Moyens de reconstruction de l’acétabulum dans les reprises de prothèse totale de hanche
Means of acetabular reconstruction in total hip arthroplasty revision
La chirurgie de reprise du composant acétabulaire d’une PTH confronte le chirurgien orthopédiste à des situations nombreuses et diverses selon les causes de l’échec et le motif de la révision, la stabilité résiduelle de l’implant acétabulaire, son mode de fixation initial, sa migration éventuelle [9] et l’état du stock osseux lors de la révision chirurgicale [13, 14] (figure 1). Cette diversité de situations rend compte de la difficulté des choix stratégiques [28]. La difficulté de cette chirurgie réside par ailleurs dans la complexité des gestes techniques en particulier dans les formes graves de défect osseux, segmentaires ou avec discontinuité pelvienne (figures 2, 3 et 4).
Figure 3 Image tomodensitométrique d’une ostéolyse autour d’une vis de cupule non cimentée impactée.
Elle nécessite une analyse préopératoire précise du type de cupule en place, du couple de friction utilisé, de sa migration, de la position du centre de rotation de la hanche, du stock osseux, de l’ostéolyse et des défects osseux pour effectuer une planification précise qui servira de fil conducteur mais devra pouvoir être modifiée et adaptée en fonction des constatations peropératoires [17]. Les objectifs sont idéalement la reconstruction du stock osseux, pour implanter une nouvelle cupule stable et en position mécaniquement satisfaisante, restaurant le centre de rotation de la hanche, rétablissant l’égalité de longueur des membres inférieurs pour redonner au patient une fonction satisfaisante. De multiples choix s’offrent pour cela à nous en termes de moyens de reconstruction osseuse et prothétique. Ces choix répondent à des concepts biologiques et mécaniques, mais doivent aussi être adaptés en fonction du patient, de son âge et de son état général. Cette chirurgie n’est en effet jamais anodine car elle peut nécessiter un changement de stratégie chirurgicale peropératoire, en particulier en cas d’aggravation des lésions osseuses lors de l’extraction du composant précédent. Elle expose par ailleurs à des risques peropératoires, vasculaires et neurologiques mais aussi ultérieurement à des risques fonctionnels (instabilité et luxation, boiterie, ossifications, descellement itératif, etc.).
On rappelle les principales causes de reprise des cupules. Le descellement d’une cupule cimentée ou l’instabilité d’une cupule métal-back non cimentée représente la cause la plus fréquente de révision chirurgicale acétabulaire. Le descellement aseptique représente 51 % des reprises avant 5 ans, 57 % entre 5 et 10 ans, 61 % après 10 ans. L’ostéolyse autour d’implants non cimentés bien fixés constitue une cause de plus en plus fréquente, corrélée à l’usure du polyéthylène (4 % avant 5 ans, 18 % entre 5 et 10 ans, 26 % après 10 ans). Les luxations de PTH constituent avant 5 ans la deuxième cause de reprise acétabulaire (18 %) [11, 53]. L’usure du polyéthylène peut également favoriser la survenue de luxations tardives, en particulier après la neuvième année [50].
Moyens de reconstruction acétabulaire
Principes de reconstruction
Le repositionnement du centre de la hanche, en hauteur et en médialisation, représente un objectif logique pour optimiser la biomécanique articulaire et retrouver une fonction satisfaisante. La planification préopératoire est ici essentielle pour déterminer le type et la taille de la cupule à utiliser, la greffe nécessaire en fonction de la perte de substance. Elle est fondée sur différents repères classiques : la ligne des U radiologiques, la ligne de Kohler et éventuellement le centre de rotation de la hanche controlatérale [45, 53].
La stabilité finale de la hanche est un élément important car le taux de luxation de prothèse après ces révisions est plus élevé [45, 53, 62].
La reconstruction prothétique ne se conçoit, surtout dans les formes évoluées, stade III et au-delà qu’avec des procédés de reconstruction osseuse qui peuvent concourir également à l’amélioration du positionnement dans sa topographie et dans sa pérennité [15, 65]. La reconstruction osseuse de l’acétabulum est un élément essentiel de la restauration d’une biomécanique satisfaisante et de la stabilité du nouvel implant à long terme. Elle fait appel à différents moyens : l’autogreffe, sous forme de greffons spongieux ou cortico-spongieux (figure 5) [59], toutefois limitée par les quantités disponibles et avec l’inconvénient de la morbidité liée au prélèvement, les allogreffes morcelées, les allogreffes structurales, provenant de têtes fémorales ou de condyles fémoraux (figure 6 a, b) [47, 49], encastrées ou fixées par des vis ou une plaque d’ostéosynthèse [45, 46], les allogreffes massives (figure 7), et enfin les biomatériaux et substituts osseux [6, 38, 62].
