9: Fractures du col du fémur : traitement des pseudarthroses

9 Fractures du col du fémur : traitement des pseudarthroses




Traduction : Thomas Rousseau


La pseudarthrose est une complication assez fréquente des fractures du col du fémur. Elle peut être la conséquence d’un défaut de réduction de la fracture, d’un échec de l’ostéosynthèse, d’un facteur biologique défaillant ou d’une infection. La vascularisation du col et de la tête est précaire ; c’est probablement la raison pour laquelle ces fractures ont un faible potentiel de consolidation. La nécrose aseptique de la tête fémorale est l’autre complication désastreuse pouvant s’associer à cette fracture. Ces fractures ont longtemps été considérées comme une urgence orthopédique, nécessitant une prise en charge chirurgicale immédiate pour éviter ces complications. Les fractures déplacées du col du fémur sont peu fréquentes (seulement 3 % des fractures de l’extrémité supérieure du fémur) chez l’adulte jeune (c’est-à-dire avant 60 ans). C’est la raison pour laquelle il est difficile d’obtenir des études avec une puissance suffisante pour déterminer le délai chirurgical ayant une influence sur le taux de complications1,2.


Ces fractures surviennent plus fréquemment chez les patients âgés ; cependant, l’épidémiologie, le mécanisme lésionnel, le taux de complications et les options thérapeutiques sont différents dans cette tranche d’âge. Chez les patients âgés, le taux de pseudarthroses de fractures du col du fémur est d’environ 18,5 % contre 8 % chez les patients jeunes3,4. Bhandari et al. ont mené une méta-analyse (niveau de preuve 1) portant sur la prise en charge des fractures du col du fémur chez les sujets âgés. Dans cette étude, les auteurs rapportent des taux de reprise chirurgicale significativement moins importants en cas d’arthroplastie comparativement aux ostéosynthèses3. L’arthroplastie expose néanmoins à des temps d’intervention plus longs, des pertes sanguines plus importantes, des taux d’infection plus élevés et des taux de mortalité précoce (≤ 4 mois postopératoires) passablement plus importants. Même s’il existe des controverses quant à la prise en charge précoce de ces fractures, il est généralement recommandé de réaliser un traitement conservateur chez les patients jeunes présentant une pseudarthrose du col fémoral. Chez des patients âgés, cette complication peut être traitée par arthroplastie totale de hanche.


Ce chapitre aborde les techniques chirurgicales pour le traitement conservateur des pseudarthroses du col fémoral et la prise en charge par arthroplastie des échecs du traitement conservateur. La prise en charge conservatrice des pseudarthroses cervicales inclut les ostéotomies fémorales proximales de valgisation et les greffes osseuses. Nous traiterons de la planification préopératoire, des techniques chirurgicales, des complications majeures et des résultats de la littérature de ces interventions.



Diagnostic et évaluation préopératoire


Les facteurs qui contribuent à la pseudarthrose d’une fracture du col fémoral sont : l’artérite et l’insuffisance vasculaire, un défaut de réduction (c’est-à-dire la persistance d’un coxa vara), une fracture du col fémoral à comminution postérieure et une ostéosynthèse interne inadéquate57. En général, plus le patient est âgé, plus la fracture est déplacée, plus le risque de pseudarthrose est élevé8. Selon certains auteurs, l’orientation verticale du trait de fracture du col fémoral serait source de forces de contrainte conduisant à un taux plus élevé de pseudarthroses. C’est sur ce principe que se fonde la classification de Pauwels. Les fractures de type III sont par exemple les fractures dont les travées osseuses sont orientées à plus de 70° par rapport à l’horizontale9. Une étude a montré que des patients présentant des fractures de type III selon la classification de Pauwels traités par un vissage canulé avaient un risque plus important de pseudarthrose (19 %) que ceux traités par un montage à angle fixe (8 %)10. Ces constatations suggèrent que ces fractures restent malgré tout instables et requièrent une ostéosynthèse interne rigide.


