Adolescence
la construction identitaire et ses aléas
Sara Marie Skandrani et Laëtitia Bouche-Florin
Depuis maintenant plusieurs années, des « maisons des adolescents », lieux de soins psychiques et somatiques spécifiques, ont ouvert en France. Il s’agit de répondre à une souffrance adolescente qu’il est difficile de prendre en charge dans des services de pédopsychiatrie ou de pédiatrie comme au sein de structures de soins adultes. Cette souffrance s’exprime de différentes façons, la tentative de suicide ou la dépendance à un ou des produits en sont peut-être une des formes les plus inquiétantes, visibles, aux yeux de la société.
La maison des adolescents de l’hôpital Avicenne à Bobigny1 est située dans un département qui accueille depuis plusieurs décennies une population de migrants venus de tous horizons (dans la seule ville de Saint-Denis, les Dionysiens représentent plusieurs dizaines de nationalités différentes). Nos jeunes patients sont donc très souvent enfants de parents migrants. La clinique transculturelle est alors une discipline incontournable pour comprendre et soigner la souffrance psychique de ces adolescents.
Ces conduites à risques pourraient être comprises comme le stigmate d’une souffrance psychique chez ces jeunes de la deuxième, voire de la troisième génération de migrants. C’est la question de leur place au sein de la société qui serait ici interpellée, voire peut-être même de leur identité propre. C’est au sein de cette problématique que s’inscrit notre réflexion sur la construction identitaire des adolescents de parents migrants. L’édification de cette réflexion s’appuie sur différents courants théoriques (psychologie transculturelle et théorie du self dialogique). Nous chercherons à mettre en relief les grands concepts sur lesquels nous nous basons pour penser cette question. La question de la dépendance au cannabis et de la tentative de suicide chez ces jeunes sujets sera analysée à partir de cet axe identitaire.
D’un point de vue philosophique, il existe différentes conceptualisations de l’identité : d’un côté l’identité comme substance et d’un autre l’identité comme processus. Dans le cadre de cette dernière hypothèse, l’identité représente une construction dynamique et à renouveler constamment dans la relation à l’autre (Moro, 1998) ; ceci permet de dépasser des conceptualisations statiques de l’identité. Elle assume des tensions contradictoires entre pôles structurants. Reconnaître l’identité de l’autre est donc une condition nécessaire à la construction de l’identité propre (ibid.).
Même si la théorie du self dialogique de Hermans n’a pas été spécifiquement construite pour les adolescents, elle est particulièrement intéressante lorsqu’on l’applique à la population de jeunes de la deuxième génération en situation d’acculturation. Cette théorie permet de comprendre leur formation identitaire comme processus constant et jamais achevé, nécessitant des négociations et médiations entre les voix multiples et parfois opposées du self.
Conflits et négociations identitaires du self dialogique
Hermans et Kempen (1998) ainsi que Bhatia et Ram (2001a ;2004) soulignent que la construction identitaire des migrants et de leurs enfants est influencée par les relations actuelles, souvent asymétriques, entre pays d’accueil et d’origine. Celles-ci peuvent par ailleurs s’inscrire dans un passé colonial. Les expériences de racisme, de discrimination et de othering2 sont également à prendre en compte. Ces auteurs conceptualisent les négociations identitaires comme fluides, dynamiques et instables. Un changement, un mouvement permanent entre identités multiples et contradictoires est supposé.
Ces conflits, mouvements et négociations au sein de la construction identitaire sont pris en compte par la théorie du self dialogique, développée ces dernières années par ces mêmes auteurs (Hermans, 2001a, 2003). En s’inspirant de James (1890) et de Bakhtin (1929), ces auteurs conceptualisent le self comme une multiplicité dynamique de positions du Je, relativement autonomes et parfois opposées. En fonction de la situation et du moment, le Je a la possibilité de se mouvoir dans un espace imaginaire, entre ces différentes positions. Ces positions du Je sont incorporées dans des voix, par le biais desquelles chaque Je peut raconter une histoire sur son Moi respectif, ses expériences à partir de sa propre position, et ceci de façon relativement indépendante des autres Je-auteurs. Ces voix sont individuelles ou collectives correspondant respectivement à des positions personnelles ou sociales. Ainsi les positions des groupes culturels et de la société peuvent être incluses dans le self, non comme copies des positions initiales, mais en tant que constructions individuelles.