Reconstruction prothétique
Cupules primaires
Après extraction de la cupule initiale [36, 41], l’acétabulum est fraisé de façon prudente puis une nouvelle cupule est implantée, soit scellée, soit non cimentée impactée. Dans ce dernier cas, la stabilité de la cupule impactée peut être améliorée par une fixation complémentaire par vis.
De nouvelles cupules hémisphériques réalisées en tantalum poreux ont été récemment proposées pour les révisions acétabulaires de PTH, associées ou non à des greffes morcelées. Leur structure trabéculaire semble permettre une réhabitation osseuse rapide et large assurant une parfaite stabilité des implants. Une évaluation à plus long terme paraît indispensable avant de porter un jugement sur ces nouveaux matériaux [61].
Anneaux de soutien
Les anneaux de soutien sont des implants métalliques que l’on fixe par des vis spongieuses dans l’os coxal et dans lesquels on scelle une cupule qui peut être une cupule de polyéthylène (PE), une cupule de PE à intérieur métal pour un couple de friction métal-métal, ou encore une cupule à double mobilité pour réduire les risques de luxation. Ces anneaux de soutien permettent d’améliorer la fixation et le centrage de la cupule, de répartir l’appui sur le pourtour de l’acétabulum, de compenser éventuellement une perte de substance osseuse segmentaire peu étendue, d’assurer la fixation des allogreffes et éventuellement de réaliser l’ostéosynthèse d’une pseudarthrose ou discontinuité pelvienne. Le scellement de la cupule dans l’anneau de soutien peut se faire avec une orientation différente de la position de l’anneau, ce qui permet d’avoir une position optimale et stable de la reconstruction par l’anneau et également une position optimale de la cupule pour assurer une bonne stabilité de la hanche [40].
Différents types d’anneaux de soutien ont été mis au point : anneaux de soutien à appui périphérique, anneaux disposant d’un crochet obturateur, anneaux anti-protrusion avec un appui ischiatique et un appui iliaque par une ou deux pattes vissées (figure 8 a, d).
L’anneau de soutien de Muller a un appui périphérique ; il permet une fixation par vissage endoacétabulaire et périphérique surtout dans le toit et la colonne postérieure mais ne peut seul assurer l’ostéosynthèse d’une fracture de l’acétabulum. Il est recommandé d’avoir un contact supérieur, postérieur et inféro-médial, ce qui confère une stabilité relative à l’anneau avant même de le visser [7]. Garbuz souligne le caractère fondamental d’une fixation par les vis dans l’os receveur [23]. Notre expérience nous conduit à fixer l’anneau par un minimum de 4 vis, 5 idéalement. L’anneau de soutien permet de protéger une allogreffe si elle est utilisée et ainsi évite la migration supérieure de l’implant et l’incidence des descellements aseptiques (figures 9 a, b et 10 a, b) [25, 54].
Les anneaux à crochet obturateur sont principalement représentés par l’anneau de Ganz (figure 11) [24] et par l’anneau de Kerboull (ou croix de Kerboull) (figure 12) [34]. Ils permettent un meilleur centrage de la cupule. La croix de Kerboull dispose, en outre, d’une palette supérieure qui est vissée dans la partie basse de l’aile iliaque, ce qui nécessite toutefois un abord un peu plus extensif, en ruginant la fosse iliaque externe. Les vis fixées dans la platine doivent avoir – autant que faire se peut – une direction horizontale et la platine ne doit pas être en principe déformée. Cette recommandation de Kerboull doit être respectée pour optimiser le positionnement et la fixation du matériel. Il est par ailleurs indispensable que le crochet soit effectivement fixé au niveau du trou obturateur, ce qui nécessite un abord suffisant et un repérage précis des bords de l’acétabulum, parfois difficile, surtout en cas de migration supérieure. Ces systèmes permettent en théorie de traiter une fracture associée de l’acétabulum mais avec une fixation un peu précaire lorsqu’ils sont utilisés seuls [45].