Accident vasculaire cérébral ischémique

3. Accident vasculaire cérébral ischémique


Ce chapitre aborde les quatre principales composantes de la prise en charge de l’AVC ischémique en phase aiguë. Les parties sur la prévention des complications, la rééducation et la guérison sont applicables pour les patients présentant tant un AVC ischémique qu’hémorragique.


Définition


Un AVC ischémique est la mort du tissu cérébral due à une interruption de la vascularisation sanguine dans une région du cerveau, causée par l’occlusion d’une artère cérébrale ou cervicale ou, moins fréquemment, d’une veine cérébrale.


Étiologie


L’étiologie d’un AVC ischémique est importante à identifier pour aider à choisir le meilleur traitement préventif d’une récidive. Néanmoins, sans se soucier de l’étiologie, le traitement initial est dans la plupart des cas identique et, ainsi, le plus important dans un premier temps est de mettre en place les mesures d’urgence décrites dans ce chapitre.


Diagnostic


La première tâche importante est de distinguer un AVC ischémique d’un AVC hémorragique. Ceci peut être fait avec un scanner cérébral. Une imagerie cérébrale et vasculaire détaillée est cruciale, mais elle ne doit pas différer la prise de décision de thrombolyse.

Il existe des diagnostics différentiels (voir chapitre 1), mais un interrogatoire orienté peut rapidement les exclure.

En dehors des cas où la présentation est atypique ou si un diagnostic différentiel est envisagé, il faut considérer qu’il s’agit d’un AVC et mettre en place avec conviction la procédure pour déterminer si le patient relève d’une thrombolyse. Une évaluation diagnostique détaillée peut être différée.


Les quatre éléments de la prise en charge de l’AVC ischémique


Il y a quatre éléments à considérer pour prendre en charge des patients présentant un AVC ischémique. À chaque stade, il faut réfléchir aux quatre points suivants :




(1) traitements urgents et optimisation du statut neurologique ;


(2) évaluation de l’étiologie pour une prévention secondaire ;


(3) prévention d’une détérioration neurologique et de complications médicales ;


(4) rééducation et guérison.

Ce chapitre évoque brièvement ces quatre points principaux ; plus de détails sont proposés dans les chapitres suivants :




• « Protocole de thrombolyse » (chapitre 4) ;


• « Détérioration neurologique à la phase aiguë » (chapitre 5) ;


• « Prévention de l’accident vasculaire cérébral » (chapitre 6) ;


• « Rééducation-réadaptation » (chapitre 11).


Thérapeutique en phase aiguë et optimisation du statut neurologique


L’objectif principal du traitement est d’obtenir l’ouverture de l’artère et de rétablir le flux sanguin. Il faut sans cesse se demander si le maximum est fait pour rétablir le flux sanguin dans les régions cérébrales ischémiques.


THROMBOLYSE INTRAVEINEUSE


Dans cet ouvrage, nous appellerons rt-PA l’activateur tissulaire du plasminogène recombinant, aussi souvent désigné par TPA, t-PA, tPA, altéplase (non générique) ou Actilyse® (nom de marque).




• Le rt-PA intraveineux est le seul médicament approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis pour l’AVC. Il a reçu l’AMM en France.

La thrombolyse intra-artérielle est une thérapie de sauvetage qui est utilisée dans plusieurs centres dans le cadre de protocoles de recherche. Une variété de stratégie de neuroprotection (hypothermie, autres médicaments) est actuellement en cours d’étude pour essayer de limiter la taille de l’infarctus. Aucune n’est approuvée à ce jour.


• D’après les recommandations actuelles, le rt-PA doit être utilisé chez les patients correspondant aux critères du traitement [2]. Les détails du protocole se trouvent au chapitre 4.


EXAMENS POUR LES DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS


La détermination de l’étiologie est habituellement différée après la mise en route du traitement thrombolytique. Néanmoins, en même temps que la réflexion sur l’indication du traitement et la mise en œuvre de la thrombolyse, l’obtention concomitante d’informations sur les statuts vasculaires et tissulaires peut être une aide. Par exemple, la détection d’une volumineuse occlusion ou sténose artérielle est particulièrement importante dans la planification de la stratégie de recanalisation et dans la stratification du risque de récidives d’AVC ou de détérioration neurologique.

Les tests diagnostiques suivants peuvent être une aide pour déterminer le mécanisme de l’AVC, cependant la nécessité de faire des analyses en phase aiguë dépend de la balance suivante : disponibilité du traitement, temps nécessaire à la mise en place, suspicion clinique et coût.




• Scanner cérébral. Il a déjà dû être réalisé puisqu’il s’agit d’une des premières étapes capitales dans la prise en charge initiale de l’AVC. Il doit aider à exclure une hémorragie (voir chapitre 2).


• Doppler transcrânien. Il peut être réalisé en temps réel pour détecter une occlusion, une recanalisation et une réocclusion des principales artères cérébrales. Un appareil portatif peut être apporté au lit du malade dans le service des urgences, voire en dehors de l’hôpital.


• Angioscanner. Il peut fournir rapidement une image instantanée de la totalité de l’anatomie des artères cérébrales et peut rapidement diagnostiquer les sténoses, les anévrismes ou les dissections intra- et extracrâniennes. Il est important de connaître le taux de créatinine du patient avant l’administration intraveineuse du produit de contraste et d’exclure les risques d’allergie.


