9 Blocs du membre inférieur
Bloc du nerf fémoral (bloc 3 en 1)
Technique avec repères
Un bloc du nerf fémoral est facile à apprendre et possède un fort taux de succès même entre des mains inexpérimentées. Il est à faible risque de complications et est d’un intérêt clinique significatif aux urgences pour la prise en charge de la douleur après des blessures du fémur, de la face antérieure de la cuisse et du genou. Lorsqu’un bloc du nerf fémoral est utilisé en association avec un bloc du nerf sciatique, on peut obtenir l’anesthésie de la quasi-totalité du membre inférieur au-delà du milieu de la cuisse. Le bloc 3 en 1 fait référence au blocage simultané du rameau antérieur du nerf obturateur, du nerf cutané latéral de la cuisse et du nerf fémoral en une seule injection. Cela est lié à la diffusion médiale et latérale de l’anesthésique local injecté autour du nerf fémoral.
Le nerf fémoral est formé des racines L2, L3 et L4. Le nerf chemine entre les muscles psoas et iliaque et passe profondément sous le ligament inguinal dans la cuisse (figure 9.1). À cet endroit, le nerf fémoral est positionné immédiatement en latéral et légèrement plus profond que l’artère fémorale. L’acronyme NAVY est utile pour garder en mémoire la disposition des structures de latéral vers médial : Nerf, Artère et Veine, avec Y représentant la ligne médiane.
Préparation
Placer le patient en position allongée hanches et genoux en extension.
Tracer à l’aide d’un stylo les repères importants qui sont utilisés pour déterminer le point cible pour l’insertion de l’aiguille (figure 9.2) :
Technique
Préparer le champ en nettoyant la peau avec une solution antiseptique et mettre en place des champs stériles.
Identifier la zone pour l’insertion initiale de l’aiguille – un point immédiatement latéral au pouls fémoral au niveau du pli fémoral ou au niveau du ligament inguinal (figure 9.3A,B).
Faire une papule d’anesthésique local au niveau du point d’insertion de l’aiguille.
Piquer la peau au niveau du point de ponction avec une aiguille pour bloc de 25 ou de 50 mm. Avancer l’aiguille postérieurement et légèrement en supérieur.
Si un neurostimulateur est utilisé, insérer l’aiguille suivant la même technique. Une stimulation appropriée doit engendrer une contraction du quadriceps avec un mouvement de la patella. En l’absence de réponse patellaire, on peut obtenir une contraction du muscle sartorius.
Aspirer. Si aucun reflux sanguin n’est obtenu, injecter 20 à 30 ml d’anesthésique local lentement en aspirant de façon régulière. Une injection lente augmente la réussite des blocs et diminue les complications. En cas de résistance à l’injection, d’apparition de paresthésies sévères ou de douleurs avec sensation de crampe au moment de l’injection initiale, retirer l’aiguille de 1 ou 2 mm pour éviter l’injection intraneurale. Pour un bloc 3 en 1, il faut utiliser un volume d’anesthésique plus important.
L’application d’une pression ferme avec les doigts, distale par rapport à l’injection pendant plusieurs minutes, augmente la diffusion proximale, médiale et latérale de l’anesthésique local et augmente les chances d’obtenir un bloc 3 en 1.
Ce bloc fonctionne bien avec de faibles volumes d’anesthésique local, mais des volumes plus importants augmentent la probabilité d’avoir un bloc du nerf cutané latéral de la cuisse, avec comme résultat l’anesthésie de la face antérolatérale de la cuisse.
Technique avec échoguidage
L’utilisation de l’assistance échographique pour le bloc du nerf fémoral augmente le taux de réussite qui passe de 80 % avec la technique à l’aveugle ou avec neurostimulateur à 95 %. Avec l’échographie, il n’est pas nécessaire d’utiliser la neurostimulation.
Préparation
Placer le patient en position allongée hanches et genoux en extension.
Utiliser une sonde linéaire haute fréquence (10 à 15 MHz idéalement) et sélectionner les préréglages appropriés.
