Chapitre 9. Sémiologie des affections fréquemment prises en charge en réadaptation cardiaque
Dominique Vanpee and Caroline Boulouffe
PLAN DU CHAPITRE
Les kinésithérapeutes travaillent régulièrement avec des patients cardiaques. Ils seront confrontés à la pathologie cardiaque soit directement au sein de centres de revalidation cardiaque lors de la prise en charge d’un patient en insuffisance cardiaque ou ayant été victime d’un infarctus du myocarde, soit indirectement, par exemple lors de rééducations neuromusculaires ou respiratoires chez des patients ayant des antécédents de maladie cardiaque. Dans ces deux contextes, il est utile que le kinésithérapeute puisse connaître les manifestations générales des principales affections cardiaques. Nous nous concentrerons dans ce chapitre sur la problématique générale de l’insuffisance cardiaque et sur les différentes manifestations de la maladie coronarienne.
Les principales plaintes du patient
En pathologie cardiovasculaire, les plaintes revenant le plus fréquemment correspondent à cinq grands signes fonctionnels :
– la douleur thoracique ;
– la dyspnée ;
– les palpitations ;
– les œdèmes ;
– les lipothymies et syncopes.
Les deux premiers signes fonctionnels (la douleur thoracique et la dyspnée) sont largement décrits dans le chapitre de sémiologie respiratoire de l’adulte, nous n’aborderons ici que les particularités sémiologiques significatives de la pathologie cardiaque.
Douleur thoracique
Les douleurs thoraciques ont des origines très diverses (tableau 9.1), les une bénignes, les autres potentiellement mortelles. La douleur d’origine coronarienne est classiquement rétrosternale, de type constrictif (impression de serrement du thorax comme dans « un étau »). Régulièrement elle irradie vers les épaules, les bras et/ou la mâchoire inférieure. Les circonstances d’apparition et la durée sont fonction du tableau clinique (voir ci-dessous : insuffisance coronarienne).
Origine cardiovasculaire | Coronarienne | Infarctus du myocarde Angor instable ou syndrome de menace Angor stable |
Cardiaque | Péricardite Myocardite | |
Autres artères | Embolie et infarctus pulmonaire Dissection aortique | |
Origine pleuro-parenchymateuse | Pleurésie Pneumonie Pneumothorax spontané Trachéobronchite Mésothéliome | |
Origine médiastinale (hors gros vaisseaux et cœur) | Perforation de l’œsophage (syndrome de Boerhave) Spasmes oesophagiens Reflux gastro-œsophagien | |
Origine extrathoracique | Douleur vésiculaire Douleur hépatique Douleur pancréatique Douleur gastro-duodénale ou colique Douleur rénale | |
Origine pariétale | Syndrome de Tietze Fracture costale (spontanée, néoplasique ou traumatique) Zona Tassement vertébral |
Dyspnée
Dans le cadre de l’insuffisance cardiaque, la dyspnée d’effort est une polypnée superficielle avec sensation d’oppression thoracique. Le patient se dit essoufflé pour monter un étage ou pour des activités de la vie courante qu’il faisait auparavant sans aucune difficulté (exemples : aller faire ses courses, faire l’entretien du jardin). On quantifie la dyspnée en se basant sur l’importance de l’effort qui la fera apparaître (nombre d’étages ou de marches, distance parcourue à pied).
Afin de standardiser le degré de gêne fonctionnelle à l’effort, on utilise le plus souvent les critères de la New York Heart Association (NYHA) :
– stade I : aucune limitation d’activité physique ;
– stade II : dyspnée survenant pour des efforts les plus intenses de la vie quotidienne ;
– stade III : dyspnée survenant pour des efforts légers avec limitation importante de l’activité physique ;
– stade IV : dyspnée au moindre effort avec éventuellement dyspnée au repos.
Palpitations
Il s’agit d’un phénomène subjectif se définissant par la perception anormale, voire désagréable, des battements cardiaques. Ces palpitations peuvent être perçues comme une simple sensation d’irrégularité ou, à l’inverse, comme de véritables « coups de béliers », de bondissements ou l’impression de malaise imminent.
Elles ne sont pathognomoniques d’aucune pathologie, elles peuvent survenir sur des cœurs apparemment sains. Il peut s’agir de simples extrasystoles ou d’épisodes répétés de tachycardies d’origine (supraventriculaire ou ventriculaire) et de gravité variables. Les épisodes de tachycardie ventriculaire spontanément résolutive se manifestent néanmoins rarement par des palpitations. En effet, en raison de la fréquence très rapide du rythme cardiaque et de la mauvaise tolérance hémodynamique, celle-ci se manifeste le plus fréquemment par des épisodes de syncopes.
Œdèmes
Les œdèmes de l’insuffisance cardiaque sont bilatéraux, symétriques, prédominants aux membres inférieurs, augmentant au cours de la journée. Au fur et à mesure de l’aggravation de la rétention, l’œdème remonte vers les cuisses, le scrotum et enfin la région abdominale.
Parallèlement, peut se développer un œdème des séreuses et des viscères (ascite, épanchement pleural, œdème pulmonaire).
Une prise de poids anormale de quelques kilogrammes peut évoquer la rétention hydrosodée avant que les manifestations cliniques n’apparaissent.
L’œdème peut être caractérisé ainsi :
– bilatéral et symétrique, atteignant de façon comparable les membres inférieurs ;
– blanc, mou, indolore ;
– une pression prolongée (par exemple avec le pouce) qui déplace le liquide et laisse une dépression persistant quelques minutes : « signe du godet ».
Lipothymie, syncope
La lipothymie est un malaise brutal avec sensation de perte de connaissance imminente sans que celle-ci ne survienne. La personne décrit une sensation de vertige, une faiblesse générale, un dérobement des jambes avec pâleur, « voile noir » devant les yeux. Le patient a le temps de s’asseoir pour prévenir la chute éventuelle.