Les fractures du col du fémur semblent se compliquer plus fréquemment de nécrose aseptique de la tête fémorale que de pseudarthrose. La nécrose aseptique de la tête fémorale semble être plus fréquente chez les patients jeunes (environ 25 %) que chez les patients âgés (environ 10 %)1,3,4. Ces observations sont à mettre en relation avec la qualité du traumatisme, qui est fréquemment à haute énergie chez les patients jeunes, et qui implique donc des lésions importantes des tissus mous ainsi qu’une interruption de la vascularisation de la tête fémorale. Il faut toujours être attentif à faire la différence entre pseudarthrose du col et nécrose aseptique. Les douleurs liées aux pseudarthroses du col du fémur surviennent plusieurs mois après la fracture, alors que les douleurs liées à une nécrose aseptique se manifestent de 1 à 2 ans après la fracture. Les radiographies sont utiles pour faire la distinction entre ces diagnostics. Alho et al.11 rapportent quatre signes diagnostiques présents à 3 mois pouvant faire évoquer une pseudarthrose du col fémoral : (1) une modification du trait de fracture de plus de 10 mm, (2) une mobilité des vis de plus de 50 %, (3) un recul des vis de plus de 20 mm, et (4) l’effraction des vis à travers la tête fémorale. Ces quatre signes sont observables dans la figure 9-1 illustrant un cas de pseudarthrose septique. La tomodensitométrie (TDM) reste le meilleur examen pour étudier la qualité de la consolidation fracturaire.



En cas de nécrose aseptique de la tête fémorale, les radiographies restent inchangées jusqu’à un stade avancé de la maladie. Afin d’évaluer la viabilité de la tête fémorale, on peut effectuer une scintigraphie osseuse ou une imagerie par résonance magnétique (IRM). Dans l’année qui suit l’ostéosynthèse de la fracture, la scintigraphie n’a pas montré sa capacité de prédire la survenue d’une nécrose aseptique de la tête fémorale12. À cette période précoce, l’IRM semble être une méthode précise de diagnostic de nécrose septique13. Néanmoins, l’utilisation répandue de matériel d’ostéosynthèse en acier inoxydable empêche l’utilisation de l’IRM pour effectuer le diagnostic de nécrose aseptique. Lorsque l’origine de la douleur est incertaine entre une pseudarthrose et une nécrose aseptique, l’idéal est d’obtenir une TDM afin d’éliminer une pseudarthrose. Si l’on suspecte une pseudarthrose, on peut être amené à effectuer une chirurgie conservatrice avec une ostéotomie de valgisation. Il arrive que survienne une nécrose aseptique de la tête fémorale après une chirurgie conservatrice. On proposera alors une arthroplastie totale de hanche.


Face à une pseudarthrose d’une fracture du col du fémur, il faut toujours envisager une origine infectieuse (voir fig. 9-1). L’interrogatoire du patient recherche d’éventuels signes généraux, et l’inspection s’attache à rechercher des signes d’infection en regard de la cicatrice. Le bilan préopératoire doit comprendre une numération des leucocytes, une mesure de la vitesse de sédimentation, de la protéine C réactive et une ponction de hanche14. Au cours de l’intervention, il faut réaliser des prélèvements tissulaires pour examen anatomopathologique. En cas de suspicion d’infection, on doit procéder à l’exérèse de l’ensemble des tissus morts, des fragments osseux, ainsi que du matériel. Dans la plupart des cas, la tête fémorale apparaît nécrotique et nécessite une résection. On réalise une intervention de Girdlestone, puis on met en place un spacer en ciment. On réalise ainsi le premier temps d’une reprise chirurgicale pour arthroplastie en deux temps (voir fig. 9-1D). Une antibiothérapie intraveineuse adaptée aux résultats des cultures est mise en route pour un minimum de 6 semaines. Avant d’envisager le second temps de la reprise, il faut obtenir une normalisation des tests sanguins : taux de leucotytes, vitesse de sédimentation et protéine C réactive.


Lors du bilan préopératoire, il faut rechercher des pathologies médicales pouvant influencer la consolidation osseuse. On effectue une évaluation du statut nutritionnel, de l’équilibre diabétique, de la consommation tabagique. Chez un patient présentant une pseudarthrose du col fémoral, il faut être sûr d’avoir écarté tout processus néoplasique sous-jacent. Il existe certaines tumeurs osseuses primitives, comme les tumeurs à cellules géantes et les chondrosarcomes, qui ont une proportion à venir se fixer sur le col du fémur et l’épiphyse cervicale. Chez les patients âgés, on doit éliminer une lésion métastatique (pouvant être une localisation secondaire d’un cancer du sein, du poumon, de la prostate, du rein ou de la thyroïde). Ce diagnostic peut être évoqué notamment en cas de survenue d’une fracture sur un traumatisme à faible énergie. Lorsqu’une étiologie néoplasique est évoquée, il convient de réaliser une biopsie avant d’entreprendre tout autre geste chirurgical.



