9 Atteintes Frustes

DESCRIPTION DES PATIENTS PRÉSENTANT UNE ATTEINTE FRUSTE

Définition

Les patients présentant une atteinte fruste peuvent marcher sans aide technique et avec ou sans surveillance d’une tierce personne. Cependant, ils présentent un certain nombre de handicaps par rapport au sujet sain.

– Maladresse pouvant entraîner :

– pertes d’équilibre et chutes imprévisibles,

– détérioration de certaines habiletés motrices : fausses notes en jouant de la musique, bris d’assiettes en faisant la vaisselle, etc.

– Augmentation du coût énergétique entraînant une fatigabilité excessive et une diminution du périmètre de marche, et un arrêt prématuré des autres activités.

– Lenteur des mouvements, de la marche ou de la course.

– Augmentation de la demande attentionnelle : le patient doit se concentrer plus qu’un sujet sain pour améliorer ses performances.

Variété des tableaux cliniques

Il existe un grand éventail de pathologies et de tableaux cliniques qui répondent à cette définition :

– de l’indépendance totale malgré des tremblements d’action, inesthétiques mais ne gênant pratiquement pas la fonction,

– à l’impossibilité de marcher seul sans risque de chute catastrophique, avec une autonomie minime.

Présentation d’un patient en fin de récupération

Il s’agit d’un sujet sportif qui pratiquait régulièrement, avant son accident vasculaire, le cyclisme sur route (plus de 100 kilomètres à chaque entraînement) et le ski nautique.

Ce patient a présenté des malaises (avec perte de contrôle de sa voiture) attribués à un pouls trop lent (bradycardie) et un pacemaker lui a été implanté.

Cinquante jours plus tard, il a été victime d’un accident vasculaire cérébral avec syndrome cérébelleux typique et massif droit, empêchant toute déambulation et perturbant la fonction des membres supérieurs.

Ce tableau clinique évolue favorablement. Deux mois après son accident vasculaire cérébral, il présente un hémi-syndrome cérébelleux du côté droit en voie de récupération.

Les activités fonctionnelles et sportives sont progressivement reprises en rééducation, avec des conseils de prudence et de modération (numéro de dossier BS42).

Fig. 9.1 Cardiofréquencemètre pour éviter les efforts trop intensifs.

Le patient est équipé d’un cardiofréquencemètre permettant de surveiller le pouls et d’éviter les efforts trop intensifs.

En effet, le pacemaker évite au cœur de redescendre au-dessous de 60 pulsations/ minute, mais n’empêche pas l’accélération du pouls (voir aussi vidéos 9.1 à 9.9).

Cette reprise se fait sans problème étant donné la bonne récupération neurologique. Le patient reprend progressivement confiance en ses propres possibilités.

Fig. 9.2 Reprise de la marche en terrain varié.

Fig. 9.3 a, b, c, d, e et f Entraînement à la chute avant.

Se relever du sol après la chute (d à f) s’enchaîne naturellement et le patient peut même profiter de l’élan du mouvement. Le sujet effectue plusieurs répétitions pour roder le geste, affiner les détails de l’enchaînement et travailler l’endurance. Le sujet contrôle son pouls après chaque répétition. Le pouls est monté à 105 pulsations/minute, au cours de cet essai.

Cet entraînement à la chute se fait directement sur le sol dur et non sur un tapis, car les réactions ne sont pas les mêmes dans les deux cas. Le patient, qui a pratiqué de nombreux sports, retrouve progressivement ses anciennes habiletés motrices qu’il arrive encore à exploiter correctement.

Fig. 9.4 a, b, c, d, e et f Entraînement à la chute arrière.

Dans toutes les chutes bien contrôlées, l’amortisseur principal est constitué par la flexion des genoux. Le sujet passe par la position accroupie avant de basculer en arrière.

Le « relever du sol » après la chute se fait ici par un mouvement de bascule qui lui permet de repasser par les mêmes étapes, et en particulier par la position accroupie, comme dans un film en marche arrière.

Fig. 9.5 a, b, c, d et e Illustration d’une répétition des chutes en arrière (à comparer avec les photos précédentes).

Noter la manière dont le geste se modifie à chaque essai, en particulier, le « relever du sol » après la chute.

