C. Coulon, Ph. Bourgeot, Y. Robert, P. Vaast, V. Debarge and B. Guérin la pathologie faciale est parfois le signe d’appel d’une malformation plus complexe ou peut s’intégrer dans une malformation syndromique dont le pronostic pourrait s’en trouver alourdi ; le dépistage d’une malformation faciale doit orienter l’échographiste vers un examen morphologique approfondi et la recherche de signes associés, notamment du cœur, du cerveau et des extrémités ; certaines pathologies cervicofaciales nécessiteront une prise en charge spécialisée de l’enfant dès la période néonatale avec une naissance parfois indiquée dans un centre muni d’un plateau technique adéquat (réanimation néonatale, chirurgie pédiatrique, ORL pédiatrique, chirurgie plastique…), notamment en cas de détresse néonatale potentielle ou de difficultés de prise en charge pédiatrique (Pierre Robin, tumeur cervicale avec compression ou envahissement des voies aériennes supérieures…). La région craniofaciale est une région complexe, faisant intervenir les voies aériennes et digestives, le système nerveux central et les organes des sens. Des tissus d’origine embryologique différente, ectodermique, endodermique et mésodermique, ainsi que la population craniofaciale des cellules des crêtes neurales y participent. Cette complexité explique la fréquence élevée des malformations craniofaciales. Cette région se forme entre les 3e et 8e semaines du développement. Elle nécessite une synergie temporo-spatiale des phénomènes cellulaires, la croissance adéquate et simultanée des cinq bourgeons de la face et du cerveau et des interactions de l’endoblaste et de l’ectoblaste avec la matrice extracellulaire. Elle implique le rôle d’induction du système nerveux central, les propriétés du liquide amniotique, qui joue un rôle tensio-actif et intervient sur le modelage externe, ainsi que l’activité succion–déglutition à partir du 3e mois. La formation du crâne comprend : la base du crâne ou chondrocrâne, issu du mésenchyme préchordal qui donne les os de la base du crâne et les capsules sensorielles, la voûte du crâne ou calvaria, qui se forme par ossification membraneuse, non achevée à la naissance puisque les fontanelles antérieure et postérieure sont perméables, et le viscérocrâne, formé par l’axe mésenchymateux des arcs branchiaux qui donnent les structures osseuses et cartilagineuses des oreilles et du larynx. Pour comprendre ce type de malformations, il faut rappeler que la lèvre supérieure, les quatre incisives supérieures et le palais primaire dérivent de la même structure embryologique (le bourgeon frontal), alors que les palais osseux et vélaire sont issus des bourgeons maxillaires. Si la lèvre est fermée, le palais primaire et l’arc alvéolaire médian le seront donc également ; si la lame palatine est vue intacte, le palais osseux secondaire est bien fermé ; si la luette est visible, l’ensemble du palais secondaire est intact. Des causes infectieuses sont décrites (rubéole) ainsi que des agents tératogènes (acide rétinoïde, acide valproïque, hydantoïne, alcool). On distingue les fentes labiales ou labionarinaires (25 %), les fentes labiopalatines (50 %) et les fentes palatines (25 %). Ces dernières sont de diagnostic prénatal extrêmement difficile surtout si elles sont isolées. Elles sont le plus souvent unilatérales (75 %), parfois bilatérales et parfois décrites « médianes » (correspondant à une agénésie du processus prémaxillaire). Les fentes bilatérales et « médianes »doivent rendre particulièrement attentive l’étude cérébrale car elles peuvent s’intégrer dans une pathologie de la ligne médiane (holoprosencéphalie notamment, voir chap. 8). Les anomalies chromosomiques associées sont extrêmement rares en cas de fentes labiales ou labiopalatines isolées, mais le caractère isolé en anténatal étant difficile à affirmer conduit de nombreuses équipes à proposer un contrôle du caryotype fœtal en cas de fente diagnostiquée. Le diagnostic échographique initial est porté sur une interruption de la lèvre supérieure sur la coupe « nez–bouche » recommandée par le CNTE (voir fig. 6.12). L’analyse échographique d’une fente doit comprendre : son caractère uni- ou bilatéral ; la mesure de la largeur de la fente ; la déviation de la pointe du nez ; l’étude du profil et de la déviation plus ou moins prononcée du