Chirurgie conservatrice


La chirurgie conservatrice de l’extrémité supérieure du fémur n’est envisagée que chez les patients jeunes. De la même manière que les pseudarthroses surviennent sur d’autres sites fracturaires, il faut envisager que les fractures du col fémoral sont le résultat d’un environnement biologique et mécanique défavorable. La zone du col fémoral est soumise à de fortes contraintes mécaniques. Au moment de l’initiation de la marche, le col fémoral subit 2 à 3 fois le poids du corps. Celui-ci agit comme une arche transférant de grandes forces de compression depuis le calcar jusqu’à la diaphyse fémorale. Les fractures du col du fémur sont le résultat d’une rupture de cette arche avec le transfert du poids du corps selon des forces de cisaillement le long du site fracturé. La survenue de forces de cisaillement à n’importe quel site fracturaire conduit à une pseudarthrose, alors que des forces de compression favorisent la consolidation. En réalisant une ostéotomie valgisante, on souhaite traiter la pseudarthrose en améliorant des conditions mécaniques locales défavorables.


D’un point de vue biologique, l’environnement du col du fémur reste, lui, un véritable défi. Le col du fémur est une structure intracapsulaire appartenant à l’articulation coxofémorale ; il ne reçoit donc pas de vascularisation des tissus musculaires avoisinants comme c’est le cas au niveau de la diaphyse. Des études cadavériques injectées ainsi que l’utilisation de scanner avec des radio-isotopes ont montré que l’origine de la vascularisation de la tête et du col du fémur était mixte : elle était assurée par une vascularisation extraosseuse et intraosseuse15,16. La majeure partie de la vascularisation extraosseuse de la tête du fémur provient de l’artère circonflexe fémorale médiale et de ses branches de division (inférieures, postérieures et supérieures). Dans une majorité de la population, l’artère du ligament rond n’apporte qu’une quantité négligeable du volume nécessaire à la vascularisation de la tête fémorale. En cas de fracture déplacée du col du fémur, la majeure partie de la vascularisation de la tête et du col dépend du réseau extraosseux provenant des branches de division de l’artère fémorale circonflexe médiale. Certaines interventions chirurgicales ont été développées afin d’améliorer l’environnement biologique. Elles consistent à réaliser une greffe osseuse au niveau du foyer de pseudarthrose du col fémoral.



Préservation de la tête du fémur par une ostéotomie fémorale proximale de valgisation


Les patients jeunes présentant une pseudarthrose du col du fémur sont les candidats à des ostéotomies de valgisation. L’objectif de cette intervention est d’améliorer les conditions biomécaniques au niveau du site fracturaire. Cela consiste en une réorientation de la zone fracturée perpendiculairement aux lignes de force. Pauwels a montré que les forces traversant la hanche (il s’agit de la somme des vecteurs liés à la gravité et aux forces d’abduction de la hanche) sont représentées par un vecteur réalisant un angle d’environ 16° environ par rapport à la verticale17. Le foyer de fracture doit donc être placé à 16° par rapport à l’horizontale pour être orienté perpendiculairement à ce vecteur de forces. Sur le plan pratique, la planification d’une ostéotomie s’effectue de manière à obtenir un angle de 30° au minimum entre l’horizontale et l’axe de la fracture cervicale. L’objectif est d’obtenir un taux élevé de consolidation18.


Afin de réaliser l’ostéotomie de valgisation, nous utilisons une ostéosynthèse par vis-plaque (voir-ci dessous) ; nous n’utilisons pas de lame-plaque. Il a bien été établi dans la littérature que dans ces cas précis l’utilisation d’une vis-plaque peut se justifier1921. Il s’agit d’un dispositif largement utilisé dans la chirurgie traumatologique et probablement plus familier à la plupart des chirurgiens qu’une lame-plaque.


La réalisation d’une ostéotomie de valgisation nécessite une planification rigoureuse. Celle-ci s’effectue sur des radiographies de hanche de face de qualité. On mesure l’angle cervicodiaphysaire (la ligne orange sur la fig. 9-2A) et l’angle réalisé entre la fracture et l’horizontale (ligne en pointillés rouge sur la fig. 9-2A). Comme on peut l’observer sur la figure 9-2A, l’angle cervicodiaphysaire est de 120° et l’angle formé entre la fracture et l’horizontale de 50°. Une ostéotomie fémorale proximale de fermeture à 35° (ligne en pointillés jaune à la fig. 9-2A) permet une réaxation du trait de fracture à environ 15° par rapport à l’horizontale. Le sommet de cette ostéotomie doit finir à la base du petit trochanter. Cela permet d’obtenir une ostéotomie suffisamment proximale pour être en zone métaphysaire (favorisant la consolidation) et suffisamment distale pour permettre une grande ostéosynthèse par vis-plaque. L’ostéotomie illustrée dans la figure 9-1A a été planifiée de manière à réséquer la corticale externe sur laquelle venaient s’appuyer les vis canulées.


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Jul 2, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 9: Fractures du col du fémur : traitement des pseudarthroses

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