Chapitre 9 – Item 256. Lésions dentaires et gingivales
Plan du chapitre
Rappels anatomiques et physiologiques
Rappel anatomique
Physiopathologie de l’infection dentaire
Lésions dentaires
Carie
Pulpopathie
Parodontites
Principes du traitement
Lésions gingivales, ou parodontopathies
Gingivite tartrique
Gingivite ulcéronécrotique
Gingivite odontiasique
Hypertrophies gingivales
Complications principales, régionales et à distance des foyers infectieux dentaires et gingivaux
Sinusite maxillaire d’origine dentaire
Cellulites faciales
Thrombophlébites faciales et cranio-faciales
Complications générales
Diagnostiquer les principales lésions dentaires et gingivales.
Rappels anatomiques et physiologiques
Rappel anatomique
À la description classique de la dent, formée d’une couronne, d’une racine et creusée d’une cavité pulpaire, s’est substitué le concept plus large d’organe dentaire. Cet organe dentaire est formé de l’odonte (ou dent anatomique) et de ses tissus de soutien, ou parodonte (fig. 9.1).
Figure 9.1 |
Odonte
OdonteL’odonte est constitué de trois éléments : l’émail, la dentine et la pulpe.
ÉmailL’émail est une substance très dure, acellulaire, formée de prismes minéraux (calcium et phosphate sous forme de cristaux d’hydroxyapatite) à partir d’une matrice organique. La salive est un élément majeur de protection de l’émail en tamponnant l’acidité endogène et exogène.
DentineLa dentine est le constituant principal de l’odonte. Elle participe à la constitution des deux unités anatomiques de la dent, la couronne et la racine :
• Couronnela couronne, intraorale, où la dentine est recouverte par l’émail ;
• Racinela racine, intraosseuse, où la dentine est recouverte de cément.
Entre couronne et racine, le Colletcollet de la dent est serti par l’attache épithélioconjonctive de la gencive (joint d’étanchéité vis-à-vis du milieu buccal).
La Pulpe dentairepulpe dentaire, tissu conjonctif bordé par les odontoblastes, comporte un axe vasculonerveux terminal pénétrant par les orifices apicaux de la dent. L’innervation est fournie par les branches terminales du nerf trijumeau (V2 pour les dents maxillaires, V3 pour les dents mandibulaires).
Parodonte
ParodonteAppareil de soutien de la dent, le parodonte est formé par quatre éléments : la gencive, le desmodonte, le cément et l’os alvéolaire.
La gencive comprend deux parties : le chorion qui, à son tour, est recouvert d’un épithélium.
Le Desmodontedesmodonte (ou ligament alvéolodentaire ou périodonte) est un véritable appareil suspenseur et amortisseur de la dent. Siège de la proprioception, il est formé de nombreux trousseaux fibreux unissant le cément radiculaire à l’os alvéolaire.
Le Cémentcément, sécrété par les cémentoblastes, est une substance ostéoïde adhérant à la dentine radiculaire.
Os alvéolaireL’os alvéolaire comprend un rebord d’os spongieux entouré de deux corticales. Creusé d’alvéoles, il est tapissé par une couche d’os compact, la lamina dura, structure modifiée en radiologie dans certaines pathologies (hyperparathyroïdie). Cet os alvéolaire qui supporte les dents « naît et meurt » avec elles.
Le sillon gingivodentaire (sulcus) sépare la gencive libre de la couronne dentaire. Sa profondeur varie selon les dents et leurs faces de 0,5 à 2 mm. Son fond est occupé par une attache épithélioconjonctive, véritable barrière entre le parodonte profond et la flore buccale.
Physiopathologie de l’infection dentaire
Les lésions dentaires et parodontales peuvent aboutir à la formation de foyers infectieux. Deux voies sont possibles pour les bactéries (fig. 9.2).
Figure 9.2 |
Voie endodontique
Carie de l’émail (I) → Carie de la dentine (II) → Pulpite (III) → Parodontite apicale d’origine endodontique (IV) → Complication infectieuse.
Voie sulculaire (ou parodontale) marginale
Parodontopathie → Nécrose pulpaire → Complication infectieuse.
