Chapitre 9
Toxicologie, matières dangereuses et armes de destruction massive
Agent chimique industriel utilisé comme arme dans le but de tuer ceux qui inhalent les vapeurs ou les gaz ; les dommages pulmonaires entraînent une asphyxie. Aussi appelé agent de choc.
Matériel explosif conventionnel utilisé pour la dispersion d’agent radiologique.
concentration létale 50 % (CL50)
Concentration d’un agent aéroporté qui tue 50 % de la population animale exposée. Elle désigne à la fois la concentration et le temps d’exposition d’une population.
État d’être souillé, maculé, touché ou exposé à un agent nocif, ce qui rend un objet potentiellement dangereux pour une utilisation normale ou sans matériel de protection. Un exemple est l’entrée de matériel infectieux ou toxique dans un environnement déjà propre ou stérile.
Processus de décontamination pour les victimes exposées à, et potentiellement contaminées par des matières dangereuses qui consiste à un nettoyage rapide de la contamination afin de réduire le temps d’exposition et ainsi de sauver des vies. Par la suite, une décontamination complète sera effectuée.
décontamination gastro-intestinale
Toute tentative pour limiter l’absorption ou accélérer l’élimination d’une toxine du tractus gastro-intestinal. Voici des exemples : le charbon actif, le lavage gastrique et le lavage intestinal. Bien que ces méthodes aient un petit rôle dans la toxicologie, leur utilisation n’est pas forcément recommandée et doit faire l’objet de discussion avec le centre antipoison ou un expert en toxicologie.
Trouble mental aigu caractérisé par un état confusionnel, une désorientation, de l’agitation, des obnubilations, des incohérences, de la peur, de l’anxiété, de l’excitation et souvent des hallucinations.
Dose d’exposition aérienne ou de contact qui tue 50 % d’une population animale exposée en 2 semaines.
Décrit un événement soudain créant une zone à risque.
État d’empoisonnement par une drogue ou une autre substance toxique ; peut être un état d’ébriété suite à une consommation excessive d’alcool.
Présence de méthémoglobine dans le sang, qui empêche l’hémoglobine de transporter l’oxygène aux tissus. L’hémoglobine est convertie en méthémoglobine par l’oxyde d’azote et les sulfamides.
Personne qui ingère une grande quantité d’échantillons de drogues destinés à la contrebande. Ces paquets, soigneusement préparés, sont moins susceptibles de se rompre que ceux ingérés par des stuffers. Malgré tout, l’intoxication peut être grave car ils contiennent une quantité importante de drogue.
National Fire Protection Association (NFPA)
Organisation nationale et internationale composée de volontaires visant à promouvoir la prévention et la protection contre les incendies ; elle établit également des garanties contre les pertes humaines ou matérielles en cas d’incendie. La NFPA écrit et publie les normes nationales consensuelles des volontaires.
North American Emergency Response Guidebook
Livre publié par le gouvernement américain fournissant une référence rapide pour les secouristes sur les urgences à connaître sur les matières dangereuses.
Occupational Safety and Health Administration
Agence fédérale américaine qui réglemente la sécurité au travail.
Panneaux indicateurs en forme de losange qui sont placés sur les containers pour identifier les matériaux dangereux.
Symptômes précoces qui marquent le début d’une maladie.
Tout trouble mental majeur caractérisé par une déconnexion de la réalité. La personne concernée évalue anormalement l’exactitude de ses perceptions, de ses pensées et fait des références incorrectes en relation avec la réalité. La psychose est souvent caractérisée par un comportement régressif, une humeur inappropriée ainsi qu’une diminution du contrôle des impulsions. Les symptômes typiques de la psychose comprennent les hallucinations et les délires.
L’émission de radiation due à la désintégration des noyaux nucléiques.
Action de verser un inhalant dans un chiffon, un sac et d’inhaler la substance, généralement dans le but d’altérer son état mental.
Standard on Hazardous Waste Operations and Emergency Response (HAZWOMPER) (CFR 1919.120)
Réglementation émise par l’Occupational Safety and Health Administration (OSHA) et l’Environmental Protection Agency (EPA) visant à protéger les intervenants lors d’incidents liés au stockage ou à l’élimination de matériel dangereux.
Personne qui ingère en hâte de petits paquets de drogues, pour éviter d’être appréhendée ou de se faire confisquer les substances. Les doses sont normalement moins importantes que celles qu’absorbent les mules, mais le risque de toxicité est bien plus grand car ces échantillons, destinés à la distribution, risquent de s’ouvrir et de se répandre au niveau gastrique ou intestinal.
Groupe de symptômes spécifiquement liés à une exposition à un toxique donné.
