Partie 9 Néphrologie
TROUBLES DE L’ÉQUILIBRE ACIDO-BASIQUE
FICHE MALADIE
DÉFINITION
Les troubles de l’équilibre acido-basique sont des modifications, diversement associées, des concentrations sanguines des ions H+, des bicarbonates et de l’acide carbonique, responsables de variations de la valeur du pH sanguin.
La relation entre ces 3 variables est donnée par l’équation d’Henderson-Hasselbach :
Le taux d’acide carbonique (H2CO3) est en relation directe avec la PaCO2 ; en effet :
Les variations de pH sont contrôlées par trois systèmes de régulation :
• Les systèmes tampons intra-et extracellulaires, le plus important étant le système bicarbonate/acide carbonique extracellulaire.
• Le contrôle respiratoire de la PaCO2.
• Le contrôle rénal de l’excrétion d’ions H+ sous la forme d’ions NH+4, ou ammoniurie, et de la réabsorption des HCO−3 L’estimation de la capacité du rein à excréter les ions H+ par la seule mesure du pH urinaire est insuffisante. Cette capacité est estimée par le calcul du trou anionique urinaire [Na + K − Cl], car NH+4 est éliminé sous forme de NH4Cl.
TRAITEMENT
PRONOSTIC
HÉMODIALYSE
L’hémodialyse est une technique d’épuration extra-rénale, qui consiste à réaliser des échanges entre le sang du malade et un liquide de dialyse (le dialysat) au travers d’une membrane semi-perméable synthétique.
Le rein artificiel ou dialyseur
Phénomènes physiques impliqués dans les échanges
Les échanges entre le sang du patient et le dialysat reposent sur deux phénomènes physiques :
L’hémodialyse nécessite une voie d’abord capable de donner un débit de l’ordre de 300 mL/minute. Seule une fistule artérioveineuse (FAV) (voir fiche p. 932) ou un cathéter veineux central permet un tel débit.
Lors de l’arrivée du patient, l’infirmiére devra :
• effectuer un lavage du bras fistulisé au patient à l’aide d’un antiseptique ;
• vérifier et prendre les constantes de celui-ci (TA, pouls, état général) ;
• effectuer ses tâches de matériovigilance : état de l’alimentation électrique et de la batterie de secours, état de l’alimentation en eau et du circuit de purification, vérifier que le circuit de sortie d’eau est bien à l’égout. Réaliser un test à la bandelette réactive (peroxyde d’hydrogène) sur l’eau de sortie afin de vérifier qu’il ne reste pas de produits de désinfection dans les circuits hydrauliques du générateur.
Le matériel et ses fonctions :
• Le générateur d’hémodialyse :
• Les lignes artérielles et veineuses :
• Attention : bien que l’on parle de lignes veineuse et artérielles, toutes deux prennent place dans la FAV (ou le cathéter).
• Il s’agit de cartouches de bicarbonates destinées à la formation du dialysat. Cette cartouche s’enclenche dans un dispositif spécifique sur le générateur d’hémodialyse.
Déroulement d’une séance d’hémodialyse :
• Vérifier la prescription médicale qui doit préciser :
• Allumer le générateur d’hémodialyse :
• Branchement du patient et mise en route du circuit :
• Démontage et désinfection du générateur :
DYSKALIEMIÉS
FICHE MALADIE
DÉFINITION
Il s’agit d’une augmentation (> 5 mmol/L) ou d’une diminution (< 3,5 mmol/L) excessive de la concentration plasmatique du potassium.
Le maintien de la kaliémie dans une fourchette étroite s’explique par :
TRAITEMENT
• Surveillance scopique en milieu intensif.
• Prévention des troubles du rythme cardiaque: gluconate de calcium 10 % (1 amp. IVL) ; il y a contre-indication en cas de traitement digitalique.
• Mesures à effet transitoire (agissant par transport intracellulaire du K+) mais rapide (30 min) :
• Ces mesures ont pour but de gagner du temps pour organiser la mise en place des mesures permettant une véritable déplétion en K+, mais d’effet lent (> 2 h):
Il faut déterminer la cause et la traiter.
• Surveillance scopique en milieu intensif.
• Prévention des troubles du rythme cardiaque : arrêt des digitaliques et des médicaments allongeant le QT.
• Arrêt des médicaments hypokaliémiants.