Lésions dentaires
Carie
Définition
La carie représente une des premières affections mondiales. Il s’agit d’une protéolyse microbienne (souvent due à Streptococcus mutans) de l’émail et de la dentine liée au développement et à la stagnation de la plaque dentaire.
Étiologie
Le milieu buccal rassemble les conditions idéales pour la vie microbienne (humidité, température, etc.). La flore est constituée d’une association de germes aérobies et de germes anaérobies. Ce sont souvent des germes commensaux non pathogènes, mais certains sont opportunistes, devenant pathogènes lors de conditions favorisantes (Streptococcus, Peptostreptococcus, Bacteroides, etc.). La virulence des germes peut être exacerbée par l’altération de l’état général, la mauvaise hygiène buccodentaire, le tabac, l’hyposialie, etc.
Clinique
Plusieurs formes cliniques sont distinguées (fig. 9.3).
Figure 9.3 |
Carie de l’émail
La carie de l’émail est asymptomatique ou peut se traduire par une réaction exacerbée aux tests thermiques. On retrouve souvent une simple rugosité à l’inspection et au sondage : le premier stade est représenté par la tache blanche, le deuxième par la tache brune.
Carie de la dentine (dentinite)
L’atteinte de la dentine est marquée par une douleur brève, plus ou moins modérée, inconstante et localisée à la dent. Cette douleur est provoquée par le froid et le chaud, les aliments sucrés ou acides. L’examen met en évidence une cavité laiteuse ou claire ou une lésion gris noirâtre ou brune dans laquelle on peut enfoncer une sonde dentaire, qui rencontre une dentine ramollie. Les tests de vitalités montrent une vitalité pulpaire conservée avec une douleur localisée à la dent (test avec microcourant électrique avec un pulp-tester).
Paraclinique
Le cliché rétroalvéolaire et le panoramique ou orthopantomogramme dentaire montrent la lésion carieuse sous forme d’une lacune radio-transparente et permettent surtout l’exploration parodontale et apicale (granulome ou kyste péri-apical).
Évolution
En l’absence de traitement, elle se fait vers une inflammation de la pulpe dentaire, ou pulpopathie. Si la dent n’est pas traitée, l’évolution — qui peut être lente ou rapide — se fait vers la carie pénétrante de la pulpe, entraînant des pulpopathies.
Pulpopathie
Pulpite aiguë
PulpiteLa pulpite aiguë fait suite à la dentinite. Il s’agit de l’inflammation de la pulpe dentaire (paquet vasculonerveux) contenue dans le canal dentaire. Elle est réversible lorsque le traitement adéquat est rapidement mis en place. Elle devient irréversible lorsqu’il y a nécrose de la pulpe dentaire. On aboutit à la mortification dentaire. Sur le plan clinique, il existe une douleur spontanée, continue, violente et mal localisée.
Pulpite chronique
Une pulpite aiguë peut aboutir à la chronicité si le traitement odontologique adéquat n’a pas été mis en place. Sur le plan clinique, généralement, il n’y a pas de douleur, mais elle peut être déclenchée par la mastication. L’examen endobuccal met en évidence une lésion ulcérative profonde de la dent ou une lésion hyperplasique (montrant un polype pulpaire). Les tests de vitalité, le plus souvent négatifs, traduisent une nécrose ou gangrène pulpaire.
Parodontites
ParodontitesIl s’agit des atteintes inflammatoires du parodonte. C’est le stade local de la diffusion de l’infection dentaire dans l’organisme.
Desmodontite (périodontite ou monoarthrite dentaire)
DesmodontiteLa desmodontite est définie comme une inflammation du ligament alvéolodentaire, ou desmodonte. Elle peut faire suite, mais non exclusivement, à une pulpite ayant entraîné une mortification dentaire. Elle peut être aiguë ou passer à la chronicité.