Zone contaminée. L’accès à cette zone est limité afin de protéger les sauveteurs et les patients d’une exposition. Les combinaisons de protection spécifique sont portées par du personnel entraîné et habilité à s’y rendre.
Zone de triage, de stabilisation et de prise en charge des blessés. Les patients et le personnel non contaminé y ont accès, mais les sauveteurs doivent porter des combinaisons de protection lorsqu’ils s’y trouvent et les jeter dans les zones prédéterminées mises en place à cet effet.
Zone entourant la zone chaude ou contaminée. Seul le personnel de soin correctement protégé peut y intervenir pour évaluer rapidement et prendre en charge les urgences vitales. Les décontaminations se font dans cette zone.
• identification des toxines ;
• compréhension de la physiopathologie de la toxicité ;
• réalisation d’une évaluation primaire ;
• application des concepts généraux de traitement ;
Approche AMLS
Recueil de l’anamnèse ou histoire de la maladie
• les drogues ou substances toxiques auxquelles le patient a accès ;
• les informations émanant de la situation telles que la position du patient, la localisation, la présence ou l’absence de matériel d’injection ainsi que l’intoxication d’autres patients.
Observation initiale
Vous devez vérifier que les lieux sont sûrs avant de vous approcher (voir chapitre 1 et plus loin dans ce chapitre). De nombreux gaz et toxines sont à même de blesser ou d’invalider les intervenants. Le centre de régulation doit également se renseigner sur la sécurité de la scène et transmettre les informations à tous les intervenants. Cette information est particulièrement importante lorsqu’il y a de nombreuses victimes. En fait, l’implication de plus d’un patient laisse penser qu’une cause possible peut être la toxicité d’un gaz, lequel peut rapidement déclencher des symptômes. L’agent responsable de la zone contaminée est souvent inconnu. Lorsqu’on suspecte la présence de matières dangereuses, il faut envisager le renfort d’une équipe d’intervention spéciale en cas de matière dangereuse (HazMat). Les informations et recommandations pour vous aider à identifier et manipuler les matières toxiques seront décrites dans la section « Matières dangereuses » de ce chapitre.
Diagnostics différentiels et actions
Coma
Le coma est un état d’inconscience ou de sédation profonde dans lequel le patient ne répond à aucun stimulus externe ; c’est une présentation assez fréquente après une intoxication. Le terme intoxication renvoie simplement au poison ou à la toxine se trouvant dans le corps, sans que cela implique un état de conscience altéré, mais ce terme reste souvent utilisé pour décrire les patients souffrant d’une altération de l’état de conscience.
Naloxone: La naloxone tient un rôle clé dans la prise en charge des patients en état de coma. C’est un antagoniste des récepteurs opioïdes μ qui annulent les effets des opiacés. La principale indication pour son utilisation est la dépression respiratoire, comme en témoignent la diminution de la fréquence respiratoire, une hypercapnie ou une hypoxémie (constatation tardive). Le traitement à base de naloxone vise à la restauration d’une oxygénation et d’une ventilation adéquates. Le dosage excessif de naloxone entraîne un sevrage aigu du patient dépendant aux opiacés. La naloxone est également associée à une hypertension et des lésions pulmonaires aiguës, probablement dues à la libération de catécholamines associée à l’état brutal de sevrage. Le patient suspecté d’être dépendant aux opiacés devrait recevoir de petites doses de naloxone afin d’éviter ces complications. Si le bolus initial est insuffisant, une titration par palier est recommandée.
Flumazénil: Le flumazénil est un acide γ-aminobutyrique (GABA), antagoniste des récepteurs des benzodiazépines, qui inverse efficacement la sédation ; malgré cela, vous devez être conscient de ses effets dangereux. Bien des patients traités pour surdosage sont sous l’effet de benzodiazépines, en association avec d’autres médicaments. Les benzodiazépines ont souvent un effet protecteur dans ce scénario, particulièrement si le patient a ingéré des antidépresseurs tricycliques. Dans ces cas-là, l’effet inverse qu’apporte le flumazénil peut être l’aggravation de la toxicité et compromettre le devenir du patient. Le sevrage induit par les médicaments GABA-agonistes peut induire de sévères troubles des fonctions vitales, des crises convulsives, un delirium et mener au décès. Beaucoup de patients en surdosage qui sont sous benzodiazépines en prennent de manière chronique ; chez eux, l’administration de flumazénil peut donc précipiter un état de syndrome de sevrage aigu.