Fig. 9.6 Équilibre monopodal.

L’exercice (équilibre unipodal) est effectué facilement avec les yeux ouverts (plus de deux minutes sans perdre l’équilibre) aussi bien à gauche qu’à droite.

Fig. 9.7 a et b Perte d’équilibre monopodal et compensation.

Avec les yeux fermés, le patient ne peut tenir l’équilibre plus de quelques secondes (a). La perte d’équilibre est compensée :

– soit par une réaction de pas, encore appelée réaction parachute du membre inférieur non portant. Cette réaction s’accompagne de l’ouverture des yeux ;

– soit par l’ouverture des yeux, suivie de l’appui des mains sur la barre (b).

Remarque

De nombreux sujets sains et non sportifs sont également incapables de tenir debout sur un pied avec les yeux fermés pendant plus de quelques secondes.

Notre patient n’a donc pas de troubles de sensibilité profonde, il s’agit simplement de la limite de ses performances à ce stade de sa récupération.

Fig. 9.8 Équilibre debout les pieds joints et les yeux fermés.

La position debout, pieds joints, avec les yeux fermés, est appelée « test de Romberg ».

Ce patient peut tenir la position pendant plus de deux minutes : c’est donc trop facile pour lui !

Fig. 9.9 Équilibre en position de Romberg sensibilisé.

La position debout, un pied devant l’autre, est tenue sans problème, plus de deux minutes, avec les yeux ouverts. Avec les yeux fermés, cette position est appelée « Romberg sensibilisé ». Chez ce patient, elle est difficile à tenir pendant plus de quelques secondes.

Fig. 9.10 Trois pas en marche avant, puis trois pas en arrière avec les yeux fermés.

À ce stade de récupération, cet exercice est réalisé sans problème par le patient. C’est un exercice trop facile pour lui, il ne sera donc pas répété.

Fig. 9.11 Tapis de marche.

Sur le tapis de marche, on augmente progressivement :

– la distance, jusqu’à un kilomètre en fin de rééducation ;

– la vitesse, dans les dernières séances du séjour. Sur la figure réalisée en milieu de progression, la vitesse est de 4 kilomètres/heure.

Au cours de cette progression et pendant tout l’exercice, le patient ne doit pas se tenir pour travailler son équilibre. La distance parcourue s’affiche en permanence devant lui et constitue une connaissance extemporanée des résultats.

Pour diminuer la demande attentionnelle de l’exercice et favoriser l’automatisation de la performance, une seconde tâche peut s’ajouter au travail de la marche sans se tenir : jouer au ballon, mettre sa montre ou consulter le cardiofréquencemètre sans perdre l’équilibre et sans s’arrêter de marcher.

Fig. 9.12 Tapis de marche, fin de l’exercice.

En fin d’exercice, le patient appuie lui-même sur le bouton rouge qui stoppe la machine en douceur.

Fig. 9.13 Exercice d’équilibre acrobatique à but ludique et sportif.

En fin de progression, ce patient nous épate par ses multiples talents. Il réalise pour le plaisir cet équilibre acrobatique très esthétique, qui n’a aucune utilité fonctionnelle mais témoigne de sa bonne récupération et de ses capacités sportives très développées. Le retour bien contrôlé en position debout est tout aussi remarquable.

Fig. 9.14 Travail sur le statokinésimètre avec les pieds joints.

En position debout avec les pieds joints et les yeux fermés, on demande au sujet de garder l’équilibre et de ne pas bouger. La surface occupée par les oscillations du centre de pression est visualisée sur l’écran. Plus cette surface est petite et moins les oscillations sont importantes. Chez notre patient, cette surface est peu importante, ce qui témoigne de son excellente récupération neurologique.

Fig. 9.15 Travail sur le statokinésimètre avec les pieds à « 10 heures 10 », yeux ouverts.

Dans la position illustrée, avec les yeux ouverts, le patient utilise les oscillations de son corps comme un joystick.

Une petite chenille qui se déplace sur l’écran situé devant le patient, symbolise les déplacements du centre de pression. Il apprend rapidement à utiliser le déplacement du poids du corps pour diriger cette chenille. La position de la cible à atteindre varie de manière aléatoire.

Fig. 9.16 La course.

