Cas 9. Une Paralysie du Plexus Brachial
PREMIÈRE CONSULTATION
ÂGE ET MOTIF DE LA CONSULTATION
HISTOIRE PÉRINATALE
Cet enfant est le premier-né de parents bien portants, non apparentés. Ces derniers disposent d’un compte rendu obstétrical remis lors d’une médiation faite à l’âge de 4 mois (un médecin désigné comme médiateur par la structure médicale où a eu lieu la naissance analyse le dossier périnatal à la demande des parents). Le dossier apporte les précisions suivantes: à 35 SA, la hauteur utérine est à 37 cm (90e perc.) ; les mensurations échographiques situent la croissance du foetus à la limite supérieure de la normale. En raison d’une suspicion de principe d’une disproportion foetopelvienne, une pelvimétrie est demandée: le diamètre promontorétropubien (PRP) est de 11,8 cm, le diamètre transverse médian (TM) de 12,2 cm, le diamètre bi-ischiatique de 10,5 cm ; l’indice de Magnien (TM + PRP) est donc à 24. Autrement dit, le bassin est dans les limites normales ; la voie basse est acceptée. Les mensurations foetales sont réévaluées à 37 SA: elles situent le poids foetal toujours sur la même courbe limite supérieure de la normale, laissant prévoir à terme un poids aux alentours de 4 000 g. La présentation est céphalique. Le travail débute spontanément à 40 SA ; il se déroule normalement sous analgésie péridurale. La tête est au détroit inférieur après 10 heures de travail, avec un RCF constamment normal. Une bradycardie de durée et degré non précisés survient, en raison de laquelle un forceps est posé. Après l’extraction de la tête, quelques manoeuvres non décrites tentent de résoudre la dystocie des épaules, sans succès. Après plusieurs minutes, une manoeuvre de Jacquemier permet d’extraire le bras postérieur, puis le bras antérieur après rotation. Les scores d’Apgar sont de 4 à 1 minute et de 8 à 5 minutes: désobstruction et oxygénation rapides, sans intubation. On note une bosse sérosanguine et les marques ecchymotiques des cuillères de forceps. L’inactivité du MSD est patente au premier examen.
La paralysie du plexus brachial n’a pas tendance à régresser au cours des 8 jours d’hospitalisation: le bras est toujours immobile, en rotation interne ; l’avant-bras est en pronation, le poignet est en flexion et la main est ouverte. Cette posture spontanée est corrigée par une orthèse et une kinésithérapie est entreprise. Devant l’absence de récupération de la motricité du MSD, un électromyogramme (EMG) est fait à l’âge d’un mois: il montre une dénervation complète des racines de C5 à D1. Un syndrome de Claude Bernard-Horner discret est présent à droite. À l’âge de 2 mois, un nouvel EMG montre une légère amélioration au niveau C5-C6, mais une dénervation encore complète sur les racines inférieures du plexus. Une myélographie cervicale confirme un arrachement de C7 à D1.
Une microchirurgie réparatrice du plexus brachial est donc proposée. Elle est faite à l’âge de 7 mois, avec un fragment du nerf saphène externe. Elle est suivie d’une immobilisation complète de 5 semaines puis d’une kinésithérapie intensive.
ÉTAPES DU DÉVELOPPEMENT JUSQU’À 9 MOIS
– Examen neurologique constamment normal depuis la naissance, en dehors de la paralysie du plexus brachial droit.
– Contrôle de la tête à 2 mois ;
– Station assise acquise à 8 mois ;
– Comportement et phase prélinguistique dans la normale pour l’âge.
ORIENTATION ET AIDES REÇUES À CE JOUR
Kinésithérapie et surveillance neurologique sont poursuivies.
EXAMEN NEUROLOGIQUE À 9 MOIS
Bel enfant de 9 mois. L’examen neurologique est normal en dehors du MSD. Le syndrome de Claude Bernard-Horner est toujours présent à droite, mais discret. La situation fonctionnelle du MSD est sensiblement identique, ce qui n’est pas surprenant deux mois seulement après l’intervention. L’amyotrophie est déjà mesurable au niveau du bras et de l’avant-bras. On note un léger raccourcissement de l’avant-bras droit.
COMMENT CONCLURE CETTE PREMIÈRE CONSULTATION ?
OPINION PERSONNELLE DU LECTEUR SUR QUATRE QUESTIONS
1. Quels éléments considérez-vous comme essentiels à ce jour ?
2. Que peut-on dire à la famille aujourd’hui ?
3. Quelle prise en charge proposez-vous ?
4. Quelles investigations considérez-vous comme nécessaires ?
RÉPONSES PROPOSÉES
Éléments essentiels
– Bosse sérosanguine indiquant probablement une difficulté de progression de la tête.
– Dystocie des épaules traitée par la manoeuvre de Jacquemier.
– Dépression néonatale avec score d’apgar à 4 à 1 minute et récupération rapide (de 8 à 5 minutes).
– Paralysie complète du plexus brachial droit et signe de Claude Bernard-Horner à droite.
– Récupération spontanée partielle de la motricité de l’épaule (C5-C6).
– Arrachement complet de C8 et D1 traité par greffe microchirurgicale à 7 mois.
Interprétation proposée à la famille
Après l’analyse du dossier par le médiateur du lieu de naissance, les parents sont évidemment très avertis, d’une part de l’origine traumatique de la lésion du plexus brachial, d’autre part du pronostic fonctionnel défavorable. Leur recherche d’autres avis est, en fait, une quête d’opinions diverses sur les chances de succès d’une poursuite médicolégale dirigée contre la sage-femme et l’obstétricien. Ce motif de consultation pédiatrique est fréquent mais jamais formulé directement. Il importe de comprendre rapidement cette motivation sous peine de dérapage verbal, en sachant que chaque mot sera retenu contre l’équipe obstétricale. Au cours de cette première conversation, il convient de se limiter à des commentaires généraux concernant la naissance traumatique d’un gros foetus.
– L’échographie de fin de grossesse, même dans les meilleures mains, comporte une marge d’erreur sur l’estimation du poids foetal, avec une tendance à surestimer les très petits, et sous-estimer les très gros. Une erreur de 300 g sur un gros foetus est trop banale pour être relevée.