9 Classe des Angiospermes ou Plantes à ovaires
Caractères généraux des Angiospermes
C’est une classe36 immense (fig. 9.18) comprenant 266 800 espèces connues groupées en 410 familles réparties en 58 ordres et dont la morphologie – arbres, arbustes, herbes… – est des plus variables.
À l’échelle du globe, exceptées quelques zones de végétation particulières (forêt de Conifères des régions froides, Lichens et Mousses des toundras, forêt tropicale à fougères arborescentes…) les Angiospermes sont partout dominantes depuis le début de l’ère tertiaire.
Les Angiospermes, par rapport aux Gymnospermes, sont fondamentalement définies par trois caractères :
les organes reproducteurs se groupent en fleurs bisexuées ;
l’ovaire et le fruit : les écailles ovulifères ou carpelles (du grec karpos : fruit) forment un ovaire entourant complètement les ovules – d’où le nom d’Angiospermes donné à cette classe (du grec aggeion, petite urne) – et, après la fécondation, se transforment en fruit ;
le gamétophyte femelle, situé dans l’ovule et appelé sac embryonnaire, est le siège d’une double fécondation, l’une, classique, à l’origine de l’embryon, l’autre à l’origine de l’albumen, tissu de réserve des graines.
Appareil végétatif
Le xylème se différencie en vaisseaux à rôle conducteur et en fibres à rôle de soutien. Les vaisseaux sont rayés, réticulés, ponctués et leurs cloisons transversales disparaissent, permettant une circulation continue de la sève : de tels vaisseaux sont dits parfaits (en fait les plus jeunes vaisseaux, annelés ou spiralés, gardent leurs cloisons transversales et sont « imparfaits » comme ceux des ptéridophytes et des Gymnospermes).
Le phloème différencie, en plus des tubes criblés, des cellules compagnes.
La ramification est toujours latérale, non dichotomique : chaque rameau est alors axilé par une feuille modifiée ou bractée (souvent caduque).
L’accroissement en largeur se fait par le jeu de méristèmes secondaires, comme chez les Gymnospermes.
Les formes herbacées et annuelles sont nombreuses, avec pour conséquence une maturité sexuelle plus rapide (les arbres ne produisent des graines qu’au bout de plusieurs années), ce qui permet une reproduction accélérée de l’espèce et, par la suite, un brassage des combinaisons génétiques favorables à l’apparition de variétés ou même d’espèces nouvelles. C’est là un phénomène proche de la néoténie et correspondant à la possibilité de reproduction d’organismes juvéniles. Ces perfectionnements se concrétisent finalement par une extrême diversification des formes : des plantes bulbeuses aux plantes cactiformes, des plantes en coussinets aux troncs de plus de 100 m des Eucalyptus, des lianes de plus de 300 m de long aux herbes et aux plantes flottantes, tous les types se rencontrent chez les Angiospermes.
Appareil reproducteur
Inflorescence
Les fleurs se groupent en inflorescence, dont on distingue deux types fondamentaux :
la grappe et ses variétés (fig. 9.1 de 1 à 6) dont l’axe principal ne porte généralement pas de fleur (inflorescence indéfinie) ;
la cyme (fig. 9.1 de 7 à 10) où une fleur termine chaque fois l’axe principal (inflorescence définie).
Fig. 9.1 Inflorescences.
De 1 à 6 inflorescences indéfinies : le bourgeon terminal ne produit généralement pas de fleur puis cesse la croissance de l’axe. Les pédicelles (axes secondaires portant les fleurs) proviennent donc de bourgeons latéraux. En 1, épi ; en 2, grappe ; en 3, corymbe ; en 4, ombelle, en 5 et 6, capitules. De 7 à 10, inflorescences définies : l’axe primaire porte une fleur qui occupe l’extrémité de celui-ci et se différencie la première. Des pédicelles naissent à l’aisselle des bractées de l’axe primaire ; ils se comportent à leur tour comme l’axe primaire et ainsi de suite. La floraison, dans ce type d’inflorescence, contrairement au précédent, progresse du centre vers la périphérie. En 7, cyme multipare ; en 8, cyme bipare ; en 9, cyme unipare hélicoïde ; en 10, cyme scorpioïde38 (pd et pd’, pédoncule et pédicelle ; fl, fleur ; br, bractée-mère ; inv, involucre de bractées.