• Angio-IRM. L’angio-IRM du cou et du polygone de Willis fournit les mêmes informations que l’angioscanner sans les risques liés au produit de contraste. Néanmoins, le patient doit être coopérant et demeurer immobile plusieurs minutes. Les patients avec un pacemaker et ceux, plus rares, avec des clips ou des stents sur des anévrismes ne sont pas éligibles pour l’IRM.


• IRM cérébrale. Elle peut fournir des informations substantielles sur la localisation de l’AVC, son ancienneté, la présence d’un saignement et l’état des tissus (voir annexe 4). Cependant, les mêmes limites qu’à l’angioscanner s’appliquent.


MAINTENIR LA REPERFUSION CÉRÉBRALE


Pour maintenir une perfusion cérébrale maximale à travers les sténoses et les vaisseaux collatéraux, il convient de maintenir la volémie, de soutenir la pression sanguine et de positionner la tête du lit à plat.

Ne pas traiter l’hypertension en phase aiguë*, sauf si :




(1) le patient a été traité par le rt-PA*, ou


(2) le patient a des conséquences organiques de son hypertension : insuffisance cardiaque, infarctus du myocarde, encéphalopathie hypertensive, anévrisme aortique disséquant, etc.)*, ou


(3) les pressions systoliques ou diastoliques dépassent respectivement 220 et 120 mmHg*.

S’il faut traiter l’hypertension, il convient d’utiliser un traitement qui agisse rapidement et cesse aussi d’agir rapidement en cas de chute de tension, comme :




• le labétalol (Trandate®) : 10–20 mg IV* ;


• la nicardipine (Nicardipine Aguettant®, Loxen®) en dose initiale : bolus de 2,5 mg IV en 5 min, renouvelable dans la limite de 10 mg. Relais à la seringue électrique : 1–2 mg/h ; adapter la posologie pour obtenir l’effet attendu en augmentant de 0,5 mg/h toute les 5 min sans dépasser 15 mg/h*.

Objectif : réduction de la pression artérielle de 10–15 %.

Le tableau 3.1 expose les recommandations actuelles pour le traitement de l’hypertension de l’AVC ischémique en phase aiguë. En l’absence de données prospectives contrôlées, des consensus existent mais qui demeurent controversés sur les niveaux de pression artérielle à traiter, la rapidité avec laquelle baisser la pression artérielle et les traitements à utiliser. En ce qui concerne l’AVC ischémique en phase aiguë, nous suivons les recommandations du tableau 3.1. Nous utilisons préférentiellement la nicardipine en urgence et durant les premières 24 h pour atteindre en douceur les niveaux de pression souhaités.





































Tableau 3.1 Stratégie en cas de pression artérielle élevée au cours de l’AVC ischémique.
Source : HP Adams Jr, RJ Adams, T Brott, et al. Guidelines for the early management of patients with ischemic stroke : a scientific statement from the Stroke Council of the American Stroke Association. Stroke 2003 ; 34 : 1056–83 [1]. Reproduit avec l’autorisation de Lippincott Williams & Wilkins.
Niveau de pression artérielle (en mmHg) Traitement
A. Patient non éligible pour la thrombolyse



PAS < 220


ou


PAD < 120



Respecter sauf implication d’une autre atteinte organique, comme une dissection aortique, un infarctus aigu du myocarde, un œdème pulmonaire, une encéphalopathie hypertensive


Traiter les autres symptômes de l’AVC : céphalées, douleur, agitation, nausées et vomissements


Traiter les autres complications aiguës de l’AVC, dont l’hypoxie, l’augmentation de la PIC, une crise convulsive ou une hypoglycémie



PAS > 220


ou


PAD < 121–140



Labétalol : 10–20 mg IV sur 1–2 min


Peut être répété ou doublé chaque 10 min (dose maximum 300 mg)


Ou


Nicardipine : bolus de 2,5 mg IV (en 5 min) renouvelable ; relais à la seringue électrique : 1–2 mg/h ; adapter la posologie pour obtenir l’effet attendu en augmentant de 0,5 mg/h toute les 5 min


Objectif de réduction de la pression artérielle de 10–15 %
PAD > 140 Dérivés nitrés : 1 mg/h en dose initiale, en perfusion continue, avec un monitorage continu de la pression artérielle
B. Patient éligible pour la thrombolyse
Prétraitement



PAS > 185


ou


PAD > 110



Labétalol : 10≤ 20 mg IV sur 1–2 min


Peut être répété une fois


Si la pression artérielle n’est pas diminuée et maintenue aux niveaux attendus (PAS ≤ 185 et PAD ≤ 110), ne pas réaliser de thrombolyse
Pendant et après le traitement



1. Monitorage de la pression artérielle
Prendre la pression artérielle toutes les 15 min pendant 2 h puis toutes les 30 min pendant 6 h, puis chaque heure pendant 16 h



2. PAD > 140
Dérivés nitrés : 0,5 μg/kg/min IV en dose initiale puis titration pour obtenir la pression artérielle attendue



3. PAS > 230


ou


PAD 121–140



Labétalol : 10 mg IV sur 1–2 min


Peut être répété ou doublé toutes les 10 min jusqu’à un maximum de 300 mg, ou administrer le bolus initial de labétalol puis débuter la perfusion à 2 à 8 mg/min


Ou


Nicardipine : bolus de 2,5 mg IV (en 5 min) renouvelable ; relais à la seringue électrique : 1–2 mg/h ; adapter la posologie pour obtenir l’effet attendu en augmentant de 0,5 mg/h toute les 5 min

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Jun 2, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Accident vasculaire cérébral ischémique

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