HYPERKALIÉMIE | HYPOKALIÉMIE | |
---|---|---|
Étiologie | Fausses hyperkaliémies : garrot trop serré ou hémolyse in vitro Transfert extracellulaire : Surcharge exogène : perfusions IV ou apports oraux | Apports insuffisants : régime, anorexie Transfert intracellulaire : Pertes rénales : • tubulopathies : nécrose tubulaire, acidose tubulaire distale, syndrome de Barrter, syndrome de Gitelman • polyurie : lever d’obstacle ou charge osmotique • médicaments : diurétiques (acétazolamide, diurétiques de l’anse et thiazidiques), corticothérapie • toxiques : pénicilline, amphotéricine B, lithium, cisplatine Pertes digestives : Pertes cutanées : brûlures étendues, sudation |
Ionogramme sanguin | K+ > 5 mmol/L | K+ < 3,5 mmol/L |
VOIE ORALE | VOIE IV | |
---|---|---|
Conditions | Pas d’anomalie ECG Pas de trouble digestif Pas de paralysie | Contre-indications à la voie orale |
Précautions | – | Surveillance scopique+++ Jamais en IVD Ne pas dépasser 1,5 g/h Veinotoxique : ne pas dépasser des concentrations de 4 g/L |
Traitement | Aliments riches en K + Sels de K + (chlorure de potassium) per os, 1 à 6 gélules/j en 2 à 3 prises à la fin des repas | Chlorure de potassium dilué dans du sérum salé (ou du glucosé) isotonique |
PRONOSTIC
Les dyskaliémies sont des pathologies potentiellement graves, car elles peuvent se compliquer de troubles du rythme et/ou de la conduction cardiaque, pouvant conduire au décès du patient, en particulier lorsqu’existe une cardiopathie sous-jacente.
Elles nécessitent donc une prise en charge en urgence et une surveillance rapprochée.
EXAMENS
Biologiquement, la dyskaliémie est confirmée par la présence sur l’ionogramme sanguin de :
SURVEILLANCE DU TRAITEMENT
Expliquer et surveiller le traitement.
• Le chlorure de potassium est veinotoxique : s’assurer de sa bonne dilution.
• La dyskaliémie étant le plus souvent asymptomatique, surveiller une diminution ou une augmentation trop brutale du taux de potassium chez le patient en surveillance scopique.
L’hyperkaliémie sévère nécessite la mise en place de thérapeutique rapide car elle met en jeu le pronostic vital du patient. Dans les hyperkaliémies menaçantes, la nonnormalisation est une indication d’épuration extra-rénale. C’est la seule thérapeutique capable de corriger rapidement une hyperkaliémie, la correction des troubles du rythme ne prenant que quelques minutes. Cette technique d’épuration nécessite une mise en oeuvre et une surveillance particuliére (cf. Insuffisance rénale chronique p. 925).
• Attention aux patients en acidocétose diabétique ou en hyperglycémie sans cétose : le traitement par insuline et réhydratation exacerbent l’hypokaliémie.
APPORT DE POTASSIUM
L’apport alimentaire normal en potassium est de 5 g/j. Pour le patient IRC, il doit être de 2 à 2,5 g (51 à 64 mEq).
Pour éviter l’hyperkaliémie, des conseils précis sont donnés sur :
Mode de préparation des aliments
Pour favoriser la perte en potassium, il faut conseiller :
ALIMENTS | TENEUR MOYENNE (MG/100 G) |
---|---|
Légumes crus | 270 mg (concombre : 150 mg, fenouil cru : 473 mg) |
Légumes cuits | 220 mg (chou vert cuit : 99 mg, blettes cuites : 473 mg) |
Légumes secs | 320 mg (lentilles cuites : 276 mg, haricots blancs cuits : 460 mg) |
Pomme de terre | 530 mg (pommes dauphines : 147 mg, chips : 1 190 mg) |
Fruits secs | 975 mg (dattes : 677 mg, abricots secs : 1 520 mg) |
Fruits oléagineux | 700 mg (noix : 480 mg, pistache : 1 050 mg) |
Avocat | 520 mg |
Châtaigne | 500 mg |
Fruits frais | 220 mg (myrtilles : 68 mg, bananes : 385 mg) |
Cacao | 1 920 mg |
Chocolat | 365 mg |
Farine de soja | 1 740 mg |
Ketchup | 480 mg |
Potage | 130 mg (poireaux, pommes de terre : 125 mg, velouté de tomates : 140 mg) |
FICHE PHARMACOLOGIE
Propriétés
Résines échangeuses de cations non résorbées, échangeant dans le tube digestif (côlon) potassium contre sodium (polystyrène de sodium) ou calcium (polystyrène de calcium). Efficacité retardée (3 à 4 h), permettant un abaissement progressif et transitoire de la kaliémie de 0,5 à 1,5 mmol/L.
Indications
Traitement des hyperkaliémies non menaçantes, au cours de l’insuffisance rénale aiguë ou chronique.
Effets secondaires
Hypercalcémie (polystyrène de calcium, surtout en cas de traitement simultané par la vitamine D).
Contre-indications
Hyperkaliémie ; coprescription avec IEC ou diurétiques épargneurs de potassium (sauf hypokaliémie).
Précautions d’emploi
Comprimés : ingérer debout ou assis, avec de l’eau.