bourgeon latéral ; la recherche d’une atteinte palatine associée : signes indirects comme l’ascension de la langue dans les fosses nasales, l’étude des flux en Doppler couleur au niveau buccal et nasal ou recherche directe de la lame palatine postérieure, des apophyses ptérygoïdes et éventuellement étude de la luette. Le diagnostic échographique en est généralement simple lors de l’échographie de 22 SA, en l’absence d’interposition des mains ou du cordon ombilical, ou d’une tête fixée dans une mauvaise orientation. En échographie 2D, les trois plans de coupe sont utiles pour une analyse complète : la coupe frontale (fig. 9.1) permet de mettre en évidence une discontinuité de la lèvre supérieure et servira d’image de référence. Il est possible sur ce plan de coupe de mesurer la largeur de la fente labiale et d’étudier la déviation de la pointe du nez (notions importantes à transmettre au chirurgien plasticien pour l’entretien prénatal). L’ouverture de la gencive et de l’arcade dentaire peut aussi être visible sur la coupe frontale ; la coupe sagittale (fig. 9.2) permet d’observer une déformation lorsque le bourgeon médian est projeté en avant de façon importante. Elle permet, également, de montrer des signes indirects de fente palatine associée, étude à réaliser de façon dynamique : ascension de la langue dans les fosses nasales lors des mouvements de déglutition, mélange des flux buccal et nasal au Doppler couleur, même si ce signe peut être absent en cas de petite fente palatine associée, obstruée par la langue ascensionnée ; la coupe transversale (fig. 9.3a à d) permet de rechercher une atteinte gingivo-alvéolaire associée et également des signes indirects de fente palatine lorsque la langue, échogène, est retrouvée au niveau du defect maxillaire (fig. 9.3e) et que la visualisation directe de la lame palatine postérieure est impossible (fig. 9.3f). Lorsqu’elle est retrouvée, ceci traduit l’intégrité du palais osseux secondaire. Cette image rectiligne hyperéchogène correspond à l’interface palais osseux/palais vélaire. Il est également possible de visualiser les apophyses ptérygoïdes de part et d’autre de cette image (voir fig. 6.10a). L’étude du palais se fera sur un fœtus face en avant, au mieux tête défléchie (ne pas hésiter à le mobiliser pour lui amener le visage contre la sonde d’échographie). Certains auteurs ont récemment montré la possibilité de rechercher l’atteinte du voile du palais (fig. 9.3g) et la présence de luette bifide, mais cette étude reste aujourd’hui relativement difficile. La coupe transversale permet également l’étude de la déviation de la pointe du nez (fig. 9.3h). Une étude en 3D, quand elle est réalisable, donnera une idée plus précise et réaliste de la dysmorphie. Le mode surfacique permet l’étude de la fente labionarinaire, le mode triplan permettra une reconstruction de l’interface du palais secondaire lorsque l’étude 2D est impossible (fig. 9.3i et j). Cependant, il est nécessaire d’informer les parents de cette étude 3D-4D qui peut parfois choquer. L’échographiste peut également acquérir les volumes, les retravailler secondairement et les présenter aux parents lors d’une consultation suivante. Ces reconstructions en 3D peuvent être utiles au chirurgien plasticien pour guider son entretien prénatal (fig. 9.4). En cas de fente bilatérale (fig. 9.5b et c), le bourgeon médian peut réaliser une masse centrale saillante visible sur une coupe sagittale (fig. 9.5a) ou transversale (fig. 9.6). Le profil est nettement perturbé par le bourgeon prémaxillaire qui fait saillie vers l’avant et surplombe la gencive supérieure en retrait. Cet aspect ne doit pas être confondu avec un tératome nasopharyngé extériorisé ou un proboscis (voir plus loin). Les reconstructions 3D, quand c’est possible, viendront compléter le bilan anatomique (fig. 9.7). Une fente médiane est beaucoup plus rare (fig. 9.8). Elle traduit une anomalie de développement du bourgeon fronto-nasal normalement induit par le cerveau et doit faire évoquer une anomalie cérébrale au niveau de la ligne médiane. Elle peut donc être associée à : une malformation nasale : nez petit, une seule narine, voire un proboscis ; des anomalies oculaires : microphtalmie, cyclopie ; Tous ces éléments doivent faire évoquer une anomalie chromosomique, surtout la trisomie 