Desmodontite aiguë
La desmodontite aiguë se manifeste cliniquement par une douleur spontanée, lancinante, pulsatile, permanente avec recrudescence nocturne continue, avec une irradiation régionale (dans le territoire du nerf trijumeau), majorée par le chaud, le décubitus et la percussion axiale. Elle siège sur une dent souvent légèrement mobile. Cette douleur peut être minorée par le froid. L’interrogatoire peut retenir la sensation d’une « dent longue » ou « élastique » (douleur provoquée par le contact de la langue ou de la dent antagoniste). L’examen endobuccal met souvent en évidence une carie hyperdouloureuse et une inflammation locale. Les tests de vitalité pulpaires sont négatifs car la dent est mortifiée.
En l’absence de traitement, l’évolution se fait vers la chronicité ou la suppuration parodontale avec signes généraux.
Desmodontite chronique
La desmodontite chronique est non algique. À l’examen clinique endobuccal, il existe souvent une dyschromie dentaire et, quelquefois, une voussure palatine ou mandibulaire et/ou une fistulisation. Les tests de vitalité sont négatifs.
Les clichés radiographiques standards (clichés rétroalvéolaires, panoramique dentaire) montrent un épaississement du ligament alvéolodentaire.
Granulomes et kystes apicaux dentaires
Il s’agit de l’atteinte osseuse alvéolaire située au contact de l’apex dentaire avec formation d’un tissu de granulation pouvant contenir des germes (foyer infectieux latent). Par définition, une lacune osseuse de moins de (ou égale à) 5 mm est dénommée granulome et une lacune osseuse de plus de 5 mm est dénommée kyste. Ils sont l’évolution de la carie ou de la desmodontite.
Le panoramique dentaire (ou des clichés rétroalvéolaires) montre une ostéite radio-transparente localisée autour de l’apex, dénommée granulome ou Kyste(s)apicalkyste apical en fonction de la taille (fig. 9.4).
Figure 9.4 |
Principes du traitement
Prévention
C’est la partie la plus importante pour éviter ou diminuer les infections dentaires. L’hygiène buccodentaire fait appel à un brossage dentaire postprandial dès l’âge de deux ou trois ans, à la réduction de la consommation des sucres cariogènes (surtout en dehors des repas), à la fluoration (pour les enfants et les patients irradiés) et au contrôle régulier de l’état dentaire.
Curatif
Le traitement des caries, même des dents déciduales, doit être systématique. La conservation dentaire est envisagée. Tout abcès doit être traité.
L’antibiothérapie y est associée dès le stade de pulpite.
Le traitement antalgique n’est pas à négliger, car il s’agit souvent de pathologies très algiques. Il ne faut donc pas hésiter à utiliser des antalgiques de classes II et III.
L’emploi d’anti-inflammatoires seuls et sans antibiothérapie à visée antalgique n’est pas conseillé. Les anti-inflammatoires masquent les signes de l’inflammation.
Lésions gingivales, ou parodontopathies
ParodontopathiesLes parodontopathies sont des maladies inflammatoires d’origine bactérienne affectant les tissus de soutien de la dent. Selon le tissu concerné, il s’agit de : Gingivitegingivite (gencive), parodontite (cément et desmodonte), alvéolyse (os alvéolaire) (tableau 9.I).
Douleur | Inspection | Vitalité | Percussion | Diagnostic |
---|---|---|---|---|
Absente | Tache blanche | Normale | Normale | Carie de l’émail réversible (stade I) |
Tache brune | Carie de l’émail irréversible (stade II) | |||
Provoquée Cédant à l’arrêt de la stimulation | Dentine altérée | Tests douloureux | Indolore, sonorité claire | Carie de la dentine (stade III) |
Spontanée ou provoquée Pulsatile | Cavité carieuse profonde | Tests très douloureux | Transversale douloureuse | Pulpite, ou « rage de dent » (stade IV) |
Spontanée, augmente au contact, continue Impression de dent longue | Cavité carieuse profonde, mobilité douloureuse de la dent, œdème gingival | Absente | Axiale douloureuse | Parodontite apicale aiguë (stade V) |
Modérée ou absente | Légère mobilité | Absente | Ébranlement perçu dans la région apicale | Parodontite apicale chronique |
Douleurs à type d’agacement et gingivorragies | Gencives rouges, œdématiées, mobilité dentaire, rétraction gingivale | Normale (sauf en phase terminale) | Plus ou moins douloureuse | Parodontite d’origine sulculaire |