Le passage d’une tige à développement végétatif (elle forme alors indéfiniment des bourgeons à l’origine de nouvelles ramifications végétatives) à l’inflorescence (les bourgeons se transforment en fleurs) est sous dépendance génétique. Les mutants floricaula l (flo-I) et mère l (ap-l) isolés chez l’Arabette et le Muflier sont caractérisés par le remplacement des fleurs à l’aisselle des bractées par des pousses à croissance indéfinie qui présentent à leur tour des bractées axillant d’autres pousses et cela indéfiniment. Au contraire chez le mutant centroradialis (Muflier), une fleur termine la grappe. Le phytochrome, pigment récepteur de la lumière, intervient dans l’activation des gènes.
Fleurs
Chaque fleur est reliée à l’axe de l’inflorescence par un pédicelle. La figure 9.2 (coupe florale) permet de définir la région inférieure de la fleur, située du côté de la bractée et la région adossée à l’axe ou région supérieure. Les organes sexuels sont groupés en fleurs bisexuées au sommet du pédicelle floral plus ou moins élargi (fig. 9.2) en réceptacle :
Fig. 9.2 Organisation de la fleur.
(br, bractée ; pd, pédicelle ; S, sépales ; P, pétales ; E, étamines ; C, carpelles ; ov, ovules ; st, stigmates).
Le réceptacle, peut être bombé en thalamus37, , plan, ou creusé en forme de coupe.
Les carpelles occupent le centre de la fleur : ils forment le gynécée (du grec gunê, femme) ou pistil (du latin pistillus, pilon). Les carpelles restent libres entre eux (apocarpie, du grec apo, éloignement) ou se soudent en un seul organe (syncarpie, du grec sun, avec, ensemble). Autour des carpelles, l’ensemble des étamines constitue l’androcée (du grec andros, mâle). Les étamines sont plus évoluées que celles des Gymnospermes : les 4 sacs polliniques – groupés en deux loges dont l’ensemble est appelé anthères (de anthos : fleur) – sont portés par un filament ou filet.
Gynécée et androcée sont à leur tour protégés par des feuilles ou bractées modifiées, le périanthe, différenciées le plus souvent en deux enveloppes :
à l’extérieur, le calice (du latin calix) comprenant des feuilles transformées, les sépales, généralement verts ;
à l’intérieur, la corolle (du latin corolla, petite couronne) dont les pièces élémentaires ou pétales (en grec petalon) sont généralement de couleurs vives (les sépales alternent généralement avec eux et semblent séparer les pétales d’où le terme de sépale).
L’ensemble est très condensé : c’est une fleur39.
Chez les espèces les plus primitives, les diverses pièces florales sont insérées en hélice : leur nombre est mal fixé et on observe fréquemment des intermédiaires : passage insensible entre feuilles et sépales, entre pétales et étamines.
Chez les espèces évoluées, l’hélice se rompt en un certain nombre de cercles (cycles ou verticilles), tandis que le nombre des pièces florales se stabilise : on parlera d’un calice trimère (à trois pièces), d’une corolle pentamère (à cinq pièces)…
Dans le bouton, les pièces florales sont disposées de différentes façons, selon leur disposition cyclisée (valvaire : bord à bord ; tordue : chaque bord recouvre l’autre (fig. 9.3), spiralée (quinconciale) ou intermédiaire (imbriquée).
Fig. 9.3 Préfloraison quinconciale (a), imbriquée simple (b) et tordue (c).
Dans la préfloraison quinconciale, la plus ancienne, la disposition des pièces selon deux tours de spire correspond au mécanisme de la pentamérisation à partir de deux verticilles (fig. 11.61). Les pièces externes, recouvrantes – 1 et 2 –, apparaissent d’ailleurs souvent les premières dans le bouton floral suivies des pièces 3, 4 et 5. En b et c, la cyclisation se poursuit : dans la préfloraison imbriquée simple une certaine dissymétrie demeure avec une pièce entièrement recouvrante. Dans la préfloraison tordue, la cyclisation est achevée : toutes les pièces sont identiques et apparaissent en même temps. (Le terme de préfloraison s’applique plus spécifiquement aux sépales. Pour les pétales, on utilise le terme d’estivation).
Les fleurs ainsi décrites sont dites « régulières », les pièces florales étant disposées en hélice ou en verticilles au sommet du pédicelle. L’acquisition d’un plan de symétrie bilatérale (le plus souvent vertical, ce qui permet de distinguer une partie dorsale et une partie ventrale) conduit aux fleurs zyzgomorphes (du grec zugos, joug). Quelques rares fleurs (Balisiers, Marronniers…) ne présentant aucun plan de symétrie (ni régulières, ni zygomorphes) sont appellées irrégulières40.
