des obliques abdominaux.

L’origine des adducteurs se situe à proximité immédiate de la symphyse. Ils agissent comme des adducteurs de la hanche en chaîne cinétique ouverte mais ils stabilisent la hanche en chaîne fermée et contribuent à la flexion et aux rotations de la hanche. À présent, il convient d’étudier également l’équilibre adducteurs/abducteurs de hanche [14] car il a été démontré sur une population de hockeyeurs professionnels que la faiblesse des adducteurs intervient dans la pubalgie. Cette étude a permis de faire ressortir une population à risque en présaison et d’organiser un travail de prévention efficace auprès des hockeyeurs disposant d’un rapport adducteurs/abducteurs inférieur à 80 % [14].


Plan sagittal

L’analyse biomécanique des équilibres musculaires en jeu dans le plan frontal ne peut se concevoir sans analyse simultanée de la position dynamique du bassin et de la charnière lombopelvienne dans le plan sagittal. Dès 1986, Joliat étend la conception du travail musculaire dans cette pathologie aux trois plans de l’espace [15]. Il conseille d’étudier la musculature qui stabilise l’ensemble lombo-pelvifémoral. Cette conception plus complexe du déterminant musculaire dans la pubalgie sera confirmée par de nombreux auteurs cités dans l’étude de l’antéversion du bassin dans la pathogénie de la pubalgie. Pour lui, l’antéversion du bassin entraînerait une surcharge mécanique de la symphyse pubienne qui jouerait, dans ces conditions, un rôle d’arc-boutant antérieur. Son expérimentation montre que l’antéversion du bassin joue un rôle décoaptateur de l’arthrodie et rendrait plus sensible la symphyse aux forces de cisaillement. Inversement, il ne retrouve pas d’hyperpression locale [16].

Dans un travail récent [17], Rolland revient sur les deux éléments principaux d’analyse de l’équilibre dans le plan sagittal :


– la pente sacrée, située entre le rebord supérieur du plateau sacré et l’horizontale ;


– l’incidence pelvienne, angle formé entre la perpendiculaire au plateau sacré d’une part, et la droite joignant le milieu du plateau sacré au centre de l’axe des hanches d’autre part.

Il définit ainsi en statique debout des bassins à faible incidence (< 45°), des bassins normaux et des bassins à forte incidence (> 60°). Plus l’incidence est élevée, plus il existe des possibilités d’adaptation d’une forte pente sacrée par bascule autour des têtes fémorales (cf. figure 1 chapitre 10). Les pubalgies, selon lui, sont favorisées par une antéversion excessive du bassin. Il incite à dépister une population à risque constituée par les sportifs disposant d’une faible incidence [17].

Une approche ostéomusculaire dynamique dans les trois plans permet d’appréhender au mieux, aujourd’hui, la physiopathologie de la pubalgie du sportif [4]. Lorsque les moyens techniques sont disponibles, l’analyse en trois dimensions des gestes vulnérants permet d’étudier le comportement dynamique de l’ensemble lombo-pelvi-fémoral comme la version du bassin lors d’un tir au but par exemple [6]. On peut, en effet, émettre l’hypothèse que certaines versions antérieures excessives ne se dévoilent que lors de mouvements précis ou à partir d’un seuil de fatigue donné (manque de force – endurance des stabilisateurs) et pourraient ne pas se voir lors d’une analyse purement statique.


Réductions des mobilités de hanches

Lors d’une étude en présaison sur une population de footballeurs australiens, Verrall a montré que la réduction de mobilité d’une hanche expose à un risque plus élevé de développer une pubalgie pendant la saison [18, 19]. Cette diminution d’amplitude est retrouvée plus fréquemment chez les sportifs atteints de pubalgie symphysaire [19]. Il est probable que la réduction des secteurs articulaires de hanche retentit sur l’équilibre musculaire péripubien et augmente la mobilisation de la symphyse et de son fibrocartilage [13]. Cependant, on peut opposer à cette relation de cause à effet une autre hypothèse, à savoir que l’antéversion dynamique du bassin pourrait exposer de façon conjointe à une réduction précoce des mobilités de hanche d’une part, à une pubalgie d’autre part.

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May 18, 2017 | Posted by in Uncategorized | Comments Off on Anatomo- et Physiopathologie

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