Cette théorie du self dialogique est particulièrement adaptée pour rendre compte des négociations identitaires des migrants et de leurs enfants en situation d’acculturation , négociations qui impliquent des contradictions, conflits et dialogues. Bhatia et Ram (2004) conceptualisent l’acculturation comme un processus dynamique et dialogique, résultant dans la construction de nouvelles significations culturelles. Les différentes voix culturelles composant le self sont construites à partir de variables d’ethnie, de nationalité, de sexe, mais également à partir d’expériences de racisme, de discrimination et de othering. Les relations entre ces différentes voix peuvent être asymétriques, reflétant les relations déséquilibrées entre les différentes cultures, nations et sexes dans un certain contexte sociohistorique et socioculturel. Ces différentes voix culturelles peuvent être relativement indépendantes les unes des autres, ou fusionner, ou encore être en conflits (Hermans, 2001a ; 2001b). Ces conflits nécessitent alors la mise en place d’un processus de négociation et de médiation constant, fluide et dynamique, impliquant un va-et-vient entre différentes voix (Bhatia et Ram, 2004). Ces négociations sont complexes, puisqu’elles doivent tenir compte des voix des parents, de celles des pairs, de celles du pays d’origine et de celui d’accueil, etc. Elles ont lieu sur différents fronts : milieu scolaire, monde de la maison, univers de la langue, pratique culinaire, etc. Cette fluctuation entre différentes voix montre que l’identité se construit à travers le mélange et le mouvement des cultures (Hermans, 2001b).
Les relations dialogiques entre différentes voix peuvent par ailleurs prendre diverses formes. Bhatia et Ram différencient trois processus dialogiques (2004) :
Chez les individus en situation transculturelle, on observe par ailleurs des coalitions entre voix opposées : les différentes positions du self coexistent et réagissent les unes aux autres sous forme d’une boucle dynamique (Bhatia et Ram, 2001b ; Hermans, 2003). Un mélange entre différentes voix culturelles est également possible, donnant naissance à une nouvelle voix dite hybride (Hermans et Kempen, 1998). Ainsi, le self dialogique est dynamique et générateur d’innovations ; de nouvelles voix peuvent être internalisées ou alors être transformées par l’interaction des voix entre elles tout comme avec l’environnement social et culturel. Elles peuvent également être écartées à l’arrière-plan du self ou au contraire refaire surface (Hermans, 2003).
Tentant d’intégrer une dimension historique à la composition du self dialogique, Roland, psychanalyste, postule que les expériences précoces des relations familiales, représentées par les voix des membres de la famille, sont profondément intériorisées par le self et en deviennent une partie importante (2001). Plus tard, le self est confronté, à travers l’école, les relations sociales et le travail, aux voix de la culture d’accueil, qui seront également internalisées. Confusion et conflits d’identité peuvent alors émerger entre des voix plus anciennes et des voix plus récentes, pouvant entraîner chez l’individu incertitude et anxiété (Hermans et Kempen, 1998 ; Roland, 2001). Les voix de la culture d’origine ne disparaissent pas simplement avec le temps, mais sont défiées, réprimées ou invoquées, lorsqu’une personne est confrontée aux voix différentes, et souvent dominantes, de la culture d’accueil. Par ailleurs, il souligne la nécessité de prendre en compte des facteurs inconscients sans pour autant les définir clairement.
L’identité métissée de la psychologie transculturelle
Les travaux français traitant du processus de construction identitaire chez l’adolescent de parents migrants s’inscrivent majoritairement au sein du courant ethnopsychiatrique (ou ethnopsychanalytique ). Le complémentarisme , méthode de recherche clinique et thérapeutique développée par Georges Devereux, impliquant l’utilisation obligatoire mais non simultanée d’un double regard (anthropologique et psychanalytique par exemple) est alors la méthode de recherche sur laquelle s’appuient ces travaux. Pour ce courant, la compréhension du processus d’édification de l’identité chez l’enfant de migrants durant la période adolescente doit se comprendre comme le prolongement d’un chemin amorcé par les parents avant même que l’enfant naisse ici. Les premières pages du récit de leur construction identitaire sont introduites par l’histoire migratoire même des parents. L’impact du contexte d’acculturation sur le psychisme du migrant, devenu parent dans la migration, imprègne la nature et la qualité des relations précoces qu’il établit avec son bébé né sur la terre d’accueil . C’est au cœur même de ces premières interactions que la clinique transculturelle en France cherche à comprendre ce qui sous-tend le processus de construction identitaire de ce bébé devenu adolescent.