La course est reprise dans le gazon pour amortir une éventuelle chute mal contrôlée. La sonnerie d’alarme du cardiofréquencemètre est placée bien en deçà de la fréquence maximale d’un sportif sain de son âge (71 ans).

Au début, la course est un peu hésitante et ne se fait que sur 50 mètres au pas de gymnastique. En progression, la distance et la vitesse de course sont augmentées. Le patient contrôle son pouls régulièrement, en particulier, en milieu de parcours et à la fin de chaque essai.

Conclusion de ce cas clinique

Lorsqu’un patient sportif a la chance de bien récupérer après un accident vasculaire cérébral, il faut savoir exploiter pleinement son potentiel de récupération.

On reprendra progressivement les activités fonctionnelles, mais aussi les activités ludiques et sportives qu’il est encore capable de pratiquer.

Des conseils de modération et de prudence doivent accompagner cette réhabilitation.

TENIR UNE POSITION, ÉQUILIBRATION STATIQUE

Les exercices thérapeutiques que nous allons voir sont donnés à titre d’exemples.

L’imagination et la compétence du rééducateur doivent lui permettre de dépasser cette base pour s’adapter au cas particulier de chaque patient.

Quelques exemples

Fig. 9.17 Quantification du maintien de la position debout pieds écartés par chronométrage.

Fin de traitement d’une patiente présentant un traumatisme crânien avec syndrome cérébelleux, ayant eu la chance de bien récupérer (numéro de dossier D510, déjà présenté aux stades profond et intermédiaire). La kinésithérapeute compte tout haut, ce qui renseigne en temps réel la patiente sur sa propre performance. Il s’agit d’une connaissance des résultats (CR) au cours de la performance, encore appelée CR extemporanée. La CR est un facteur important de progrès.

L’exercice est effectué avec les yeux ouverts puis avec les yeux fermés.

Fig. 9.18 Tenir la position debout tout en dessinant.

Autre exercice pour la même patiente que sur la figure précédente. Il consiste à tenir la position debout et à dessiner au tableau sans se tenir au mur, sous la surveillance de l’ergothérapeute. Cette double performance permet la diminution de la demande attentionnelle. La patiente n’a plus besoin de concentrer toute son attention sur son équilibration. Il s’agit donc d’une automatisation de la position debout.

Fig. 9.19 Équilibre chronométré en position debout avec les yeux fermés.

Patiente présentant une sclérose en plaques au stade 4.5 sur l’échelle de Kurzke (numéro de dossier AL38) : indépendance toute la journée avec gêne modérée et périmètre de marche entre 300 et 500 mètres.

Exercice de difficulté moyenne pour cette patiente, à ce stade de la rééducation : tenir la position debout avec les yeux fermés et un écart entre les pieds de 8 centimètres. Le chronomètre s’arrête lorsqu’un déséquilibre contraint la patiente à ouvrir les yeux et à se raccrocher aux barres parallèles.

Fig. 9.20 a et b Travail de l’équilibre sur statokinésimètre.

Jeune patiente hospitalisée au centre de rééducation Pomponiana à la suite de l’ablation neurochirurgicale d’une tumeur de la fosse postérieure (numéro de dossierAL36).

Le statokinésimètre permet de travailler l’équilibre en position debout sous forme ludique, grâce à un logiciel de jeu. L’appareil détecte les déplacements du centre de pression, qui correspond à peu près à la projection au sol du centre de gravité du corps. Ces déplacements sont figurés sur l’écran sous forme d’une chenille qui avance lorsque le centre de gravité bouge. La patiente utilise les déplacements de son centre de gravité comme un joystick. Elle est amenée au cours des exercices :

– à stabiliser le centre de gravité de manière très précise ;

– à déplacer le centre de gravité à la limite de sa base de sustentation.

Fig. 9.21 Équilibre statique monopodal.

Patiente présentant une ataxie de Friedreich (numéro de dossier MJ26). On chronomètre la position debout monopodale droite et gauche.

Fig. 9.22 a et b Habituation aux sensations vertigineuses en position debout.

Patiente présentant une atrophie cérébelleuse congénitale (numéro de dossier BP40).