Identifier la région qui doit être balayée – la zone entre le ligament inguinal et le pli fémoral.
Effectuer un balayage préliminaire non stérile afin d’identifier les éléments anatomiques importants et afin d’optimiser l’image par l’ajustement de la profondeur de champ (entre 20 et 30 mm), la focale et le gain. Marquer la position idéale de la sonde sur la peau à l’aide d’un stylo si nécessaire.
Préparer le champ en nettoyant la peau avec une solution antiseptique et mettre en place des champs stériles. Couvrir la sonde avec une gaine stérile et appliquer un gel pour ultrasons sur la zone située entre le ligament inguinal et le pli fémoral.
Technique
Approche dans le plan
Identifier la position du nerf fémoral dans son axe transversal en une zone pratique pour le bloc.
Faire une papule d’anesthésie locale sous-cutanée au niveau du point de ponction avec une aiguille de 27 G.
Insérer une aiguille pour anesthésie locorégionale de 25 à 50 mm et de 22 G sur le côté latéral de la sonde d’échographie.
Avancer l’aiguille en direction du bord du nerf tout en la visualisant sur l’intégralité de sa longueur en temps réel (figure 9.6).
Le nerf cutané latéral de la cuisse peut être bloqué séparément après avoir bloqué le nerf fémoral.
Approche en dehors du plan
Identifier la position du nerf fémoral dans son axe transversal en une zone pratique pour le bloc.
Aligner les nerfs à bloquer au centre de l’écran. L’insertion de l’aiguille doit correspondre exactement au centre de la sonde.
Faire une papule d’anesthésie locale sous-cutanée au niveau du point de ponction avec une aiguille de 27 G.
Insérer une aiguille pour anesthésie locorégionale de 25 à 50 mm et de 22 G sur le côté inférieur (distal) de la sonde à ultrasons.
Observer le mouvement des tissus et de l’aiguille pendant la progression de celle-ci vers l’objectif. Si l’on se fixe comme objectif le côté du paquet nerveux plutôt que le centre, cela rend le placement de l’aiguille plus précis (figure 9.7).
Une identification claire de la pointe de l’aiguille peut nécessiter de changer l’angle de la sonde en la bougeant d’avant en arrière.
Le nerf cutané latéral de la cuisse peut être bloqué séparément après avoir bloqué le nerf fémoral.
Procédure d’injection
Injecter lentement l’anesthésique local autour du nerf fémoral en positionnant l’aiguille de manière adjacente au nerf. Aspirer fréquemment pour éviter une injection intravasculaire par inadvertance. S’il existe une résistance à l’injection, des paresthésies sévères ou des crampes douloureuses au moment de l’injection, retirer immédiatement l’aiguille de 1 ou 2 mm pour éviter l’injection intraneurale.
Observer la diffusion de l’anesthésique local durant l’injection. Une collection hypoéchogène devra apparaître près du nerf et diffuser autour de lui. Observer la distension de la gaine et la formation d’un anneau hypoéchogène d’anesthésique local autour de la structure hyperéchogène du nerf. Rechercher si l’anesthésique local a diffusé autour du nerf cutané latéral de la cuisse – dans la négative, il peut être nécessaire de le bloquer séparément.
L’absence d’expansion des tissus peut être le signe d’une injection intravasculaire – aspirer et repositionner l’aiguille si nécessaire.
Repositionner l’aiguille au moins une fois pour assurer une diffusion circonférentielle complète de l’anesthésique local autour du nerf.
Balayer en proximal et en distal pour évaluer l’étendue de la diffusion de l’anesthésique local.
Bloc du nerf cutané latéral de la cuisse
Le nerf cutané latéral de la cuisse émerge des racines L2 et L3 et procure la sensibilité de la face latérale de la cuisse. Il entre dans la région de la cuisse à une distance variable, médial par rapport à l’épine iliaque antérosupérieure (plus fréquemment à 10 à 15 mm, mais parfois jusqu’à 50 mm) et profond par rapport au ligament inguinal entre les couches formées par le fascia lata et le fascia du muscle iliaque. Ce bloc peut être pratiqué en tant que tel ou en complément d’un bloc du nerf fémoral.