Vulnérabilité de l’enfant de migrants et impacts psychiques de la situation d’acculturation familiale
Il s’avère que la migration entraîne une rupture brutale, elle implique alors une perte du cadre culturel et de sa fonction d’étayage. En effet, chaque enfant naît dans un bain culturel spécifique, la structuration culturelle, concept introduit par Tobie Nathan, se développe dès les premiers jours de la vie. Elle est à l’origine de la culture intériorisée chez l’enfant et est concomitante, dépendante réciproquement de la structuration psychique du sujet (1988). Ces deux structures sont en relation tout au long de la vie du sujet avec le monde culturel extérieur, elles sont en perpétuel mouvement.
La mère migrante qui accouche en France, si elle est seule ou mal accompagnée, peut vivre une confusion, un sentiment d’abandon, une perte des repères culturels qui l’accompagnaient dans son statut/rôle de mère. Quand le vécu du monde extérieur est si singulier, la mère éprouve des difficultés à introduire l’enfant dans l’environnement dans lequel il va grandir. « Ainsi va-t-elle transmettre potentiellement à l’enfant cette perception kaléidoscopique du monde qui peut être génératrice d’angoisse et d’insécurité » (Moro 2003, p. 173). Le bébé, à l’image du vécu maternel, est amené à rencontrer le monde extérieur par à-coups, et souvent de manière traumatique. De fait, l’enfant se structure sur un clivage où filiations (transmission parentale) et affiliations (appartenance à un groupe) sont dissociées, reflet de ce qu’on nomme la vulnérabilité spécifique de l’enfant de migrant3.
En situation d’acculturation, la structuration culturelle de l’enfant de migrant ne peut plus se construire sur une ligne directrice unique mais sur des clivages, lesquels s’observent aussi au niveau psychique, l’un n’explique pas l’autre, c’est un même mouvement. L’enfant doit faire face à une quasi-obligation de clivage du moi. Quand il grandit, va à l’école , il ne peut que tracer une frontière entre le monde de la maison, celui des coutumes et traditions de là-bas et le monde d’ici, celui de l’école, des amis, etc. On observe alors l’utilisation d’un mécanisme défensif privilégié chez ces enfants au moi clivé : le déni. Ce déni porte le plus souvent sur la filiation et est fréquemment partagé par la famille. Le risque est que cet enfant soit perçu comme un étranger, transformé par le pays d’accueil, dont il connaît d’ailleurs bien mieux les codes que ses propres parents ; des représentations fantasmatiques issues des mythes et légendes peuvent y être associées. Marie-Rose Moro qualifie ces enfants d’enfants exposés, à l’image des héros mythiques qui bravent de nombreux obstacles mettant en péril leur vie. Pour Gibello (1988, p. 87) c’est parce que les contenants culturels sont peu ou pas véhiculés par les parents que des troubles de la pensée et du développement cognitif s’observent chez l’enfant en situation transculturelle. Les contenants culturels sont des contenants véhiculés implicitement et portés par un groupe, ils aident la pensée à fonctionner et permettent la circulation des contenus de pensée au sein des membres du groupe. Quand ces contenants viennent à manquer, c’est la fonction générale de symbolisation qui est atteinte, « de même que les apprentissages cognitifs, scolaires, sociaux et culturels ». Ce constat chez les enfants de migrants durant la période des apprentissages s’observe d’ailleurs à la période adolescente, élaborer de manière créative les différentes influences qui le traverse peut devenir alors un vrai challenge.
