Chapitre 9. Faire face à un stress professionnel
Ce contexte, s’il est primordial, ne résume pas l’ensemble des conditions source de tensions psychiques. La pénibilité du travail peut s’exprimer par des exigences de rendement accru, par un climat hiérarchique source de contraintes, par un sentiment d’incompétence ou de moindre incapacité que des générations plus jeunes, surtout dans le domaine de l’informatique et de la maîtrise des logiciels.
La longue liste des suicides au travail représente la partie la plus visible de la souffrance. Elle concerne des domaines aussi variés que les entreprises d’automobiles, le secteur bancaire, les fonctionnaires de police, les cadres de diverses entreprises. La face plus cachée concerne les troubles musculo-squelettiques avec douleurs multiples, les maladies coronariennes et le risque d’infarctus, les addictions tabagiques et à l’alcool.
Enfin, peuvent se diagnostiquer des gastrites, des maladies cutanées ou des migraines comme symptômes majeurs du stress au travail.
Dans ce contexte où existe une surtension professionnelle, surviennent des accidents du travail ou des conflits humains qui rendront le contexte professionnel encore plus difficile.
Tous ces contextes aboutissent, quand ils sont reconnus par la personne, à une demande d’écoute et de soutien. Cette évolution peut survenir à différents moments ; parfois, elle est anticipée, parfois elle arrive lorsque des événements graves, physiques ou mentaux sont déjà installés.
Trois grands aspects méritent d’être soulignés :
• Quelles plaintes et quelles demandes ?
• Pourquoi poser certaines questions ?
• Quel mélange entre le contexte du travail et l’histoire personnelle d’un sujet ?
Quelles plaintes et quelles demandes ?
Les plaintes représentent une interface ; il s’agit de symptômes exprimés à un professionnel de santé avec l’idée de soulager et parfois les décoder. Le fait de décoder consiste à retrouver une demande sous-jacente. Si l’on débute par les plaintes, cela souligne que le mode d’entrée est le plus souvent celui d’une souffrance.
Les plaintes
Dans la plupart des cas, les sujets expriment une modification de leur caractère sous la forme d’une colère ou d’une irritabilité. Parfois, se manifestent des signes du registre de l’anxiété : une appréhension, des contractures musculaires, des moments d’angoisse, le recours à des calmants, au tabac ou à l’alcool. Des symptômes appartenant à la lignée dépressive constituent d’autres modalités de la plainte : fatigue, insomnies, sentiment d’incapacité ou dévalorisation. Ces plaintes ne possèdent pas de spécificité particulière ; elles expriment un mal-être, elles soulignent une difficulté d’adaptation au contexte professionnel ambiant. Derrière ces plaintes se dévoile une demande dont les termes ne s’expriment pas toujours avec netteté.
La demande
Le conflit sur les lieux du travail représente une des demandes de soutien habituelle. Ce conflit peut concerner des collègues dont on ne comprend pas l’attitude, dont on estime qu’ils ne réalisent pas leur charge de travail ou plus simplement, pour une mésentente aiguë ou chronique. Lorsque le conflit s’est établi avec un supérieur hiérarchique, il peut prendre la forme d’un sentiment de non-reconnaissance du travail effectué. Dans d’autres cas, les exigences paraissent trop sévères ou insurmontables. Certains conflits avec des supérieurs remettent en question le caractère et le comportement de ce dernier : colérique, insultant, disqualifiant. La notion de harcèlement professionnel est bien distincte de celle des exigences professionnelles. Celui qui harcèle, remet en question profondément les compétences ; il exerce une action corrosive ; il devient blessant et insultant sans raison.
Les menaces de licenciementlicenciement induisent une souffrance d’autant plus importante que le niveau de qualification du sujet est faible et que ses possibilités de reconversion apparaissent limitées. Le licenciement renforce l’insécurité ; il ouvre un abîme de difficultés, d’autant plus que le sujet est ligoté par des prêts, des emprunts, ou des obligations familiales. Si les licenciements collectifs restent douloureux, les licenciements liés aux tranches d’âge sont souvent mal vécus. On est licencié parce qu’on fait partie des plus jeunes ou des plus vieux. La souffrance du licenciement peut être augmentée par le vécu que l’on a beaucoup donné à son entreprise ; ce sentiment du sacrifice ou des efforts consentis non reconnus entraîne une souffrance nette.
La pression professionnelle définit une autre forme de souffrance. Cette pression est issue des cadences de travail, des exigences de l’entreprise et parfois des sentiments d’être taillable et corvéable à merci. Cette pression permanente concerne la tyrannie des courriels ou des mails auxquels on a le sentiment qu’il faut répondre sur l’instant. Elle peut toucher les laisses électroniques représentées par les ordinateurs et téléphones mobiles de fonction. Ces laisses électroniqueslaisses électroniques vous maintiennent en permanence en contact avec l’entreprise. Les organisations de travail exposent à des tensions : les open spaces vous placent en permanence sous le regard d’autrui, la flexibilité des horaires peut amener à la disparition complète des horaires de travail.
Certains de ces aspects peuvent être intégrés dans des discussions professionnelles ou dans de moments syndicaux. Mais dans de petites entreprises ou à l’inverse dans des entreprises internationales, ils sont écrasés par d’autres aspects du contexte.