Préparation
Placer le patient en position allongée hanches et genoux en extension.
Dessiner à l’aide d’un stylo les repères de surface importants à utiliser pour déterminer le point cible pour l’insertion de l’aiguille (figures 9.8, 9.9) :
Technique
Préparer le champ en nettoyant la peau avec une solution antiseptique et mettre en place des champs stériles.
Identifier le point cible pour l’insertion de l’aiguille – 20 mm en médial et 20 mm en inférieur par rapport à l’épine iliaque antérosupérieure.
Faire une papule d’anesthésique local de la peau avec une aiguille de 27 G au niveau du point de ponction.
Piquer la peau au point cible avec une aiguille de 25 à 50 mm. Avancer l’aiguille postérieurement et légèrement latéralement jusqu’à ressentir un « pop » au moment du passage du fascia lata.
Utiliser une technique d’injection en éventail pour injecter 10 ml d’anesthésique local en latéral et médial par rapport au point d’injection de l’aiguille, à la fois profondément et superficiellement par rapport au fascia lata. Aspirer fréquemment pour éviter une injection intravasculaire.
Bloc du nerf sciatique
Le bloc sciatique (par voie postérieure, antérieure ou poplitée) a le potentiel d’être l’une des techniques d’anesthésie locorégionale les plus utilisées aux urgences et peut être précieux pour la prise en charge de la douleur après un traumatisme du membre inférieur (figure 9.10). Ce bloc est relativement simple et associé à un taux de réussite élevé lorsqu’il est fait correctement. Il est particulièrement bienvenu pour les blessures de la jambe, de la cheville et du pied. Il procure une anesthésie complète de la jambe en dessous du genou, à l’exception de la bande de peau médiale de la jambe, innervée par le nerf saphène. En association avec un bloc fémoral ou un bloc 3 en 1, on obtient une anesthésie de pratiquement l’intégralité du membre inférieur au-delà de mi-cuisse. En cas d’immobilisation du rachis, utiliser plutôt une approche antérieure ou poplitée qui nécessite moins de mobilisation du patient ou du membre blessé.
Approche postérieure à l’aide de repères de surface
L’approche traditionnelle postérieure pour le bloc du nerf sciatique est relativement simple et donne de bons résultats, mais possède l’inconvénient de nécessiter le repositionnement du patient, ce qui peut être difficile avec un membre blessé.
Préparation
Positionner le patient en décubitus latéral avec le côté à bloquer vers le haut. Fléchir la hanche et le genou à 90°.
Il est important que le patient garde la même position une fois que les repères ont été tracés. Des petits changements positionnels peuvent entraîner un changement significatif des repères en raison du mouvement de la peau, ce qui peut rendre difficile la localisation du nerf sciatique.
Tracer les repères de surfaces importants :
Les repères sont faciles à identifier chez la plupart des patients, mais veiller à bien palper chez les patients en surpoids ou obèses.
Tracer une ligne allant du grand trochanter à l’épine iliaque postérosupérieure ; marquer le centre de cette ligne ; le point cible pour l’insertion de l’aiguille est à 30 à 50 mm distal par rapport à ce point perpendiculaire à cette ligne (figure 9.11).
Technique
Préparer le champ en nettoyant la peau avec une solution antiseptique et mettre en place des champs stériles.
Identifier la zone cible pour l’insertion initiale de l’aiguille – un point 30 à 50 mm distal et perpendiculaire au centre d’une ligne joignant le bord interne du grand trochanter et l’épine iliaque postérosupérieure.
Faire une papule d’anesthésique local de la peau avec une aiguille de 27 G au niveau du point de ponction.
Piquer la peau au point cible avec une aiguille pour bloc de 75 à 100 mm avec un angle perpendiculaire au plan cutané. Garder le même angle pendant la progression de l’aiguille. Le nerf sciatique devrait être rencontré à une profondeur de 50 à 80 mm (figure 9.12).