Préférer le chlorure de potassium en cas d’alcalose associée.
Propriétés
Sulfamides diurétiques inhibant au niveau de la branche ascendante de l’anse de Henle la réabsorption du NaCl ; accessoirement, ils augmentent l’excrétion urinaire de potassium, du magnésium, et du calcium. Les diurétiques de l’anse ont une puissance dose-dépendante, et sont les seuls diurétiques couramment utilisables en situation d’insuffisance rénale avancée (Cl créatinine < 50 mL/min), moyennant l’utilisation de fortes doses.
Indications
Voie parentérale : œdème aigu du poumon ; rétentions hydrosodées sévères d’origine cardiaque, rénale ou hépatique ; hypercalcémies sévères.
Contre-indications
Hypersensibilité aux sulfamides.
Insuffisance rénale par obstruction urinaire.
Déshydratation extracellulaire, hypovolémie.
Allaitement : déconseillé (passage dans le lait maternel et réduction de la lactation).
Précautions d’emploi
Insuffisance rénale aiguë : écarter la possibilité d’une cause obstructive.
Surveillance biologique régulière (kaliémie, natrémie, créatininémie) en début de traitement.
Interrompre 24 h avant un examen iodé.
Effets secondaires
Hypokaliémie : rare lorsque les doses employées sont modérées.
Risque d’encéphalopathie hépatique chez le cirrhotique.
Propriétés
Sulfamides diurétiques inhibant la réabsorption tubulaire de NaCl au niveau du segment cortical de dilution. Par ailleurs, augmentent l’excrétion urinaire de potassium et de magnésium ; réduisent la calciurie ; réduisent la diurèse en cas de diabète insipide néphrogénique.
Indications
Syndromes œdémateux d’origine rénale, hépatique, cardiaque.
Hypercalciuries idiopathiques.
Précautions d’emploi
Risque de déséquilibre diabétique faible lorsque les posologies habituelles sont employées.
Effets secondaires
Hyponatrémie + déshydratation extracellulaire.
Risque d’encéphalopathie hépatique chez le cirrhotique.
Hypercalcémie : rare, doit faire rechercher une hyperparathyroïdie associée.
Nausées, constipation, céphalées, paresthésies, flou visuel.
Propriétés
Diurétiques épargneurs de potassium agissant par antagonisme compétitif des récepteurs tubulaires de l’aldostérone. Action antiminéralocorticoïde maximale après 48 à 72 h de traitement, et effets natriurétique et antihypertenseur modérés mais prolongés (24 à 48 h). Résorption digestive lente, suivie d’une biotransformation en de nombreux métabolites, puis d’une élimination prolongée mixte (urinaire et fécale). Propriétés antiandrogéniques. Faibles inducteurs enzymatiques.
Indications
Traitement de l’hyperaldostéronisme primaire par hyperplasie bilatérale des surrénales.
Hypertension artérielle essentielle.
Hypokaliémies modérées liées à un traitement diurétique (de l’anse, thiazidique).
Contre-indications
Insuffisance hépatique terminale. Hypersensibilité connue à la spironolactone.
Troubles graves de la conduction auriculoventriculaire (pour la forme).
Allaitement : déconseillé (passage dans le lait maternel, réduction de la lactation).
Propriétés
Diurétiques épargneurs de potassium, à effets antihypertenseur et natriurétique modérés. Leur activité est comparable à celle de la spironolactone mais leur action se situe au niveau du tube distal des tubules rénaux (canal sodium épithélial) et est indépendante de l’aldostérone. Après administration orale, l’action apparaît en 3 à 6 h et persiste 12 à 24 h, passage transplacentaire et dans le lait maternel.
Contre-indications
Hyperkaliémie, association au potassium.
Insuffisance rénale, insuffisance hépatocellulaire avancée.
Hypersensibilité connue aux différents produits.
Triamtérène : carence en folates.
Allaitement : éviter (passage dans le lait maternel, réduction de la lactation).
Effets secondaires
Risque de déshydratation faible (sauf surdosage).
Encéphalopathie chez les cirrhotiques.
INSUFFISANCE RÉNALE
INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË
FICHE MALADIE
DÉFINITION
Devant un patient chez lequel on découvre une fonction rénale altérée, il n’est pas toujours simple de différencier IRA et IRC (cf. tableau p. 922).
Devant un patient présentant une IRA, il faut :
AIGUË | CHRONIQUE |
---|---|
Creatininemie anterieure recente normale Reins de taille normale (echographie) | Reins de petite taille (echographie) ; sauf polykystose, amylose et diabete Hypocalcemie Anemie |
• préciser les caractéristiques de la diurèse : prise en charge plus complexe en cas d’anurie ;
• éliminer un obstacle (IRA « post-rénale ») : prise en charge urologique.