Le brouillage psychique auquel doivent faire face les parents n’épargne donc pas les enfants. Il s’opère à un niveau différent. Ce phénomène psychique est d’une bien plus grande importance psychologique. Ici, il agit sur une personnalité en pleine maturité. C’est à partir de la plus tendre enfance, autrement dit dès les premiers moments des interactions précoces, que ces logiques et leurs dysfonctionnements s’installent. Cette période n’est pas l’unique étape de vulnérabilité, les recherches effectuées ont montré qu’il existe deux autres moments spécifiques où cette vulnérabilité refait surface : la période des grands apprentissages et celle de l’adolescence 4.
La construction identitaire de l’adolescent de migrants
Parce qu’il cherche et teste ses images identificatoires, l’adolescent met souvent à mal les rôles parentaux. Il remet en cause et cherche à comprendre l’ordre des choses afin de trouver sa propre place.
Chez un adolescent de parents migrants, cette remise en cause peut alors devenir brutale car les codes de la culture d’origine transmis par les parents ne sont plus nécessairement relayés par les règles du pays d’accueil. L’enfant compare et évalue les différents codes culturels qui s’offrent à lui. Cette perception distanciée de ce que veut lui transmettre sa famille peut rendre la transmission compliquée et conflictuelle ; la transmission des valeurs peut même devenir chaotique (Moro, 1998). Les parents de l’adolescent veulent que « l’intégration » de leur enfant se passe au mieux. Ils prennent souvent inconsciemment le parti de s’effacer. Cette position effacée des parents est probablement à remettre dans un contexte historique et social (comme le souligne la théorie du self dialogique). En effet, si le pays d’où viennent les parents a été marqué par la colonisation française, une certaine asymétrie entre les cultures peut alors encore persister consciemment ou inconsciemment chez le sujet migrant l’amenant à présenter la culture française comme « meilleure » voire « supérieure » (à la sienne) à ses propres enfants. Cet état d’esprit est probablement d’ailleurs renforcé par la réalité sociale dans laquelle le parent migrant évolue ; il est un sujet issu d’un groupe culturel minoritaire au sein de la société d’accueil.
Ainsi, cet effacement parental peut s’exprimer sous plusieurs formes ; l’inversion des générations observée au sein de certaines familles migrantes peut en être une illustration. L’enfant qui va à l’école , apprend à lire et à écrire le français, obtient alors une place particulière dans la famille. La parentification de l’enfant l’amène à traduire, à lire et expliquer le monde extérieur aux parents. Parfois, très tôt l’enfant doit assumer cette place complexe et quand il devient adolescent celui-ci met en place des stratégies plus ou moins efficaces pour mettre à distance ce statut. Il peut se montrer très agressif envers ses parents, remettre en cause leur place, les dévaloriser au point de nier leur autorité. Cette dévalorisation fait écho à la mauvaise estime de soi des parents abîmés par les multiples déstabilisations dues au contexte d’acculturation . L’adolescent de parents migrants peut alors avoir l’illusion de s’autoassumer, de s’être « fait tout seul », sans racines pour l’aider à grandir (op. cit., 174-5). Les parents ne s’impliquent pas dans la société d’accueil mais encouragent explicitement leur enfant. Celui-ci se trouve dans une situation de double injonction contradictoire des parents (Becker et coll., 1994). Ont alors lieu des processus au cours desquels le sujet doit faire face à des remaniements psychiques et reconstruire sa propre identité. Cette tâche est d’autant plus douloureuse pour l’adolescent que la question de l’identité devient aiguë à cette période où il doit faire face à une carence identificatoire.
Dans un contexte de migration, l’adolescence est le moment où cette vulnérabilité, spécifique de l’enfant de migrants, est réactivée et le clivage , sur lequel le bébé de migrant devenu grand s’est structuré, reprend les devants de la scène (Moro, 1998, p. 65–95). Dans le cadre de cette négociation identitaire, l’adolescent est confronté à un enjeu de métissage entre filiation et affiliations . Il est confronté à la question de ses appartenances. Élaborer sa place dans la filiation et ses affiliations devient source de conflit pour l’adolescent de parents migrants. Et « pour tenter d’échapper au clivage qui le guette du fait de sa double appartenance, il [l’adolescent] est condamné à faire des liens, à inventer des stratégies de métissages plus ou moins créatrices, plus ou moins douloureuses » (ibid., p. 88).