Si un neurostimulateur est utilisé, garder la même technique d’insertion et, une fois la profondeur de la cible atteinte, rechercher les réponses des ischiojambiers, du mollet, du pied ou des orteils. Des contractions du muscle glutéal indiquent une position trop superficielle de l’aiguille. L’utilisation de la neurostimulation pour le nerf sciatique peut parfois être trompeuse car il est composé essentiellement de fibres sensitives. L’aiguille peut pénétrer complètement le nerf sans entraîner de réponse !
Aspirer. S’il n’y a pas de reflux sanguin, injecter 20 à 30 ml d’anesthésique local lentement en aspirant de façon régulière pour éviter une injection intravasculaire. Une injection lente augmente les chances de succès et diminue les complications. En cas de résistance à l’injection, d’apparition de paresthésies sévères ou de douleurs avec sensation de crampe au début de l’injection, retirer l’aiguille de 1 ou 2 mm pour éviter l’injection intraneurale.
Technique d’approche postérieure échoguidée
Ce bloc est un des plus difficiles de tous les blocs échoguidés. Bien que le nerf sciatique soit l’un des plus gros nerfs périphériques, il est souvent difficile à distinguer en raison de sa profondeur et des tissus adipeux.
Préparation
Positionner le patient en décubitus latéral hanche et genou fléchis.
Utiliser une sonde curvilinéaire (2 à 6 MHz) et sélectionner les préréglages appropriés.
Identifier la zone où commencer le balayage – la zone la tubérosité ischiatique et le grand trochanter (figure 9.13). Les repères de surface sont faciles à identifier chez la plupart des patients, mais faites attention à bien les visualiser car un excès de graisse détériore l’image.
Effectuer un balayage préliminaire non stérile afin d’identifier les éléments anatomiques importants et afin d’optimiser l’image par l’ajustement de la profondeur de champ (entre 40 et 80 mm), la focale et le gain. Marquer la position idéale de la sonde sur la peau à l’aide d’un stylo si nécessaire.
Préparer le champ en nettoyant la peau avec une solution antiseptique et mettre en place des champs stériles. Couvrir la sonde avec une gaine stérile et appliquer un gel pour ultrasons au niveau de la zone à examiner.
Technique
Approche dans le plan
Identifier la position du nerf sciatique dans son axe transverse en une zone pratique pour le bloc entre la tubérosité ischiatique et le grand trochanter.
Faire une papule d’anesthésie locale sous-cutanée au niveau du point de ponction (bord latéral de la sonde) avec une aiguille de 27 G.
Insérer une aiguille pour anesthésie locorégionale de 75 à 100 mm et de 22 G sur le côté latéral de la sonde d’échographie.
Avancer l’aiguille parallèlement à la sonde vers le bord du nerf (plutôt que de tenter de le toucher de face) tout en la visualisant sur l’intégralité de sa longueur en temps réel (figure 9.15). Les mouvements des nerfs peuvent être observés au fur et à mesure que l’aiguille s’en approche.
Approche en dehors du plan
Identifier la position du nerf sciatique dans son axe transverse en une zone pratique pour le bloc entre la tubérosité ischiatique et le grand trochanter.
Aligner les nerfs à bloquer au centre de l’écran. L’insertion de l’aiguille doit correspondre exactement au centre de la sonde.
Faire une papule d’anesthésie locale sous-cutanée au niveau du point de ponction avec une aiguille de 27 G.
Insérer une aiguille pour anesthésie locorégionale de 75 à 100 mm et de 22 G au niveau du bord inférieur (distal) de la sonde d’échographie.
Observer le mouvement des tissus et de l’aiguille pendant la progression de celle-ci vers l’objectif. Si l’on se fixe comme objectif le côté du paquet nerveux plutôt que le centre, cela rend le placement de l’aiguille plus précis.
Une identification claire de la pointe de l’aiguille peut nécessiter de changer l’angle de la sonde en la bougeant d’avant en arrière (figure 9.16).