Pendant son enfance, les troubles sont peu gênants (impossibilité de marcher sur une poutre). Actuellement, elle marche seule avec une petite canne de sécurité dont elle se sert uniquement lorsqu’elle perd l’équilibre. Ces pertes d’équilibre sont très rares sur terrain plat. Lors des demi-tours rapides, des vertiges apparaissent (avec nystagmus), et la patiente risque de perdre l’équilibre.

Le séjour en centre de rééducation n’est pas lié directement à ce problème, mais aux séquelles d’une fracture de jambe, suite à un accident sur la voie publique. En fin de réédu cation de la fracture et après remise en charge, on tente de dédramatiser ces vertiges chroniques auxquels la patiente doit s’habituer (habituation).

Comme ces vertiges sont gênants en position debout, il est logique de travailler l’habituation dans cette position. La patiente doit :

– tourner trois fois sur elle-même (a),

– s’arrêter,

– rester en position debout avec les yeux ouverts, en dépit du vertige et sans se tenir aux barres parallèles (b),

– attendre la fin de la crise vertigineuse,

– se reposer pendant quelques instants,

– effectuer un nouvel exercice en tournant en sens inverse.

L’habituation peut être considérée comme un apprentissage négatif. Elle consiste à apprendre à ne pas réagir à un stimulus (le vertige). Des phénomènes d’habituation ont été mis en évidence dans toutes les espèces (de l’étoile de mer à l’homme).

Liste d’exercices

Ces exercices et les échelles d’évaluation sont donnés à titre d’exemples. L’expérience professionnelle de chaque rééducateur et sa connaissance du patient, lui permettront de choisir et d’adapter un exercice et son échelle d’évaluation, au cas particulier de chaque patient

On sélectionne un (ou plusieurs) exercice(s) à sa portée, ni trop facile (sans intérêt), ni trop difficile (risque de découragement).

Ces exercices sont classés du plus facile au plus difficile.

– Exercice important : debout pieds joints, sans appui.

– Debout pieds écartés, sans appui, avec les yeux fermés.

– Un pied devant l’autre, talon contre pointe.

– Exercice important : monopodal droit.

– Exercice important : monopodal gauche.

– Debout pieds joints, sans appui, avec les yeux fermés.

– Un pied devant l’autre, talon contre pointe (yeux fermés).

– Monopodal droit (yeux fermés).

– Monopodal gauche (yeux fermés).

– Monopodal droit avec mouvements des membres supérieurs.

– Monopodal gauche avec mouvements des membres supérieurs.

Échelle d’évaluation

Échelle de l’équilibre postural (tenir une position) – Performances temporelles (de 0 à 120 secondes)

0 : impossible

1 : sans aide pendant une seconde

2 : sans aide pendant deux secondes

3 : sans aide pendant trois secondes

Et ainsi de suite, chaque seconde compte jusqu’à… 120 : 120 secondes

DÉPLACEMENTS ET ÉQUILIBRE LOCOMOTEUR

Les exercices thérapeutiques que nous allons voir sont donnés à titre d’exemples.

L’imagination et la compétence du rééducateur doivent lui permettre de dépasser cette base pour s’adapter au cas particulier de chaque patient.

Fig. 9.23 Marche avec deux cannes à embout étoile.

Cette patiente présente une ataxie de Friedreich avec une scoliose chirurgicale opérée (arthrodèse vertébrale postérieure avec ostéosynthèse de Cotrel- Dubousset). Cette intervention chirurgicale a perturbé sa statique et son équilibre (numéro de dossier MM27).

Alors qu’elle marchait sans canne avant l’opération, il a fallu un véritable réentraînement de plusieurs semaines pour qu’elle retrouve enfin un nouvel équilibre, comparable à celui qu’elle avait en préopératoire.

La marche est d’abord reprise dans les barres parallèles avec l’aide de la kinésithérapeute. Les progrès rapides permettent à la patiente de marcher seule avec un déambulateur, puis avec des cannes à embout étoile.

Only gold members can continue reading. Log In or Register to continue

Related

Related posts:

3: Buts et Principes de Prise en Charge 4: Plan De Traitement 10: Que faire en cas de troubles associés ? 1: Justifications Théoriques et Bases de Réflexion 8: Atteintes de Gravité Intermédiaire 7: Atteintes Profondes

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Join

Full access? Get Clinical Tree