Déficit en thiamine
Le déficit en thiamine peut conduire à l’encéphalopathie de Wernicke chez les patients souffrant de malnutrition, principalement ceux qui ont une dépendance à l’alcool (voir chapitre 2 pour plus d’informations sur le syndrome de Wernicke-Korsakoff). Bien que cette affection soit rare, une simple dose de thiamine peut avoir un effet positif et ne comporte pas de risque à la dose standard de 100 mg en administration intraveineuse (IV) ou intramusculaire (IM). Il n’est pas nécessaire d’administrer la thiamine avant le glucose. Bien que l’encéphalopathie due à un déficit en thiamine puisse être exacerbée par une hypoglycémie chronique, l’administration de glucose en situation urgente ne peut pas induire un syndrome de Wernicke-Korsakoff chez les personnes en bonne santé. Vous ne devez donc pas retarder le traitement d’une hypoglycémie en raison d’un possible déficit en thiamine.
Agitation
Benzodiazépines: Les benzodiazépines constituent le traitement de choix des personnes agitées. Étant donné que les benzodiazépines ont un profil d’innocuité bénigne et un index thérapeutique large, cette classe de médicaments est largement utilisée pour éviter des blessures chez les patients intoxiqués ainsi que chez le personnel soignant qui s’en occupe. Les benzodiazépines ont également l’avantage d’éviter des convulsions, d’atténuer l’hyperactivité du système nerveux sympathique et de réduire les causes de morbidité souvent associées à une agitation importante (par exemple rhabdomyolyse).
Antipsychotiques: Les médicaments antipsychotiques, en particulier l’halopéridol (Haldol®) et la ziprasodone (Geodon®), sont également couramment utilisés dans les situations d’urgence pour le traitement des patients agités. L’halopéridol est un agent antipsychotique qui est un antagoniste puissant des récepteurs D2 dopaminergiques. Un effet secondaire de son administration est la sédation. L’utilisation de la ziprasidone est recommandée en cas d’agitation aiguë chez les patients schizophrènes. Son mécanisme d’action est inconnu, mais une hypothèse est que l’activité antipsychotique de la ziprasidone, tout comme celle de l’halopéridol, est principalement médiée par l’antagoniste aux récepteurs dopaminergiques D2.
Anomalies de la fréquence cardiaque
Tachycardie: Lors d’une urgence toxicologique, la tachycardie peut être causée directement par l’effet de la substance nocive plutôt que par la déplétion volumique. Divers mécanismes pharmacologiques peuvent augmenter la fréquence cardiaque, y compris la toxicité sympathomimétique, les agonistes des récepteurs dopaminergiques et les inhibiteurs de chaîne calcique, qui provoquent une vasodilatation et une tachycardie réflexe (tableau 9-1). De nombreuses toxines sont actives sur plus d’un site récepteur, ce qui peut compliquer les algorithmes de traitement. En plus des effets pharmacologiques, les toxines émanant de drogues, de plantes ou de produits chimiques induisent une déplétion volumique qui a pour résultat une diminution de l’appétit, des immobilisations prolongées, des vomissements, des diarrhées ou la combinaison de tous ces facteurs.
Tableau 9-1
Mécanismes d’une tachycardie induite par des toxines
Mécanisme de toxicité | Exemples | Traitement |
Toxicité sympathomimétique | Cocaïne, amphétamines, éphédrine, phencyclidine | Liquides IV, benzodiazépines |
α-bloquants d’action périphérique | Antipsychotiques, antidépresseurs tricycliques, doxazosine | Liquides IV, phényléphrine |
Inhibiteurs périphériques de canaux calciques | Inhibiteurs de canaux calciques, dihydropyridines (nifédipine, amlodipine) | Liquides IV, phényléphrine |
Inhibiteurs des récepteurs muscariniques | Antidépresseurs tricycliques, diphénhydramine, cyclobenzaprines, antipsychotiques | Liquides IV, benzodiazépines, ± physostigmine |
Activation des récepteurs nicotiniques | Tabac, noix de bétel, grande ciguë, carbamates, organophosphorés | Liquides IV, benzodiazépines |
Stimulation des récepteurs de la sérotonine | Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), antidépresseurs tricycliques, cocaïne, tramadol, mépéridine | Liquides IV, benzodiazépines, ± cyproheptadine |
Agonistes des récepteurs dopaminergiques | Amantadine, bupropion, bromocriptine, amphétamines, cocaïne | Liquides IV, benzodiazépines, ± halopéridol |
Retrait des agonistes GABA/antagoniste GABA | Alcool éthylique ou sevrage des benzodiazepines, ciguë vireuse, flumazénil | Liquides IV, benzodiazépines, barbituriques |
Antagonisme des récepteurs adénosiques | Méthylxanthines (par exemple théophylline, caféine) | Liquides IV, benzodiazépines, esmolol |
Agonisme des β-récepteurs | Salbutamol, clenbutérol, terbutaline | Liquides IV, esmolol |