Différenciation florale
Ébauche florale
Le passage du méristème végétatif (qui assure une croissance indéfinie de l’axe qui le porte) au méristème floral (qui en arrête la croissance) résulte du changement des vitesses de croissance de la zone centrale (le dôme) et de la zone périphérique annulaire où s’initient les feuilles :
dans le méristème végétatif en fonctionnement, le rythme de production des feuilles est compatible avec la reconstitution du dôme méristématique après chaque émergence foliaire ;
au contraire, lors du passage à la fleur, la production très rapide des pièces florales envahit le dôme qui n’a plus le temps de se régénérer et disparaît : la fleur termine l’axe.
Différenciation des organes floraux
Les mécanismes mis en jeu commencent à être connus (fig. 9.4). Chez l’Arabette des dames (cf. p. 202), le gène LEAFY (il en existe un analogue chez le Muflier, p. 243) intervient sur la zone b du méristème floral où se différencieront pétales et étamines. Chez le mutant leafy 41, cette zone du méristème se comporte comme dans une tige, c’est-à-dire qu’elle forme des ébauches disposées en hélice.
Fig. 9.4 « Modèle ABC » de la différenciation florale chez l’Arabette et le Muflier.
– la région a correspondant aux verticilles des sépales (S) et pétales (P) ;
– la région b à ceux des pétales et étamines (E) ;
La présence d’une fleur régulière dans la mutation cycloidea du Muflier indique que le passage à une fleur zygomorphe est sous le contrôle du gradient antéro-postérieur d’une protéine induite génétiquement.
Le clonage des gènes a montré que des séquences identiques se rencontrent chez l’Arabette et le Muflier, plantes systématiquement éloignées. Cela indique que ces gènes ont été très conservés au cours de l’évolution.
Par ailleurs les clonages, notamment du gène B du Muflier (gène DEFICIENS) et celui du gène C de l’Arabette (AGAMOUS), ont montré que ces gènes sont à l’origine de facteurs de transcription contenant des séquences analogues à celles de protéines de l’homme (Serum Reponse Factor) et de levure (MCMI), c’est la MADsbox.
Androcée
Au niveau de quatre renflements à l’origine des futurs sacs polliniques de l’étamine, les cellules mères donnent naissance, après réduction chromatique, à un grand nombre de microspores uninucléées qui se transforment en grains de pollen binucléés (fig. 9.9) ; à maturité (fig. 9.5) les sacs polliniques confluent deux à deux : chaque loge ainsi formée s’ouvre par une fente de déhiscence, laissant échapper les grains de pollen que le vent ou les insectes emporteront sur les stigmates de l’ovaire.
Fig. 9.5 Mode de formation et de libération du pollen.
Les cellules mères, aux quatre angles de l’anthère, sont à l’origine de quatre sacs polliniques (confluents deux à deux pour former une loge).
Les grains de pollens ainsi transportés ne sont plus des spores mais déjà un véritable prothalle mâle ; extrêmement réduit, à deux cellules seulement (cellule végétative et cellule reproductrice du grain de pollen) ; l’anthéridie est donc virtuelle.
Chez plusieurs familles évoluées (Apiacées, Astéracées, Poacées…) le pollen contient généralement trois noyaux, c’est-à-dire que, avant même sa dispersion, la cellule reproductrice se divise en deux gamètes.
Gynécée
Le gynécée est formé de carpelles, homologues des écailles ovulifères des Gymnospermes ; il comprend à sa base une partie renflée appelée ovaire contenant les ovules et, au sommet, un style se terminant par un stigmate (fig. 9.6).
Ovaire
Les carpelles restent indépendants chez les espèces les moins évoluées : chacun d’eux se renfle à la base en un ovaire simple, uniloculaire42, par le repliement de la feuille carpellaire autour de ses propres ovules et soudure de ses bords ventraux (fig. 9.6).
Chez les autres espèces, les carpelles se soudent entre eux et se renflent à la base en un ovaire syncarpé. Cette soudure se fait elle-même de deux façons (fig. 9.6) :
soit par soudure de carpelles déjà refermés sur eux-mêmes (fig. 9.6) : il en résulte un ovaire pluriloculaire (du latin plures, nombreux) dont les ovules occupent le centre ; la placentation43 est axiale et l’on dit que l’ovaire est composé de carpelles « fermés ». La paroi, formée par la soudure de 2 carpelles contigus, est appelée cloison ou septum ;
soit, c’est le mode le plus évolué, directement par soudure bord à bord des carpelles restés ouverts (fig. 9.6) : on obtient un ovaire uniloculaire contenant tous les ovules dans une cavité close : ces derniers semblent placés sur les côtés (placentation dite pariétale ; du latin paries, muraille) et l’on dit que l’ovaire est composé de carpelles « ouverts »44.