La dépendance au cannabis ou la tentative de suicide sont-elles le signe d’une construction identitaire impossible ?
Même si certains adolescents de parents migrants parviennent à mettre en place des stratégies afin de se construire une identité métissée, il s’avère que certains d’entre eux y arrivent difficilement ; ces derniers se retrouvent parfois même face à une impasse, dont tout trouble psychopathologique pourrait être un stigmate. La dépendance au cannabis comme le passage à l’acte suicidaire sont les illustrations particulièrement criantes et violentes d’une souffrance interne, de l’adolescent de parents migrants, qui ne peut s’exprimer que dans l’agir (Bouche-Florin et coll., 2005 ; 2007).
Construction identitaire et dépendance au cannabis chez l’adolescent de parents migrants
Recherche sur la dépendance au cannabis chez les adolescents de parents migrants
De par sa position géographique (93), la maison des adolescents reçoit en consultation « ado-cannabis » des adolescents consommateurs de cannabis dont près de la moitié sont des enfants de parents migrants. Dès lors, la question de l’impact de la migration des parents sur la souffrance psychique de ces adolescents nous a questionnés. Plus précisément, nous nous sommes demandé dans quelle mesure le contexte d’acculturation dans lequel la famille évolue pouvait avoir des répercussions sur leur consommation. Au-delà, y a-t-il une spécificité, une problématique commune aux adolescents dépendants au cannabis et fils de migrants ? L’objectif de cette recherche est alors d’évaluer l’impact du contexte d’acculturation familial, à travers le prisme de cette négociation identitaire, sur la dépendance au cannabis de l’adolescent de parents migrants. La consommation de cannabis serait alors un mode d’expression de la vulnérabilité spécifique à cet adolescent et permettrait à celui-ci d’atteindre l’illusion qu’une résolution est possible. Notons ici que cette recherche s’appuie sur la méthodologie complémentariste développée par Georges Devereux (1985).
Les résultats de cette recherche5 montrent que tous les adolescents et jeunes adultes étudiés vivent un questionnement identitaire intense au sein duquel la quête de sens est centrale. La construction, depuis la petite enfance, de mondes clivés entraîne, à l’adolescence, un clivage des représentations entre les différentes influences reçues. Trouver sa place dans ces différents univers est source de difficultés, c’est la place au sein de la famille qui est la moins évidente. Ces adolescents ont par ailleurs la sensation d’avoir été comme exposés aux dangers du monde du dehors, c’est le manque de lien parents/école qui est le plus souvent pointé et générateur de solitude.
La transmission parentale est souvent vide de sens mais aussi vide de récit. En effet, même si les parents tentent de transmettre leurs croyances ou leur langue par exemple, cette transmission est souvent détachée de son sens culturellement codé. L’adolescent ne parvient alors pas à investir ce que tente de lui léguer son parent, ce qui entraîne des relations extrêmement conflictuelles. Très peu d’adolescents ont connaissance de l’histoire migratoire parentale, il y a comme un interdit tacite à en parler.
Ces adolescents ne parviennent pas alors à se construire une identité métissée par les différents univers dans lesquels ils évoluent. Fumer du cannabis, parce que cela facilite une élaboration, devient alors un médiateur au sein de leur recherche identitaire. Le cannabis aide à imaginer de possibles manières d’être, à réécrire son histoire et y tracer des liens. De plus, les effets psychiques du cannabis favorisent le clivage et entrent ainsi en écho avec la représentation intime que, depuis petit, ces adolescents se sont construite du monde dans lequel ils grandissent.
Il existe plusieurs tentatives d’explications théoricocliniques de la question de la dépendance chez l’adolescent de parents migrants et plusieurs recherches sur la question de l’addiction au cannabis à l’adolescence. Cependant, il n’existe pas de recherche sur l’addiction spécifique au cannabis des adolescents de parents migrants. Deux grands thèmes ont été développés autour de ces questions : l’addiction de l’adolescent de migrants peut se comprendre comme une réponse au trauma migratoire des parents ou comme l’expression d’une impasse de l’adolescent à son inscription dans une filiation.

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