13. L’amniocentèse est proposée aux parents pour étude du caryotype fœtal et recherche du syndrome de DiGeorge en cas de fente palatine associée, mais elle peut se discuter en cas d’antécédent familial du 1er degré (car le risque chromosomique devient extrêmement faible). En revanche, celui-ci est beaucoup plus important en cas de fente associée (surtout les fentes bilatérales et médianes) à type de trisomie 13 et trisomie 18. La difficulté de pouvoir affirmer en anténatal le caractère isolé d’une fente conduit la majorité des équipes à proposer cet examen systématiquement. En effet, 12 à 22 % des fentes dites isolées en anténatal se révèlent associées à d’autres anomalies en post-natal. Au cours de la grossesse, la tolérance de cette malformation est bonne mais un hydramnios ou un excès de liquide amniotique, par trouble de la déglutition, est habituellement retrouvé dans les larges fentes labiopalatines. L’analyse du profil fœtal nécessite une coupe sagittale médiane stricte qui n’est pas toujours facile à obtenir : attention aux fausses impressions ! En cas de doute, il est possible de mesurer l’angle facial supérieur (entre la ligne droite tangente au front et la ligne droite tangente aux OPN, valeur normale 131° ± 13°). L’angle facial inférieur peut également être calculé (entre la ligne droite perpendiculaire au front et la ligne droite formée par le menton et la lèvre la plus protruse, valeur normale 64 à 68° ± 8°) (voir fig.6.6c). Des OPN absents ou nettement inférieurs à 2,5 mm à partir de 20 SA sont suspects (fig. 9.9, et voir chap. 7 et voir chap. 16, fig. 16.30). Il s’agit d’un signe d’appel majeur de trisomie 21 (62 % des enfants T21 ont une hypoplasie des OPN contre 1,2 % des fœtus normaux) permettant de proposer un contrôle du caryotype fœtal même si ce signe est isolé. Il convient néanmoins de veiller à ce que le faisceau ultrasonore soit le plus perpendiculaire possible à l’axe formé par les OPN pour obtenir une image satisfaisante. Par exemple, la mesure sera impossible sur un fœtus dont la tête est très défléchie. L’hypoplasie peut aussi être un signe d’appel d’une dysplasie squelettique rare telle que la dysostose cléidocrânienne, où il existe une aplasie ou hypoplasie claviculaire, ou également la dysplasie thanatophore. La fœtopathie warfarinique (warfarin syndrome) peut également être responsable d’une hypoplasie des OPN (associée à un RCIU, un aplatissement de l’ensellure nasale, des ponctuations épiphysaires – voir fig. 15.23). Ce signe est habituellement décrit dans l’achondroplasie (voir fig.15.18 et 15.19), le nanisme thanatophore (voir fig.15.8) et le syndrome d’Apert. L’appréciation est assez subjective et il existe des variations interindividuelles à ce niveau. Cependant, les formes pathologiques sont souvent caricaturales. Elle s’observe dans le cadre d’une holoprosencéphalie semi- ou plus volontiers alobaire et se traduit : soit par l’absence totale de nez (fig. 9.10a à d) avec souvent présence d’un bourgeon au-dessus du plan orbitaire correspondant au proboscis (fig. 9.10e et fig. 9.11) en cas de cyclopie (orbite unique) et d’ethmocéphalie (hypotélorisme majeur) ; soit par l’existence d’une pyramide nasale rudimentaire avec une seule narine (cébocéphalie). Il se caractérise par le recul du menton en arrière du plan tangent à la partie inférieure de l’os frontal. Sur une coupe frontale de la face, on ne parvient pas à visualiser le menton dans le même plan que le nez et la bouche. La mesure de l’angle facial inférieur peut permettre d’objectiver cette impression visuelle. Le rétrognathisme est caractéristique de la séquence (ou syndrome) de Pierre Robin mais on le rencontre aussi dans de nombreux syndromes ou associations malformatives (fig. 9.12 et 9.13a et b) tels que le syndrome de Cornelia de Lange (fig. 9.13c à e), la trisomie 18 et la dysostose craniofaciale.
Pathologie cervicofaciale
Rappel embryologique11
Pathologie de la face
Fentes labiopalatines
Diagnostic échographique
Fente labiale ou labiopalatine unilatérale
Fente labiale bilatérale
Fente médiane
Prise en charge
Anomalies du profil fœtal et du nez
Hypoplasie des os propres du nez (OPN)
Ensellure nasale marquée
Absence de nez, arhinie ou arhinencéphalie
Rétrognathisme
Stay updated, free articles. Join our Telegram channel
Full access? Get Clinical Tree